Lutte des prostitué.es face à la répression

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Elles font tâche dans le décor, les personnes prostituées. Vous comprenez, des corps prêts à consommer sur des panneaux publicitaires, des produits divers à consommer à la Part-Dieu ou ailleurs, OK.

Mais hypocrisie de notre société, il reste bel et bien une activité marchande stigmatisée, déniée et toujours plus criminalisée : la prostitution. Il y a un an, Gérard Collomb (PS) anticipait le vote de la Loi sur la Sécurité Intérieure concoctée par l’UMP, dans la lignée lancée par le PS et la Loi sur la Sécurité Quotidienne. En effet, en septembre 2002, un arrêté du premier interdisait aux prostitué-e-s de travailler dans le centre-ville, ce qui obligea un certain nombre d’entre elles à se concentrer dans des lieux plus isolés, moins passants et donc plus dangereux pour elles, comme le quartier du marché-gare de Perrache.

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En février 2003, les « lois Sarkozy » entérinent le tout répressif, en faisant du racolage passif ou actif [1] un délit passible de 2 mois de prison et 3750 € d’amende. La conjugaison de ces décisions n’ont fait qu’empirer les conditions de travail, souvent déjà précaires, des prostitué-e-s exerçant à Lyon. Non seulement ils/elles se font harceler par les flics, mais le nombre et la gravité des agressions à leur encontre ne fait qu’augmenter depuis quelques mois [2]. Le Tribunal de Police de Lyon a jugé depuis début septembre au moins cinq procédures pour racolage passif : les cinq inculpées, quatre africaines et une albanaise [3], ont reçu des peines allant de 500 euros d’amende avec sursis à deux mois de prison avec sursis. Mais que vaut ce sursis si la prostitution est leur seule source de revenus ?

Au lieu de les aider à exercer leur activité tranquillement, la LSI dit bien ce qu’elle veut dire : les personnes les plus précaires, celles qui travaillent dans la rue, et surtout les étrangères, n’ont qu’à disparaître, que ce soit par l’intervention des autorités (harcèlement policier) ou du citoyen lambda (agressions, vols...) : maintenant, c’est politiquement correct. En tout cas, les concernées ne réclament pas plus de « sécurité », mais de pouvoir exercer leur métier « dans la décence et le respect d’autrui » . Y’en a qui peuvent en prendre de la graine.

Devant la situation de sans-droits dans laquelle on a repoussé les personnes prostituées, elles ont décidé de se mobiliser.

La BAC (!) veut virer les prostitué.es

En ce début d’année scolaire la répression commence sur les chapeaux de roue... ce début d’année ressemble étrangement à l’an dernier (voir au dessus). Tout comme l’année dernière notre chère municipalité (qui prend des cours de sociale démocratie chez Giuliani, maire de New York) a décidé d’harceler les prostitué-e-s pour nettoyer un autre quartier de Lyon. Cette année c’est donc le quartier de Perrache qui est visé. Cette répression est bien réelle et est motivée par un alibi qui arrange tout le monde : la tenue de La Biennale d’Art Contemporain à la Sucrière (quai Rambaud).

Soit disant la police serait juste intervenue pour enlever des camionnettes garées sur les emplacements réservés à la Biennale (Le Progrès du 22-09). Selon les prostitué-e-s la police passe régulièrement et les menace de les arrêter si elles-ils ne vont pas exercer ailleurs. Cependant, la police ne s’arrête pas là et procède à des gardes à vue et à des
contrôles d’identité prolongés (jusqu’à 45 mn) à souhait pour renforcer la pression.

Dans ce contexte là, les prostitué.es, soutenu.es par Cabiria, ont décidé de se mobiliser et d’organiser des actions pour protester contre la répression. La première a eu lieu le 18-09 vers 22 h rue Montrochet à Perrache et a rassemblé autour de 80 personnes (prostitué.es et individu.es venu.es en soutien). Ce blocage a provoqué des échanges houleux avec les automobilistes avec, entre autre, un crétin qui a traversé la foule en voiture.

Heureusement que les flics sont arrivés pour nous protéger ! Les flics se sont contentés de faire la circulation et le blocage s’est dissout de lui même vers 00 h 30. Les prostitué.es voulaient un rendez-vous avec la préfecture mais face au silence radio de cette dernière un second blocage a eu lieu le 24-09 vers 19 h sur les quais du Rhône au niveau de la Préfecture avec une cinquantaine de personnes. Après 1 heure de blocage et face au fait que la police devenait un peu plus menaçante que d’habitude le blocage s’est dissout.

Suite à ça, une quarantaine de personnes se sont rassemblées devant la mairie de Lyon le mercredi 1 octobre pour qu’une délégation rencontre notre cher maire. Lors de la parution de ce numéro, nous avons encore eu aucun écho de ce potentiel entretien avec un.e représentant.e de la mairie qui pour l’instant ne donne pas l’impression de se soucier de leur situation.

Mar et kartochka

P.-S.

CABIRIA, une association en danger.
Depuis 1993, Cabiria développe une action de santé communautaire sur les territoires de la prostitution lyonnaise (prévention MST-VIH, toxicomanie, lutte contre les exclusions) et, en parallèle, un pôle de recherche qui puise à partir d’une réalité de terrain les éléments qui permettent une meilleure compréhension et analyse du phénomène de la prostitution, de la situation des personnes prostituées et des rapports sociaux entre hommes et femmes dans l’ensemble de la société. Cabiria a aussi favorisé la mise en place de l’Université Solidaire qui vise à faciliter le rapport souvent violent que les prostitué.es ont avec la réalité qui les entoure (cours de français...). Cependant, aujourd’hui Cabiria a des problèmes financiers à cause de subventions qui n’arrivent pas, bien que M. Touraine, délégué à la tranquillité publique, assure que les subventions d’aide aux associations qui s’occupent de prostitution ont triplé depuis que la « gauche » est à la mairie... Le fait que des associations vieilles de 10 ans et faisant un réel boulot social d’aide aux précaires (Cabiria ne doit pas être la seule en France à ce jour) aient des problèmes financiers n’est pas un simple hasard mais est dû à un choix politique.
Site internet.

Notes

[1Le racolage passif, ça veut aussi dire que si vous vous promenez en minijupe, seule la nuit, vous pouvez vous faire embarquer si les flics estiment que vous racolez...une femme, africaine comme par hasard, en a déjà fait les frais et a passé une nuit au poste (journal des répressions de cabiria).

[2voir le journal des répressions de cabiria sur le web.

[3Les opérations ciblées de la police ont fait que jusqu’à présent, aucune personne de nationalité française n’ait été arrêtée.

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