Critique du genre et de la théorie Queer

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Point de vue critique sur le genre et la théorie Queer, revu à partir d’une première version publiée dans le Courant Alternatif de février 2008 (n°177) et en ligne sur le site internet de l’Organisation Communiste Libertaire.
Une version brochure du texte est également intégrée à l’article.

Avec l’émergence de la théorie queer, les questionnements sur le genre et la volonté de le déconstruire, semblent, pour certain-e-s, plus une mode qu’une démarche politique. Cette théorie présentée comme radicalement nouvelle, remettrait en question l’ensemble du mouvement féministe présentant celui-ci comme un mouvement revendiquant de manière homogène des valeurs identitaires de « femmes ». Pourtant, depuis 1949 Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir démontre largement le fait que le genre est une construction sociale... « On ne naît pas femme, on le devient »... [1]

La féminité et la masculinité n’existent qu’au travers de la perception bipolaire d’une réalité humaine. Ce système de pensée, qui s’organise autour d’un processus de classification hiérarchique des choses matérielles et abstraites ainsi que des êtres, est à la fois la cause et la conséquence de notre acceptation de la domination. Ce conditionnement mental intervient dès la naissance et se poursuit jusqu’à la mort, notamment par le langage, l’éducation, les jouets, la publicité et la prostitution et ce de génération en génération.

Mais il n’y a pas de fatalité car en tant qu’humain-e-s nous avons la capacité de nous redéfinir. Ni une quelconque divinité, ni la « nature » ne nous manipule. L’observation de sociétés très différentes de la notre montre qu’il n’y a pas de fatalité biologique, mais bien des constructions sociales à l’origine du genre. Chez les Chambulis, en Nouvelle-Guinée, de nombreuses caractéristiques dites masculines ou féminines sont inversées par rapport aux nôtres [2].

Toutes les caractéristiques que peut avoir une personne font partie de l’immense potentiel présent dans chaque être humain qui se décline en un nombre infini de variations. Ces variations sont étiquetées par l’idéologie dominante comme féminines ou masculines. Il en découle l’institution de catégories qui induisent l’assignation des personnes dans une classification hiérarchique.

Le recours à la biologie pour justifier la classification par catégories de genre n’est qu’un mauvais prétexte. On pourrait même faire appel à la biologie pour démontrer le contraire. En effet, y compris du point de vue biologique, il n’y a pas de rupture entre les femelles et les mâles, il y a un continuum.

De plus, les humain-e-s sont culturel-le-s plutôt que naturel-le-s jusque dans leurs anatomies. Les récentes découvertes en matière d’étude du cerveau humain démontrent la plasticité [3] de ce dernier. Le cerveau d’une personne se modifie pour s’adapter aux informations et aux attentes qui proviennent de l’environnement social dans lequel se trouve cette personne. Cette plasticité du cerveau permet l’évolution du rapport au monde et l’éveil du sens critique de la personne, mais elle la rend également vulnérable aux processus de conditionnements mentaux qui interviennent depuis la naissance. C’est ce que démontrait déjà en 1973 Elena Gianini Belotti avec Du côté des petites filles [4]. Il n’y a donc pas davantage de différence innée entre le cerveau d’un mâle et celui d’une femelle, qu’entre les cerveaux de deux femelles ou de deux mâles. La seule chose qui soit universellement partagée entre tou-te-s les humain-e-s, c’est le fait d’être doté-e-s de conscience. Mais « cette universalité n’est pas donnée, elle est perpétuellement construite » [5] et elle prend autant de formes que de cerveaux pour participer à sa construction.

Il ne suffit pas de « débiologiser le genre » pour détruire la hiérarchisation entre les caractéristiques dites masculines et féminines. Il est scientifiquement démontré qu’il n’y a pas de « races » au sein de l’humanité. Beaucoup de personnes en conviennent tout en agissant en racistes. Pour ces individu-e-s le concept « race » est débiologisé mais garde toute sa signification. Leurs actes restent les mêmes qu’avant la « débiologisation » de la « race ». Elle-il-s demeurent xénophobes et le problème reste entier. « 0% raciste-100% identité » peut-on lire sur certains de leurs sites internet.

