De l’absence de démocratie dans les AG étudiantes de Lyon 2

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Voilà déjà cinq, peut-être six assemblées générales étudiantes où je trompe mon ennui et mon énervement face au triste spectacle de mes camarades étudiants. J’entends bien décrire ce qu’il s’y passe pour tenter de vous y faire réfléchir.

Que l’on me comprenne bien, l’assemblée générale est pour moi l’organe légitime de la lutte, celui où les débats doivent avoir lieu, celui où les informations circulent. Celui aussi où doit se dessiner, par le biais des discussions et des échanges l’avenir collectif d’une lutte. Celui où tout le monde peut s’exprimer et participer aux prises de décisions collectives. Le lieu donc, et avant tout, car c’est le seul à avoir cette légitimité, de décider de ce qui est de l’ordre du collectif [1] dans une démarche de démocratie directe.

Mais c’est bien là que le bât blesse. Je me sens mal quand j’écris, ou lis dans un tract, le mot démocratie, le mot autogestion, à coté du terme assemblée générale, tant la réalité à laquelle j’assiste en ce moment sur les campus de Lyon II est éloignée de ce que m’évoque le concept même de démocratie. Pour moi une assemblée générale doit être le lieu où chacun a accès à la parole, au débat, à la décision. Aucun de ces aspects n’existe dans les assemblées générales de campus [2], pire on va malhonnêtement les proclamer haut et fort pour légitimer les décisions prises dans des AG qui ne présentent aucun de ces aspects.

Microcosmes des jeux de représentation, tant politiques qu’individuels, des relations de pouvoirs, de l’incompréhension et de l’autisme, tantôt inconscient, tantôt volontaire, les AG ne sont ici que le triste reflet des comportements que nous dénonçons dans la société. En tentant de détailler ces réalités, je ne cherche évidemment pas à animer des querelles de personnes ou d’organisations mais bien de tenter, par la prise de conscience de ces phénomènes, de les faire disparaître, de s’en émanciper, et ainsi de ne plus avoir honte des pratiques sur nos campus mais de pouvoir les transformer en auto-organisation responsable, réfléchie et constructive, en un mode d’organisation collectif viable.

Le premier constat est évidement lié à des réalités organisationnelles héritées de la situation précédant le mouvement : l’affrontement d’influence entre deux syndicats (UNEF, FSE) et quelques organisations politiques (AJR ou LO entre autre) est criant, il n’est pas nécessaire d’être militant de longue date pour s’en apercevoir. Si un certain nombre d’accusations portées sont réelles (attitude de l’UNEF pendant la lutte contre la LRU par exemple) elles ne sont ici que prétexte à des luttes d’influences entre structures se considérant objectivement comme concurrentes. Concurrentes tant sur le plan de la représentation (elles se veulent l’expression légitime du mouvement, l’interlocuteur privilégié face à l’autorité) que sur celui de la volonté de croissance de ces structures par le recrutement de nouveaux adhérents (abattre politiquement l’autre, c’est permettre à sa structure de s’approprier l’espace public et l’audience de l’autre). Le premier de ces deux aspects est déjà inquiétant en soi : il signifie que ces structures mettent leur logique d’évolution et leur statut politique au dessus de celles des outils d’auto-organisation des étudiants, à savoir les AG. Dans ce cas-là on peut se demander quelle légitimité ont ces organisations à participer aux AG quand le mouvement ne leur sert finalement qu’à assouvir leurs objectifs propres, potentiellement au détriment de ceux exprimés collectivement par une structure à laquelle ils participent pourtant activement. Cette contradiction explique en partie les comportements agressifs, irrespectueux d’autrui et des règles collectives, que l’on a pu observer chez ces individus. Je ne reviendrai pas sur le deuxième aspect, celui du « recrutement » puisque le fait que des groupes qui s’opposent, selon eux, aussi profondément sur le fond politique, puissent chercher à attirer dans leur sein la même population d’individus est déjà une contradiction assez explicite.

