La BAC à la fac

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Novembre2007-...(LRU et retraites) 4 compléments

Comment nous avons tenté de perturber la rentrée solennelle de l’Université de Lyon, menée sous le signe de la privatisation de l’enseignement.

Mardi 16 octobre, Valérie Pécresse intervenait lors de la rentrée solennelle de l’Université de Lyon (rassemblement des trois universités lyonnaises créé dans le cadre du « Pôle de Recherche et d’Education Supérieur »).
Nous avons été quelques dizaines à lui faire entendre que nous ne voulons pas de sa réforme de l’Université qui ouvre clairement la porte à une privatisation de celle-ci et à une précarisation de l’ensemble des personnels en son sein.

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Votée en catimini et à pas de charge le 10 août 2007, cette loi réforme le mode de financement des universités (fermeture à court terme des filières "non rentables", partenariats accrus avec les entreprises privées…), instaure les recrutements des personnels hors statut et à la carte (à la discrétion du Président) sous contrats précaires et met fin au peu de démocratie qui existait dans les conseils.
Tous le gratin universitaire été réuni, en habits d’apparat (robes académiques et hermines pour les plus gratinés). « Misère de la philosophie » disait Marx. Et ce sont des profs de philo en Mercedes qui viennent aujourd’hui nous expliquer le sens de cette phrase…

Tout le monde s’excitait dans le hall fraîchement rénové, « Madame la ministre arrive d’une minute à l’autre ! » Le maire de Lyon fait le coq-prince dans le hall, sert des mains, trépigne, mais ce n’est pas lui la star ce soir. Il nous approche, et de son œil torve nous sort « Alors, étudiants ? ». Une camarade lui répond « On se connaît ? Vous êtes qui ? » « Je suis le maire de Lyon » qu’il nous répond, sentant notre mépris pour sa triste situation, mais souriant, toujours.

L’UNEF s’excite à la grille. On part leur dire qu’il est possible de rentrer dans le hall, par les entrées latérales. Mais ils ne percuteront qu’une demi-heure plus tard. (Ils attendaient peut-être les consignes de Paris ?)

Dans le hall, on distribue quelques tracts, notamment aux profs, pour leur expliquer notre révolte. Ils essaient d’être sympas « Oui je comprends, moi aussi j’ai été étudiant… Vous êtes à l’UNEF peut-être ? » On répond « Non l’UNEF est un syndicat vendu. » « Ah… » qu’ils ajoutent, inquiets, rangeant le tract dans leur costume.

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Puis arrive la berline de la peopolitique qui défonce l’Université libre, entourée de motards. Branle bas de combat. Elle entre. On avait prévu de lancer des slogans dès son entrée, mais on n’a pas démarré. Une camarade lui envoie tout même, droit dans les yeux « L’université n’est pas à vendre ! ». Elle répond « Mais je ne veux pas la vendre… ». La camarade lui tend un tract, la ministre refuse : « Non merci. » Rassurons nous, son agent de communication viendra récupérer le tract quelques minutes après, dans un souci de dialogue.
Elle achève de pénétrer les lieux, rejoint sa caste des bien habillés. Collomb lui court après, bouscule deux bourgeoises, approche sa majesté et lui dit « Je vais quand même saluer madame la ministre… » Tout le monde regarde. « Bonsoir monsieur le maire ». Ouf elle l’a reconnu, tout va bien, on se donne du monsieur et du madame tant qu’on veut.

Ensuite se tient la cérémonie dans la salle à l’étage, diffusée sur deux écrans plats dans le hall. Quelques étudiants ont réussi à rentrer, mais on nous refuse l’accès (on aurait tenté d’y foutre un joyeux bordel…). Sentant qu’ils sont très mal préparés, qu’on est largement en sur-nombre, on tente le forcing. Coup de pression, tout s’accélère sur la porte de gauche, on pousse, on gueule, on tape sur les portes en bois. Ils nous repoussent tant bien que mal, mais impossible de passer, la porte est fermée. Peu importe, la tension est montée d’un coup. Des journaleux prennent des photos, certains baissent la capuche, montent le foulard. On y est. L’UNEF est arrivée dans le hall, mais se tient à bonne distance de notre agitation agressive.
Temps de pause, slogans.

Puis on décide de s’attaquer au perron principal, tout simplement. On était largement assez nombreux, on avait les moyens de dégommer les deux hôtesses et les trois pompiers. Mais on n’est qu’une vingtaine à se lancer. On crie, on pousse dans les marches, ça clash en première ligne. Ils ramènent du monde. On appelle les autres. Derrière moi deux marches vides, nos « camarades » nous regardent d’en bas, hébétés. Une ruée, et la dernière ligne tombait dans l’escalier. On n’oubliera pas les têtes de ceux qui nous regardaient de loin. Autant balancer : la fraction n’était pas étincelante ce soir là, quant à l’UNEF, elle reste dans son rôle : surtout, ne rien faire. Une fille de l’UNEF veut se lancer avec nous, sa collègue la retient.
Echec.
Aucun prof n’était présent dans notre camp.

