La tentation brune de l’arc-en-ciel

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Je suis mal à l’aise ces derniers temps. Mal à l’aise parce que je suis « membre de fait » d’une communauté appelée LGBTI ou Queer. Je me retrouve à l’observer (par goût) et ce que je constate ne m’amuse pas.

Mais que se passe-t-il dans la tête de pas mal de personnes ces temps-ci ? Pourquoi lis-je ou entends-je de plus en plus cette assertion que je pensais inimaginable ? Oui, depuis quelques mois maintenant, le vote Le Pen n’est plus tabou au sein de la « communauté ». Pire, il semble y prendre un poids bien au-delà du raisonnable.

Tout commence pour moi par des discussions, au départ sans fond politique, sur les réseaux sociaux (oui on a beau se dire que c’est de la merde, c’est prenant quand même). Ca part dans tous les sens ce genre de discussions, mais ces derniers temps, fréquemment, le dérapage est là très vite. Généralement, cela démarre avec une remarque sur « les musulmans ». Puis sur un supposé « intégrisme fort » pour se terminer par « moi, de toute façon, je pense qu’en 2012 je vote Le Pen, c’est la seule qui veut protéger les pd ». Oui je résume, en forçant très peu le trait ceci dit.

Qu’est ce qui peut pousser une minorité souvent mise à mal dans l’histoire comme au présent à accepter de voter, d’adhérer à des idées, contre elle-même ? C’est un peu le réflexe de l’ouvrier blanc contre le basané… Un oubli de classe ou de lutte commune au profit d’un égoïsme mal placé.

D’ailleurs, on voit même apparaitre sur Facebook des groupes du genre « les gays avec Marine » ou autre… C’est dire !

Il faut avoir la mémoire courte pour ne pas se souvenir des propos et écrits du parti de Le Pen père et filles. De la discrimination homophobe en passant par le rejet des séropositifs, la propagation de rumeurs infondées mais destructrices à propos de la propagation du SIDA, la haine viscérale affichée au moment du PACS. Tout cela serait oublié, du passé ? Il faut une grande candeur pour le croire !

En fait, la force de Le Pen, bien aidée par le gouvernement en place et certaines personnes de « gauche », c’est d’avoir réussi à instrumentaliser le fantasme autour des « musulmans » et d’avoir désigné avec force un ennemi intérieur au nom de la « laïcité » (autre mot qu’elle dévoie chaque jour). En s’appuyant là-dessus, elle peut dresser les opprimés les uns contre les autres. Au profit d’une seule chose : sa soif de pouvoir et de nuisance.

Faisant d’ailleurs oublier un peu vite que, globalement, toutes les religions rejettent les homosexuel(le)s et transgenres… Pratique quand on sait que le FHaine est un nid à catholiques intégristes !

Mais je suis dubitatif néanmoins sur la part que cela semble prendre dans le milieu gay (pour faire un raccourci).

Combien de temps a-t-on dû se battre pour obtenir la reconnaissance de nos morts sous les fascismes et autres barbaries dans le monde, pour qu’aujourd’hui on ose porter un parti dont la plupart des membres réécrivent l’histoire ? Combien de combats pour la reconnaissance des droits des malades pour aller vers un parti qui les méprise ? Combien de luttes encore à mener pour l’égalité des droits pour aller vers un parti qui nous promet une ségrégation bien propre ? Combien d’années de combat pour ne plus être vus comme des malades mentaux pour aller vers un parti où l’homosexualité est vue comme déviance ?

Bien que la proportion semble inférieure dans le milieu gay qu’ailleurs il ne faut pas nier que l’envies de vote (déjà, le vote...) pour Le Pen est en augmentation. Et cela ne peut que nous interpeler.

Chaque fois qu’un groupe, plus ou moins important, oublie la lecture de classe et d’oppression qui le concerne, il finit par voter ou adhérer aux pires idées, des idées contre lui-même, et qui, in fine, arrivent au pire.

Aujourd’hui, le virage à droite de la société est palpable, les idées merdeuses du FHaine se propagent, mais pire que tout, même certains de ceux qui devraient avoir le reflexe de combattre ces idées, ne serait-ce que par la « place » que leur octroie la société, se retrouvent à agir contre eux.

Certes, une sexualité ne fait pas le / un vote, mais l’ostracisme qui entoure cette sexualité en question devrait pousser à penser autrement son rapport au monde. Ce n’est surement pas en opprimant d’autres minorités que l’on ira mieux.

Décidément, le fascisme c’est la gangrène, on l’élimine ou on en crève.

Fablyon

P.-S.

PS : bien entendu ce propos n’engagent que moi.