Se dégenrer ce n’est pas passer d’un genre à l’autre, ni se situer entre les deux. Se dégenrer c’est détruire la catégorisation par le genre et non multiplier les catégories de genre. Définir comme une fin en soi le passage d’un genre à l’autre et affirmer qu’il suffit de cela pour dépasser le genre c’est admettre cette catégorisation comme une fatalité et l’entériner en s’y conformant. Par conséquent, on ne peut se dégenrer individuellement.
Une personne peut passer d’un genre à l’autre ou s’identifier comme étant entre les deux. Cela peut être important pour elle, et elle est la seule à pouvoir définir les conditions de son bien-être. Cependant, elle ne sera pas dégenrée tant qu’elle-même et la société identifieront ses caractéristiques comme féminines et/ou masculines, au lieu d’estimer qu’elles ne sont ni l’une ni l’autre, mais simplement les siennes, indépendamment de la forme de ses organes génitaux et de celle des personnes avec lesquelles elle a des relations sexuelles.

Ces caractéristiques sont modifiables, car en perpétuelle évolution en fonction des choix (par désir ou par dépit) que la personne fait consciemment ou inconsciemment. Elles sont aussi inaliénables et pourraient, à ce titre, être considérées comme propre à cette personne plutôt que servir de prétexte à son enfermement dans une catégorie. Si les caractéristiques humaines n’étaient pas classées en deux genres, l’identité de chaque personne ne serait pas réduite à l’appartenance à l’une de ces catégories. En revanche, amplifier la catégorisation par le genre en classant les personnes dans des catégories intermédiaires entre le masculin et le féminin ne fait que complexifier la lutte pour échapper à la classification.

La théorie queer prône, non pas l’abolition du genre, mais l’institution d’une multitude des catégories de genre définies et déclinées selon différents critères, confondant assignation dans le genre et sexualité (par exemples, les lesbiennes « butch », considérées comme masculines et les « fem », considérées comme féminines). « Introduire plus de degrés entre les pôles d’un continuum n’abolit pas ce continuum [...] Mais surtout cette position ne dénaturalise pas le genre. Elle le détache du sexe, certes, et donc de la naturalisation par la biologie. Mais elle considère le genre comme une dimension indispensable et nécessairement présente dans la sexualité. Le genre est ainsi re-naturalisé par un trait psychologique présumé universel, une « nature de la sexualité humaine ». » [6].

La théorie queer ne remet pas en question le principe même de norme, mais institue de nouvelles normes en maintenant la croyance en la féminité et en la masculinité, donc en maintenant la hiérarchie, puisque « le genre est un concept asymétrique car intrinsèquement hiérarchique » [7].

Elle présente les rapports sociaux entre les genres et les « identités de genres » comme deux notions indépendantes l’une de l’autre. Ceci est absurde car « l’identité de genre » d’une personne n’existe pas « en soi », elle est construite par les rapports sociaux (auxquels la personne participe) qui la conditionnent et la définissent.

Si je suis « féminine » c’est uniquement parce que je vis au sein d’une société qui croit au concept de « féminité » (dont la fonction est d’établir le « masculin » comme supérieur et universel ) et dont les règles et les représentations entérinent cette croyance ainsi que ce qu’elle produit dans les rapports sociaux.

Dans Queer Zone 1, Marie-Hélène Bourcier (sociologue et théoricienne queer) écrit : « La mise en perspective queer est fondamentalement déceptive en ce qu’elle invite à rompre avec des modèles politiques qui n’ont pas forcément fait la preuve de leur efficacité [...] la théorie et les politiques queer sont étrangères à une rhétorique de la libération ou de la révolution ». La théorie queer séduit car elle propose une « alternative » illusoire, plus rapide et plus facile, à la lutte révolutionnaire contre la domination. Ceci rappelle le rapport au temps (temps à rentabiliser) dans les schémas de pensée forgés par le capitalisme omniprésent qui exigent la performance et la rapidité, excluant tout projet de changement profond du système et des mentalités. Cette théorie est conforme au libéralisme actuel et à sa dictature de l’image et du narcissisme. En effet, elle ne remet pas en question le système de domination dont le genre sert les intérêts et mise beaucoup sur les aspects les plus superficiels du genre : ceux qui concernent les apparences... Une excellente publicité pour les industries du sexe et de l’esthétique qui illustre parfaitement la récupération commerciale du mouvement contestataire gay et lesbien des années 70 [8].

