Destructions des infinies possibilités de création humaine et de résistance

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Chez nous, le schizophrène est coupable... C’est un drame profond d’avoir la connaissance intime qu’aucune révolution ne viendra...

Par ce qu’il y a par delà : les infinies possibilités de création humaine

Il y a des périodes de destructions qui consacrent l’irréversible. Le silence honore ceux qui s’y tiennent.

Il y a des sujets à la perte desquels de plus grands efforts sont entrepris.

Il y a beaucoup de heurts dans la froideur masquée de la barbarie quotidienne. Trop de pesanteurs pour l’oubli et la grâce n’est pas venue.
Interroger les Parques il n’en vient rien de bon. C’est au sol que tout s’achève pourtant.
La pauvreté cumulée à d’ostentatoires sévices quel homme y résisterait ? Il y a derrière chaque manipulation technique, des hommes.

Il n’est pas à exclure que d’ici peu de temps ma vie s’achève. Elle aura été désastreuse et ces dernières années de grands efforts auront été entrepris pour qu’elle le soit. Je peux dire qu’en général je n’aurai pas volontairement commis à l’égard de ceux qui m’ont causé du tort le quart de ce qu’ils m’ont fait. Je crois pouvoir affirmer que c’est le signe d’un grand délabrement.

Nous n’avons rien à dire que les autres ne sachent déjà, pourvu qu’ils aient accès à leur coeur, à leurs viscères, à leurs douleurs. Alors nous nous tairons. Et nous garderons d’autant plus le silence que déjà le drame du malentendu s’est installé. Déjà nous ne nous comprenons pas. Chaque fois que nous ferons une rencontre, que nous aurons un interlocuteur il en sera ainsi, en dépit des efforts que nous consentons pour ne pas nous froisser.

Reconstitution d’un puzzle :

- 1949 : dans sa quatrième préface à « La révolution sexuelle » Wilhelm Reich, cependant pleinement conscient des tendances réactionnaires du pays, dit des Etats-Unis qu‘il est le seul endroit, à sa connaissance, où l’on y favorise « la vie, la liberté et la recherche du bonheur », éléments de la constitution.

- 1957 : Reich meurt dans les libres prisons du pays de la statue de la Liberté, suite à une accusation de la Food and Drug administration d’avoir utilisé pour ses expériences une orgon box, accumulateur d’énergie vitale cosmique. Machine inoffensive et peut-être efficace. Jamais elle ne sera testée, jamais elle ne propagera de l’énergie vitale. Ses livres seront brûlés. De l’avis de plusieurs médecins sa mort n’est pas naturelle.

- 1977 : Patrick Troude-Chastenet à propos de Jacques Ellul qui fait paraître en 1977 « Le système technicien«  : « Mais la proposition selon laquelle « en définitive Hitler a bien gagné la guerre » figure déjà chez Ellul en 1945, et elle n’a rien d’une affirmation de circonstances puisqu’elle sera réitérée tout au long de son œuvre. « Le modèle nazi s’est répandu dans le monde entier ». Qu’est-ce à dire sinon que le vaincu a littéralement corrompu le vainqueur ? Que pour vaincre le régime hitlérien, les démocraties se sont moralement condamnées en voulant combattre le mal par le mal, autrement dit en s’engageant sans réserve dans le culte de la puissance technicienne. »

- 1977 : Gilles Deleuze « Le vieux fascisme si actuel et puissant qu’il soit dans beaucoup de pays, n’est pas le nouveau fascisme actuel. On nous prépare d’autres fascismes. Tout un néo-fascisme s’installe par rapport auquel l’ancien fascisme fait figure de folklore… Au lieu d’être une politique et une économie de la guerre, le néo-fascisme est une entente mondiale pour la sécurité, pour la gestion d’une « paix » non moins terrible, avec organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de micro-fascistes, chargés d’étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte, dans sa rue, son quartier, sa salle de cinéma ».

- 1988 : « La cohérence de la société du spectacle a, d’une certaine manière, donné raison aux révolutionnaires, puisqu’il est devenu clair que l’on ne peut y réformer le plus pauvre détail, sans défaire l’ensemble. Mais, en même temps, cette cohérence a supprimé toute tendance révolutionnaire organisée en supprimant les terrains sociaux où elle avait pu plus ou moins s’exprimer : du syndicalisme aux journaux, de la ville aux livres » (Guy Debord in « commentaires sur la société du spectacle »)

Il y a des époques où les souffrances engendrent le rire. Ce n’est pas le roi qu’ils dénudent, ils étaient trop fatalistes pour jamais y songer. Leur rire les a sauvé de leur propre désastre. Ils infligent aux persécutés la nudité, sous les habits le débile dont immanquablement il convient de rire.

La souffrance n’est pas seulement niée elle est incluse dans le processus d’humiliation qui perpétue la souffrance, de négations en négations, le rhizome ne donne plus de tiges aériennes et s’il advenait qu’elles poussent elles seraient coupées. Le rhizome confie ses ramifications confuses aux écrans qui ajoutent à la confusion, indiquent les comportements à suivre et portent à la régression de la veulerie et de la cruauté.

La schizophrénie a ceci de différent qu’elle découvre un pan entier de l’abomination. Il n’y a pas de vérités sans exagérations.

J’ai lutté à force de souvenirs qui exhalaient encore des parfums de libertés. Il n’en reste rien.