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  • Le 30 janvier 2012 à 17:03, par Fablyon

    d,

    Nous sommes d’accord qu’il faut aussi cresuer les « rapports de pouvoir » de partout, et ne pas limiter la réflexion aux bornes que j’ai senblé donner ci dessous ;)

    Sinon je n’avais pas pris du tout tes remarques pour moi, mais je recontextualisais les choses pour les rendre plus « claires » ;)

    La difficulté in fine sera de trouver le moyen de grouper les luttes, et en cela la discussion n’est jamais mauvaise :)

  • Le 29 janvier 2012 à 19:05, par d

    Oui bien sûr, mes remarques ne te visaient pas toi et ne présupposaient rien de tes intentions, ton texte m’a juste donné envie de réagir... Et notamment parce que je crois qu’on n’est jamais que dominéE ou dominantE, oppresséE ou oppresseurE ; qu’il y a différents rapports de pouvoir qui fonctionnent ensemble, y compris parmi les lgbt ou tpg et dans nos mouvements ; que c’est par exemple quand même plus facile d’être un gay blanc et cisgenre avec un salaire et des papiers, qu’une gouine trans racisée et sans-papière. C’est parce qu’on n’a pas les mêmes positions que peuvent apparaître des discours qui nous opposent, et c’est en tenant compte de ces différences qu’on peut construire de vraies alliances. Enfin je crois, et merci d’avoir lancé la discussion !

  • Le 29 janvier 2012 à 12:22, par Fablyon

    Je vais apporter une petite précision, pour lever une ambiguïté que je trouve légitime (les remarques de « d » sont largement fondées)

    Tout d’abord, ce texte est au départ une réflexion personnelle, et il date d’avant la déferlante médiatique du CEVIPOF ou autre C’est un réel ressenti, qui fait frissonner dans le mauvais sens du terme ;)

    Ensuite, bien entendu, mon intention n’est pas de catégoriser qui que ce soit, et de jouer au jeu de petite phrases. Mais plus de me poser la question en terme « dominés / dominants » ou « opprimés / oppressifs » . Aujourd’hui, voir des personnes (quelque soit la raison) s’automutiler intellectuellement, quelque soit la raison, sexualité, ethnicisation ou autre, et se mettre un flingue sur la tempe m’interroge grandement.

    Alors bien entendu, ce texte n’est pas parfait, mais il ouvre le débat, et c’est déjà ça :)
    Et merci pour le lien vers cette émission que j’apprécie, même si parfois elle m’irrite sur certains points ;)

  • Le 28 janvier 2012 à 19:36, par d

    Quelques remarques à propos de cet article...
    La question du « vote lgbt » est apparue cette semaine, suite à la publication d’une étude du CEVIPOF sur les opinions politiques des gays, bis et lesbiennes. En gros, cette étude conclue qu’il y a chez les électeurICEs bi- et homosexuelLEs un ancrage fort à gauche (50% des personnes interrogées se déclarent proches d’un parti de gauche) et un net rejet de la droite parlementaire (15% s’en déclarent proches). Et sur l’extrême droite : « un attrait tout aussi prononcé que chez l’ensemble des FrançaisEs » (10%), mais « le potentiel de vote [des gays, lesbiennes et bis interrogéEs] en faveur de Marine Le Pen (19,5%) est aujourd’hui supérieur aux suffrages recueillis par son père en 2007 (14%) ».
    Alors oui, ça fait flipper, mais c’est surtout l’extrême droite en général qui fait flipper, et je crois qu’il ne faut pas se tromper de cible. Si on parle du « vote des gays et des lesbiennes » dans le Monde, c’est parce que les candidatEs y voient un électorat potentiel et donc en font un thème de campagne (mariage, adoption, etc). Mais je ne suis pas sûr qu’on ait intérêt à reprendre ce genre de catégorisations et de représentations des positions et des pratiques politiques.
    Pas parce que ça concerne les élections et que nous on est trop radicaLEs pour s’y intéresser. Mais plutôt parce qu’on risque de reproduire les mêmes formes de stigmatisation avec le « vote homo » que celles qui existent par exemple pour le « vote ouvrier », assimilé à un vote d’extrême-droite. Et aussi parce qu’on risque d’oublier pourquoi on s’intéresse aux individuEs ainsi catégoriséEs. Et c’est ça l’enjeu je crois, en tout cas ce contre quoi on peut lutter : l’instrumentalisation de certaines minorités pour en stigmatiser et en exclure d’autres, des droits des femmes et des lgbt pour des idées nationalistes et racistes. Le problème, c’est peut-être pas tant le « vote lgbt » que l’homonationalisme.
    (ps : sur ce sujet, on peut écouter l’émission de On est pas des cadeaux ! du 30/09/11).

  • Le 25 janvier 2012 à 12:35, par Valentine

    Cela fait bien écho à l’article du monde sur le vote gay et bi ( bien que le sondage ne fasse pas de différence entre les personnes se disant gays et celles se disant bi , bref, on peut pas tout avoir ) http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/01/24/le-front-national-seduit-aussi-les-homosexuels_1633651_3224.html

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