La Duchère, un autre visage de la gentrification à Lyon

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Reportage sur le quartier de la Duchère, à Lyon, depuis la politique des « grands ensembles » dans les années 1960 jusqu’aux grands travaux actuels où les termes de « mixité sociale » et de « rénovation urbaine » cachent mal la réalité d’un quartier en pleine gentrification...

Depuis les années 2000, le quartier de la Duchère est au coeur d’une vaste entreprise de « rénovation urbaine ». Peu à peu, les grandes barres grises à la mode des années 1960 cèdent la place à tout un ensemble de constructions nouvelles et modernes. Un quartier nouveau en remplace un autre, avec de nouvelles habitations, de nouveaux commerces et, surtout, de nouveaux habitants. À terme, le dernier quartier populaire de Lyon aura disparu, laissant la place à un quartier résidentiel de classes moyennes. Publié originellement dans le n°4 de la revue INTERNATIONALE UTOPISTE (automne 2013), l’article ci-dessous mène l’enquête, depuis la création du quartier jusqu’à aujourd’hui, sur 50 années de politiques urbaines à la Duchère et tente d’analyser les divers enjeux à l’oeuvre dans la politique de transformation du quartier (opération sécuritaire, spéculation immobilière, gentrification...).

A lire, au choix, en version pdf, scannée de l’Internationale Utopiste #4 :

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...ou en version texte seul, ci-dessous :

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Pour la majorité des lyonnais et des lyonnaises, la Duchère est juste une silhouette lointaine, de grandes barres d’immeubles grises qui bouchent la vue vers les Monts d’Or et une tour panoramique plantée au sommet d’une colline. Qu’on habite de l’autre côté du Rhône et on pourrait même oublier que ce quartier existe, relégué dans la périphérie du 9e arrondissement lyonnais. Personne ne se rend là-bas sans raison et, quand on évoque ce nom, la plupart des gens pensent immeubles HLM, immigration et insécurité, gardant en tête l’image de voitures qui brûlent et de jeunes en colère lors des émeutes de décembre 1997. Oui, la Duchère est un quartier à part dans Lyon, le seul quartier populaire à la mode des années 1960 construit à l’intérieur de la Commune. Les brochures touristiques oublient toujours de mentionner cette « 3e colline » et ne parlent que de la Croix-Rousse et de Fourvière, ses deux proches voisines. Peu de gens le connaissent vraiment, finalement, et la plupart se contentent des clichés qui circulent à son sujet. Pourtant, depuis quelques années, les choses bougent. La silhouette du quartier a commencé à changer et de grandes barres disparaissent dans un nuage de poussière. Depuis 2003, les grands travaux sont lancés et l’opération « table rase » est en marche.

Surfant sur les avantages de la loi Borloo, la « rénovation » de la Duchère est un des projets phares de l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine). Elle doit devenir un modèle de la « politique de la ville » à la mode des années 2000. Les journalistes se pressent dans le quartier pour vanter les mérites et les progrès de ce « GPV » (Grand Projet de Ville). De grands moyens de communication sont mis en œuvre, depuis l’habituel discours des autorités à base de « nouvel avenir », de « mixité sociale » et de « politique volontariste de revalorisation globale du quartier "  [1], jusqu’au passage récent du dernier Tour de France cycliste. La Duchère, dit-on, est le futur quartier à la mode de Lyon. Derrière ces belles expressions se cache un chantier de grande envergure où un quartier nouveau en remplace un autre, avec de nouvelles habitations, de nouveaux commerces et, surtout, de nouveaux habitants, plus riches évidemment. À terme, le dernier quartier populaire de Lyon aura disparu, laissant la place à un quartier résidentiel de classes moyennes venues profiter là d’un cadre géographique favorable et de conditions facilitées d’accession à la propriété. Quant à celles et ceux qui habitaient ces grandes barres disparues, plus de la moitié aura été expulsée du quartier sans qu’on leur ait laissé véritablement le choix, comprenant vite que ce quartier n’était pas rénové pour elles et eux mais pour toute une nouvelle population plus aisée. Oui, c’est cela aussi la Duchère, aujourd’hui, un autre visage de la gentrification, bien différent, a priori, du phénomène qui se déroule dans à peu près tous les centres villes historiques des grandes villes et, pourtant, avec le même résultat : la dispersion et l’éloignement des populations les plus pauvres. Oui, la Duchère est bien un modèle de la « politique de la ville » de ces dernières années mais pas forcément celui qu’on croit.

Les Origines du quartier : les « grands ensembles » des années 1960

La Duchère fut d’abord l’un des modèles d’une autre époque et d’une autre mode architecturale : celle des « grands ensembles » et des banlieues HLM construites en France dans les années 1960. Jusque là, pour les lyonnais-es, c’était la campagne, un lieu de villégiature où se promener le week-end, loin de la ville et au milieu des fermes. Parmi les prés et les vergers, il y avait un château, un vieux fort militaire, quelques belles maisons de vacances entourées de vastes jardins et un ancien chemin de contrebandiers. Tout change à partir des années 1950-1960. Les effets conjugués de la croissance démographique, du retour d’Algérie de toute une population de « pieds noirs » et de l’arrivée de travailleurs immigrés sont à l’origine d’une pénurie de logements. Il faut donc construire, et vite. C’est ainsi que poussent partout de grandes barres d’immeubles et que naissent tous ces vastes quartiers HLM dans la ceinture périphérique des grandes villes. La Duchère est l’un de ces « grands ensembles ». Ses premières esquisses datent de 1952 et l’on prévoit alors 5500 nouveaux logements pour près de 20000 personnes. Les plans sont de François-Régis Cottin et de Franck Grimal. En 1957, on vise désormais le double de population : la Duchère sera une vraie petite ville, à l’écart de la grande. La SERL, sous la direction du maire Louis Pradel, est responsable du chantier.

