Sommaire
Bourgeoisie, crise économique et contestation
la fabrication d’un ennemi intérieur
les courants fascistes et leur utilité pour la bourgeoisie et l’Etat
Réalité de la menace fasciste
Quels enseignements en tirer ?
Texte de Berckman, tiré du blog « théorie anarchiste-communiste »
Bourgeoisie, crise économique et contestation
La bourgeoisie a anticipé la crisé économique capitaliste. Pour préserver son taux de profit et continuer à s’enrichir sur notre dos, en exploitant notre travail, elle a mis en place un certain nombre de dispositifs :
Elle a d’abord menée une politique visant à s’approprier une plus grande part des richesses créées aux détriment des travailleuses et des travailleurs :
Gel des salaires, exonérations de cotisations patronales créant artificiellement le trou de la sécu, et parrallèlement déremboursement, et baisse des allocations chômages et des pensions retraites...
Gains de productivité obtenus par des licenciements et l’augmentation des candences pour ceux qui restent.
Hausse des prix, et notamment des loyers, liée à la spéculation immobilière, mais aussi à des ententes visant à créer des situations de monopole permettant d’augmenter les prix (on garde des logements vides pour faire augmenter les loyers, on se met d’accord entre entreprise pour proposer des prix élevés pour les denrées d’usage)
privatisation massive des services publics, visant à conditionner l’accès à la santé, à l’instruction, aux transports, à la poste, à l’énergie... à la possibilité de payer, et à créer ainsi la source de nouveaux profits, en créant de nouveaux marchés. Cela achève une tendance qui consistait, auparavant, à introduire dans ces services publics les logiques de rentabilité, et cela aggrave le caractère inégalitaire de ces services publics qui n’ont jamais été réellement égalitaires...
Faire payer les travailleuses et travailleurs à la fois comme contribuables (TVA, impôts directs), comme salariés (cotisations sociales) et comme usagers (franchises, déremboursement, mutuelles...) la part qu’elle était auparavant obligée de payer du fait du rapport de force de classe dans l’après guerre...
Tout cela à permis de faire passer la part des richesses créées appropriées par le capital de 30 % à 40 % en 30 ans... Cette tendance s’accroit.
Cette politique a pour conséquence un appauvrissement de l’ensemble des travailleuses et des travailleurs, et plus particulièrement les fractions les plus exploité-e-s des classes populaires : prolétariat ouvrier et employé-e-s, et parmi celui-ci, les femmes, les travailleurs immigrés et plus particulièrement les travailleuses et travailleurs sans papier.
Cet appauvrissement a provoqué des révoltes populaires, qui se sont traduit autant par une reprise des luttes populaires de masses et des luttes ouvrières (contre la casse de la sécu, des retraites, contre le licenciements, contre la casse des services publics, précarisation/CPE), mais aussi par les émeutes de 2005, et plus largement les émeutes suite à des exactions policières.
Ces différents mouvements n’ont pour l’instant que très peu convergé, du fait des situations très diverses que connaissent les classes populaires, liées aux systèmes de domination raciste et patriarcal, mais aussi au poids de l’idéologie dominante qui entretient une oeuvre de division visant à séparer les différentes fractions des classes populaires afin de prévenir toute remise en cause de l’ordre capitaliste et étatique, et donc de la poursuite de l’exploitation et de la domination...
Cependant le CPE, en réalisant sur le terrain de la lutte une convergence des différents secteurs de la jeunesse populaire, ainsi que des secteurs très divers du salariat, a résonné pour les capitalistes et l’Etat comme une lourde menace. En effet, si une telle convergence tendait à se développer, un retour à l’offensive des exploité-e-s dans la lutte des classes devenait possible, car cela permettait le retour d’une identification du réel antagonisme social, celui qui oppose exploiteur et exploité, c’est à dire l’antagonisme de classe. En effet, sur le terrain de la lutte économique se réalise la conscience d’appartenir à des classes ayant une communauté d’intérêt, car subissant une communauté d’exploitation, par opposition à des classes ayant en commun l’appropriation de la force collective sociale, sous la forme d’une appropriation des richesses produites par le travail des exploité-e-s, et d’une appropriation du pouvoir de décision par les classes dirigeantes.
Ceci représentait la première étape pouvant ouvrir la voie à un processus révolutionnaire, pouvant remettre en cause l’ordre capitaliste et étatique.
Au moment de la grève générale en Guadeloupe, un tel risque a refait surface, l’expérience guadeloupéenne ayant fortement inspiré le mouvement social en métropole, rendant crédible plus que jamais la perspective d’une grève générale.
Cette menace a été très nettement perçue par une partie de la bourgeoisie : comme le montre, par exemple, les propos de Dominique de Villepin le 19 avril 2009 sur Europe 1, affirmant qu’il « existait un risque révolutionnaire en France » (Emission le grand Rendez vous, Europe 1, Le Parisien/aujourd’hui en France »).
La lutte des classes dans un contexte de crise du système capitaliste se fait de manière de plus en plus aigue. Pour l’instant, l’avantage de la bourgeoisie repose sur plusieurs aspects :
Principalement un affaiblissement de la conscience de classe, qui rend plus difficile toute perspective de remise en cause du système politique économique et social capitaliste et étatique.
