Des paysans en lutte contre le puçage électronique de leur troupeau

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Dans l’Union européenne, le puçage électronique des moutons et des chèvres est obligatoire. Une pratique qui pose des questions éthiques, écologiques et économiques et contre laquelle s’opposent des paysans adeptes d’un élevage traditionnel.

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Ce sont des visions de l’agriculture qui s’opposent. D’un côté, l’Union Européenne et les pouvoirs publics français, de l’autre des éleveurs de moutons et de chèvres, adeptes des transhumances et de la vente directe au consommateur. Mercredi 17 décembre, à l’appel de la Confédération paysanne, plus de 250 personnes avaient convergé à Privas, en Ardèche, pour manifester devant les institutions agricoles locales. Ils s’étaient aussi donné rendez-vous à Vitré (Ille-et-Vilaine) et à Cahors (Lot). Leurs revendications : la fin de l’obligation du puçage électronique des ovins et caprins, ainsi que l’arrêt des sanctions sur les éleveurs se contentant d’un puçage plastique.

Les petits ruminants nés après 2010 doivent obligatoirement être pucés électroniquement. Ceux nés avant 2010 doivent l’être avant 2017. L’Union européenne conditionne ses aides à la présence des puces électroniques. Les éleveurs réfractaires s’exposent à la suppression de la prime à la brebis distribuée dans le cadre de la PAC. Dans la foulée, les aides distribuées par l’Etat en France s’envolent aussi, et les amendes pleuvent. C’est ainsi 8000 € qui ont disparu des comptes d’un couple d’éleveur Ardéchois. Des sommes considérables pour des petits paysans, dont les revenus annuels parfois ne dépassent pas 12 000€…

Traçabilité et gestion de troupeau

Pour ses défenseurs, la puce électronique comporte deux avantages. Premièrement, les informations qu’elle contient (âge de l’animal, date de son arrivée dans le troupeau, traitements qu’il a reçus…) permettent une meilleure traçabilité de la bête une fois transformée en steak. Le contrôle sanitaire est censé être facilité. Ensuite, la puce électronique permettrait une gestion plus facile du bétail. Les élevages peuvent ainsi être gérés à distance, par ordinateur.

La puce électronique est donc utile pour des cheptels comptant des milliers de têtes, où le lien direct entre l’éleveur et l’animal est limité. Yves, 28 ans de métier, élève 60 chèvres en Savoie. Il explique : « Moi je n’ai pas besoin d’ordinateur pour gérer mon troupeau. On refuse notre savoir-faire d’éleveur, on oublie que cela fait des milliers d’années que ce métier existe. Nous avons choisis une agriculture à taille humaine et on nous impose une manière de faire, avec des machines que nous ne pouvons même pas nous payer. Avec la puce électronique, tout est géré par internet. Il n’y a même pas de réseau chez moi ! »

Pour les paysans et militants que nous avons rencontrés à Privas, l’argument de traçabilité ne tient pas non plus : « Les premiers animaux que l’on a obligé à puçer, c’est les chevaux. Ça n’a pas empêché qu’ils finissent en lasagne ! » La puce électronique n’améliore pas la qualité sanitaire des produits issus de l’élevage, comme le fromage, qui subissent déjà de nombreux contrôles. Yann, qui possède 40 bêtes, habite dans le sud de l’Ardèche. Il fait la différence entre gros et petits producteurs : « Le gars qui veut gruger, il grugera. C’est qu’il veut se faire du fric. Celui qui fait de la vente en direct, sur le marché ou chez lui, il peut moins gruger. Il y a une confiance établie avec le consommateur. »

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Une autre vision de l’agriculture

Ce que la Confédération paysanne reproche à l’Union européenne et à l’Etat, c’est finalement d’imposer à des petits producteurs des normes faites sur mesure pour les grandes industries agricoles. Et donc de faire disparaitre un modèle traditionnel et respectueux de la nature et de l’animal au profit d’une vision productiviste de l’élevage, qu’illustre la fameuse ferme aux 1000 vaches dans la Somme. Mickaël, qui veut s’installer en Ardèche, considère que cette agriculture industrielle met en péril les éleveurs traditionnels : « Les petits paysans gèrent bien leurs troupeaux, ils côtoient leurs bêtes. Les grosses industries, ce n’est plus le monde paysan. Ce n’est pas une agriculture respectueuse des terroirs. »

Au-delà de la défense d’une agriculture moins industrielle, paysans et syndicalistes redoutent que l’obligation de pucer les ovins ne soit la porte ouverte au puçage des humains. « Quelle est la limite avec le contrôle social ? », s’interroge Yann.

Autre argument des opposants à l’électronique : le coût écologique. « Ces puces sont faites avec des matériaux que l’on pille en Afrique. Et rien n’est encore prévu pour leur recyclage ! » remarque Yves.

Quelques avancées après le 17 décembre

L’action simultanée du 17 décembre, avec notamment à Privas l’occupation des locaux de la Direction départementale du territoire (DDT), a permis des avancés sur certains points de revendications de la Confédération paysanne. Le ministère de l’agriculture s’est engagé à revenir sur les sanctions en cascades qui tombaient sur les éleveurs déboutés par la PAC. L’Etat va aussi étudier au cas par cas les dossiers datant de 2014, afin de rendre les aides rétroactives.

La lutte contre l’obligation du puçage électronique est un combat européen. Mais les éleveurs français auront plus de mal à se faire entendre ici qu’ailleurs dans l’Union. Dans 14 pays de l’UE, le puçage électronique est facultatif. Selon les paysans rhônalpins, la France fait du zèle : à 2,30€ la puce, la manne financière est potentiellement énorme pour les entreprise françaises fabricantes de RFID

G.N.

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