Le quartier doit comporter trois sous-ensembles, clairement distincts les uns des autres : les secteurs du Château, de Balmont et de la Sauvegarde. Le premier était, à l’origine, destiné à une population ouvrière (travaillant dans les proches usines du quartier de Vaise et notamment Rhône-Poulenc), le second devait être plus résidentiel et le troisième devait accueillir un mélange de populations ouvrières et immigrées. De tous temps, ce dernier fut la partie la plus pauvre du quartier – et aujourd’hui encore, les « rénovations » des autres secteurs ne concernant pas les appartements parfois remplis de cafards de la Sauvegarde. Les grandes barres centrales, celles qui ont été détruites ces dernières années, sont sensées unifier le tout. Le plateau regroupe aussi le centre-commercial et les services publics. La tour panoramique, enfin, était destinée à devenir un logement de standing en copropriété. Le tout, comme bien souvent, est construit dans l’urgence, en à peine 5 ans, à partir de 1960. Les premiers-ères habitant-e-s arrivent d’Algérie en 1962, dans un quartier encore en plein chantier. Pour ces nouveaux arrivants, l’hiver sera très dur. En attendant que les appartements soient terminés, la plupart de ces personnes sont hébergées sommairement à l’intérieur du fort. D’autres sont déjà logées à Balmont dans des immeubles encore en travaux, sans chauffage ni électricité parfois. Et, quand le chauffage marche, il est objet de conflit : le projet initial prévoyait l’installation d’une chaufferie collective, seulement celle-ci fonctionne très mal et répartit de façon très inégale la chaleur, si bien qu’il fait 30°C dans certains appartements tandis qu’il gèle dans d’autres. D’autres personnes arrivent bientôt, rarement par choix, soit qu’elles aient été expulsées de leur ancien logement en centre-ville, qu’elles n’aient rien trouvé d’autre ou que l’usine dans laquelle elles travaillent se situe à proximité. Une forte population immigrée se mêle, dès le début, à cette population ouvrière. Au rythme des années et des conflits dans le monde, des exilé-e-s et des réfugié-e-s arrivent successivement du Liban, du Chili, du Vietnam ou de Yougoslavie, tandis que certaines parties du quartier (la Sauvergarde, notamment) sont habitées pour plus de la moitié par des personnes arrivées d’Algérie à la fin des années 1960.

Qu’ils ou elles viennent du centre-ville lyonnais ou de l’autre bout du monde, la plupart découvrent d’abord avec circonspection ce nouveau quartier à l’architecture austère. La mode est aux constructions inspirées des théories de Le Corbusier. Les nouveaux immeubles qui sortent de terre sont purement fonctionnels et leur apparence extérieure est froide et rebutante. Leurs dimensions ont quelque chose d’inhumain. Plusieurs centaines de personnes se retrouvent ensemble dans de grandes barres ou de grandes tours, selon une logique que les observateurs les plus critiques de l’époque jugent « concentrationnaire ». Assez vite, on se met à parler du « mal des grands ensembles » et du caractère déprimant et aliénant de ces nouveaux quartiers. Là sont regroupées et parquées les populations les plus pauvres et les immigré-e-s que l’on tient ainsi éloigné-e-s du centre-ville. Très souvent, ces quartiers « ghetto » sont d’ailleurs coupés du reste de la ville par de grandes ceintures routières périphériques qui rendent difficile toute circulation entre les deux espaces. Dans le cas de la Duchère, le projet initial prévoit sciemment d’accentuer cette coupure en créant une ceinture verte autour de lui. Pendant longtemps, le quartier est très mal desservi par les transports en commun et, comme peu de ses habitant-e-s possèdent une voiture, les communications sont rares et difficiles entre le quartier et le centre lyonnais.

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Tout n’est pas tout noir, cependant, et la Duchère est loin d’être le pire de tous ces nouveaux quartiers. Le cadre est plutôt agréable, en effet, au sommet d’une colline et au milieu de la verdure. Les nouveaux appartements sont souvent plus fonctionnels que dans certains vieux immeubles du centre-ville et la plupart ont l’avantage d’être bien ensoleillés et de jouir d’une jolie vue sur les alentours. La promiscuité a au moins l’avantage de rapprocher les gens, pour le meilleur comme pour le pire, et de créer des liens de voisinage assez forts. Isolé du reste de la ville, le quartier fonctionne comme un village. Tout le monde s’y connaît et un certain nombre de réseaux d’entraide et de solidarité viennent compenser la froideur architecturale des lieux. Assez vite, aussi, une importante vie associative se met en place. L’ASOFAC (association sociale, familiale et culturelle) est créée dès 1962, suivie de peu par le Centre social du Plateau, même si, comme le souligne justement Paulette Moutton (première directrice de ce centre) :« Lorsque dans un quartier il n’y a rien, on met un centre social, c’est la bonne conscience des urbanistes et de l’institution »  [2]. Bien que plus tardive, on peut aussi citer, à ce sujet, la création du GTI (groupe de travail inter-quartiers), dans les années 1980, et toujours actif aujourd’hui. Comme dans beaucoup d’autres endroits, la mauvaise image de la Duchère contraste avec sa forte identité et le fort sentiment d’appartenance de ses habitants-e-s, partageant pour la plupart un rapport ambivalent d’amour et de haine vis-à-vis de leur quartier.