J’ai moi-même été traité avec certains égards lorsque jeune j’obtenais des résultats satisfaisants. Ces promesses non tenues c’est à l’enfer que j’ai été voué. Les alliés d’hier sont devenus les ennemis d’aujourd’hui. Je suis instamment prié d’arrêter d’écrire parce qu’il a été question d’entrer dans un sérail qui a entretenu indirectement mon enfer pendant des années et qui m’en promet un autre. Se soumettre ? On ne se soumet jamais véritablement qu’à la désillusion parce qu’il n’y a pas d’ailleurs qui ne vous mène là où vos enfers antérieurs vous ont mené, avec une connaissance plus profonde de l’enfer auquel je ne pourrai trop concéder sans me perdre à jamais. Je suis condamné à ne pas repartir. Il n’y aura pas de lendemains.

J’ai été mené ici pour être défait. Cette défaite est une défaite qui n’engage pas que moi. Si elle n’est connue que de moi-même, ce qui a été atteint, irrémédiablement, engage une société pour laquelle je réprime malaisément la joie qu’elle s’affaisse parce que si j’ai été abattu, je garde la conviction profonde de ce que l’espoir est en général définitivement relégué. Un homme qui meurt et qui aspirait à rendre ce monde meilleur qu’il n’est a peut-être cette conscience intime et profonde qu’il n’en sera rien. Alors d’un coup il voue une joie irrépressible à ce que la souffrance est promise à ses détracteurs et l’horrible sentiment que le monde accouche de monstres, reconnaissables à ce qu’ils sont parfaitement adaptés à l’horreur, avec les conséquences que cela suppose. *

C’est un drame profond d’avoir la connaissance intime qu’aucune révolution ne viendra, que les rues ne s’embraseront pas, c’est un drame qui change à jamais les coups qu’on vous porte en de plus insupportables coups qu’ils ont été donnés par des êtres morts. Si ce sentiment advient aujourd’hui c’est qu’on m’a préparé à l’affronter en m’excluant peu à peu de la révolution quotidienne de la joie. C’est un cadavre à la joie qui accouche d’un cadavre aux embrasements, selon une logique qui était prévisible.

Après qu’ils brisent ils ne supportent pas qu’on leur résiste.
La résistance est incluse dans le processus de destruction, c’est l’alibi ultime, celui qui permettra à ces criminels de trouver dans les gestes, dans les paroles et dans les faits du résistant quelques éléments amplifiés par la rumeur et le spectacle (qu’un examen d’ailleurs scrupuleux et général des conditions de vies du sujet démentiraient aisément) qui, le désigneront à la culpabilité.

Coupable vis-à-vis de lui-même, coupable de dangerosités ou de nocivités pour la société.

C’est un monde de terreurs dont nous ne sommes que les pions. De la naissance à la mort, du néant au néant, ce pont étroit ne laisse en vérité que peu de places pour la vraie vie. Nous servons à des desseins qui condamnent les Hommes. Le beau temps ne vient jamais qu’en rupture au sort tragique commandé par quelques uns et relayé par les autres. Mais quel soleil noir aujourd’hui sur nos têtes ? Il ne s’agit que de lui donner les couleurs qui furent les siennes avant que les fumées industrieuses n’en noircissent les perspectives et la vitalité.

Nous sommes entretenus dans l’ignorance des possibilités. La troisième voie n’a été que partiellement explorée et ses conditions de réalisations encore plus rarement réunies. Nous en sommes éloignés chaque jour davantage par la civilisation du crime. La démonstration est faite que le crime seul paie. Et qui songerait encore à autre chose qu’à une paye ?


Régis Duffour,
février 2008

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  • Le 4 novembre 2008 à 16:07

    D’abord je trouve ce texte très bien quoique tres intello.

    Voici déjà des années que ce qui est exprimé ici est ressenti par beaucoup. Mais pour avoir « tout quitté » ( je ne suis devant un ordi que par un hasard auquel je me laisse parfois aller, pour voir...), j’y vois un jalon, apparemment définitif, terminal, en forme de bout de la nuit, un état désesspéré sinon dépressif, existentiellement suicidaire en somme ; mais j’annonce qu’il y aeu, au bout de la route, dans le vide solitaire du désespoir, et surtout en marge de toute noosphère, un débouché vers la lutte, mais à partir d’autre manière de voir. Un espoir en somme, mais fragile, dépendant de ce que je fais à chaque instant, de la conscience totale . Less conditions de réalisation de cet état sont effectivement synonymes de courage voire de temerite individuelle, car il s’agit rien moins qu’une experience à la limite de la survie. Et pourtant, quel liberté ! au moins j’ai réussi à en sauver un ( moi-meme) sanss ecraser less autres.
    c’est sur cette base que la lutte collective redevient possible POUR MOI.

    Attention, moi je dis ça à partir de mon vécu !

  • Le 12 septembre 2008 à 16:03, par bardamu

    Réflexion parfaite. Au delà de l’esbroufe, du coté spectaculaire, qui est vraiment prêt à tout lâcher ? Pas grand monde... Peut-être les marginaux purs et durs qui du coup deviennent exclus et dont l’ardoise est lourde et bien vaine. Faut pour ça une sacré dose de courage, de folie, de dégoût. Surtout de renoncement. Mais ça, au quotidien, ça confine à la tare. L’adhésion à des principes, des idéologies de groupes te place d’un coté ou de l’autre, dans des schémas tout aussi formatés, dont on peut difficilement franchir les lignes. L’individu, dans tout ça, on l’a banni. Et l’égalité totale plutôt que la richesse des différences nous transforme en une grosse masse inerte et fadasse, s’agitant au gré de fantasmes, de concepts, de relectures tordues de notre histoire. Et puis l’accomplissement individuel, qui répond toujours aux mêmes critères : matériel, professionnel, sentimental, pour les assis comme pour les autres.

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