C’est justement un « rebond » de cette conscience de classe qu’ont représenté les deux périodes fin 2005/2006 (emeutes et CPE) et début 2009 (guadeloupe/ mouvement de grève privé/public associé au mouvement étudiant/lycéen jusqu’en mars 2009)
L’accroissement de l’appareil de contrôle de l’Etat. La tendance au durcissement de l’appareil répressif, inspirée par la doctrine de la guerre révolutionnaire, s’est accéléré depuis 2001, : loi sur la sécurité quotidienne, LOPSSI 1 et 2 : la gauche comme la droite au pouvoir ont brandi la peur de l’insécurité et du terrorisme pour accentuer les dispositifs répressifs et renforcer les forces de répression. Plus de 400 unités de l’armée sont ainsi entrainées à faire face à la guérilla urbaine, avec la création d’un centre de formation dédié, le Cenzub, à Sissonne, dans l’Aisne, en 2006 [1]).
Les services de renseignement sont fusionnés au sein de la DCRI, alliant "renseignement intérieur" et "extérieur" : C’est le retour assumé de l’association entre "ennemi intérieur et extérieur" tel qu’identifié durant la guerre d’Algérie [2].
A ces aspects s’ajoute une stratégie qui s’inscrit comme le quadrillage policier des populations dans la doctrine "contre-insurrectionnelle" (Doctrine de la guerre révolutionnaire), telle qu’elle a été développée lors des guerres coloniales :
la fabrication d’un ennemi intérieur
la création d’un ennemi intérieur autour de plusieurs figures stéréotypiques :
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Celle du « jeune de banlieue », qui voit la systématisation d’un discours de type raciste doublé d’un mépris de classe. L’utilisation du terme « banlieue » pour désigner les quartiers populaires (en majorité habité d’ouvrier-es ou employé-e en activité ou au chômage) est éminement politique : il vise à masquer la question sociale, en utilisant un géographisme qui suggère que les inégalités sociales sont une question géographique et non la production du système capitaliste et ce qui lui est indissociable, la division de la société en classe. Cela a également pour objet de diviser les classes populaires en substituant à l’appartenance de classe l’assignation territoriale. La figure du « jeune de banlieue » est alors ensuite désignée dans les médias bourgeois et le système raciste comme celle d’un individu racisé, essentialisé (c’est à dire réduit à des stéréotypes, des préjugés de type raciste) c’est à dire défini comme appartenant à une « race » : cela vise à substituer une lecture racialiste -et raciste- de la société à une lecture en terme de classe sociale. Ceux que les médias, le gouvernement et les nationalistes appellent des « jeunes de banlieues », ce sont des jeunes prolétaires, dont une partie importante est victime du racisme institutionnel de l’Etat.
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Celle des musulmans, racialisés (on assigne à une catégorie de population une religion, que les personnes assignés soient ou non réellement croyant, religion qu’on essentialise par ailleurs autour de ses interprétations les plus réactionnaires). Cela se traduit par le développement d’un discours raciste spécifique, qui attaque l’islam non comme religion parmi d’autre, mais comme figure de « l’anti-france », « l »anti-europe« ou »l’anti-occident« , dans le cadre général de la théorie du »choc des civilisations« cher à S. Huntington mais aussi aux théoriciens français de l’ethno-différencialisme, qu’on retrouve notamment dans les réseaux politico-militaires actifs lors de la guerre d’Algérie. Ce qui est attaqué, ce n’est pas la religion musulmane en temps que telle, dans son essence religieuse, mais une partie de la population associée et assignée à l’islam (un islam »imaginaire« , fantasmé et caricaturé) dans l’imaginaire raciste (arabes, turcs, pakistanais, noirs, qu’ils soient effectivement musulmans ou non). L’ »islamophobie« est ainsi l’une des formes que prend le discours raciste contemporain, comme l’antisémitisme (qui procède également par la racialisation d’une religion, assignant les individus à une religion aux contours déformés), en est une autre. Si l’antisémitisme d’Etat (la discrimination institutionnelle des juifs ou la prise en charge d’un discours antisémite par l’Etat ou les hommes politique) à disparu en France (ce qui est loin d’être le cas pour l’antisémitisme comme idéologie au sein de la population) , il existe bien aujourd’hui un racisme d’Etat qui prend notamment la forme d’une islamophobie d’Etat, qui s’articule autour de la figure du »terroriste islamiste« et plus largement du »péril islamique« [3]. L’intérêt pour l’Etat et les propagateurs d’une telle rhétorique est multiple : il permet de contourner sa propre législation de répression du racisme en entretenant l’ambiguité entre critique d’une religion, l’islam, et attaque contre une catégorie de population associée, assignée à l’islam (l’ensemble des travailleurs et travailleuses non blancs résidant en france, désigné lorsqu’ils ont la nationalité française comme »français d’origine« par opposition aux »français de souche« , sous entendu »blancs« de peau), que les individus qui la composent se revendique de cette croyance ou non : le pouvoir joue sur les stéréotypes racialistes : »musulman= arabe = turcs = une partie des noirs = pakistanais = jeunes de banlieue« . Comme en témoignent les propos de Nadine Morano, députée UMP, qui lors du »débat sur l’identité nationale« , affirme : » Moi, ce que je veux du jeune musulman, quand il est français, c’est qu’il aime son pays, c’est qu’il trouve un travail, c’est qu’il ne parle pas le verlan, qu’il ne mette pas sa casquette à l’envers" [4]
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Celle des subversifs rangés dans une catégorie fourre tout « anarcho-autonome » et ultragauche, comme en témoigne notamment les différentes vagues d’arrestation et de criminalisation des personnes et des groupes que le pouvoir désigne par cette étiquette, qu’ils soient militants révolutionnaires « autonomes », anarchistes, organisés formellement ou non. Le discours de Michèle Alliot Marie et sa circulaire concernant la « résurgence du terrorisme anarcho-autonome », ainsi que le montage de l’affaire de Tarnac représentent certaines des pièces de ce dispositif visant à exercer la répression de manière ciblée, afin de tracer les lignes entre la « contestation tolérée » et les « formes de contestations acceptables » d’une part, et celles qui, parce qu’elles remettent en cause l’ordre capitaliste par le discours ou la pratique, sont attaquées et qualifiées de « terroriste ». Il s’agit de signifier à l’ensemble des mouvement sociaux les limites dans lequel doit s’enfermer la contestation, mais aussi de réduire l’affrontement social à un groupe, une courant ou une « nébuleuse » désigné-e, auquel on demande à la population de se dissocier.