La situation de la Duchère se dégrade fortement à partir des années 1970. Les grandes usines de Vaise, où travaillaient beaucoup d’habitant-e-s, ferment progressivement, tandis que de nouvelles populations immigrées arrivent dans un habitat déjà vieillissant. Face à la détérioration progressive à la fois de l’habitat et de la situation sociale, les autorités lancent assez vite, dès les années 1970, divers plans de rénovation et de réhabilitation dont la longue litanie traduit de manière éloquente l’inefficacité. Parmi ceux-là, citons le lancement d’une première convention DSQ (développement social des quartiers) dans les années 1980 ou la création des ZEP (zone d’éducation prioritaire) bientôt transformées en REP (réseau d’éducation prioritaire). Fin 1993, le DSQ cède la place au DSU (développement social urbain) puis au Contrat Ville, avant la mode des GPV (grand projet de ville) dans les années 2000. Régulièrement, le quartier est en chantier et les habitant-e-s doivent composer avec ces travaux aussi bienvenus que dérisoires. Rien n’y fait : la Duchère se paupérise de plus en plus et l’habitat atteint parfois les limites du taudis. À la fin des années 1990, le taux de chômage frôle les 25% dans le quartier. Peu importe, là-bas, loin de tout, peu de gens se soucient vraiment de la Duchère. Il faut attendre 1997 et les émeutes grandement médiatisées qui secouent le quartier pour que les autorités en fassent un sujet prioritaire. Au mois de décembre, un jeune père de famille de 25 ans est abattu à bout portant à l’intérieur du commissariat de police du 9e arrondissement par un des policiers qui l’avaient interpellé quelques heures plus tôt, pour des faits qu’il n’avait d’ailleurs apparemment pas commis. Les réactions on ne peut plus logiques de révoltes et de violences qui suivent parmi la population du quartier (c’est l’inverse qui aurait été incompréhensible) furent alors interprétées par les médias et les autorités comme le signe d’une situation devenue ingérable et à laquelle il fallait désormais remédier de façon radicale. La réflexion qui aboutit, cinq ans plus tard, à la présentation du Grand Projet de Ville date de ces émeutes.

Le Nouveau visage de la Duchère : Grand Projet de Ville et politique de la « table rase »

Suite aux « évènements » de 1997, la mairie lance, en effet, une grande réflexion sur la refonte du quartier de la Duchère. On assiste alors à une multiplication d’enquêtes, de rapports et autres « contributions en faveur d’un quartier sensible ». Il est temps d’agir, dit-on, et de procéder à la « requalification sociale du quartier »  [3]. Ancien maire du 9e arrondissement, l’actuel sénateur-maire de Lyon, Gérard Collomb, lance le GPV en 2002 et annonce, en des termes emphatiques, « une politique volontariste de revalorisation globale du quartier »  [4]. Il donne, à cette occasion, la pleine mesure de ses talents de communicant : « La 3e colline de Lyon est à l’aube d’une révolution urbanistique », écrit-il, « La Mairie, l’Etat et les collectivités territoriales s’associent avec les habitants pour concevoir le Grand Projet de Ville qui redessinera en profondeur la géographie du quartier et son assise dans la cité. À deux pas du centre-ville et des Portes de Lyon, la Duchère doit pouvoir profiter de sa situation privilégiée. Cette ouverture sur la ville nécessitera une complète recomposition de l’architecture du quartier. Il s’agit de repenser un habitat à taille plus humaine, d’introduire à la Duchère une plus grande mixité sociale et de redynamiser l’économie de ses commerces. Parallèlement, nous améliorerons les aménagements de proximité afin de toujours mieux valoriser son cadre de vie. Exemplaire, à la fois par son ampleur et sa méthode de concertation, ce chantier sera un modèle pour l’agglomération lyonnaise. À l’écoute des habitants et des associations, nous écrirons ensemble une nouvelle page de l’histoire de la Duchère. »  [5].