Au-delà de ces logiques structurelles, les comportements individuels sont partie prenante de ces logiques. Si les personnes appartenant à ces structures peuvent développer les comportements que je vais maintenant tâcher de décrire pour les raisons expliquées plus haut (et d’autres raisons, plus personnelles), c’est aussi le cas de nombre de personnes qui ne sont soit pas organisées dans une structure politique, soit inscrites dans des structures dont la faible audience ne permet pas une telle lutte d’audience publique.

L’ensemble de ces comportements, qui peut être propre à un individu comme à une temporalité précise, non seulement s’oppose frontalement aux intérêts collectifs mais de plus dessert aussi l’expression et l’action individuelles en participant à une logique globale de blocage des débats et des prises de décisions.

Le type d’action la plus évidente est celle de « foutre le bordel » dans une AG, sous toutes les formes que cela peut comprendre : cris, insultes, invectives à travers la salle, absence de respect des tours de paroles, etc. Ces comportements peuvent découler de plusieurs motivations : opposition à la personne ayant la parole, mécontentement vis-à-vis des décisions précédentes, des dernières AG, voir de l’évolution globale du mouvement. Elles témoignent surtout d’une incapacité manifeste à respecter les choix et décisions d’autrui quand ils divergent des siennes. De plus, en empêchant la compréhension et l’écoute mutuelle, loin de satisfaire à ce qui les a motivées, elles tendent bien souvent à accentuer les motifs de rancœur ou de colère.

De façon plus vicieuse, il est facile de manipuler une assemblée générale, et un certain nombre de groupes ou d’individus ne s’en privent pas. La répartition d’un groupe dans la salle pour faire croire, en applaudissant, qu’il s’agit d’une volonté de l’ensemble de l’AG et pas seulement d’un groupe précis, a déjà été vue depuis le début du mouvement. Les actes de menaces sont eux aussi nombreux : déplacement en groupe pour faire physiquement pression, prise à partie à l’extérieur de l’AG, menaces sur une personne, pression sur la tribune par présence massive autour d’elle, sont autant d’action menées à l’encontre de la démocratie directe. L’utilisation de la tribune à des fins politiciennes (noyautage par un ou plusieurs groupes politiques, pressions diverses, mais aussi non-respect des règles collectives exprimées par la tribune) est elle aussi commune aux manipulations que nous avons pu observer. Ces comportements témoignent d’un manque de respect criant vis-à-vis de l’expression collective. Le fait de voter les propositions à la fin des AG et non pas à la fin des discutions les concernant participe aussi à une logique de manipulation : à la fin d’une AG ne reste souvent, surtout si l’AG a été houleuse, que les « militants professionnels » et les débats sur la question sont lointains, il est alors facile de faire oublier les objections exprimées auparavant et de faire voter n’importe quoi. Les débats stériles et les répétitions d’un même discours par plusieurs interventions de suite jouent aussi un rôle de blocage des débats et permet soit à un groupe d’appuyer sa présence par plusieurs interventions, soit à plusieurs groupes d’affirmer successivement un même point de vue politique qu’ils croient pourtant leur être uniquement propre. La monopolisation des tours de paroles, par un groupe politique ou un individu en particulier participe aussi à limiter l’expression de ceux qui ne prennent pas souvent la parole.

Je ne reviendrai pas sur les « fausses » AG qu’un groupe particulier créera de toute pièce pour légitimer ses décisions ou ses mandatés pour les coordinations. La démagogie de ce type d’acte est en soi évidente.

Des solutions structurelles ?

Bien sûr, la première solution à l’ensemble de ces comportements reste l’auto-discipline des individus, toutefois il est possible de limiter certains aspects par des choix structurels en AG. Par exemple l’utilisation d’une double liste, laissant systématiquement la parole à ceux qui n’ont pas encore parlé face à ceux qui monopolisent les tours de paroles, permet une meilleure répartition de l’expression individuelle. De même la rotation des personnes à la tribune, et la présence à celle-ci de personnes non-syndiquées, permet d’éviter les logiques partisanes dans une certaine mesure, à condition d’empêcher les groupes en présence de faire pression ou de ne pas respecter la tribune. Le fait d’« interdire » à un groupe ou à quiconque d’occuper l’espace immédiat autour de la tribune peut empêcher les menaces physiques. Le fait de refuser la parole à ceux qui interrompent les autres est aussi un choix possible. Toutefois il faut évidemment être vigilant vis à vis de ces restrictions qui peuvent aussi bien permettre de freiner les comportements anti-démocratiques que tomber dans l’arbitraire si le collectif n’est pas garant de leur tenue.

