CPE et « travail » : Pistes pour la réflexion

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CPE/LEC/2006

Une critique de la stratégie de la gauche et du mouvement social sur le CPE et un appel à aller plus loin dans la critique du « travail », ainsi que des pistes pour dépasser la notion de travail telle qu’elle est prônée par la droite.

Sur cette question comme sur de nombreuses questions, j’ai l’impression qu’une fois de plus, le mouvement social et altermondialiste et la gauche en général, sont encore trop sur la défensive. Et non sur l’offensive.
C’est à dire, je trouve qu’elle se contente de dénoncer les reculades, de résister pied à pied aux différentes mesures prises par le gouvernement mais sans remise en cause du concept "travail", sans redéfinir le problème à sa manière, sans préciser ni déterminer un champ de compétences possibles et absoluments nécessaires pour évoluer humainement dans nos vies, nos activités salariales et de par le monde.
Faisant ainsi, elle laisse le champ libre à la conception du travail de la droite qui s’impose dans les esprits et dans le débat (Quel débat ? !). La gauche donnant l’impression de juste vouloir sauvegarder ce qui existe, en s’appuyant sur les mythes de la libération et de la construction du code du travail, des services publics, des assurances sociales collectives.

Certes ces mythes sont puissants et nous aident à résister et à expliquer que ces avancées ont été construites et ne sont pas tombées du ciel, mais rester arqueboutés dessus prête le flanc à la critique facile du style : "La gauche vit dans le passé, la droite vit dans le présent et la réalité", même si cette fameuse "réalité" libérale n’est pas non plus tombée du ciel, mais a bien été voulue, planifiée et donc construite également.

Les conditions de l’après-guerre ne sont plus les mêmes, et voulons-nous vraiment reconstruire les choses de la même manière qu’à cette époque ? Attendons-nous le retour des 30 glorieuses ?

Voulons-nous toujours croire au productivisme et à la croissance comme horizon indépassable ?

Je pense que ce qui se passe autour du CPE pourrait être l’occasion d’ouvrir un grand débat sur "le travail", dans lequel le mouvement social et la gauche seraient dans l’offensive et réouvriraient des tas de dossiers sur des sujets jugés tabous, lesquels considérés comme "il n’y a rien à discuter".
Ainsi définirions-nous une autre vision de la vie en société, la place du travail dans celle-ci, sa nature, mais aussi la vision même de l’humain prise en considération...

J’ai bien conscience que la raison pour laquelle cela ne se fait pas, est la peur des divisions qui pourraient transparaître à l’intérieur même du mouvement social et politique, entre diverses conceptions du travail justement.
Et je pense que l’on aurait sûrement plus à y gagner qu’à y perdre à faire cela, notamment ré-intéresser les gens à la politique en montrant qu’un autre monde est vraiment possible.
Qu’il est à créer ici et maintenant et non plus se limiter à dénoncer l’ancien monde, ce que Raoul Vanegeim appelle "coller au cadavre"(!), qui n’entretient que la déprime et tout au plus la colère.

Ce dont nous avons besoin est de l’énergie créatrice de ce nouveau monde pour le faire émerger un peu partout

Je vois plusieurs points :
Je ne developpe pas tout pour l’instant, je vous invite à compléter, à participer à ce débat...

-  La démocratie dans l’entreprise :

Est-il normal que l’on prône la démocratie partout, alors que principalement, les structures juridiques des entreprises ne sont absolument pas démocratiques ?
Faut-il se contenter d’avoir le droit, toujours plus menacé, de se syndiquer et de freiner un peu les ardeurs mégalomanes de son patron ?
Je pense que là-dessus, le débat doit être ré-ouvert de manière offensive. On ne choquera que le gouvernement, le patronat, les gens de droite, je ne vois pas de problèmes à montrer qu’il existe des tas de manières de faire autrement : Coopératives, services publics (redéfinis), associations et plein d’autres modèles encore à inventer...

- Les conditions de travail :

Ce point rejoint le précédent.
Nous dénoncons le travail comme source de stress, de soumissions face aux menaces et moyens de pressions divers, de harcèlements, de peurs, d’autoritarismes, de dépendances, de conditionnements physiques et psychologiques, de dépression, de dégradations de santé, de souffrances...
Nous dénoncons la taylorisation et l’utilisation de l’humain comme marchandise-employable-rentable et variable d’ajustement d’une "réalité" économique. L’humain robotisé qui se vide de son humanité...
Alors prônons de manière offensive le travail convivial, le travail créateur, comme source d’épanouissement de soi... Réconcicilions "le travail" avec l’humain, la vie, le respect, la créativité...
Cela veut dire que la convivialité au travail (Relire Ivan Illitch) est plus importante que l’efficacité et la rentabilité. Quel intéret à aller toujours plus vite ? On finit tous par mourir et on aura rien gagné, si ce n’est que de mourir plus tôt à cause du stress, on aura finalement perdu un temps précieux !
Notre rapport, notre façon de faire face au travail, les conditions, le respect sont plus importants que la finalité du travail, car en inversant cette logique, on met l’homme au service de la finalité et on ouvre la porte à toutes les dérives aliénantes possibles...