Le projet est dans l’air du temps. Il colle parfaitement aux orientations dessinées par la loi Borloo d’août 2003 et est soutenu activement par l’ANRU, mise en place en mars 2004 et dont l’objectif affiché est de « changer la ville dans 500 quartiers, partout en France » et de « transformer ces quartiers stigmatisés en quartiers ordinaires intégrés à la ville ». Principal outil de la loi Borloo, l’ANRU « apporte son soutien financier aux collectivités locales, aux établissements publics et aux organismes privés ou publics qui élaborent et conduisent, dans le cadre de projets globaux, des opérations de rénovation urbaine dans les ZUS et dans les quartiers présentant les mêmes difficultés socio-économiques »  [6]. Le GPV de la Duchère rentre dans ce cadre. Les grandes lignes du projet sont les mêmes que dans toutes les autres opérations de rénovation urbaine pilotées par l’agence. À la Duchère, comme dans le quartier de La Coudraie à Poissy (dans les Yvelines) ou à La Courneuve (pour ne citer que quelques projets phares de l’ANRU), les principaux objectifs de la « rénovation » sont identiques : diversifier la population du quartier en baissant la part des logements sociaux et en favorisant l’implantation de nouveaux propriétaires issus des classes moyennes, désenclaver le quartier et le réinsérer dans la ville. Le projet passe par la démolition de nombreux immeubles et logements (1600, dans le cas de la Duchère), la diminution du nombre de logements sociaux (leur part devrait passer ici de 80% à moins de 60%) et la refonte architecturale du quartier.

Après la mode des « grands ensembles » et ces immenses barres grises entourées de parkings, la nouvelle tendance, que l’on retrouve partout en France, est la construction de petites unités d’habitation plus rapprochées les unes des autres. Le modèle est de type résidentiel : de petits immeubles de 2 ou 3 étages, entourés de petits jardins et de grilles qui les isolent du reste du quartier et où chaque appartement est clairement individualisé (le plus souvent par un système de « décroché », chacun de ces immeubles ressemblant à un empilage de cubes décalés les uns par rapport aux autres). D’une ville à l’autre, la ressemblance entre toutes ces constructions est tellement frappante qu’on se demande parfois s’il n’y a pas qu’un seul architecte en France. Exit donc les grandes barres 260, 210, 220, 430 et bientôt 230 sur le plateau de la Duchère. D’autres immeubles ont été partiellement détruits comme les barres 200, 410, 420 et 320. Partis d’un coup dans un grand nuage de fumée ou grignotés progressivement par « déconstruction mécanique », des centaines de familles ont vu disparaître leur appartement et leur immeuble avec la désagréable certitude que les nouvelles habitations qui seront construites à leur place ne seront pas pour elles.

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En guise de rénovation, le GPV donne plutôt l’impression de pratiquer la politique de la « table rase », le tout sous le regard dubitatif des ancien-ne-s habitant-e-s, en particulier lorsque cela implique de détruire des logements refaits à neuf il y a moins de dix ans. Sur la partie centrale du Plateau, un quartier nouveau a tout simplement effacé l’ancien du paysage. Une grande place centrale avec des bassins d’eau, une bibliothèque et une rue commerçante répondent à la volonté des décideurs de créer un nouveau centre du quartier clairement identifié. Tout autour, le piéton qui se promène au milieu de petites rues bordées d’immeubles récents n’arrivera pas à reconnaître l’ancien quartier. Et le chantier est loin d’être fini : un grand boulevard reliant le Plateau au Pérollier a été percé et est encore en travaux, tandis que la barre 230 et l’ancien centre-commercial trônent encore comme les vestiges peu à peu abandonnés d’une ville passée. Bientôt, ils disparaîtront à leur tour du paysage.

On mesure mal le traumatisme que de tels changements provoquent chez les ancien-ne-s habitant-e-s du quartier – quand ils/elles n’ont pas été expulsé-e-s dès les débuts des travaux. Quelques témoignages recueillis lors de la démolition de la barre 220, en 2010 [7], en donnent un aperçu assez émouvant : « on perd des amis, tout le monde se disperse », racontent quelques jeunes, tandis qu’une vieille dame explique : « ce sont les deux tiers de ma vie qui s’en vont, là, tous mes souvenirs ». La Duchère, telle qu’elle avait été construite dans les années 1960 n’était sûrement pas un quartier de rêve et la construction des « grands ensembles » est sans doute ce qui s’est fait de pire en matière d’urbanisme au siècle passé, il n’empêche que des habitant-e-s avaient investi les lieux, bon gré mal gré au début, qu’ils/elles se les étaient approprié-e-s et qu’ils/elles avaient fini par s’y attacher. Ils/elles y avaient construit toute leur vie. Une ancienne habitante de la barre 220, arrivée d’Algérie dans les années 1960, résume assez bien la situation : « Il a fallu du temps pour qu’on ait nos repères, là. Alors maintenant que nous avions eu nos repères, que nous étions bien incrustés dans nos appartements et tout, il a fallu qu’on nous reloge ailleurs. Pour moi, c’est un nouvel exil. C’est comme si je perdais quelqu’un de ma famille ». Face à ces immeubles détruits aux explosifs, ils/elles comprennent bien que, derrière les beaux termes de « rénovation » et de « requalification urbaine », il s’agit ni plus ni moins que d’en finir avec leur quartier « à problèmes ». En voyant leurs ami-e-s et leur famille quitter les lieux, relogé-e-s ailleurs, et en observant ces nouveaux immeubles où viennent vivre de nouvelles personnes, plus riches, toutes et tous comprennent bien que ce nouveau quartier n’est pas pour elles et eux. « Ils rénovent mais pas pour nous », expliquent quelques jeunes : « soit disant le projet, il est pour améliorer le quartier, pour les habitants, mais, en fait, nous on se fait jeter. On a vécu tout le temps dans de sales logements et, une fois qu’il y a de beaux logements, on n’en profite pas ». Résultat : loin d’être accueillie avec enthousiasme par les anciens et les anciennes du quartier, la « rénovation » provoque un mélange de scepticisme et d’hostilité parmi les habitant-e-s. Le soir même de la destruction de la barre 220, deux bus et un équipage de police étaient attaqués avec des jets de pierre par des jeunes du quartier et le siège du Grand Projet de Ville était caillassé le lendemain.