Un autre moyen serait de changer de logique organisationnelle au sein de Lyon 2. Le fait qu’une AG de 500 personnes soit dérisoire au vu des 28.000 étudiants de l’université peut nous faire réfléchir. Le fait que les AG de faculté se passent bien mieux, qu’elles soient commune étudiants/enseignants aussi. Leur plus faible échelle permet également un accès plus facile à la parole et une tenue des débats plus calme. De plus, la répartition par discipline freine évidemment les logiques groupusculaires en morcelant les groupes politiques. On peut imaginer un système où les AG de faculté désignent des mandatés impératif qui se réunissent pour comptabiliser les voix et transmettre les questionnements de chaque AG. Une AG voulant faire voter un point précis le propose par le biais de ses mandatés à toutes les autres qui votent chacune de leur coté. Les mandatés rapportent ces votes et le résultat est alors véritablement représentatif de la population universitaire mobilisée et non plus des pressions démagogiques des AG de campus. Ce type de fonctionnement (fédéraliste, mandat impératif et révocable) est éminemment souhaitable à d’autres échelles, comme par exemple à celle de la coordination nationale étudiante pour éviter que cette dernière ne deviennent un outil exécutif et décisionnel dont les choix s’imposent aux Assemblées Générales étudiantes, ce qui est la volonté explicite de certains groupes.

L’assemblée générale doit nous permettre de nous organiser en respectant les choix de chacun, de mener des actions collectives, tant ponctuelles que structurelles, et ainsi de faire évoluer nos réalités collectives. Nous serions bien sots d’avoir la prétention de changer la société si nous-mêmes ne sommes pas capable d’auto-organisation.

A bon entendeur.

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Autogestion signifie gestion par soi-même : du grec autos « soi-même » et du latin gestĭo, « gérer ». Dans sa définition classique, c’est le fait que, pour un groupe ou une structure considérée, les décisions sont prises par ce groupe ou l’ensemble des personnes de la structure considérée. Cette définition peut s’appliquer en France à un grand nombre d’associations par exemple.

Il existe cependant une autre définition, plus politique ; y sont intégrés d’autres paramètres avec une certaine variabilité. Ses postulats sont la suppression de toute distinction entre dirigeants et dirigés, la transparence et la légitimité des décisions, la non appropriation par certains des richesses produites par le collectif, l’affirmation de l’aptitude des humains à s’organiser sans dirigeant. Cette définition se construit en général explicitement contre des pratiques qualifiées de hiérarchiques, autoritaires, verticales, contre des formes de dépossession que constituent certains modes d’organisation. En d’autres termes, ce type d’autogestion, permet une réappropriation d’une forme d’organisation collective. Par ailleurs, cette définition permet des pratiques d’autogestion qui ne se limitent pas au seul champ économique.

Source : wikipedia

Notes

[1En effet, toute action peut être menée sans décision de l’AG si elle n’engage pas la collectivité, chaque individu a le droit d’agir, seul ou collectivement, sans décision d’AG !

[2Je met volontairement à part les assemblées générales de facultés qui s’inscrivent dans d’autres logiques et ne présentent pas les mêmes réalités, ne serait-ce que de l’une à l’autre

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  • Le 27 mars 2009 à 12:16, par David

    Pour avoir également fréquenté de nombreuses AG durant différents mouvements, je ne peux qu’aller que dans ton sens pour ce qui est des améliorations d’écoute et de respect à apporter à ces assemblées.

    Cependant, comme Croco, je pense que la forme même des AG est une hypocrisie qu’il faudra qu’on ait un jour le courage de briser car c’est plus de la démocratie de bonne conscience qu’un véritable organe légitime et souverain.

    J’attirais donc votre attention vers ce blog qui semble décortiquer parfaitement le fonctionnement des AG et pourquoi il faut inventer un autre moyen de lutte.