Un costard nous dit que la ministre accepte de recevoir trois étudiants. Rien n’est préparé (qu’allaient-ils lui dire ?) et on connaît bien ce genre de spectacle qui lui permettra ensuite de dire « j’entends votre inquiétude ». On n’est pas inquiets, on a la rage. On refuse donc la fausse proposition de dialogue, et on décide la réappropriation du buffet. En effet, deux tables, avec pyramides de coupes et bouteilles derrière, sont dressées au pied du perron, ce qu’on a tous repéré dès notre entrée dans le hall. Je lance un « A table !!! ». C’est parti, les deux nanas derrière le bar restent impuissantes, on est quatre à ouvrir les bouteilles et à servir. Pas longtemps, un petit teigneux de l’équipe de restauration, jeune blond brochingué-bronzé, cravate rose, se fâche tout rouge, et hurle qu’il va mettre « des coups de boule à tout le monde ». On rend le bar, le dérapage n’a pas duré longtemps, mais il a eu lieu. Encore une fois, la moitié des étudiants présents nous ont regardé comme si nous étions des sauvages, en se disant sans doute « Mais… c’est pas à nous… »
Ensuite on attend, certains écoutent le discours. Nous on cherche des entrées, on cherche la bouffe, certains cherchent à déclencher les alarmes incendie. Bref, faut empêcher que « tout se passe bien ». Dans la rue, on voit aperçoit des gyrophares. C’est pour nous : trois cars de CRS. Ils vont rester tranquilles (nous aussi), et former une haie d’honneur devant la grille. En attendant, la bac est rentrée par d’autres portes, et se positionne derrière les pompiers, plus rien n’est à tenter. Ils avaient dû sous-estimer notre présence, on avait la possibilité de perturber sérieusement la cérémonie, mais ils se sont vite rattrapés.

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La BAC à la fac

On gueule « La BAC hors des FAC », ça les fait marrer. Les profs ne seront pas choqués de voir la milice sarkoziste en civile dans leurs bâtiments. Les temps ont changé.

On veut empêcher la ministre de partir, certains entreprennent un sit-in devant sa caisse.

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Sit-in devant sa caisse

Elle n’en finit pas de sortir, le buffet est ouvert ; on se gêne pas. Le pouvoir sert de l’alcool aux opposants. Nouvelle stratégie ? Peu importe, il fait soif, au diable les grands principes et la stratégie. On vole directement les plateaux de petits fours, et on décide d’aller en donner aux CRS, ou au moins de les narguer. Ils ont la dalle, mais ont ordre de ne pas échanger avec nous. L’un d’entre eux a accepté, c’est aussi ça la subversion : faire sourire des mecs qui sont formés pour nous battre - déjouer leur formatage, un peu. On parvient aussi à faire éteindre les deux motos BMW qui tournent pour rien. L’environnement, ça marche un peu chez les flics aussi.

La scène du gueuleton nous écoeure, on voit que tout est fini, qu’on sert plus à rien, qu’on devient une caricature d’étudiants gauchistes dans ce spectacle mondain. On décide de voler encore trois plateaux de petits fours, et d’aller les distribuer dans la rue et sur les quais. Une des copines qui s’en occupe se fait courser et insulter. Elle s’en sort, avec deux grosses bombes de chantilly en plus.

Dehors les gens hésitent puis sont contents, on leur explique d’où ça vient, pourquoi on s’oppose à la ministre, on leur file parfois un tract, mais pas forcément. On remonte les quais en discutant avec les gens, et le plateau de petits fours finira chez les clochards de l’arrêt de tram de la Guillotière.

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  • Le 13 novembre 2007 à 13:02, par emilaie

    Les petits fours des monarques aux clochards de la guill ! en voilà un beau slogan. je vous suis depuis l’Espagne : faite tout péter !!!

  • Le 18 octobre 2007 à 10:28, par pilouz

    Bien « drôle » j’aurais aimé être avec vous !

  • Le 17 octobre 2007 à 21:55

    Elle aura son compte, une de plus... Pour le moment c’est tous présent demain à 11 heures.
    No Pasaran !

  • Le 17 octobre 2007 à 19:37, par chat noir chat blanc

    La rage est l’essence de la révolte...

    Continuons le combat !!

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