Je suis un hacker Anonymous en prison et je ne suis pas un escroc. Je suis un militant.

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Traduction du dernier communiqué de Jeremy Hammond, prisonnier anarchiste à cause de sa participation dans des piratages avec Anonymous. Voici ici aussi, son communiqué suite à sa condamnation pour dix ans de prison ferme.
Ce communiqué vise à répondre aux dernières critiques d’Anonymous suite au piratage de Sony ainsi qu’à parler de son sentiment du livre de Coleman.

Nous avons peut-être piraté Sony un jour, mais nous sommes encore un mouvement de justice sociale, de l’inégalité économique à la brutalité de la police. L’hacktivisme est toujours l’avenir.

Ici en prison, ils me posent beaucoup de questions concernant le piratage et surtout concernant Anonymous, parce que, bien évidemment, il y a un intérêt pour les nouvelles technologies, comme Bitcoin pour l’argent et darknets pour la fraude. De toute façon, les condamnés - comme les pirates - développent leurs propres codes et éthiques et ils trouvent constamment des moyens pour arnaquer et exploiter des failles dans le système.

Le message antigouvernemental d’Anonymous résonne vraiment chez les prisonniers qui se sont fait arrêter et sont condamnés à vivre dans de mauvaises conditions. Alors quand on entend que des sites web du gouvernement se sont fait pirater ou bien que des flics se font « doxed » (le fait de partager publiquement des données censées être privées comme le numéro téléphone, adresse, nom, carte bancaire, etc.), mes codétenus me disent souvent des choses comme « C’est bien de voir finalement des gens faire quelque chose ». Ce rejet des moyens établis et réformistes pour réussir le changement social est la raison pour laquelle Anonymous continue d’être une force sur laquelle on peut compter, c’est d’autant plus évident par la présence des masques Guy Fawkes aux manifestations pour Ferguson au Missouri, et ailleurs.

Les pirates sont une bande controversée chaotique et la majorité des fois mal-comprise. Beaucoup d’entre nous ont été arrêtés, de Mercedes Haefer et Andrew Auernheimer à Mustafa Al-Bassam et d’autres, et quelques observateurs comprennent qu’Anonymous n’est pas une entité monolithique, mais un large éventail de milieux, de politique et de tactique. Le journaliste Barret Brown le comprend bien, mais il continue à attendre sa condamnation pour avoir simplement fait le lien avec le matériel piraté. Et donc je partageais un nouveau livre avec mes codétenus par l’anthropologiste Gabriella Coleman appelé « Hacker, Hoaxer, Whistleblower, Spy : The Many Faces of Anonymous ».

Le livre raconte l’évolution d’Anonymous depuis le commencement avec les jours de trolls jusqu’à la participation dans Occupy Wall Street et le printemps Arabe, de la participation aux piratages massifs de LulzSec et Antisec ainsi que tous les développements après le piratage de Stratfor, l’agence de renseignement que j’ai piratée en 2012. Mais il est beaucoup plus qu’une simple chronologie écrite par quelqu’un d’extérieur : Coleman a passé des années dans des dizaines de canaux de discussion et a parcouru le monde pour rencontrer des hackers. Certains d’entre eux mes co-defendants de LulzSec en Angleterre avec qui je n’avais pas de nouvelles depuis notre collaboration lors de plusieurs piratages et d’arrestations qui ont suivies. J’étais donc particulièrement heureux d’entendre qu’ils étaient toujours aussi motivés.

J’ai été particulièrement frappé par les interactions de Coleman avec Hector Monsegur - aka Sabu, le hacker devenu informateur du FBI qui est responsable de beaucoup de nos arrestations et qui a été libéré au printemps après son « extraordinaire coopération » avec le FBI. C’est l’une des rares personnes à l’avoir rencontré face à face jusqu’à ce qu’il ait donné une interview à Charlie Rose ce mois-ci, et Coleman avait des sentiments identiques aux miens : Sabu m’a trahi.

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Comme tout le monde, Coleman était convaincu de la crédibilité de Sabu parce qu’il parlait durement et il s’est vanté de son accès aux opérations de piratage en cours. « Oui, je suis né leader, disait-il. Je peux conduire ce mouvement tout seul, si je voulais vivre comme un dictateur ». Mais est-ce ce qui se passe avec tous les mouchards ? La lecture de ses propos ainsi que des centaines d’autres citations exaspérantes me fait poser la question : comment avons-nous pu être si stupides ?

Sabu lui-même ne faisait pas beaucoup de piratage, mais il était dans tous les chatroom. Il gardait un œil sur les hacks à venir. Il utilisait beaucoup Twitter pour établir son statut de gardien autoproclamé. Coleman argumente que cet « avant-gardisme de hacker » - en s’appuyant sur une élite pour faire toutes les attaques ou agissant comme porte-parole - nuit à la méritocratie populiste d’Anonymous et nous a laissé plus vulnérable à l’infiltration et à l’arrestation.

Malgré le « Sabutage », la phase AntiSec en 2011 d’Anonymous - un petit, mais efficace groupe où plusieurs d’entre nous ont hacké tout le monde de Sony jusqu’à Fox News - semble avoir été la période la plus active et efficace du mouvement. À la hauteur de Occupy Wall Street, les Anons acquièrent de l’expérience des manifestations dans la rue et de la maturité politique. Les hacks étaient à la hausse en nombre et en gravité, en ciblant les symboles de l’inégalité économique et des violences policières, et Anonymous devenait par plusieurs moyens de plus en plus décentralisé, plus open source et tactiquement suffisamment diversifié pour représenter l’avenir de l’hacktivisme - et peut-être même une partie de l’avenir de l’activisme.

Le livre de Coleman n’est pas un appui total : nous n’étions pas toujours un groupe légal, nous étions souvent aléatoires, incohérents et politiquement incorrects. Pourtant, la plupart des gens qui parlent d’Anonymous se trompent et certains ont été la cible de troll ou se font pirater dans le processus. Des gens comme Sabu ne le comprennent pas, et les procureurs antipiratages n’ont certainement pas compris non plus.

Nous sommes condamnés comme des criminels sans conscience, rejetés comme des adolescents antisociaux sans cause, ou ciblés comme des cyberterroristes pour justifier l’expansion de la surveillance étatique. Mais l’hacktivisme existe dans l’histoire des mouvements de justice sociale. L’hacktivisme est toujours l’avenir et cela fait plaisir de voir des gens encore faire quelque chose à ce sujet.

P.-S.

La version en anglais sur The Guardian.

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