  • Le 21 février 2009 à 12:52, par jules

    J’ai trouvé un blog où ils index les actus sur le mouvement si tu veux compredre
    c’est infomouvementpecresse.blogspot.com .
    ils font une revue de presse tout les jours et ca permet de suivre l’evolution du mouvement en france

  • Le 18 février 2009 à 18:51

    LA différence de fond résidant dans le fait que l’on parle ici de « mandatés », qui plus est « impératif et révocable ». Ce qui sous-entend qu’ils ne sont pas élus sur un programme qu’ils sont libre de suivre ou non mais désignés par la collectivité pour porter strictement le choix validé collectivement auparavant. Et cela diffère sur le fond du système des « députés », qui débattent et choississent entre eux, ce que n’ont pas à faire les mandatés : si une décision ne peut être prise car les AGs ne se sont pas positionnés dessus, ce n’est pas le mandaté qui choisit mais la question redescend dans les AGs pour être débattue et décidé collectivement et démocratiquement. Chaque choix reflète alors la réelle décision de la base dans ce système fédéraliste revendiqué par le mouvement anarchiste. L’aspect révocable fait qu’un mandaté peut voir son mandat remis en cause face à la collectivité sur simple demande argumenté de n’importe quel individu membre de ladite communauté.

  • Le 18 février 2009 à 15:42, par un autr’chien

    Je vais mes etudes a la fac a Vienne en Autriche. J’ai passé un annee à Lyon2 et je suis de temps en temps les activités à Lyon.
    Je n’ai pas encore vraiment compris, pourquoi vous etes en grève, mais je le decouvrirai...

    J’ai lu l’articel sur l’absence de démocratie et je vois aussi ces problemes. J’ai été aussi dans quelques AG et je les ai trouvé pas tres democratique.

    À Vienne je suis aussi militant à la fac et je me demande, si c’est possible, qu’on publie cet article à notre prochain journal ? On peut le traduire en allemand.

    Et peut-être il y a aussi quelqu’un qui veut ecrire un petit rapport sur les evenements à Lyon et en France.
    Contactez-moi : dominik.wurnig@oeh.univie.ac.at

  • Le 17 février 2009 à 13:41

    Pour une fois que je trouve un article intéressant et pensé !!

    Je partage tout à fait l’avis de l’auteur en ce qui concerne l’aspect adémocratique des Assemblées Générales. Il est facile de manipuler la plèbe, surtout si elle est jeune et peu informée. De plus, C’est souvent (pour ne pas dire systématique) que des personnes posant un point de vue différent de la majorité se fait huer, intimider (quand ce n’est pas pire) par les partisans. Pourtant, le débat est une chose constructive. Si tout le monde est d’accord, rien ne sert de voter... Quelle ironie, alors que de constater que la démocratie tant mise en avant s’est transformée en dictature !

    Le système que propose notre ami est intéressant. C’est le principe même d’une démocratie. L’assemblée nationale, représentative du peuple est constitués de députés élus par le peuple et représentant le peuple. Une assemblée générale, censée représenter l’ensemble des étudiants/enseignants, devrait s’organiser ainsi, avec des « députés » représentatifs des étudiants/enseignants.

  • Le 15 février 2009 à 11:02, par Croco

    SAlut.

    Comme toi, et comme beaucoup d’autres, je me suis interrogé sur les AG et le fonctionnement des luttes et des mouvements sociaux pendant la LRU et le CPE à Grenoble. Comme tu sait peut-être, c’est un campus reputé plutôt anar et autonome. Si j’entends beaucoup de diatribes au sujet des totos, force est de constater qu’une dynamique assez particulière c’est installé dans les AG et autres comob’ l’an dernier pour essayer d’amener un climat moins délétère. Je vais essayer de livrer quelques pistes et expériences qui ne sont pas parfaites, et qui doivent se discuter.

    1/ fonctionnement des AG

    - Elles étaient organisée en général par des gens du comité de mobilisation (cad tous les gens qui sont en lute et qui se retrouve pour ledit comité). L’idée était de ne pas voir émaner des AG de personnes non mobilisée. Le problème c’est que le comob est une « institution » qui ne plaît pas à tous, et du coup certaines personnes (en majorité des encartés) n’y venaient pas et se plaignaient de la mainmise « toto » de la lutte. Je pense qu’il est impossible de satisfaire tout le monde. Sincèrement.