Pour « canaliser » la grogne et tenter de faire passer la pilule, la mairie ne cesse pourtant de mettre en avant l’implication des citoyen-ne-s dans le projet et se vante régulièrement du dialogue entretenu avec les associations du quartier, en particulier avec le GTI. L’adjoint au maire, le responsable de la rénovation urbaine à la mairie de Lyon ou encore le responsable du GPV ont effectivement été plusieurs fois invités et présents à certaines réunions du GTI mais, à chaque fois, bien plus dans un souci d’information, de transparence ou de « pédagogie » que dans une réelle logique de décisions partagées. « Concertation », « démocratie participative » : toutes ces belles expressions cachent mal la nature intrinsèquement technocratique du processus de décision. Seules quelques questions de détails, de calendriers ou de modalités d’application sont réellement ouvertes à la négociation. Les grandes orientations du projet, elles, ne sont pas discutables. De là à en déduire que toutes ces histoires de « concertation » et de « partenariat avec les associations » ne sont que de la poudre aux yeux, destinées à donner un simple vernis démocratique à des décisions prises depuis longtemps en amont, il n’y a qu’un pas que nous n’hésitons pas à franchir. Dans les faits, la plupart des habitant-e-s des barres qui allaient être détruites n’ont appris leur sort qu’une fois les maquettes du nouveau quartier dessinées, sans bien comprendre ce qui leur arrivait et ce qu’ils/elles allaient devenir. La seule chose que toutes ces personnes ont bien compris, c’est qu’elles allaient devoir partir.

Telle est bien la problématique centrale de ce genre de grandes opérations d’urbanisme : pour qui reconstruit-on et dans quel but ? L’un des éléments déclencheurs de tous ces GPV fut, nous l’avons dit, la prise de conscience par les autorités du caractère ingérable de tous ces quartiers dits « à problèmes », après les émeutes qui secouèrent bon nombre d’entre eux durant les années 1990 et, notamment, en 1997 à la Duchère. Le GPV tente d’apporter une double réponse à cette situation. L’une est proprement architecturale, tandis que l’autre a pour nom « mixité sociale » et concerne, en quelque sorte, la répartition géographique de la pauvreté. Dans les deux cas, l’objectif est le même : reconquérir des territoires jusque-là jugés « perdus » et les refaçonner selon les intérêts du moment – et si, au passage, on pouvait réaliser une bonne opération immobilière, ce ne serait pas plus mal.

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Urbanisme sécuritaire et gentrification à la Duchère

Reprendre le contrôle sur un territoire est d’abord une question stratégique de ré-organisation et d’agencement de l’espace. Cette stratégie a un nom et s’appuie sur une pseudo-science : la « prévention situationnelle ». Selon la définition qu’en donne le Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance, cette dernière « ne vise pas les individus mais les situations propices à la réalisation d’un délit. Elle consiste à prendre des mesures ou à adopter des moyens pour réduire les occasions de passer à l’acte » et, ce, « en intervenant sur l’environnement le plus en amont possible » [8]. En d’autres termes, l’architecture et l’urbanisme sont désormais chargés d’une nouvelle mission sécuritaire. La rénovation urbaine de la Duchère n’échappe pas à la règle. A la fin de sa « contribution en faveur d’un quartier sensible », l’ancien député UMP du Rhône (de 1997 à 2002) et ancien vice-président du Grand Lyon, Henry Chabert, préconisait de « prévoir systématiquement une charte sécurité applicable à tous les travaux d’espaces publics et de bâtiments » [9]. C’est plus ou moins chose faite avec la signature, le 27 novembre 1998, d’un premier CLS (Contrat Local de Sécurité) « engageant les signataires [10] à lutter ensemble contre les phénomènes d’insécurité par le biais d’une action collective et coordonnée dans le champ de la prévention, de la sanction et de l’éducation civique » [11]. Afin de suivre l’évolution de la législation, un second CLS est signé pour la période 2008-2011, le tout coordonné par une « cellule de veille » spécifique au 9e arrondissement de Lyon.

A l’époque, Henry Chabert préconisait l’instauration dans le quartier de la vidéo-surveillance, l’augmentation du nombre de gardiens d’immeubles, la sécurisation et la fermeture des parkings ainsi que certaines mesures d’aménagement de l’espace, du type « éviter les impasses et les passages fermés ». Bien que l’observation des statistiques de la délinquance l’obligeait alors à constater un écart entre insécurité réelle et insécurité ressentie (la première s’avérant finalement identique à la plupart des autres quartiers de Lyon), il propose tout de même d’isoler certains « lieux d’insécurité », comme le pied de la tour panoramique, le centre-commercial du Plateau, la piscine, les barres 200, 220 et 550, ainsi que le parc du Vallon. Bien que piloté désormais par une mairie dite « socialiste », force est de constater que le GPV a repris à son compte un certain nombre de ces propositions. Comme le précise explicitement le site du GPV, « il faut agir sur le fait d’être en sécurité mais aussi de se sentir en sécurité (par l’ambiance, le stationnement, la lumière, la présence humaine…), et concevoir les espaces en fonction de leurs usages. Dans le cadre du Grand Projet de Ville, la prévention situationnelle intervient tout au long de la mise en œuvre des aménagements ».

