Au Mexique, pas besoin d’état d’urgence pour criminaliser les luttes

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Arrestation et montage policier au Mexique : l’État poursuit sa guerre contre les militants en orchestrant l’incarcération d’un anarchiste habitant du squat la Okupache (texte issu du collectif de squatteurs de l’Okupache traduit par un camarade sur place).

Le soir du 24 février, un événement culturel pour la libération des prisonniers politiques était organisé au squat la Okupache sur le campus de l’UNAM [1]. Vers 21h30, Jorge Emilio Esquivel Muñoz, alias « El Yorch », militant anarco-punk et résident du squat, accompagne sa compagne prendre le bus non loin de là. A l’arrêt de bus situé avenue Universidad, ils rencontrent deux amis avec lesquels ils discutent, quand tout à coup, débarque un van blanc aux vitres teintées, sans plaque d’immatriculation, duquel surgissent une dizaine d’hommes en civil, rasés, taillés comme des militaires. Ces hommes sautent sur Yorch, le frappent et le mettent à terre, le tirent dans le van, et menacent avec des armes de poings tous ceux qui essayent de défendre Yorch. La compagne de Yorch revînt alors à l’Auditorio où se déroulait la soirée pour prévenir les autres. Dans un premier temps, ils pensèrent tous que Yorch allait se faire séquestrer et qu’ils ne le reverraient certainement pas. Vers 2h du matin sa compagne reçut un coup de téléphone de la part de la PGR (Procuraduria General de la Republica), lui informant que Yorch avait été arrêté par la police. Ce n’est que le lendemain, par les journaux et médias télévisés, que la société mexicaine apprit que Yorch était accusé de trafic de stupéfiant, car les policiers qui l’auraient arrêté auraient découvert qu’il avait un sac à dos, ou une mallette (deux versions officielles se contredisent) contenant 50 petits pochons de cocaïne, 26 pastilles de psychotrope, 300 grammes de marihuana et 400 pesos en liquide.

Après 24h de Garde à vue, la police communique publiquement sur le transfet de Yorch vers une prison fédérale d’Oaxaca, à 10h de route de la ville de Mexico, alors qu’en en réalité il sera envoyé dans la direction opposée à la prison fédérale d’Hermosillo dans le nord, à environ 30h de route, sans même avoir pu consulter un avocat… Jamais un détenu, même appartenant au crime organisé, n’est transféré aussi rapidement à 1900km de chez lui. Mais la police sait bien que le fait de changer d’État oblige à trouver un avocat qui connait les lois en vigueur dans l’État en question, ce qui est clairement une stratégie pour empêcher la défense de se constituer rapidement. Au Mexique la vente de drogue est un crime fédéral, dans le cas de Yorch, la peine serait aggravé pour vente dans un établissement scolaire. Il risque 20 ans de réclusion.

Il est clair que Yorch est innocent et qu’il s’agit d’un montage policier. Devant juste faire un aller-retour afin de revenir au squat, Yorch n’avait ni mallette ni sac-à-dos sur lui ! A l’heure actuelle, les camarades de Yorch essaient d’obtenir les vidéos des caméras de surveillance situées sur les lieux de « l’interpellation ». Mais comme les vidéos démonteraient l’accusation, l’UNAM prétend que ses caméras sont hors-services…

En effet, l’arrestation de Yorch, anarco-punk et artisan, est un nouveau coup bas orchestré par la police et l’État mexicain afin de criminaliser les militants anarchistes mexicains et relancer le débat sur la récupération de l’Auditorio Che Guevara par l’UNAM [2] Ce n’est en rien une arrestation isolée.

L’Auditorio Che Guevara est un lieu autogéré occupé depuis le mouvement étudiant de 1999-2000 par différents groupes selon les époques, mais souvent d’orientations anarchistes. Depuis son ouverture il a subi le harcèlement policier, des attaques de « porros », l’acharnement médiatique organisée par l’UNAM, le gouvernement et les médias de masses. Cependant, la répression envers cet espace (mais aussi envers tout le milieu anarchiste mexicain) s’est faite plus intense ces dernières années. En 2011, Carlos Sinhué, militant étudiant travaillant aussi à l’Okupache avait été retrouvé tué. La police avait conclue à un règlement de compte entre dealers. Le 3 mars 2014, un commando d’une trentaine de gros bras de l’Ecole Normale de Teneria, d’obédience staliniste, avait débarqué en pleine nuit pour reconquérir le lieu et le remettre à la communauté étudiante (entendez leurs alliés « étudiants rouges »). Ce commando avait alors torturé toute la nuit les 6 personnes qui dormaient sur place, dont Yorch. Le lendemain, une foule d’individus et de collectifs solidaire avec l’Okupache avait forcé les portes et reprit le lieu, tandis que le commando fuyait par les portes de derrière… Cet événement avait suscité un défoulement médiatique et une campagne diffamatoire orchestré par l’UNAM pour expulser les squatteurs. Mais pour l’institution, difficile de faire intervenir la police sur le campus. Depuis 3 mois avant l’arrestation de Yorch, plusieurs militants avaient reçu des faux sms informatifs, ainsi que des appels d’intimidation et des mails vérolés. Pour certains, la police à même débarqué chez eux. Et proférer des menaces directes. Bref, l’arrestation de Yorch semble être une action de plus visant à réprimer les espaces autonomes et à justifier que pour le bien de la communauté étudiante de l’UNAM, il faille virer ces dealers de l’université.

Face à cette nouvelle vague de répression, nous faisons appel à la solidarité nationale et internationale pour dénoncer cette attaque à la communauté en résistance. Nous faisons aussi un appel à don, car compte tenu de l’ampleur de la procédure juridique, les frais de justice dépasserons le 200 000 pesos (10 000€).

« Nous réitérons une fois de plus que nous n’attendrons pas votre approbation pour être libre. Aucune agression sans réponse ! Liberté au compagnon Yorch ! Solidarité avec tous les prisonniers ! »

Okupache, Ciudad de México, le 1/03/2016

Notes

[1l’UNAM est une université de Mexico qui a été le centre névralgique de nombre de mouvements sociaux au Mexique, c’est une des universités les plus grandes et les plus anciennes d’Amérique

[2l’université tente en effet depuis plusieurs années d’obtenir l’expulsion du squat.

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  • Le 11 mars 2016 à 19:38, par

    pour info, la solidarité financière sur place a permis de faire sortir avec caution le camarade en l’attente de son procès mais les charges qui pèsent sur lui sont extrêmement lourdes.

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