    - L’AG était piloté par une tribune, composé de personnes qui se proposaient à cette tâche (pas de vote mais consensus si polémique). La tribune ne pouvait se présenter 2 fois. une personne (le médiateur) était en charge de faire respecter les temps de parole, de façon strict (débranchage de micro).

    - Du côté du public, les applaudissement et autres hurlements de désapprobation ont étés remplacé par des gestes ; pouce vers le bas si pas content, « ainsi font font font les petites marionnette » si content. Ca donne lieu a un spectacle plutôt rigolo, et franchement ça instaure un climat vraiment plus posé. Par contre c’est sur qu’il faut du temps pour en arriver là. Le plu simple c’est une groupe d’une vingtaine de personnes commence à le faire, et les autres suivent en général.

    - Sur la fin du mouv’, quand ç’est devenu plus tendu, on a instauré un « SO » (mais un vrai hein, pas un à la CGT) pour empêché les fafs et autres disjonctés d’approcher trop près de la tribune. Moi ça m’a pas trop plus de devoir en arriver là, mais ça a été plutôt efficace au vu de l’ambiance.

    2/ MAis...

    Toutes ces mesures ont eu une efficacité, c’est sur. Pour autant a t’on eu plus de démocratie ? Pas sûr. On a été un groupe à se poser des questions sur le fonctionnement des luttes, avec comités et tout et tout. En gros, notre conclusion se résume à une question : a quoi sert l’AG ?

    - Si elle sert comme c’est le cas le plus souvent à informer, alors son intéret est limité, car de toute façon le public des AG est où des gens qui se sentent un minimum concerné, où qui viennent voté contre la grève. C’est une dure réalité, peut être pas générale, mais ça se vérifie. Dans ce cas, n’existe t’il pas des moyens plus efficace de communiquer et d’informer ? Discussion sur les piquets de grève, information par voie d’affiche, comob’ (mais vrai comob’, pas avec des gens élus...).

    - Si elle sert à discuter/débattre, il faut sérieusement se poser la question là encore de trouver d’autre forme. Le fait qu’il est des listes, des temps de paroles, des tribunes, des gens habitués, des nouveaux, des politiciens, enfin tout ce truc biaisent sérieusement le débat. En plus certaines questions sont systématiquement évitées (« ça sert à quoi l’AG), et le débat se retrouve cristallisé sur une question ( »on bloque/on bloque pas").

    - Et le meilleur pour la fin, l’AG comme lieu de décision. Le but de l’AG souvent c’est de voter. C’est un truc qui m’a toujours fait halluciner, je m’explique. Quand on est dans une usine et qu’on fait une AG pour voter la grève, est-ce qu’on invite le Medef et les clients à voter pour ou contre la grève ? Je ne pense pas. Donc pourquoi alors faire voter la grève de la fac en AG ? La réponse s’appelle LEGITIMITE. On pense que voter une grève en AG va permettre de l’appliquer plus facilement, parce que l’AG est censée représentée l’Université. Soyons sérieux deux minutes, on sait tous que l’AG n’est pas représentative du tout. D’abord parce que les 3/4 des étudiants et personnels s’en foutent de leurs conditions, ensuite parce qu’il impossible de faire venir tout le monde. On a vu ce que ça a donné l’an dernier, alors qu’il y avait des records d’affluence en AG les président de fac ont organisé des votes électronique pour contrecarrer les AG. Résultat, certains se sont retrouver à dire au bout de deux mois « oui mais on continue de bloquer, les AG ne sont pas représentative de toutes façon » après avoir clamé le contraire pendant tout le mouvement.
    Et puis collectivement, on a aussi pris conscience que malgré tous les efforts anars qui ont étés fait pour l’organisation de ces AG, il n’en reste pas moins que c’est le lieu de la manipulation et de la démagogie. Ca m’a fait mal de voir des camarades tomber là dedans, tout comme l’UNEF et comparses. A la fin, on a joyeusement saboté l’AG, ça a donné des choses assez drôles, pensons-y...