Concrètement, la vidéo-surveillance est installée dans le quartier dès 2000 et toutes les nouvelles rues qui ont été construites depuis sont équipées de caméras « boules ». Les immenses parkings qui entouraient les barres ont été détruits avec ces dernières, supprimant de fait tout espace vide au pied des habitations. Les impasses, passages couverts et autres lieux supposés d’insécurité, défavorables à l’intervention des forces de police dans le quartier, ont été supprimés des nouvelles constructions. Afin d’encourager le sentiment de propriété privée et d’inciter les habitant-e-s à prendre en charge la surveillance de leur pied d’immeuble, les nouvelles habitations sont systématiquement cernées par des grilles ou de minuscules jardins, transformant ces espaces en parties privées. Ce procédé que les urbanistes et sociologues appellent « résidentialisation » a pour objectif, comme l’explique le sociologue Jean-Pierre Garnier, de provoquer chez les habitant-e-s le réflexe suivant : « comme seuls les résidents des appartements correspondants ont l’usage [des parties privées], elles sont de fait interdites aux résidents extérieurs, perçus comme des étrangers voire des ennemis virtuels » [12]. En clair, plus question de stationner au pied des immeubles, comme c’était souvent le cas auparavant : chacun chez soi et les poules seront bien gardées, comme on dit. L’accès aux cages d’escaliers et à l’intérieur des immeubles eux-mêmes est interdit par toute une série de portes fermées et de digicodes dans les nouvelles constructions. De la même façon, dans certaines barres rénovées, de nombreux processus de sécurisation ont été mis en place dans les ascenseurs afin d’empêcher l’accès des allées aux intrus : badges pour prendre l’ascenseur et interphone une fois arrivé à l’étage, afin que l’ouverture des portes ne puisse être actionnée que de l’intérieur. Comme le résume habilement une habitante du quartier, désormais « on est tellement sécurisés que, finalement, on est isolés ». Quant aux lieux identifiés d’insécurité, la plupart ont tout simplement été détruits. C’est le cas du centre-commercial du Plateau, des barres 200 et 220, tandis que le parc du Vallon est réaménagé de fond en comble.

À tous ces éléments proprement architecturaux de sécurisation, il faut rajouter un élément lié à la politique sociale : la baisse du nombre de logements sociaux au nom de la « mixité sociale ». Officiellement, la volonté des décideurs est de réduire la part de ces logements de 80% à 55% à la Duchère. Cette diminution résulte du chassé-croisé entre, d’une part, l’expulsion d’une majeure partie des habitant-e-s des anciennes barres (53% lors de la 1re phase de relogement et 57% lors de la seconde [13]) et, d’autre part, l’arrivée d’une population de classes moyennes dans les nouvelles constructions. Certes, 80% de logements sociaux dans un quartier, cela faisait « ghetto de pauvres » (mais qui l’avait créé ?) et il était sans doute souhaitable d’ouvrir le quartier à une plus grande diversité sociale. Cela, personne ne le nie vraiment. Le problème, à la Duchère comme ailleurs, c’est que cette « mixité » se fait toujours dans le même sens : quand les « pauvres » ont le malheur d’habiter sur un site attractif comme celui de la Duchère, ce sont toujours eux qui se font expulser pour aller vivre dans d’autres immeubles HLM, plus loin. Bizarrement, la mairie ne se soucie pas de « mixité sociale » dans les quartiers bourgeois de Lyon et tous ces « ghettos de riches » que sont le 6e arrondissement ou le quartier d’Ainay, par exemple. Bizarrement, ce n’est ni dans ces quartiers ni dans les banlieues riches de Lyon, comme les communes des Monts D’Or pourtant toutes proches, qu’on a relogé la plupart des habitant-e-s expulsé-e-s de la Duchère.

À vrai dire, à bien y regarder, l’expression très consensuelle de « mixité sociale » sert de cache-misère à une politique bien moins glorieuse. L’un de ses premiers objectifs, semble-t-il, est sécuritaire. « Reconquérir » un territoire, en effet, c’est aussi intervenir dans sa constitution sociale. L’idée, à ce sujet, est très simple. Comme le résume le sociologue J.-P. Garnier, pour éviter la trop grande concentration dans un même quartier de ces personnes qu’on appelle « familles à problèmes » ou « cas sociaux », on décide de « les disperser dans des unités résidentielles de taille réduite, disséminées dans des quartiers sans problèmes ». En clair, à défaut de pouvoir réduire la pauvreté, on essaie de mieux la répartir sur le territoire urbain. Pour en finir avec ces « quartiers-poudrières », on cherche donc à fractionner les « grands ensembles ». Désormais « minoritaires et placés sous le regard de familles de milieux plus aisés et mieux éduqués », on espère ainsi que « les jeunes sous-prolétaires tentés par la délinquance et enclins aux incivilités perdront peut-être le sentiment d’impunité qu’encouragerait l’appropriation d’un espace public dont ils avaient fait leur territoire » [14]. Déplacer des populations, détruire les immeubles dans lesquels elles vivaient et « dispatcher » comme bon nous semble les différentes classes sociales sous couvert de « mixité sociale », c’est donc affirmer son pouvoir et sa main-mise sur l’ensemble du territoire urbain. Il fallait y penser : pour en finir avec les problèmes des quartiers populaires, il suffisait d’en finir avec les quartiers populaires eux-mêmes.

