Les indignés : écart ou sur-place ? Désobéissance, résistance et insubordination

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Ce texte n’est pas le produit de l’actualité immédiate puisqu’il a été initié, il y a plusieurs mois déjà, dans la perspective de replacer de façon plus théorique différentes expériences de lutte dites de « résistance » ou de « désobéissance » auxquelles certains d’entre nous ont participé de manière pratique mais aussi critique. C’est tout naturellement que nous avons décidé, au vu des événements actuels dans différents pays, de les intégrer à ce cadre théorique.

Article de Temps Critiques qui donne un éclairage sur les luttes de "désobéissance" ou de "résistance".

Ce texte n’est pas le produit de l’actualité immédiate puisqu’il a été initié, il y a plusieurs mois déjà, dans la perspective de replacer de façon plus théorique différentes expériences de lutte dites de « résistance » ou de « désobéissance » auxquelles certains d’entre nous ont participé de manière pratique mais aussi critique. C’est tout naturellement que nous avons décidé, au vu des événements actuels dans différents pays, de les intégrer à ce cadre théorique.

Qui ne voudrait pas se plier à cette « discipline » de lecture méthodologique peut se reporter directement au point 6 et suivants.

La version originale sur le site de Temps Critiques. Le texte est également disponible aux formats doc et rtf à la fin de l’article.

SOBÉISSANCE, RÉSISTANCE ET INSUBORDINATION

Sommaire :
- 1 — Résistance au Pouvoir ou résistance aux dérives du Pouvoir ?
- 2 — La résistance peut-elle échapper au citoyennisme ?
- 3 — La résistance peut utiliser le droit mais elle ne peut être un droit
- 4 — L’insurbordination plutôt que la résistance
- 5 — La désobéissance comme premier pas vers une pratique de crise
- 6 — L’indignation : force ou faiblesse des dominés ?
- 7 — L’indignation remplace la conscience politique
- 8 — Pourquoi occuper les places ou faire des « marches de l’indignation » ?

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1 — Résistance au Pouvoir ou résistance aux dérives du Pouvoir ?

La résistance au Pouvoir met à nu la nature de domination de tout pouvoir et particulièrement sa forme politique et étatique. Elle est conforme, par exemple, à la démarche de La Boétie et à sa notion de « servitude volontaire », ou à celles des diverses traditions anarchistes, libertaires ou pacifistes. Elle est une résistance contre, qui ne peut souffrir de compromis et a fortiori de compromissions. En défendant ses principes, elle ne peut que se légitimer par rapport au propre sentiment qu’elle a d’elle-même. Un sentiment éthique qui ne peut attendre aucune reconnaissance de la part de ce qu’il combat. La révolte est sa forme d’expression historique même si cette révolte peut, elle-même, prendre des formes variées, individuelles ou collectives, légales ou illégales, violentes ou non violentes. Concrètement, d’ailleurs, ces formes se chevauchent ou se complètent [1].

