De défaite en défaite jusqu’à la victoire finale ?

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Photos de la mobilisation lyonnaise et tract de la CNT Recherche pour la manifestation du 20 mai.

De défaite en défaite jusqu’à la victoire finale ?

Ou « voilà à quoi ça mène de prétendre discuter avec le gouvernement sans un solide rapport de force reposant sur la base. »

Un tel rapport de force a bien existé, en mars 2004, sous la forme d’un mouvement large et revendicatif. Mais quelques effets d’annonce puis la mise en place des États Généraux (EG) ont très efficacement chloroformé la mobilisation. Bien élevés, les chercheurs ont délaissé la rue pour s’engouffrer dans le piège tendu par le ministère : "Vous aurez des crédits si vous proposez une réforme profonde du système de recherche", tous convaincus que celui-ci était effectivement lourd et obsolète. Sans vouloir défendre le système actuel, déjà en grande partie au service des puissants et de l’industrie, l’origine de la crise était clairement à chercher du côté du ministère qui a savamment orchestré la pénurie des moyens.

À l’automne 2004 paraît le rapport final des États Généraux, détaillant les demandes chiffrées et les réformes structurelles proposées par la "communauté scientifique". Pourtant, de nombreux personnels n’ont concrètement pas pu participer aux débats : les "petites mains" étaient alors accaparées par le fonctionnement quotidien des laboratoires. Car même pendant cette "mobilisation historique", la Science devait bien évidemment continuer à avancer. Que réclament les chercheurs ? Un Comité de Financement des Projets Scientifiques (CoFiPS) pour accroître la réactivité de la recherche et lui rendre son autonomie. Ou encore des Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES), pour mutualiser les moyens et favoriser la valorisation de la recherche.

Ils ne seront que trop bien entendus. Début 2005 sont créés, par décrets, une Agence Nationale de la Recherche (ANR), finançant sur appel d’offre des projets "à coût complet" dans une opacité totale, ainsi que des Pôles de Compétitivité. En bref, des usines à CDD fortement assujetis aux intérêts privés. Le projet de loi d’orientation et de programmation (LOPRI) qui sort en janvier prend lui aussi complètement à contre-pied le rapport des EG. Mais face à ces attaques, que reste-t-il ? Le mouvement est très affaibli, la base ne se mobilise plus que très sporadiquement, lors de rares manifestations. Parallèlement, à Paris, le "comité de suivi des EG" et la délégation intersyndicale, loin d’exiger l’abrogation de ces décrets avant d’initier toute discussion, multiplient les réunions au ministère et réclament une loi, et vite, de peur qu’elle ne soit repoussée à 2006.

Quel est le bilan net d’une telle stratégie ?

C’est simple : alors que les précaires n’ont pas vu leur situation s’améliorer d’un iota et qu’aucune des revendications du mouvement n’a été clairement satisfaite (programmation pluriannuelle des postes statutaires, renforcement des crédits de base, résorbtion de la précarité), absolument tout ce que l’on pouvait craindre s’est étrangement matérialisé sous nos yeux avant même que ne soit votée la loi : ANR, pôles de compétitivité... Le parallèle avec l’enseignement supérieur montre toute la cohérence du projet gouvernemental : la réforme LMD/ECTS et la "modernisation des universités" poursuivent exactement les mêmes buts. D’un côté de vagues promesses (les 3000 postes supplémentaires pour 2005), de l’autre, des attaques bien concrètes. Chaque décret accepté ainsi avec résignation est un recul grave, que quelques postes créés ne compenseront jamais.

Il n’y a rien à espérer des négociations avec le ministère !
La mobilisation doit reprendre de la base et s’organiser lors d’assemblées générales régulières.

Et il ne suffit pas de dire que les réunions sont ouvertes à tous. Tant que du temps n’est pas clairement dégagé pour l’ensemble des personnels, tant que l’on acceptera pas de ralentir la marche de la Science pour se donner les moyens matériels d’une réflexion commune, seul le sommet de la hiérarchie sera en mesure de participer et l’on peut se demander si le résultat ira dans le sens de l’intérêt général.

Pourquoi faut-il rejeter l’ANR en bloc ?

Tout d’abord parce que la gestion de la recherche par projets implique directement la précarisation de ses personnels. Accepter cette agence, c’est se résigner à l’institutionnalisation de la misère dans la recherche, par l’enchaînement de contrats précaires sans aucun avenir. Mais aussi parce qu’elle rend impossible le développement d’une recherche à la fois indépendante de l’État et des industriels, et vouée à l’émancipation en développant l’autonomie de tous les individus. Au contraire, le financement à outrance des nano et autres biotechnologies, avec comme seul but l’innovation technique (on parle désormais de technoscience), entretient un besoin croissant d’experts, de spécialistes, et parallèlement nous dépossède de la capacité à comprendre et à maîtriser nos conditions de vie. Les technologies actuelles, au coeur du système économique capitaliste, nous asservissent plus qu’elles ne nous libèrent.

Contact CNT Recherche 69 : cnt.lyon1 (arobase) no-log.org

P.-S.

L’appel à manifestation pour le 20 mai : Manifestation « Sauvons la Recherche » le 20 mai.

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