Dans Queer Zone 2, Marie-Hélène Bourcier défend la critique selon la théorie queer de ce qu’elle nomme « l’universalisme blanc hétérocentré », et contre lequel elle n’oppose rien d’autre qu’une position pro-communautaristes. Ce qui relève de la même logique que de s’affirmer pro-sectes pour combattre les religions dominantes. Cette apologie des communautarismes se traduit, par exemple, par un discours quasi admiratif à l’égard du voile islamique. Dans le même élan, elle stigmatise l’ensemble des adolescents des banlieues en faisant l’éloge d’un virilisme exacerbé qu’elle leur attribut à tous. Or, tous les garçons, où qu’ils vivent et quelques soient leurs origines culturelles et sociales subissent de très fortes pressions, de toutes parts, pour qu’ils fassent des démonstrations de virilité. Et lorsqu’on leur donne l’occasion de s’exprimer librement dans un cadre confidentiel où ils ne se sentent pas jugés, on se rend compte que pour la plupart d’entre eux il s’agit là d’une contrainte à laquelle ils se plient pour ne pas être exclus. Marie-Hélène Bourcier n’évoque même pas l’hypothèse d’une lutte pour l’inaliénabilité inconditionnelle de chaque personne. Comme si au sein des communautés, il n’y avait ni oppressions ni exploitations.

Contre le paritarisme, elle propose une politique de discrimination positive basée sur des quotas qui selon elle « conduiraient à des calculs plus proches de la réalité historique et culturelle ». À une mesure de discrimination « positive » elle en oppose une autre, se gardant bien de s’attaquer à la discrimination elle-même, qui même dite « positive » ne peut être que stigmatisante. Considérer les personnes comme des éléments interchangeables de leurs catégories identitaires c’est nier leurs individualités.
Il s’agit là d’une logique profondément essentialiste et d’ailleurs, Marie-Hélène Bourcier emploie de manière récurrente le terme de « race » sans jamais rappeler la non-existence scientifique de ce concept et le fait qu’il s’agit d’une construction sociale au service de la domination, comme pour le concept de genre.

Être éga-les-aux ne signifie pas être identiques. L’idéal républicain assimilationniste est l’expression du communautarisme de la communauté dominante. Il n’en est pas moins un communautarisme parmi les autres et n’a rien à voir avec la philosophie universaliste.
Il y a une différence entre déclarer qu’on est lesbienne, trans, hétéro, etc. et prôner le lesbianisme, la transsexualité, l’hétérosexualité, etc. comme norme exclusive de conformité à une idéologie quelconque. Les lesbiennes ne sont pas moins aliénées au patriarcat que les hétérosexuelles. Les homosexuel-le-s, les transgenres et les transsexuel-le-s ne sont pas forcément communautaristes, alors que certains hommes blancs hétérosexuels le sont, même s’ils s’en défendent, comme par exemples Nicolas Sarkozy, Philippe de Villiers et Jean-Marie Le Pen.

« L’implicite d’une préexistence des groupes à leur hiérarchisation laisse de côté la question de la construction des groupes en groupes : comment, pourquoi ont-ils été créés ? L’impossibilité de rendre compte de leur constitution par autre chose que la volonté de hiérarchiser les individu-e-s [...]est la clé de voûte de ma théorie. [...] cette logique de la « différence » s’impose de plus en plus à ces groupes dominés. De plus en plus on les entend « revendiquer leur différence ». Les revendications d’égalité se transforment en revendications « d’identité » »(6). Ces revendications peuvent déboucher sur une illusion d’égalité entre les catégories, mais pas sur une égalité entre les personnes. « Pour avoir droit à ce « respect » et à cette « valorisation », il faut absolument que les individu-e-s se tiennent dans les limites de ce qui est reconnu comme spécifique à leur groupe. [...] Mais surtout, ce que porte en elle la revendication identitaire qui propose une valorisation par l’appartenance de groupe, c’est la négation de l’individu-e au sens d’être singulier-e. [...] La revendication identitaire implique en effet l’obligation pour chaque membre du groupe de se conformer aux normes de ce groupe pour être reconnu-e, et d’abandonner l’individualité qui est permise aux membres du groupe dominant. Cette interchangeabilité des personnes, cette désindividualisation, c’est justement la situation dont les femmes essaient de sortir. La négation de l’individu-e, bien qu’elle soit prônée par les différentialistes, est cependant une négation des différences : des différences individuelles. » [9].

Les personnes ne sont pas les oppressions qu’elles subissent ni les stigmatisations dont elles font l’objet, mais ce qu’elles font face à ces oppressions et à ces stigmatisations. Il ne s’agit pas de nier l’existence de la catégorisation identitaire mais de visibiliser les différences individuelles pour démontrer, que chaque personne est unique et inaliénable.
C’est au travers de l’exercice du libre-arbitre que s’exprime la liberté potentielle de chaque individu-e, qui peut choisir de s’associer à d’autres (qui ne sont pas forcément assigné-e-s à la même catégorie identitaire) pour combattre la domination et/ou qui peut également les combattre par des actes individuels.

