"Après avoir produit une douzaine de courts-métrages, nous avons décidé que notre long métrage serait constitué de plusieurs segments autonomes, qui présenteraient les matériaux que nous avions filmé dans chacun des espaces, sans que les différents endroits ne s’entrecoupent.
Le film suit une structure épisodique, passant successivement par la réserve de Pine Ridge au Dakota du sud, les camps de Balata et Dheisheh en Cisjordanie, le territoire mohawk d’Akwesasne sur la frontière Canada/États-Unis, les camps de Bourj al Barajneh et Bourj al Shemali au Liban et le territoire Navajo du Nouveau-Mexique et d’Arizona. Nous avions l’impression qu’en faisant des aller-retour d’un endroit à l’autre, nous courions le risque de mal rendre la spécificité de chaque lieu, et de créer de la confusion entre les réalités des camps libanais et cisjordaniens, ou entre Akwesasne et Pine Ridge, ce qui serait non seulement une grossière incapacité à transmettre différentes réalités sensibles, mais aussi une contradiction avec les objectifs politiques que nous avions pour le film. L’introduction, où nous avons choisi d’utiliser des archives venant à la fois de camp de réfugiés et de réserves, en créant une confusion intentionnelle quant à la certitude qu’auraient les spectacteurs de voir l’un ou l’autre de ces espaces était utile pour introduire notre conceptualisation croisée, notre juxtaposition théorique.
Dans le film, il n’est jamais dit « voici comment ces configurations spatiales, ou ces histoires sont similaires ou différentes ». Nous espérons que le film fonctionne comme une longue expérience de Kuleshov : la simple mise en séquence de deux images crée l’idée d’une logique entre elles, et donc une troisième image. Dans ce long métrage, le fait de regarder successivement des images de camp de réfugiés et de réserves autochtones crée l’idée d’une réalité qui n’est ni celle des camps, ni celle des réserves, mais qui est prend forme à partir des deux.
En ce sens, c’est dans la relation entre les différentes séquences, plus que dans les images elles-mêmes que réside le coeur de cette expérience cinématographique. Cette approche a probablement été inspirée par notre travail de curateur et de programmateur de films : nous considérons ici le cinéma comme une expérience physique qui se construit par l’appariement de différents films ou segments successifs les uns avec les autres.
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