    Il faut en finir avec ces hypocrisies, si on se sent assez fort pour lancer un mouvement et l’imposer, (parce qu’un mouvement social n’est jamais accepté, car il vient toujours d’une minorité) ; alors il faut le faire. Les modalités doivent se débattre en comob’, avec les gens en lutte. Mais il faut faire attention à ne pas tomber dans le stalinisme. Il faut une grande rigueur et auto-discipline, et savoir se remettre en cause, et là, tu en conviendra, c’est pas gagné...

  • Le 14 février 2009 à 16:03

    Je profite de cet article pour vous faire part de mon expérience de l’autogestion dans une ancienne usine autogérée de Lyon transformée en ateliers d’artistes que certains d’entre vous connaissent bien...

    Mon expérience vient plus de la gestion d’un lieu et est donc moins adapté à des AG de fac en lutte, mais je pense que certaines tendances générales se retrouvent.

    L’expérience que j’en ai n’a pas valeur de vérité suprême mais si elle peut aider ceux qui se retrouvent dans une situation où ils veulent expérimenter l’autogestion avec tous les problèmes que celà peut comporter, alors je vous donne livre bien volontiers une partie du résultat de mes observations, reflexions, et les conclusions (provisoires) que j’en ai tiré pour le moment, et qui sont sans cesse à remettre en cause et réactualiser. D’ailleurs, à mon sens le succès de l’autogestion vient de cette capacité à prendre du recul et arriver à réfléchir sur ce qu’il se passe, ce qu’on vit, aux différents niveaux : relationnel, politique, organisationnel, ect... et arriver à en tirer les leçons, comprendre les logiques en oeuvre qui à mon sens relèvent d’une vaste « écologie humaine » que l’autogestion permet de décrypter au fur et à mesure.

    Dans cette écologie, peuvent se mettre en place des cercles vicieux ou des logiques destructices qui en viennent à affaiblir les forces du mouvement ou de certain(e)s de ses participant(e)s amenant entre autres la démotivation, et qui peuvent amener à la fin d’un mouvement voire à la conclusion que l’autogestion n’est pas possible. Dans ces logiques il y a la culpabilisation, la manipulation, des logiques de sabotage, ou des pratiques de lutte anticapitalistes que les personnes retournent contre leurs propre collectifs car ne connaissant que ces pratiques là pour gérer un conflit ou un désaccord.

    A mon sens, l’autogestion est un défi permanent de compréhension des situations toujours nouvelles (même si de grands classiques se rejouent) et de création, invention d’outils collectifs, de nouvelles façons de fonctionner qui permettent d’éviter ce qu’on ne veut pas et provoquer ce qu’on veut voir émerger dans nos collectifs autogérés.

    A mon sens, comme le disait Deleuze, il faut faire de la jurisprudence, c’est à dire à partir des situations et des problèmes qui arrivent, arriver à les dectrypter, comprendre les dynamiques qui sont à l’oeuvre et en tirer les leçons promptes à faire qu’on ne répète pas deux fois les mêmes erreurs. On peut, à partir de certaines erreurs, comprendre ce qui s’est passé, ou ce qui ne s’est pas bien passé, pourquoi et noter comment il faudrait mieux faire et ainsi écrire une quasi-science de l’autogestion, ou un art de l’autogestion si on prefère. Certains types de pratiques entrainent certains types d’effets, il est bon d’en avoir conscience et de voir quelles pratiques permettent les effets que l’on souhaite.

    On peut écrire ces pratiques issues de l’expérience, la notre, ou celle de ceux qui ont tenté l’expérience avant, dans un texte commun référence, toujours à réactualiser et à améliorer, en fonction des nouveaux évènements et des conséquences qu’on en tire. Ainsi on construit une conscience et une culture commune ainsi qu’une capacité à reflechir sur ses pratiques. Celà peut faire l’objet d’une charte de fonctionnement commune qui peut servir de support commun de façons de fonctionner sur lesquelles on se met d’accord et qui permettent de rendre ces façons de fonctionner explicites et non implicites. On sait avec quelles règles du jeu on joue, et généralement celà met en lumière ceux qui jouent avec des regles différentes et dont on ne veut pas (Manipulation, ect...).