Comme le racisme, le sexisme nécessite une analyse et une lutte spécifiques. Mais pour être cohérentes, les luttes contre le patriarcat et le racisme ne doivent pas être étrangères à la lutte contre le capitalisme. Ces différents systèmes de domination sont intimement liés, du point de vue historique et idéologique, ainsi que par leurs interactions concrètes dans la réalité présente. Ne pas prendre cela en considération est insensé et inutile, à moins de se satisfaire d’une égalité abstraite entre des catégories identitaires.

La théorie queer s’inscrit dans la lignée des discours à la mode qui, de Sarkozy aux Indigènes de la République, célèbrent la « diversité » et les revendications identitaires au détriment de la lutte pour l’égalité. En théorie, comme dans les faits, cette célébration de la « diversité » n’est pas incompatible avec le concept nauséabond d’identité nationale parce qu’ils sont tous les deux fondés sur une vision essentialiste de l’humanité, une vision qui nie les individualités, divise les opprimé-e-s et nourrit les haines absurdes. La focalisation sur la notion d’identité n’est pas seulement sans intérêt, elle est aussi toxique.

Cette « valorisation de la diversité » permet de faire passer sous silence les inégalités économiques et de poursuivre la destruction déjà bien entamée de la conscience de classe des prolétaires. Les élites patronales et gouvernementales préfèrent avoir à faire à des communautés qui revendiquent leurs identités et demandent l’application de politiques de discrimination « positive », plutôt qu’à des prolétaires de toutes les couleurs et de tous les genres (qui se fichent pas mal de leurs couleurs et de leurs genres) uni-e-s dans la lutte pour l’égalité économique et sociale concrète et inconditionnelle, qui supprimerait les privilèges de ces mêmes élites. Car peut importe la composition des élites, le problème c’est quelles existent [10].

Dans un chapitre intitulé « La cité des femmes mais sans les putes » de Queer Zone 1, on peut lire : « cultiver derechef l’homologie entre lesbiennes et femmes, gaies et hommes, construisant par là même les gaies [...] comme hétéro-patriarcaux ou des dominants masculins ».
De même, dans le n°7 de Bang Bang (journal queer) intitulé Le Miracle de l’hétérophobie on peut lire, parmi d’autres articles allant dans le même sens, A propos de queer et du SM où Déborha Dioactiv déclare « Les hétéros et les bis ne sont pas assez radicaux à mes yeux puisqu’en pratiquant une sexualité avec des personnes de sexe différent, ils-elles se rendent complices et collabos d’un système hétérosexiste qui m’opprime dans mon quotidien et sont donc des traîtres ». Selon la théorie queer, les hétérosexuel-le-s et les bisexuel-le-s seraient donc forcément des « hétérosexistes ».

Comme le confirme le chapitre sur les « gouines SM radicales » dans Queer Zone 1, pour être reconnu-e par ses adeptes comme non « hétérosexiste », il faudrait obligatoirement n’avoir des relations sexuelles qu’avec des personnes de « même sexe » et se conformer à une sexualité soumise à une certaine forme de morale plutôt que de prendre simplement en compte nos différents désirs. Cette position rejoint la fameuse déclaration de Monique Wittig : « Les lesbiennes ne sont pas des femmes ».
Or, un-e individu-e se révèle machiste par des comportements et des prises de positions qui justifient et reproduisent la domination masculine, et le machisme prend autant de formes que d’individu-e-s, de tous genres et de toutes sexualités, qui le défendent.

La théorie queer fait aussi l’apologie de la prostitution comme en témoigne l’article de « ProstituteGayBubblesBoys » et l’interview de Diamant18Carrats par Olga Zmick, dans Le Miracle de l’hétérophobie. Ses adeptes se déclarent « pro-sexe » pour légitimer la prostitution. Cette expression replacée dans son contexte est celle de l’aliénation aux lois de l’apparence et aux clichés construits par l’idéologie puritaine.

Or, si on aime « le sexe », on tient à ce qu’il soit libre, et non pas aliéné au capitalisme... à moins d’être dans une souffrance qui pousse à l’autodestruction ou d’être capitaliste... Pour ma part, je préfère définir ma position à propos de la sexualité par le terme « pro-désirs » en opposition au terme « pro-sexe », car le consentement peut être le fruit d’un choix par dépit, d’une contrainte acceptée, d’une servitude plus ou moins volontaire. Faire l’apologie de la prostitution n’a rien de subversif, bien au contraire. Car la prostitution est à la fois un moteur et un produit du patriarcat, du puritanisme et du capitalisme. Là encore, la théorie queer ne s’oppose en rien au système marchand et aux inégalités économiques et sociales qu’il produit.