La réactivation du discours nationaliste et ce qui lui est indissociablement lié, racisme et antisémitisme [5] , ainsi que le soutien idéologique ou pratique à des mouvements de type fasciste. Nationalisme, racisme et antisémitisme sont présents dans la quasi totalité du spectre politique à l’état plus ou moins diffus, mais leur diffusion est assurée à la fois par les médias bourgeois, le racisme d’Etat, et par le discours d’un certain nombre de politiciens et d’intellectuels, mais aussi par les courants idéologiques et les officines fascistes.
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La création d’un ministère « de l’immigration et de l’identité nationale », ainsi que le débat sur l’identité nationale réactive le discours nationaliste et dans le même temps, comme conséquence, la xénophobie, c’est à dire l’hostilité à l’égard des étrangers.
Ce discours vise à protéger la bourgeoisie en divisant les travailleuses et travailleurs sur la base de la nationalité : en transférant la responsabilité des difficultés sociales sur les travailleurs immigrés, la bourgeoisie dévie ainsi la colère populaire en montant les travailleuses et travailleurs les un-e-s contre les autres. Dans le même temps, la politique anti-immigré a pour effet d’accentuer la précarisation des travailleuses et travailleurs immigrés, et ainsi de tirer vers le bas les salaires, les conditions de travail de l’ensemble des prolétaires. C’est à ce titre que la revendication de régularisation des tou-te-s les travailleurs et travailleuses sans papiers prend son sens, car elle permet de briser cette dynamique de précarisation, et créer le conditions d’une lutte commune et offensive entre travailleuses et travailleurs, face à la bourgeoisie.
Le débat sur l’identité nationale permet de masquer les vrais problèmes qui se posent à l’ensemble des classes populaires, quelle que soit leur nationalité : difficultés à se loger, loyers en hausse, licenciement, appauvrissement, problèmes d’accès à la santé, et d’évacuer les vraies questions : le partage des richesses, l’organisation économique, politique non pas au service d’une minorité exploitant la majorité, mais au service de la collectivité. [6]
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La diffusion d’un discours raciste masqué derrière un discours pseudo-laique dévoyé, qui s’attaque non pas à l’influence religieuse en général sur la société et la vie politique, mais à une seule religion minoritaire, permettant ainsi de faire passer un discours raciste masqué derrière la critique d’une religion. C’est le cas avec l’islam, comme cela avait été le cas avec le judaisme à une autre époque, ou nombre de critiques de la religion juive ne s’attaquaient pas à son caractère d’idéologie religieuse mais à une religion fantasmée et auquelle étaient assignés des stéréotypes racistes de type antisémite. Ce discours est tenu par le gouvernement (il trouve cependant des relais dans l’ensemble de la classe politique, y compris à l’extrême gauche ou dans le courant libertaire), pour mobiliser la population en faisant passer un discours raciste sous une forme « présentable ». Cela n’empêche ni l’Etat par ailleurs de financer activement divers cultes de manières indirecte, à travers notamment l’enseignement confessionnel privé, mais aussi les organismes religieux « représentatifs », ni pour celui-ci de se créer une clientèle au sein des institutions religieuses des différentes religions afin d’assumer un travail de contrôle social. L’hypocrisie de ce discours (décallage entre stigmatisation publique d’une religion et pratiques en contradiction avec la laicité)en souligne toute la dimension raciste.
les courants fascistes et leur utilité pour la bourgeoisie et l’Etat
Le soutien aux courants fascistes, comme prolongement du nationalisme, visant à la fois à dévier la révolte populaire, et à créer des mouvement pouvant suppléer l’Etat dans la répression des révoltes populaire, s’affranchissant au besoin des contraintes de la légalité bourgeoise. du nationalisme français classique, qui joue un rôle de division des classes populaires fondé sur la nationalité ou la couleur de peau, se développent des mouvements de type authentiquement fascistes, qui adoptent des stratégies d’alliance différenciées.