Mais, le plus souvent, la résistance n’est pas aussi générale. En effet, ce n’est pas la nature du pouvoir qu’elle met en cause mais le fait que certaines formes de pouvoir dépassent le cadre « normal » de leur exercice vers une situation d’exception [2] dans laquelle le pouvoir étatique ne respecte pas les principes démocratiques et n’emploie pas les bons moyens qui s’inscrivent dans ce cadre normatif.
La fin ne justifierait pas toujours les moyens, certains d’entre eux pouvant être plus participatifs, plus consensuels, et d’autres plus hiérarchiques, autoritaires et répressifs. Ce type de résistance privilégie la désobéissance, une forme d’action qui n’implique pas la révolte globale contre un « système » ou ce qui est perçu comme tel (le capitalisme ou un régime despotique par exemple), mais seulement le refus de certains aspects de ce système. Ce n’est donc pas cet ordre dans sa globalité qui est jugé inacceptable, mais l’une de ses manifestations ou encore certaines de ses mesures. Dès lors, la désobéissance n’a pas besoin de faire état de sa propre légitimité universelle au-delà des logiques étatiques, car elle s’affirme d’emblée légitime contre ce qui serait illégitime y compris du point de vue de l’État [3]. Il s’ensuit qu’elle en appelle aux autorités et à la loi comme si elle attribuait au droit une totale neutralité à l’égard de l’État ou du moins du gouvernement en place.
La solution consisterait donc à utiliser la loi et le droit contre ce qui ne relèverait que de la force. À vouloir opposer l’attitude citoyenne du point de vue du peuple militant (l’obéissance aux règles indiscutables d’une « vraie » République, le respect des droits de l’homme, la prééminence de l’éthique face à la raison d’État) à l’attitude civique exigée par l’État (la relative fermeture des frontières car « nous ne pouvons abriter toute la misère du monde » et donc l’impossible légalisation de tous les sans-papiers, le renvoi des Roms, la lutte nécessaire contre l’insécurité, le terrorisme et la délinquance, le devoir de tout citoyen de participer aux élections, etc.). Mais l’intégration par tout un chacun de pratiques comme celles du tri des ordures ménagères, du port obligatoire de la ceinture de sécurité, le respect de l’interdiction de fumer dans les lieux publics montre à quel point le citoyennisme peine à se distinguer du civisme et en tout cas, ce serait une erreur de les considérer comme antagoniques. On trouve une bonne illustration de cette conception dans la préface de Philippe Meirieu au livre d’Alain Refalo Résister et enseigner de façon éthique et responsable (Golias, 2011). Pour lui, la démocratie constitue l’horizon commun souhaitable. Il ne dit pas un mot des rapports sociaux puisque, implicitement, la société est définie comme un ensemble d’individus libres qui se sont donné contractuellement des règles, des devoirs et des droits dans le cadre d’un projet démocratique non discutable. La résistance ne doit donc nullement viser l’institution dont il ne faut pas compromettre le fonctionnement, mais seulement certaines de ses directives qui sont en contradiction avec le principe du « droit à l’éducation pour tous ».


2 — La résistance peut-elle échapper au citoyennisme ?

Mais il ne faut pas se voiler la face. Ces formes de résistances correspondent le plus souvent à des actions défensives. D’où le lien fait par certains entre la notion de résistance et la démarche citoyenne. Il ne s’agit pas tant alors d’une insubordination à l’État ou envers un « système », mais plutôt d’une volonté de corriger des abus du pouvoir par la recherche de contre-pouvoirs, à l’initiative d’une « société civile » dont la réactivation apparaît pour eux comme une nécessité. C’est le sens des appels à l’action citoyenne.
Emblématique de cette démarche, « l’Appel des appels » se pose d’emblée dans l’espace public républicain comme si la République était exempte de crimes d’État, comme s’il fallait rétablir l’État jacobin contre « les dérives libérales ». C’est comme s’il était encore possible d’opposer l’État et la société ; le méchant Léviathan d’un côté, l’honnête « société civile » de l’autre et ceci, à une époque, celle de la société capitalisée, qui a transformé le premier en un cabinet de professionnels de la gestion des affaires courantes et éventuellement de la politique-spectacle comme en France avec Sarkozy et en Italie avec Berlusconi et la seconde en une agrégation d’individus atomisés.

On se heurte ici également à l’une des limites du mouvement des désobéisseurs quand il prône la désobéissance, mais « en conscience et de façon éthique et responsable », c’est-à-dire dans le respect du statut de fonctionnaire et de l’institution qui l’emploie. La pratique d’écart consistant à s’éloigner de la norme et à se distancier de la fonction se résorbe alors dans l’allégeance à une légitimité censée être au-dessus du pouvoir, celle de la mission de service public.