- La place du travail dans la société :

Le travail, s’il faut encore utiliser ce mot, doit créer du lien social et non individualiser les gens voire les séparer en mettant les uns au service des autres, corvéables à merci ou dans l’exagération des rôles client-serviteur (Le client est roi) ou autres abus de pouvoir, où tous les mépris sont possibles.
Le travail doit permettre des relations humaines conviviales et repectueuses. Il doit permettre de répondre à de réels besoins (urgences sociales, améliorations alimentaires, sanitaires, environnementales, aides pour le logement, la solidarité, le culturel...) et non de créer des besoins dégradants et absurdes dont la seule finalité est de tirer le maximum de consommateurs-vaches à lait.

-  L’écologie :

L’humain doit réfléchir à sa place dans l’écosysteme et aux perturbations qu’il engendre. Le travail doit être désormais compatible avec le respect de l’environnement. Cela veut dire arrêter de générer de la pollution, du gaspillage, de la surproduction.
Arrêter de construire des marchandises faîtes pour s’user rapidement et pouvoir en vendre d’autres. Arrêter les dévastations de terrains et de forêts, pour des productions inutiles et néfastes. Revoir le concept de l’alimentation et de l’exploitation des richesses naturelles qui appartiennent à tous et aux générations futures.

Cela veut dire sortir du productivisme et de l’idéologie de la croissance et aller vers une production de qualité pérenne et respectueuse. Ce qui permettra de réhabiliter l’artisanat, une forme de travail plus conviviale que celles de l’industrialisation et du taylorisme, et ainsi que de travailler moins. Car qui dit consommer plus, dit produire plus, exploiter plus, travailler plus, polluer plus, détruire plus, oppresser plus...
Il va de soi, remplacer tous les produits polluants par des produits respectant l’environnement, favoriser la protection, d’autres alternatives...

- La vision de l’humain :

Il faut sortir de la vision de l’humain-marchandise et aller vers un respect total de l’humain dans sa multiplicité. Cela veut dire que chacun doit avoir le droit de choisir librement son activité et de ne pas être infantilisé, mais plutôt, considéré, responsable, digne et capable d’évoluer.
Respecter le rythme des personnes désocialisées, leur permettre de reprendre une activité selon leurs possibilités, prendre le temps nécessaire à une reconstruction et une revalorisation de soi-même... Respecter le rythme de la vie, ses cycles, ses espaces : naissances, éducation des enfants, maladies, créations, activités personnelles, familiales, deuil... Le travail redéfinit ainsi, doit permettre à chacun de disposer du temps nécessaire pour vivre ces différents moments dans toute leur intensité et leur humanité...

- Remplacer la compétition par l’émulation, la coopération :

La compétion engendre le développement de l’égo, la séparation, la comparaison, la dépréciation, la peur de ne pas être à la hauteur, voire la haine de soi, sources de souffrances psychologiques.
L’actuelle logique de « la tête dans le guidon » pour être le meilleur, fait passer à côté de la vie et de ses richesses. Elle entretient des rapports avec les autres sous le signe de la rivalité, du conflit, de comportements égoïstes, sournois, agressifs et guerriers. Seules la coopération et l’émulation permettront en même temps de tirer le meilleur des relations humaines, de stimuler, d’attiser ce qu’il y a de meilleur en chacun.

- Remplacer la notion de "travail" par celle d’activité :

Pourquoi séparer activité rémunératrice et activité salutaire, bénévole, familliale ...Toutes les activités qui vont dans le sens de la vie, de la création de lien social, de l’épanouissement, de la protection, de créativité, d’utilité sociale sont respectables.
Et la réduction de l’activité à sa seule rentabilité marchande, crée une vision très réductrice, malfaisante...

-  Relancer le débat sur le revenu universel garanti :

Les nouvelles formes de créations, comme le logiciel libre, montrent que ce n’est pas avec la carotte et le bâton, que l’on permet à la créativité de s’exprimer favorablement.
L’humain n’est pas juste un reservoir de vices qu’il faudrait discipliner, mater, radier, punir, incarcéré, rééduquer, "éduquer", "former", insérer, contrôler ou obliger.
C’est un réservoir de ressources potentielles auxquelles il faut donner les moyens de l’expression et de l’épanouissement.
Ainsi un revenu garanti permettrait l’émergence de qualités humaines jusqu’ici méprisées et sous-exploitées. Des trésors de créativité pourraient voir le jour...
Les effets d’une telle mesure sur la qualité du vivre-ensemble de notre société, seraient inestimables.
Ne plus vivre à l’encontre de ses principes en alimentant un système qui nous fait horreur. Ne plus courber le dos sous le poids de la résignation, des menaces et de la peur. Ne plus craindre le discours dominant et culpabilisateur. Ne plus gâcher sa vie entière pour un concept de rendement économique. Ne plus jouer à la roulette russe, sa santé, physique, psychologique et l’avenir de tous et du monde.

- Créer une économie d’origine citoyenne :

Pourquoi ne pas imaginer, quartier par quartier que les citoyens se réapproprient l’économie, en créant des structures collectives répondant à leurs réels besoins et en utilisant les compétences des gens du quartier, en les valorisant, en allant chercher les richesses, les nuances qu’ils ont en eux complètement "ignorés" par l’économie classique ?
Pourquoi ne pas imaginer des manières de financer cela, par des sortes de souscriptions citoyennes où l’on récupère sa mise au bout d’un certain temps (Sans plus-value !), comme certaines initiatives les ont dejà lancées, ou bien à l’aide des structures de l’économie solidaire.

Créer ici et maintenant des structures qui nous permettent de nous passer des multinationales et autres entreprises vampiresques...

Il y aurait encore beaucoup à dire...

Réapproprions-nous ce débat ! Qu’il soit d’actualité partout !

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