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Ainsi en est il des différentes courants, tendances et groupes se réclamant du nationalisme révolutionnaire :
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Les identitaires affirment ainsi un "anticapitalisme" de façade, romantique, dans la droite ligne du courant "national et social" du nationalisme français, tout en s’ancrant dans une conception ethnodifférentialiste et raciste qui fait la promotion d’un nationalisme et d’un suprémacisme blanc européen. Ce mouvement tente de fédérer la petite bourgeoisie et les prolétaires "blancs" autour d’un discours fondé sur l’affirmation d’une identité "blanche" et "européenne", face aux "musulmans" et à "l’islam" conçus comme un bloc menaçant l’intégrité culturelle, raciale des "européens" "de souche", c’est à dire "blancs et chrétiens ou païens". Dans ce contexte de crise, ce pseudo anticapitalisme, qui se présente comme "révolutionnaire", a pour fonction la défense de la bourgeoisie, puisqu’il divise les travailleuses et les travailleurs sur une base nationale, culturelle et racialiste. Les prolétaires immigrés ou désignés comme "allogènes" du fait de leur couleur de peau ou une orientation religieuse musulmane assignée par les nationaliste, sont désignés comme responsables (ou coresponsables) de la dégradation des conditions de vies des travailleuses et travailleurs et de la petite bourgeoisie. Cette rhétorique permet de masquer les responsabilités de la bourgeoisie, et plus largement, des rapports sociaux quotidiens du capitalisme et de l’Etat (exploitation - appropriation de la plus value par le biais du salariat, division de la société en classe, hiérarchie,...) dans cette dégradation. Cette tendance politique, bien qu’antisémite, essaie parfois de rallier des fractions de la minorité nationale juive [7] à sa politique, au nom de la lutte contre "l’islamisation". Il s’agit ici de dresser les minorités nationales juives, arabes et noires les unes contre les autres, au nom d’une prétendue "menace islamique", qui est la forme que prend une partie du discours raciste contemporain pour contourner la loi Gayssot et éviter les accusations de racisme. Cette tendance assume, de la même manière que l’aile "nationale et sociale" du front national réunie autour de Marine Le Pen, la fonction de division des classes populaires sur une base raciste et autour de la fiction qu’est la nationalité, en désignant comme ennemi prioritaire et bouc émissaire les étrangers, les arabes, les noires et les musulmans comme responsables de la dégradation des conditions de vie des prolétaires et de la petite bourgeoisie blanche, ce qui permet d’éviter toute remise en cause réelle du capitalisme et de la domination de la bourgeoisie et de l’Etat, en tentant de dévier les révoltes populaires dans le sens d’un affrontement au sein des classes populaires.
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Ainsi en est il de la mouvance ethno-différencialiste autour de Kemi Seba (Stelio Capochini du "mouvement des damnés de l’impérialisme") et de Thomas Verlet (du Parti solidaire français) qui vise à dévier la révolte populaire qui monte dans un sens raciste de type antisémite afin de préserver la bourgeoisie de la colère populaire, et d’éviter que se développe une mise en cause du capitalisme. Kemi Séba se situe dans le prolongement du nationalisme "social" français [8] le plus classique, celui qui a forgé les bases de la doctrine fasciste, puis nazie, à la fin du XIXe siècle. Ce qui explique sa proximité avec les nationaux-socialistes affichés du Parti solidaire français. Ce fascisme d’origine bien française, se fonde d’abord sur un discours raciste : on retrouve chez Kemi Séba l’influence d’un Vacher de Lapouge, mais aussi d’un Gobineau et des théoriciens du racisme qui ont été aux premières loges pour justifier la colonisation, le statut de l’indigénat, les massacres et l’oppression coloniale."L’anti-impérialisme" de pacotille de Séba apparait précisément pour ce qu’il est : une défense de l’impérialisme français, puisqu’il se base sur l’idéologie racialiste que celui-ci à forger pour justifier sa politique de conquête. Dans le même temps, celui-ci évite soigneusement de parler des exactions et du pillage de la bourgeoisie française (néo)colonialiste et impérialiste. Quand il évoque des situation où est impliqué l’impérialisme français, il n’y fait pas référence, et fait porter la responsabilité à un "gouvernement sioniste" associé aux juifs (la fréquence des allusions antisémites qu’il fait sur le mode "humoristique" ne laisse peu de doute à ce sujet), ré-utilisant là les classique de l’antisémitisme politique, qui vise à protéger la bourgeoisie contre la révolte populaire en attribuant les méfaits du capitalisme et de l’impérialisme aux juifs. L’Etat s’est démené pour donner crédit à son discours, en assurant sa médiatisation, et en le faisant passer à peu de frais comme un subversif "antisystème", alors qu’il n’est que le porte-voie de l’idéologie nationaliste forgée comme système de défense par une fraction de la bourgeoisie française. Kémi Séba se situe ainsi dans la tradition d’un nationalisme révolutionnaire français qui est le rempart ultime de la bourgeoisie en période de crise.
