Là où certaines et certains sont peu doué-e-s pour cacher leur haine des femmes et/ou des sexualités différentes de la normative qu’ils rêvent, Milène Clichy arrive avec beaucoup plus de doigté.
Notons déjà la réassignation supposée par le titre du cycle de conférence. Vivre sa fertilité... Le rôle de la femme (car ne nous mentons pas, toutes les conférences sont à destination des femmes, qui semblent donc être les seules à pouvoir gérer la fertilité ...) se retrouve ramené à l’essentialisme habituel : femme = procréatrice = ventre fertile. Les êtres humains, c’est bien connu, comme le disent tous les "textes sacrés", ne sont là que pour peupler la terre. On voit déjà là l’orientation prise par l’auteure.
La première conférence porte sur l’impact de la pilule sur le corps. S’il ne s’agit pas pour nous de nier le fait que cette méthode puisse être interrogée, critiquée, repensée, ce qui nous dérange c’est que le descriptif de la conférence contient déjà deux contre-vérités. La première sur un prétendu blocage des minéraux et vitamines par la prise d’hormones. Si un bruit court là dessus, aucune étude scientifique conséquente ne démontre cela dans l’utilisation hors surdosage de la pilule contraceptive. Point de réappropriation de l’outil, une négation de son utilité et une négation de la capacité à adapter le dosage à son corps. Ensuite le descriptif parle de clefs pour réécouter son corps et déterminer ses périodes de fertilité. Comme si cela était suffisant : il suffit de se pencher sur la littérature féministe des années 70-80 pour comprendre en quoi cette méthodologie, bien que pratique, n’est clairement pas suffisante. L’année prochaine nous proposeront-ils une conférence sur la méthode du retrait et les bienfaits de la prière ? Et au fait, la vasectomie ça existe aussi.
La seconde est autour de la célébration de l’utérus. Oui, on ne parle pas là de plaisir, mais bien de procréer. Sauf que la conférence fait d’un coup abstraction du clitoris en affirmant que l’utérus, hyper-vascularisé (et donc seul présent dans la région semble-t-il) est un organe très sensible. On notera que ce n’est pas le seul organe vascularisé du corps humain et que la vascularisation n’a pas grand chose à voir avec la sensibilité (ou comment détourner la science pour lier cela à des forces supérieures ou autre). Et là bingo, ça ne loupe pas : il faut donc faire "circuler les énergies" et "habiter son corps de femme par l’intérieur". Nous cherchons encore de quelles énergies l’auteure parle. Doit on prévoir une pile neuf vol0ts pour se rendre à la conférence ?
Évidemment, nous savons bien que tout cela porte sur la notion d’énergie primaire si chère au nouveaux mouvements à portée religieuse (Penchamama, etc...). Mais ce qui nous interpelle réellement, c’est que l’on parle bien de se reconnecter non pas au plaisir et au désagrément liés au sexe féminin, mais bien seulement à la super énergie géniale de la fertilité... Doit on comprendre qu’une femme qui n’est pas mère ou n’envisage pas de l’être n’est pas complète ? Qu’elle tue une "énergie" incontournable de la vie ?
Troisième conférence, et là on touche du doigt le naturalisme et l’essentialisme : il s’agit de vivre son cycle féminin en harmonie avec la nature. Eh oui, mesdames, vous devez vous plier aux injonctions de dame nature pour bien vivre sans quoi ... Vous irez en enfer, ou serez parquées à Tchernobyl !
On apprend donc que la "physiologie féminine est en correspondance avec le rythme des saisons". Ha ? Nous aurions loupé quelque chose ? Car aucune étude ne démontre une baisse des accouchements en fonction de la saison...
Il s’agit donc de "comprendre pour vivre avec force sa vie"... Attendez, il faut se soumettre aux lois de dame nature pour vivre avec force ? Dieu n’est pas loin.
Comme pour Vivaldi, il parait que les "quatre saisons rythment le cycle féminin". Alors, comment dire. Imaginons une perte de fertilité supposée en France durant l’hiver, et hop, un voyage à Rio et vous voilà l’été ! Plus besoin de PMA, un billet d’avion suffira ! Merci dame nature et madame Clichy !
Pour l’aider, Milène Clichy fera appel à Brigitte Maffray pour vous aider à "percevoir la respiration énergétique de votre vie et votre rythme personnel". Bon, ok, nous admettons que ça fait un peu plus New-age que les tests de la scientologie ... Mais quand même quoi...
Voilà, un cycle qui sent bien le réactionnaire et la remise en question du féminisme.
Car l’auteure n’en est pas à son coup d’essai. Par exemple, pour elle, le corps de la femme ne lui appartient pas. Non, non ! Toute fertilité est liée au couple, comme dans cette superbe déclaration : « Cette méthode va dans le sens du mouvement des forces de vie de la femme, elle n’endort pas son cycle comme le feraient certaines pilules. Elle apprend aux couples à assumer leurs choix ». Couple hétérosexuel évidemment. Et choix d’avoir un rapport sexuel ou non ?
Mais attention, on ne s’arrête pas là. Mesdames, il va falloir faire des fruits, comme tout arbre qui se respecte. Et d’ailleurs au passage, cessez de nous dire que les hommes auraient des privilèges, car tout se construit dans l’harmonie et la joie, le dialogue et le respect des lois de dame nature. C’est pas moi qui le dit, c’est Milène Clichy : « L’homme et la femme prennent le temps qu’il faut, ils marchent dans le même sens, côte à côte, et non l’un contre l’autre. J’ai beaucoup mûri dans mon couple avec cette méthode car elle fait grandir en conscience. Un arbre a ses fruits tous les ans. Il fait son don par sa propre lutte contre la mort. C’est cette lutte qui le rend fort, beau, digne. Dans le couple, le désir d’union ne se résume pas au sexe mais à l’Amour dans son expression quotidienne. L’endurance rend fort et l’amour grandit parce que l’on sacrifie son désir pulsionnel au profit de l’objectif commun. ». Hallelujah ! (Ha non pardon il n’y est pas)
Sommes nous du coup en droit d’espérer une action d’interpellation dans le cadre de Primevère pour souligner le danger de cette vision de la vie pour les femmes et leur émancipation ? Va-t-on cantonner la critique qu’entre nous ou l’offrir au grand public lors d’un salon très couru ?
L’ater-écologie semble s’enfoncer de plus en plus vers un naturalisme bon teint, porte ouverte aux délires religieux et conservateurs. Rassurant les messieurs sur leur virilité et le rôle qu’ils assignent majoritairement aux femmes, celui de matrice de leurs enfants. De quoi sans doute aider aussi à la préservation du patriarcat, cette espèce menacée selon Zemmour...
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