La théorie queer se revendique post-féministe, le féminisme serait dépassé et les féministes qui n’adhèrent pas à la théorie queer seraient tou-te-s des « hétérosexistes » qui n’ont rien compris. Dans le chapitre intitulé « Le SM métaphore politique d’une sexualité radicale gouine et gaie » de Queer Zone 1, Marie-Hélène Bourcier explique cette position : « Non les femmes ne sont pas étrangères au pouvoir. Voilà qui replaçait au premier plan la question du pouvoir et de son exercice remettant en cause l’équation pouvoir = mâle et l’un des combats centraux du féminisme : l’égalité dans la relation. À l’utopie féministe rêvant un monde hors pouvoir, les gouines SM ont proposé une vision réaliste des relations intersubjectives ». A lire Marie-Hélène Bourcier, on croirait presque que le monde entier doit aux « gouines SM » la découverte et la révélation du fait que les femmes ne sont pas étrangères au pouvoir. Comme si avant l’apparition des « gouines SM » il n’y avait jamais eu de reines, d’impératrices, de Margaret Thatcher, etc. ou comme si les féministes les avaient ignorées.

L’égalité dans les relations serait donc une utopie irréaliste... Celleux qui ne veulent pas remettre en question le capitalisme disent en général que l’égalité économique et sociale est une utopie irréaliste, qu’il y aura toujours des riches et des pauvres, des dominant-e-s et des dominé-e-s, qu’on y pourra rien changer, et invoquent la fameuse « nature humaine »... Voilà comment les dogmes essentialistes invitent à la résignation et à la lâcheté.

C’est nous-même qui construisons nos relations, et qu’elles soient considérées comme « sexuelles » ou non, nous en sommes à la fois les scénaristes et les act-rice-eur-s.
Il est possible de créer des relations égalitaires.
Cela ne dépend que de nous, aucune entité n’est responsable à notre place des actes que nous posons individuellement et collectivement. Les relations de pouvoir ne sont pas « incontournables entre deux personnes ».
Elles sont le fruit d’une construction sociale et non la manifestation d’une essence prétendument humaine. La domination dans les relations inter-individuelles n’est pas une fatalité et sa seule issue n’est pas de se dominer chacun-e son tour.

Par ailleurs, il y a plusieurs courants dans le féminisme. Certains de ces courants s’opposent radicalement au point de rendre floue la définition du « féminisme ». Il est plus facile de se déclarer féministe que de l’être réellement. C’est ce que font de nombreuses personnes et organisations qui considèrent néanmoins la lutte contre le patriarcat comme une lutte secondaire et prennent des positions incohérentes. Certaines d’entre elles se déclarent féministes pour étouffer les débats et brouiller les pistes. De même que certaines organisations d’extrême droite se déclarent anti-racistes pour mieux faire passer leurs discours xénophobes et identitaires.

Malheureusement, il est prématuré de parler de post-féminisme, alors que les personnes assignées à des catégories dites « féminines » sont encore victimes de tant de violences, de négation de leur humanité, de chosification, et d’injustices sociales et économiques. Alors, comme ces féministes qui ne sont pas « réalistes », je rêve donc je suis libre de créer, partager, résister et me battre pour tendre vers l’utopie.

Mélusine Ciredutemps

P.-S.

Une première version de cet article a été publiée dans le Courant Alternatif de février 2008 (n°177) et est en ligne sur le site internet de l’Organisation Communiste Libertaire :

http://oclibertaire.free.fr/spip.php?article305

En version brochure :

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Critique du genre et de la théorie queer (format brochure 8 pages A5)

Notes

[1Simone de Beauvoir - Le Deuxième Sexe (Tomes 1 et 2).

[2Margaret Mead - Mœurs et sexualité en Océanie.

[3Catherine Vidal - Le cerveau a-t-il un sexe ?

[4Elena Gianini Belotti – Du côté des petites filles.

[5Jean-Paul Sartre - L’existentialisme.

[6Christine Delphy - L’Ennemi Principal. Tome 2 : Penser le genre.

[7Guillaume Carnino - Pour en finir avec le sexisme.

[8Sheila Jeffreys – Débander la théorie queer.

[9Christine Delphy - L’Ennemi Principal. Tome 2 : Penser le genre.

[10Walter Benn Michaels – La diversité contre l’égalité.

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