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Ainsi en est il également de la mouvance "antisioniste" constituée autour du trio Soral- Gouasmi-Dieudonné, dont le discours se structure également sur la base du nationalisme français, axé sur l’antisémitisme politique, même s’il mobilise également le fond antisémite religieux lié à la culture catholique française. Cette mouvance se situe dans la filiation revendiquée de la « droite révolutionnaire » française, et donc du « cercle Proudhon » qui réunissait des syndicalistes révolutionnaires regroupés autour de Sorel, mais également des socialistes comme Lagardelle, avec des militants « nationalistes intégraux » de l’Action française . C’est ce courant, qui a tenté la synthèse entre d’une part un socialisme antirationaliste, ayant renoncé à une rupture avec l’ordre capitaliste et la propriété privé, et d’autre part un nationalisme s’étant détaché de l’aristocratisme, qui va être à l’origine de l’idéologie fasciste de la « droite révolutionnaire ». « Gauche du travail et droite des valeurs », ce slogan d’Egalité et Réconciliation, l’organisation d’Alain Soral, résume bien la synthèse socialiste nationale, qui vise à la « nationalisation du prolétariat ». Cela correspond à une conception darwiniste sociale, qui considère que les nations, comme mythe, sont le moteur de l’histoire, et qui substitue la lutte des nations entre elle pour leur survie, à la lutte des classes. Substituer l’opposition entre groupes humains assignés à une nations ou entre groupes humains assignés à une race à la lutte des classes, c’est substituer à la lutte des prolétaires pour leurs intérêts concrets la lutte pour des mythes. Ces mythes permettent ainsi de mobiliser les classes populaires en défense des intérêts de l’impérialisme français, dans une période ou celui-ci redouble d’agressivité sur le plan international du fait de la crise. En cela ce courant sert l’intérêt de la bourgeoisie française. [9] Cette mouvance instrumentalise l’opposition au colonialisme israélien et au sionisme pour réhabiliter le discours antisémite classique du nationalisme français. Cela lui permet de contourner la loi Gayssot, tout en diffusant un antisémitisme de masse au moyen d’amalgames à partir de la situation palestinienne. Les stéréotypes antisémites visant les juifs (prétendue maitrise de la finance, des médias...) étant attribués à des "sionistes" accusés de contrôler le monde, l’instrumentalisation de la question palestinienne apparait de manière évidente :il ne s’agit pas pour ce courant de s’opposer à une politique coloniale, mais avant tout de diffuser un discours antisémite visant à exonérer la bourgeoisie française de toute responsabilité dans l’appauvrissement et l’exploitation des classes populaires, mais aussi de masquer la politique impérialiste de l’Etat français. Comme pour Kémi Séba, il s’agit ici de dévier la révolte populaire pour protéger la bourgeoisie française, en désignant un bouc émissaire, les juifs, dans la droite ligne de l’antisémitisme historique. Les deux courants essaient de mobiliser une partie des minorités nationales (arabes, noires...) contre une autre minorité nationale (la minorité nationale juive), dans un "front uni contre le sionisme" qui est en fait un "front uni antisémite", visant à dévier la révolte populaire contre le racisme et l’appauvrissement généralisé provoqué par le système capitaliste et l’Etat, afin de protéger ces derniers contre la colère populaire. Cela n’est pas nouveau : les pogroms ont historiquement été utilisés pour dévier la violence populaire contre des bouc émissaires, les juifs, afin de protéger les classes dirigeante d’une explosion sociale ou d’un risque révolutionnaire. Ainsi, les pogroms qui ont eu lieu dans les années 1880 sur le territoire polonais, orchestrés en partie par l’okrhana, les services secrets de la russie tsariste, qui avaient pour objet de protéger la bourgeoisie et l’aristocratie russe, en déviant la violence populaire contre les prolétaires juifs polonais. Cette tactique a été également utilisée en Algérie, à l’époque coloniale française, ou les propagandistes de la ligue antisémite allaient inciter les algériens musulmans à s’en prendre aux juifs qu’ils rendaient responsable de leur malheur : cela permettait de préserver le pouvoir colonial de toute perspective de révolte ouverte contre l’oppression qu’il exerçait, en créant un écran que les juifs algérien ont payé de leur sang. Le bénéfice était double pour le pouvoir colonial et la bourgeoisie française : dresser les arabes musulmans contre les juifs, et réciproquement : cela permettait de préserver le système colonial, et les colons, d’une révolte populaire. La bourgeoisie française et l’Etat français ont acquis une longue expérience en matière contre-insurrectionnelle et contre-révolutionnaire, au point qu’ils l’exportent. Les vieilles recettes qui se sont écrites dans le sang des minorités nationales et des classes populaires reviennent au goût du jour à la faveur de la crise. Il n’est d’ailleurs guère étonnant de voir qu’Egalité et réconcilation et Dieudonné et consort font preuve d’un silence ou d’une complaisance certaine envers l’impérialisme français et les responsabilités de la bourgeoisie française dans la boucherie coloniale, en la présentant comme une "erreur de parcours", laissant soigneusement de côté la politique impérialiste française actuelle.
Ces 3 tendances se revendiquent du même patrimoine idéologique nationaliste révolutionnaire ou « socialiste nationale » (pseudo-anticapitalisme, racisme "ethno différencialiste" [10]), antirationalisme, utilisation des mythes et de la « psychologie des foules » inspirée du fasciste Gustave Le bon comme moteur de l’histoire [11], sexisme, homophobie.
