Les congés payés, ça n’est pas tombé du ciel !

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1936-2006 : parce qu’il est toujours bon de comprendre d’où on vient pour savoir où on va...
Après quelques semaines de la fin des vacances d’été, personne n’imaginerait que les congés payés puissent ne pas exister... et pourtant.... il a fallu les grèves de mai-juin 1936 pour que le patronat et le gouvernement accordent, entre autres, les deux semaines de congés payés, de peur de perdre bien plus...

Mais qu’est-ce qui c’est passé en 1936 ?

Sans rentrer dans le détail, rappelons qu’après la 1er guerre mondiale, les grèves se sont multipliées et ont abouti en particulier à la journée de 8 heures sur 6 jours, donc 48 heures par semaine, sans diminution de salaire.

Après 1921, la CGT scissionne (CGT et CGTU), et tombe sous la coupe d’organisations politiques : c’est le début de l’ère du syndicat « courroie de transmission » du parti. Commence alors une période de régression des acquis : baisse des salaires, licenciements, chômage... La classe ouvrière est divisée, affaiblie.

Le rapport de forces s’inverse avant 1936. La classe ouvrière se mobilise depuis plusieurs années : le fascisme s’est imposé en Italie, le nazisme en Allemagne, en France les ligues d’extrême droite occupent la rue. Le Parti communiste, qui s’était enfermé dans le sectarisme, ne peut plus tenir la CGTU : la base fraternise avec celle de la CGT dans d’immenses cortèges de travailleurEs. L’unité devient un mot d’ordre qui galvanise les travailleurEs. Elle est réalisée début 1936.

Le 1er mai 1936, de nombreux ouvrierEs font grève autant pour fêter la victoire du Front populaire que pour exprimer leur ras-le-bol de la situation économique. Il faut rappeler qu’à l’époque, le 1er mai n’est pas un jour férié, mais un jour de lutte où les ouvrierEs qui font grève risquent souvent d’être licenciéEs.

Et c’est justement le licenciement d’ouvriers grévistes du 1er mai qui va déclencher spontanément des grèves dans plusieurs entreprises. Fait nouveau en France, des grévistes occupent leur usine ! Ces grèves avec occupation se répandent comme une traînée de poudre dans toute la France.

La grève s’étend dans presque tous les secteurs y compris les très petites entreprises : d’abord la métallurgie, puis aussi la grande distribution de l’époque jusqu’aux vendeurs de journaux, garçons de cafés, ouvrierEs agricoles, tous revendiquent de meilleurs salaires, conditions de travail, etc.

Dans certaines entreprises qui reprennent le travail après avoir obtenu satisfaction, les travailleurEs se remettent en grève quand ceux d’à côté ont obtenu plus !

La peur a donc changé de camp !

Avec ces grèves qui s’étendent, les directions syndicales et politiques se trouvent dépassées et appellent à la reprise. Le 8 juin, c’est la débâcle : le patronat est paniqué et signe les accords de Matignon. Mais la grève et les occupations se poursuivent et s’amplifient encore, malgré les consignes de reprise. Il faudra le vote en urgence des lois sur les congés payés, les 40 heures, les conventions collectives, et la mobilisation du Parti communiste implanté dans de nombreuses entreprises pour faire cesser les occupations. Les acquis sont cependant énormes, à la mesure de la frayeur du gouvernement et du patronat :
-  généralisation des conventions collectives qui améliorent le Code du travail ;
-  semaine de 40 heures ;
-  création des déléguéEs du personnel ;
-  deux semaines de congés payés
-  des augmentations de salaire (allant de 7 à 15% !)

Le caractère collectif des droits des salariéEs est désormais enraciné.
Le contrat de travail repose sur des droits collectifs. Par ailleurs, les salariéEs représentent un contre-pouvoir légal au sein même de l’entreprise, remettant en cause profondément le dogme libéral, qui donne tout le pouvoir au propriétaire.

Certains disent aujourd’hui qu’il faut arrêter de revendiquer de nouveaux acquis sociaux car la situation économique ne le permet plus. Pourtant, est-ce que la situation économique était mieux avant ? Et bien non ! En 1936, nous sommes en pleine crise économique après le crack boursier de 1929. Le taux de chômage dépasse les 12% et ne comptabilise que ceux qui touchent des « fonds municipaux ». Des millions de travailleurEs en sont réduits à se nourrir grâce aux soupes populaires.

La précarité est la norme ! Les payes sont aléatoires, des salariéEs attendent par dizaine devant les entreprises pour travailler quelques heures quand une commande arrive... Le CDI n’existe pas et tout le monde peut être viré du jour au lendemain.

Au niveau des conditions de travail, le taylorisme se généralise et les ouvrierEs qualifiéEs se retrouvent sur une chaîne. De nombreuses petites entreprises font faillite, les prix agricoles s’effondrent et on assiste à de nombreux rachats par les plus grands groupes. La productivité augmente fortement alors que les salaires baissent...
On assiste à une recrudescence de propos racistes vis-à-vis des travailleurEs immigréEs. On peut lire notamment dans les journaux que les communes de Vaulx-en-Velin ou Vénissieux sont « submergées par l’immigration »... Quand tout va mal, les étrangers restent les boucs émissaires faciles !

Et aujourd’hui ?

On assiste donc indéniablement à une régression sans précédent de nos acquis. L’offensive se situe très clairement dans le cadre de l’idéologie libérale qui a prévalu jusqu’en 1936. La protection sociale répond de plus en plus à une logique gestionnaire, qui n’a rien à voir avec son objectif initial : elle a été créée pour éradiquer l’exclusion et assurer à tous un salaire, aujourd’hui le seul critère est l’équilibre du système. Quand au droit des travailleurEs dans l’entreprise, ils sont systématiquement remis en cause, dans le cadre du Code du travail. Parallèlement, les grands syndicats s’institutionnalisent de plus en plus, rentrent eux-mêmes de plus en plus dans une logique gestionnaire. Ils s’inscrivent dans une logique uniquement partenariale, prétendant s’appuyer sur les acquis passés pour négocier. Ils oublient un détail énorme : les acquis passés n’ont été obtenus que grâce aux luttes passées ! Aujourd’hui, quand un précaire a un souci dans une boîte et qu’il va voir le/la déléguéE syndicalE, au mieux ce dernier lui donne des conseils pour aller aux prud’hommes. Le/la précaire gagne peut-être, mais de toute façon il/elle est viréE ! Presque jamais il n’y a la tentative de dire : « Bon, on va essayer de mettre en place un rapport de force, d’obtenir ce qu’on demande, par exemple que le/la précaire soit embauchéE, en mobilisant le personnel, en faisant jouer la solidarité. Après, si ça ne marche pas, ou même simultanément, on peut toujours essayer aussi le terrain juridique ».

Alors qu’est-ce qu’il va rester de ce syndicalisme quand il n’y aura plus rien à aller chercher aux prud’hommes, avec un Code du travail vidé de toute substance ? Qu’est-ce qu’il va rester de ce syndicalisme quand l’énorme majorité des salariéEs sera de fait précaire, ce qui est déjà bien avancé (CDD, intérimaires, salariés des sous-traitants souvent surexploités, CNE, CES, RMAstes, stagiaires, apprentis...) ?

Ces questions expliquent alors peut-être le développement, relatif, de la CNT ces dernières années. Et le développement plus largement des pratiques syndicalistes révolutionnaires dans les luttes.

Donc n’oubliez pas que seule la lutte paye !

P.-S.

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