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La deuxième conséquence de cette politique de « mixité sociale », à la Duchère comme dans bien d’autres quartiers, est de favoriser une vaste opération immobilière qui fait main basse sur le foncier. Alors qu’il est de plus en plus difficile, aujourd’hui, de trouver des terrains libres pour la construction de nouveaux logements sociaux, on décide pourtant de détruire des logements déjà existants et de vendre les terrains sur lesquels ils étaient construits à des promoteurs immobiliers privés. C’est exactement ce qui se passe à la Duchère quand de grandes barres HLM sont détruites et remplacées par des résidences vendues en copropriété à des personnes issues des classes moyennes. Il faut dire que le site est attractif. Situé en hauteur, avec une jolie vue et au milieu de la verdure, désormais assez bien desservi par les transports en commun et à proximité immédiate des grandes axes routiers, la Duchère a tout pour séduire une population plus aisée – pour peu que l’on ait rénové au préalable l’image du quartier, à la fois en terme de paysage architectural, de pauvreté et d’insécurité. Maintenant que c’est en partie chose faite, la Duchère peut se fondre, petit à petit, dans la riche banlieue bourgeoise de l’ouest lyonnais, en continuité avec les communes environnantes de Champagne, Dardilly et Ecully (sans parler des communes très proches des Monts D’Or). Ainsi « rénové », le quartier offre des logements pour la population nouvellement arrivée de cadres, de techniciens supérieurs et de commerciaux qui travaillent dans la « silicon valley » lyonnaise des anciens docks de Vaise, située au pied de la colline de la Duchère.

La politique qui est menée sous couvert de « mixité sociale » a donc un nom : la gentrification, processus par lequel une population aisée remplace peu à peu au sein d’un quartier ses ancien-ne-s habitant-e-s plus défavorisé-e-s, transformant ainsi la sociologie et la vie du quartier en question. Tel est bien ce qui se déroule sous nos yeux, depuis plusieurs années maintenant, à la Duchère. Le phénomène ne suit pas à tout fait les mêmes étapes que dans les quartiers plus anciens du centre-ville que sont le Vieux Lyon, la Guillotière, Vaise ou la Croix-Rousse et il a la particularité, ici, d’être piloté directement par les autorités. Le résultat n’en est pas moins le même. Une population plus riche investit, peu à peu, le quartier, entraînant avec elle une hausse des loyers et du coût de la vie, provoquant, à terme, l’éloignement et le départ des populations les plus pauvres. Président de l’association « Droit au logement », Jean-Baptiste Eyraud, résume la situation ainsi : « Après l’épuration sociale des centres-villes, on passe à la phase d’épuration au-delà de la petite couronne, car le foncier y a pris de la valeur et les populations qui y vivent dérangent » [15]. Voilà qui justifie, en tous cas, le sentiment assez largement répandu parmi les ancien-ne-s habitant-e-s de la Duchère que la rénovation du quartier n’est pas faite pour elles et eux. Comme l’expliquent quelques jeunes, dans un reportage réalisé à l’occasion de la destruction de la barre 220, « ils savaient très bien qu’on n’avait pas les moyens d’acheter les nouveaux logements donc c’est sûr et certain que c’était pas pour nous » [16]. Un peu plus loin, un ancien habitant explique, avec amertume : « Il faut donner le paysage à d’autres. C’était trop beau pour des HLM ». Les statistiques leurs donnent malheureusement raison.

La mairie peut bien se vanter du succès des différentes phases de relogement, les chiffres sont là : pour chacune des deux phases terminées, seules 47% puis 43% des personnes expulsées de leur logement ont pu être relogées à la Duchère, ce qui signifie, à l’inverse, que plus de la moitié d’entre elles ont dû quitter le quartier lors de la « rénovation ». Certes, ce départ correspond au choix d’un certain nombre de ces personnes mais, quand on sait que plus de 60% d’entre elles souhaitaient rester dans le quartier, on mesure le bras de fer qui s’est engagé à cette occasion entre ces habitant-e-s et les responsables du GPV. Un des membres du GTI témoigne de cette situation dans une interview accordé à la revue militante « Popouri » en 2006 [17] : « Les chantages sont à la hauteur de la capacité des gens à y faire face. Donc pour des immigré-e-s, qui ont eu peur que peut-être leur carte de dix ans risquerait d’être remise en cause... […] On a pu en tous cas mesurer que les pressions ont été relativement importantes. […] Est arrivé un moment où on pouvait leur proposer des trucs tellement nuls qu’elles se mordraient longtemps les doigts d’avoir fait le forcing en refusant le relogement ». Si l’on précise encore que près de 20% des personnes relogées l’ont été en dehors de Lyon, confirmant ainsi la tendance de ces dernières années à un renvoi des populations les plus pauvres dans une périphérie de plus en plus éloignée, on comprend le mécontentement d’une bonne partie des ancien-ne-s habitant-e-s. La mairie peut bien essayer de faire passer la pilule en multipliant les actions culturelles [18], ça ne suffit pas.