L’homophobie de ces courants les a d’ailleurs amené, malgré leurs différences idéologiques et stratégiques, à se retrouver sur une ligne commune d’agression envers les homosexuels, comme en témoigne la présence commune des identitaires et d’Egalité et réconciliation au rassemblement contre le Kiss-in à Saint Jean. C’est également pour la même raison qu’ils se retrouvent dans les mouvements d’opposition à l’IVG. Dans les 2 cas, il s’agit de défendre une vision essentialisée des femmes, assignée au rôle de reproductrices soumises, afin d’assurer la « reproduction des forces vives de la nation, les hommes étant quant à eux assigné au virilisme guerrier. Pour celles et ceux qui sortent de cette norme sociale c’est la répression sous forme de violence physique, et le fascisme historique a montré que la dimension génocidaire n’est jamais loin dans cette logique sexiste et eugéniste (auquel s’ajoute par ailleurs l’eugénisme vis à vis des personnes non valides).
De même, ces 3 courants ont en commun une révolte caractéristique du fascisme contre le rationalisme des « lumières », le mépris de « la foule » conçue comme menée essentiellement par ses émotions, le rejet de la démocratie (non pas de la pseudo-démocratie bourgeoise, mais de la démocratie comme principe) liée au rejet de l’égalité comme valeur, à la promotion de la hiérarchie comme principe d’organisation sociale. « Révolte « contre la culture de la société bourgeoise et le libéralisme, ils n’en défendent pas moins ses fondamentaux économiques (capitalisme, propriété privée) et donc jouent dans un contexte de crise le rôle de chien de garde de l’ordre capitaliste, quand bien même ils se vivent et se voient comme « révolutionnaires », « révoltés contre le système ».
Ces 3 courants au patrimoine idéologique commun ne se différencient que par des axes tactiques et par des appréciations idéologiques secondaires :
Les identitaires (et la tendance "sociale et nationale" du FN) s’adressent en priorité à la petite bourgeoisie et aux travailleuses et travailleurs "blancs",’ pour prévenir leur révolte. De manière secondaire, ils tentent de mobiliser la minorité nationale juive pour la dresser contre les autres minorités au nom d’une lutte contre "l’islamisation", au nom de "l’occident judéo-chrétien". Les identitaires sont racistes et antisémites, mais il désignent comme "ennemi principal" les arabes, les noirs et toutes les populations qu’ils désignent comme "non blanches" "allogènes", ce qui les amènent à mettre en avant principalement le racisme contre les noirs, les arabes, les turcs (désignés comme "musulmans"), en laissant leur antisémitisme au second plan pour attirer la fraction de la minorité nationale juive nationaliste française assimilationiste, et les sionistes (nationalistes juifs) dans un "front uni contre l’islamisation".
_ La mouvance ethnodifférentialiste autour de Kemi Séba et le "Parti solidaire français" et la mouvance "antisioniste" autour de Soral-Dieudonné-Gouasmi visent à mobiliser, dans un front uni antisémite, les classes populaires et la petites bourgeoisie blanche, ainsi que les minorités nationales noires et arabes, contre les juifs. Il s’agit ici également de dresser les minorités nationales les unes contre les autres. Le racisme colonial, partagé par la composante nationaliste "de souche" passe ici au second plan au profit de l’antisémitisme, afin de dresser les minorités nationales noires et arabes contre la minorité juive, et ainsi diviser les classes populaires, tout en protégeant la bourgeoisie, en désignant un bouc émissaire faisant figure de "pseudo-bourgeoisie" grâce aux stéréotypes antisémites traditionnels.C’est cette tactique qui sous-tend la séparation artificielle faite entre "capitalisme industriel" (le bon capitalisme enraciné, selon cette rhétorique) et "capitalisme financier", dans la droite ligne du fascisme historique, qui du fait de la permanence de l’idéologie antisémites et des stéréotypes qu’elle véhicule (association entre les juifs et la banque, la finance), permet de protéger le capitalisme et la bourgeoisie d’une remise en cause, en désignant des boucs émissaires.
La différence tactique entre ces deux mouvances, c’est que Séba et le PSF affirment une conception ouvertement racialiste du nationalisme, alors que la mouvance Soral-Dieudonné mixe la conception nationaliste française racialiste avec celle de la "communauté de destin" telle que définie par Ernest Renan (théoricien de la conception française de la nation).
Mais les deux partent d’un constat partiel de la réalité des classes populaires aujourd’hui, c’est à dire de l’existence de minorités nationales noires et arabes, et cherchent à prévenir leur révolte contre le système raciste et le capitalisme et l’Etat, en s’adressant à elle, en les mobilisant de manière à préserver la bourgeoisie française et l’Etat de la révolte populaire et d’une éventuelle unification des différentes fractions des classes populaires (la fraction des classes populaires "blanche" et les fractions des classes populaires appartenant aux minorités nationales), affirmant une unité de classe face à la bourgeoisie. Une telle unification reviendrait à replacer l’affrontement sur le terrain de l’affrontement entre les classes et comporte un risque révolutionnaire évident pour la bourgeoisie.
C’est en conscience de cela qu’elle s’efforce de masquer les antagonisme de classe et d’y substituer les antagonismes racistes. Les nationalistes révolutionnaires représentent le groupe le plus explicite et déterminé portant cette idéologie nationaliste et raciste qui influence l’ensemble de la classe politique française. Dans un contexte de crise, leur " radicalité d’apparence" permet de canaliser la révolte populaire, pour conserver le caractère "horizontal" de la violence, au sein des classes populaires et entre ses différentes fractions, pour éviter que cette violence ne devienne "verticale", c’est à dire dirigée contre les classes dominantes, la bourgeoisie, le capitalisme et l’Etat.
