La « réalité » est libérale chez Daniel Schneiderman

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Ce dimanche 2 octobre dans l’émission « Arrêt sur images », Daniel Schneiderman et son équipe abordent la question du traitement par les médias des licenciements à Hewlett-Packard.
Ses invités étaient Frédéric Vu, syndicaliste CFTC du groupe, le maire de Grenoble Michel Destot, et Matthias Leridon, « consultant en communication d’entreprise ».

Ce qui m’a frappé, c’est le discours sous jacent de ce fameux consultant. Je n’en attendais pas moins de sa part, de par sa fonction mais tout de même...

Tout d’abord, à chaque fois qu’il a la parole, Mr Leridon ne manque pas d’utiliser plusieurs fois le mot "réalité" pour bien montrer qu’il est du côté de ceux qui savent quelle est cette réalité, autrement dit la réalité économique ; sous-entendant ainsi que les autres sont du côté de l’affabulation, du rêve, de l’illusion alors qu’il est du côté de la lucidité.

Dans son discours, il prend bien garde de ne jamais mettre en cause les entreprises qui, quoi qu’elles fassent, sont du côté de la réalité, du pragmatisme, n’ont de reproche à recevoir de personne et surtout pas des politiques dont la fonction doit se limiter à gérer les situations créées par les entreprises, c’est à dire à faire en sorte que les personnes licenciées - les licenciements étant une situation indiscutablement naturelle et normale - soient réambauchées ailleurs.

C’est là le vrai combat. D’après Mr Leridon, la responsabilité des entreprises n’est jamais à mettre en cause tant leur position est indiscutablement du coté du "bien". D’ailleurs il insiste bien sur les nombreux emplois créés par les entreprises dont on ne parle jamais. Les entreprises sont des sortes d’ héroïnes créatrices d’emplois mais en même temps victimes de l’ingratitude des médias qui ne parlent d’elles que pour dire du mal.

Il exprime bien le fond de sa pensée lorsqu’il affirme comme une vérité indiscutable que « les politiques ne doivent pas chercher à gérer les entreprises, et les chefs d’entreprises n’ont pas à se prendre pour des élus ». Malheureusement, personne sur le plateau ne lui rétorque que beaucoup de chefs d ’entreprises se prennent déjà pour des élus et le sont même d’ailleurs : combien de chefs d’entreprises privées ou publiques au gouvernement ou au parlement ? Pensons à Francis Mer retourné à ses affaires, Serge Dassault, Thierry Breton pour ne citer qu’eux...

Mais beaucoup plus grave, cela sous entend qu’il est évident que les entreprises sont autonomes par rapport au politique qui doit rester à sa place et se mêler de ce qui le regarde. C’est à dire que la façon dont sont dirigées les entreprises ne le regarde pas. Les entreprises sont hors politique, elles représentent un domaine à part qui n’a de compte à rendre à personne, surtout pas à la société, la politique ou à la loi.

Peu importe que la façon dont est organisé le travail ait un impact majeur dans la vie des personnes vivant dans un pays, qu’il soit un élément décisif de la façon dont fonctionne une société, que les entreprises soient un acteur central de l’organisation de la société. Peu importe tout cela, elles sont déconnectées, dans une autre dimension, intouchables, planant au dessus de la pesanteur de la politique et de ses contraintes.

Mais là où monsieur le consultant est habile, c’est qu’en affirmant que les entreprises ne doivent pas faire de politique, il fait exactement le contraire : il assène comme une vérité une vision politique, celle justement de l’idéologie libérale où le politique organise son impuissance afin de n’être réduit qu’à la "gouvernance", concept dans lequel l’économie est en roue libre dans n’avoir plus aucun compte à rendre à la société et à ses représentants élus qui ont depuis longtemps oublié ce que voulait dire l’intérêt général pour se plier aux intérêts des entreprises.

Dommage qu’il n’y ait eu personne pour lui répondre. C’est vrai qu’au moment où cela aurait pu se passer, il fut rappelé qu’on était là pour parler des médias, pas pour parler de politique.

Dommage...Monsieur le consultant, tout en s’en défendant, l’avait dejà fait...

Et c’est ainsi que, jour après jour, se distille patiemment et profondément l’idéologie libérale dans les esprits, ne se présentant jamais comme telle mais comme une "réalité", une vérité indiscutable...

Invalidfuture

P.-S.

Vous pouvez revisionner cette émission sur le site de France cinq.

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