Alors, la Duchère, futur quartier à la mode ? Peut-être. Dans 5 ou 10 ans, le quartier sera sûrement agréable à vivre, plus beau, plus propre, plus neuf. La mairie ne manquera sûrement pas de s’en vanter. Qu’on ne s’y méprenne pas : il ne faudra pas compter sur moi pour regretter la politique des « grands ensembles » et leurs grandes barres grises. Je l’ai dit : cette politique est sans doute ce qui s’est fait de pire en matière d’urbanisme depuis plus d’un siècle. Le problème est ailleurs : parqué-e-s un jour ici, relogé-e-s plus tard là-bas, ce sont toujours les mêmes qui paient les pots cassés des « grands projets de ville », aujourd’hui comme hier. Quand on a renoncé à lutter contre la pauvreté et les inégalités sociales, parce qu’on occupe une place privilégiée dans le système qui les produit, on se contente de les gérer et de faire en sorte qu’elles ne gênent pas le cours de ses affaires. À la Duchère comme dans d’autres quartiers de Lyon, la gentrification bat son plein. Les loyers augmentent, la ville s’aseptise et les populations les plus pauvres sont baladées de droite à gauche et de plus en plus éloignées du centre-ville. Oui, il n’était pas question de laisser la Duchère en l’état et, oui, le quartier « fonctionnera » sans doute mieux après les « rénovations » qu’avant mais... pas pour les mêmes personnes. Entre temps, le GPV aura détruit tout un tissu social pré-existant, au sein d’un quartier où tout le monde se connaissait et où la solidarité n’était pas qu’un vain mot. Entre temps, les habitant-e-s des tours détruites auront été relogé-e-s dans d’autres barres HLM, ailleurs. Entre temps, le dernier quartier populaire de Lyon aura disparu.

Notes

[1Toute cette « novlangue » est extraite d’une des brochures officielles du GPV, éditée par la mairie en mai 2007

[2Citée par Annie Schwartz, La Duchère, 40 ans, éd. AUDACCE, 2003, p.141

[3Ces deux expressions sont tirées d’un rapport d’Henry Chabert, alors député du Rhône et vice-président du Grand Lyon, Lyon La Duchère, propositions pour agir (contribution en faveur d’un quartier sensible)

[4L’expression est tirée d’une brochure de présentation officielle du GPV, éditée par la mairie en 2007, Lyon La Duchère, Un quartier, un projet, un nouvel avenir

[5Préface de La Duchère, 40 ans

[6Toutes ces citations sont tirées du site internet de l’ANRU

[7Enregistrés par Olivier Minot et diffusés dans l’émission « Les Pieds sur terre », sur France Culture

[8Phrase extraite du site officiel du Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance : http://www.prevention-delinquance.interieur.gouv.fr/champs-daction/prevention-situationnelle.html

[9La Duchère, Propositions pour agir

[10Les signataires en question étaient la Ville de Lyon, la Préfecture du Rhône, le Parquet de Lyon, le Rectorat d’Académie de Lyon et le Conseil Général du Rhône.

[12Un Espace indéfendable (l’aménagement urbain à l’heure sécuritaire), éd. Le Monde à l’envers, Grenoble, 2012, p.31

[13Ces chiffres sont ceux que fournit la mairie

[14Un Espace indéfendable, op. cit., p.33

[15Cité par Véronique Berkani, « Démolitions / rénovation urbaine - Je démolis, tu te barres », Territoires n°450, septembre 2004

[16Pour toutes ces réactions, nous renvoyons à nouveau au reportage d’Olivier Minot, « Coup de barre à la Duchère »

[17La première partie est disponible en ligne sur le site rebellyon.info : http://rebellyon.info/Gentrification-a-la-Duchere.html

[18Collecte de témoignages sonores, le projet Sputnik ou encore « le projet 230 »...

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  • Le 8 novembre 2014 à 01:58, par proneronerpronavaver

    Article intéressant. Cependant au début de l article, les auteurs affirme a plusieurs reprises que le quartier de la Duchère est ou était LE DERNIER QUARTIER POPULAIRE DE LYON construit dans les années 60.
    Sur ce point, je ne suis pas d accord. Il exite encore des quartiers populaires a Lyon. Je pense au quartier des états unis dans la 8e. Souvent associé aux construction de Tony Garnier qui fut bâti dans les années 30. Les bâtiments de Garnier ne représentent qu’ une petite partie. Le plus gros du quartier fut construit fin 50 et dans les années 60. Il y a plusieurs grosses barre notamment avenue de pressencé, rue du prof Beauvisage, Paul Santy, autour de la place du marché, autour du lycée lumière etc. Le quartier des états est l un des plus grand quartier la ville et de l’ agglo.
    Quand les auteurs parle de la Duchère comme le dernier quartier populaire, ils elles oublient aussi le quartier de Mermoz toujours dans le 8e.
    Cela peut paraitre futile a certains ou certaines cette rectification mais il me semblait important de le relever. Quand il s’agit de l histoire, il n’y a pas de détails... Ces deux quartiers ouvriers sont maintenant les derniers quartiers populaires de Lyon m mais pour combien de temps ?
    Nadir

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