Les nationalistes révolutionnaires, suprémacistes blancs français trouvent des alliés naturels au sein des courants nationalistes spécifiques aux minorités nationales, ou avec des mouvements nationalistes et réactionnaires alliés de l’impérialisme français, comme le montre l’alliance ou entre le PSF et Kémi Séba, le rapprochement entre les identitaires et les sionistes fascistes de la LDJ, entre Soral, UOIF et Gouasmi du centre Zahra France.
Les nationalismes se renforcent mutuellement, même s’il paraissent s’opposer en apparence (tout en partageant le même fond idéologique, et la même fonction de défense de la bourgeoisie) puisque la montée de la violence au sein des classes populaire liée à la diffusion des discours racistes et nationalistes alimente dans le même temps le replis nationaliste, les différents nationalistes s’appuyant sur les nationalismes prétendument antagonistes pour justifier leur théories.
La période récente a vu se développer à une vitesse rapide, en France comme en Europe, des mouvements de type fasciste, notamment ceux précédemment évoqués associant une activité d’implantation sociale, une forte activité de diffusion idéologique à travers notamment la culture (musique, internet,...), se basant sur une relecture fasciste de Gramsci, qui insiste sur l’importance du métapolitique, c’est à dire de l’hégémonie culturelle, dans la stratégie politique, ainsi qu’une activité de rue agressive. Dans un certain nombre de pays d’Europe, cela s’est traduit par une augmentation des attaques racistes, homophobes, xénophobes mais aussi des agressions de militant-e-s révolutionnaires, des attaques contre les luttes populaires. En cela on peut constater le rôle de supplétif de l’Etat que jouent ces groupes fascistes, comme en témoigne par exemple l’agression à coup de barre de fer d’un rassemblement contre la venue de Besson à Lyon.
En France cette tendance est donc de plus en plus perceptible, comme en témoignent les exemples de Lyon, Tours, Arras, Lille et bien d’autres lieux... Cette tendance a une voie royale pour se développer dans un contexte de crise capitaliste, et la bourgeoisie, qui pour l’instant cantonne les fascistes dans un rôle de supplétif, (parce que le masque de la démocratie lui est pour le moment moins couteux comme mode de gouvernance et de gestion des classes populaires),peut tout à fait leur accorder un soutien politique et financier le jour où elle se sent menacée.
Pour l’instant nous sommes au stade du développement d’une influence culturelle et idéologique de masse, et la violence de rue des fascistes, si elle augmente, reste mesurée, parce que la bourgeoisie et l’Etat lui fixent des limites, mais nous risquons de nous retrouver rapidement face à une une dynamique pogromiste, si la bourgeoisie et l’Etat lâchent la bride au fascisme. Si le fascisme se développe plus encore, l’histoire nous a montré qu’il possédait une dynamique génocidaire intrinsèque.
On constate également que les groupes fascistes s’appuient sur une stratégie de passerelles, notamment sur internet, ou ils mobilisent des "idiots utiles" pour diffuser une partie de leur discours, prendre leur défense voire relayer leur discours au nom de la "liberté d’expression", faire la promotion de leur site au moyen d’un système de liens internet.
C’est le cas par exemple d’intellectuels comme Michel Collon ou comme Jean Bricmont : le site du premier sert de Passerelle vers des sites fascistes (Alterinfo tenu par un militant de Vox NR, structure nationaliste révolutionnaire, clap36 tenu par des proches de Dieudonné, etc...) et son dernier livre « Israel Parlons-en » accrédite Paul-Eric Blanrue, antisémite auteur d’un livre « Israel, Sarkozy et le juifs ». Il a par ailleurs participé au réseau conspirationiste « Axis for peace » au côté des fascistes que sont Dieudonné et Jacques Cheminade.
Le second, Jean Bricmont, se fait le porte de voix de la « liberté d’expression » pour les négationistes et les antisémites sous couvert « d’ouvrir le débat » sur le sionisme, en leur donnant ainsi une caisse de résonance au delà des sphères de l’extrême droite classique.
Certains sites se présentant comme « pro-palestiniens », tels « Palestine Solidarité », « infos Palestine » ou le site de l’ISM relaient de manière complaisante les discours de Dieudonné ou d’un antisémite comme Gilad Atzmon (qui a fait la promotion du livre négationiste de Paul Eisen).
Ils s’appuient pour cela sur un certain nombre de brèches, que sont notamment la faiblesse de l’analyse et de la réflexion politique en France y compris dans les milieux révolutionnaires. La stratégie consiste par exemple à surfer sur les ambiguités d’un discours "anti-impérialiste" et "anti-libéral" ou "anti-capitaliste" a-classiste, pour développer un pseudo anti-capitalisme qui insiste sur l’opposition au "capitalisme financier" pour mieux préserver le capitalisme comme système d’exploitation économique et social, et pour mieux préserver l’impérialisme français (en insistant sur la dénonciation de l’impérialisme américain ou israélien pour masquer la violence de l’impérialisme français).
L’opportunisme d’un certain nombre d’organisations d’extrême gauche qui par paternalisme et parce qu’elles essentialisent les prolétaires racisés des minorités nationales cautionnent des organisations réactionnaires se réclamant de l’islam politique, ou des organisations qui servent de passerelle telles qu’Europalestine, cet opportunisme ouvre aussi la voie au développement de ces tendances fascistes.
