LA MATRICE DE LA RACE
La race a une histoire qui renvoie à l’histoire de la différence sexuelle. Au XVIIe siècle, les discours médicaux affligent le corps des femmes de mille maux : « suffocation de la matrice », « hystérie », « fureur utérine », etc. La conception du corps des femmes comme un corps malade justifie efficacement l’inégalité des sexes. Aux Amériques, les premiers naturalistes prennent alors modèle sur la différence sexuelle pour élaborer le concept de « race » : les Indiens Caraïbes ou les esclaves déportés seraient des populations au tempérament pathogène, efféminé et faible.
Ce sont ces articulations entre le genre, la sexualité et la race, et leur rôle central dans la formation de la Nation française moderne qu’analyse Elsa Dorlin, au croisement de la philosophie politique, de l’histoire de la médecine et des études sur le genre. Il apparaît ainsi que le sexe et la race participent d’une même matrice au moment où la nation française s’engage dans l’esclavage et la colonisation.
Elsa Dorlin est philosophe, maître de conférences Paris 1 - Panthéon Sorbonne.
Auteure de La Matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la Nation française, Paris, La Découverte, 2006. A dirigé avec Hélène Rouch et Dominique Fougeyrollas Le Corps, entre sexe et genre, Paris, L’Harmattan, 2005.
Elsa Dorlin vient de publier Black Feminism. Anthologie du féminisme africain-américain, 1975-2000, Paris, L’Harmattan, 2008.
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