    Celestin Freinet expliquait que quand il a voulu commencer à faire fonctionner des élèves en autogestion dans sa classe, celà n’a pas du tout marché parce que les élèves venaient d’une éducation où on ne leur apprenait pas du tout à fonctionner comme ça mais au contraire dans un cadre où le maitre décidait de l’organisation de la classe ect et auquel ils avaient à se conformer. Il expliquait qu’il fallait une période de transition où les enfants allaient apprendre les outils de l’autogestion et se les approprier, en inventer certains ect... Ainsi, ils créaient avec l’accompagnement de l’enseignant, une culture de l’autogestion.

    C’est pareil, je pense dans tous les espaces où les personnes qui s’essayent à l’autogestion viennent (Comme la plupart des gens) d’une culture qui ne les y a pas préparé mais plutôt les a individualisé et appris à obéir ou à user de jeux de pouvoir ect...
    Dans un premier temps, ils ne vont pas spontanément fonctionner tous ensemble en autogestion, il va y avoir une période de transition, de tatonnement, où ils/elles vont reproduire la façon dont ils ont l’habitude de fonctionner, la façon dont on les a éduqué, ect...Ils vont rejouer tout ça... Donc forcément reproduire les logiques de la société « normale ». Je pense que celà est inévitable et normal...

    Pour passer à des pratiques autogestionnaires, il faut partir de cette situation, voir ce qui ne nous convient pas, et inventer au fur et à mesure, des outils à même de nous amener vers des pratiques autogestionnaires effectives et ainsi créer une culture de l’autogestion qui ne sera pas un point d’arrivée mais dejà une bonne base grâce à laquelle on pourra fonctionner de manière plus égalitaire et trouver au fur et à mesure que les situations se présentent des solutions en adéquations avec nos valeurs et nos désirs d’autogestion.

    La bonne volonté ne suffit pas, il faut de la lucidité, pour comprendre ce qu’il se passe mais aussi de la lucidité et de la créativité pour inventer des solutions qui répondent aux problèmes que l’on rencontre et qui correspondent à nos valeurs : La fin est dans les moyens.

    Il peut être intéressant, par exemple à l’intérieur de lyon 2, de créer un groupe de réflexion ouvert à toutes et à tous sur les pratiques autogestionnaires, qui permettra de réfléchir collectivement à ces enjeux, dans un espace-temps à part et qui pourrait faire part de ses réflexions, propositions sans prétendre à une vérité suprême... ect...et ainsi aider le mouvement à avancer.

    Pour ce qui est des AG, peut-être pouvez vous nommer des gens (tournants) qui distribuent la parole et s’efforcent de faire en sorte qu’elle soit bien distribuée ect...
    On peut inventer des rôles pour remplir les fonctions dont on a besoin, ainsi on a plus de prise sur ces rôles puisqu’on les a crée et qu’on peut changer la personne qui l’endosse.

    Je vous conseille un très bon bouquin sur je sujet : « Micropolitique des groupes, écologie des pratiques collectives » David VERCAUTEREN, écrit en collaboration avec Thierry Müller et Olivier Crabbé - HB éditions.
    Ainsi que le fameux texte : « La tyrannie de l’absence de structure » disponible sur de nombreux sites internet comme infokiosques.
    http://infokiosques.net/article.php3?id_article=2
    Bon, voilà pour le moment, tout celà est très général, mais je pense que celà peut vous aider.

    Si vous voulez entrer plus dans le concret, vous pouvez prendre contact avec moi : invalidfuture@free.fr pour discuter de tout ça

    il y aurait encore beaucoup de choses à dire, et si je pense à d’autres choses, je viendrais compléter sur ce site...

    Bon courage à vous et bonne lutte !
    Vous avez tout mon soutien

    invalidfuture

  • Le 14 février 2009 à 15:39

    Merci pour cette analyse, intéressante et constructive.
    Je la partage vraiment, et cela aussi par rapport aux mouvements précédents comme l’an passé pour la LRU. J’étais parfois à la limite de ne plus vouloir m’y déplacer (en AG) tant cette « démocratie » clamée, n’était parfois qu’une mascarade... Pourtant, les AG bien menées sont les lieux essentiels pour faire avancer le mouvement. Reste effectivement à ce que chacun s’auto-régule et y reste vigilant...

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