Enfin, cette stratégie est rendue possible par la faiblesse de la réflexion sur le racisme et l’antisémitisme à l’extrême gauche et au sein d’une partie du mouvement libertaire. Voir, dans le cas de l’antisémitisme, à sa négation ou à sa minimisation sous prétexte que le discours antisémite est officiellement condamné par l’Etat. Le fait que les sionistes aient instrumentalisé l’antisémitisme est utilisé pour disqualifier systématiquement toute mise à jour de la réalité de l’antisémitisme, des discours et pratiques qui s’y rattachent. L’antisémitisme est considéré comme l’apanage de quelques groupes nazis folklorique ou, dans une perspective raciste, de la minorité nationale arabe en France, alors qu’il irrigue la société française dans toutes les couches sociales, remontant à la surface à la faveur de la crise qui remet au goût du jour les grands thèmes de l’antisémitisme politique (fantasmes sur les juifs et les médias, ou les juifs et les banques et le communautarisme juif). L’antisémitisme est pourtant une constante de la vie politique française, de l’extrême droite à l’extrême gauche [12], depuis longtemps. La crise est l’occasion pour celui-ci de remonter à la surface, planqué derrière des "critiques" du sionisme qui quittent rapidement le terrain de l’anticolonialisme pour recycler les vieux thèmes antisémites, ou derrière des pseudo-critiques de la religion juive qui mèlent clichés antisémites à la critique antireligieuse. [13]
L’autre tendance consiste également pour les fascistes à s’appuyer sur des discours conspirationnistes [14] qui représentent la première porte d’entrée vers les discours fascistes, puisqu’ils exonèrent la classe capitaliste, et les rapports sociaux capitalistes et hiérarchiques, ainsi que le système étatique de tout discours critique et de toute responsabilité dans l’appauvrissement et l’exploitation des classes populaires, ainsi que dans la logique de terrorisme d’Etat à l’oeuvre à l’échelle internationale. Au nom d’un "anti-impérialisme" de façade, au nom d’un "antisionisme" qui n’a rien à voir avec l’opposition au colonialisme israelien (qui sert seulement éventuellement de prétexte) mais tout à voir avec l’antisémitisme, au nom d’un discours pseudo-laique voire pseudo-féministe, ils introduisent le venin idéologique nationaliste et raciste, et développent leur influence culturelle, idéologique et sociale.
Cette stratégie a du succès parce qu’il n’existe pas d’alternative politique à l’appauvrissement généralisé, au terrorisme d’Etat, qui soit envisageable pour la majorité de la population, et qui lui apparaisse comme crédible. Cela tient notamment à la faiblesse des organisations antihiérarchiques, mais aussi au fait que le projet de société et les idées portées par les anarchistes révolutionnaires apparaissent souvent comme déconnectées des préoccupations concrètes des classes populaires. C’est lorsque notre mouvement répondait à ces préoccupations qu’il avait une influence populaire de masse, et qu’il constituait une force révolutionnaire. C’est lorsque la population partageait l’idée qu’une alternative à l’Etat et au capitalisme était possible, tout en envisageant des réponses concrètes et autonomes à ses préoccupations que la rupture avec le nationalisme apparaissait comme une nécessité émancipatrice, que la révolution, seule alternative réelle au fascisme, devenait possible.
Quels enseignements en tirer ?
C’est ce constat qui pose la question d’une stratégie efficace face au fascisme de la part des anarchistes révolutionnaires.
Cela signifie à mon sens rompre avec un certain « folklore » qui réduit l’antifascisme au mieux à la lutte contre les fascistes, au pire à une lutte bande/groupe contre bande.
Cela passe également par la mise en avant d’une approche de classe, qui visibilise l’antagonisme réel, celui qui oppose la bourgeoisie et l’Etat d’un côté, les classes populaires de l’autre, et qui pose la question de la nécessité révolutionnaire d’une rupture avec le capitalisme et l’Etat. Cela passe par une lutte idéologique contre le fascisme, associé au développement de luttes autonomes partant des nécessités concrètes des classes populaires, qui mettent à jour cet antagonisme réel et démasquent les fascistes pour ce qu’ils sont : les instruments de la bourgeoisie en période de crise.
Cela passe par la promotion d’un projet de société et de la nécessité d’une rupture révolutionnaire avec le capitalisme et l’Etat, comme alternative au replis nationaliste.
Cela passe enfin par la compréhension du fait que ce phénomène n’est pas réductible à « l’effet de l’affaiblissement du front national » libérant la place à des groupes radicalisé, mais à une tendance à l’autodéfense idéologique de la part de la bourgeoisie pour prévenir toute menace en période de crise.
Cela passe enfin par la promotion et l’organisation d’une autodéfense antifasciste qui passe par la construction d’une résistance populaire à ces tendances, contre les attaques physiques mais aussi contre l’idéologie fasciste, c’est à dire d’une vigilance face à la diffusion de discours racistes et antisémites, y compris dans les milieux « progressistes », ainsi que la diffusion d’un contre-discours brisant l’idéologie fasciste. Cette approche est la condition du développement d’un antifascisme populaire, qui élargisse le champs de la lutte contre le fascisme, et qui ouvre des perspective de rupture avec l’ordre capitaliste et étatique qui nourrit le fascisme.
Un grand merci aux camarades de l’Action Antifasciste pour leurs remarques qui ont contribué à enrichir ce texte.
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