D’ailleurs, tous les actes de répression auxquels on assiste aujourd’hui dans la fonction publique mettent en accusation de telles pratiques sous prétexte qu’il ne faut pas confondre d’un côté, éthique personnelle ou citoyenne et de l’autre, responsabilité ou loyauté professionnelle par rapport à l’institution.
Néanmoins, on peut quand même distinguer ce qui relève de manœuvres politiques (voir le nombre important de vieux staliniens ayant signé l’Appel des appels) et ce qui relève de la lutte quotidienne même si celle-ci est aussi l’objet de convoitises de la part de partis ou groupes politiques. Des réseaux comme RESF tissent en effet, des liens, quadrillent le terrain et activent des pratiques de quartier ce qui est utilisable par la suite pour d’autres actions dans d’autres secteurs. Ainsi, dans le quartier de la Croix-Rousse à Lyon, le travail antérieur de RESF a facilité l’action du collectif Croix-Rousse parce que le terrain était préparé. On y a plus seulement affaire à des militants, mais à des habitants, des parents, des voisins qui peuvent occuper les écoles, refuser de signer l’autorisation de fichage de leurs enfants sur « base élèves », refuser de leur faire passer des évaluations pour la constitution du livret de compétence » et cela permet éventuellement de déboucher sur une critique du fichage généralisé, de la vidéo-surveillance etc.


3 — La résistance peut utiliser le droit mais elle ne peut être un droit

Cette question était déjà au cœur des débats politiques chez les révolutionnaires français de la fin du XVIIIe siècle. Condorcet projetait d’inscrire la résistance dans la Constitution (cette idée est à la base du « citoyennisme » actuel), alors que Robespierre s’y opposait puisque pour lui cela signifiait l’assujettissement de la résistance exclusivement aux formes autorisées par la loi. C’est d’ailleurs ce que font les États contemporains en criminalisant toutes les luttes qui ne s’inscrivent pas dans le cadre d’un strict respect de la légalité républicaine ou étatique.

Or, en voulant faire la preuve de sa légitimité, la résistance est amenée à se soumettre à ce qui contredit son projet [4] alors qu’à l’origine elle est basée sur l’insoumission, qu’elle n’a rien à négocier, qu’elle est, en premier lieu, refus. Elle est donc dans un conflit permanent entre son exigence de loyauté professionnelle ou citoyenne et la nécessité, pour exister effectivement, de se poser en écart ou à la marge de son lieu d’élection. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle prend parfois des formes souterraines si ce n’est clandestines [5].

Toutefois, le mouvement des enseignants désobéisseurs a aussi montré les possibilités et la force d’un mouvement résolument public avec la lettre « En conscience je refuse d’obéir » (novembre 2008). De la même façon, il a montré que cette désobéissance peut s’inscrire dans une critique de l’État sans passer par l’idéologie anti-étatique de type libertaire [6] et une critique, pragmatique plus qu’idéologique, de syndicats incapables de concevoir une action qui ne prenne pas les formes traditionnelles de lutte du mouvement ouvrier officiel [7]. Nous citons ici longuement Refalo : « En réalité, les syndicats majoritaires [8] sont en retard de plusieurs batailles. Ils ont oublié que “ce” [les guillemets sont de nous] pouvoir a parfaitement retenu les leçons du passé et qu’il s’accommode désormais d’une contestation légale quand bien même elle serait massive dans la grève. Le mouvement des retraites de l’automne dernier en a encore donné une illustration frappante. Finalement, il n’attend qu’une seule chose : que les syndicats continuent à “s’opposer” par la grève et la manifestation. L’évidence est pourtant là. Ce que “ce” [ibid.] pouvoir redoute d’abord, c’est l’insoumission des personnels et la désobéissance collective, seules résistances susceptibles de faire échec, dans l’action quotidienne, aux réformes destructrices » (p. 39, op. cit.).

Cette insubordination se retrouve à l’heure actuelle dans les actions de résistance aux effets dévastateurs de la technique (OGM, Gaz de schiste, nucléaire, TAV Lyon-Turin, etc.). Les protagonistes de ses actions mènent de front coups de force de petits groupes déterminés et actions de blocage ou d’occupation de site par une masse de personnes beaucoup plus importante et diverse. Mais cette résistance est limitée par le fait qu’elle se réalise au nom de critères (santé des aliments ou de la population, préservation de l’éco-système) qui sont eux-mêmes techniques. Et paradoxe de la situation : une conscience plus grande de l’interdépendance de tous les processus techniques conduit souvent à la paralysie mentale et donc à la paralysie de l’action. Il s’avère donc difficile de penser l’action de résistance ou plus généralement l’action politique en dehors des cadres imposés par le développement du capital [9].


4 — L’insurbordination plutôt que la résistance

Cette résistance conçue comme insoumission (ou insubordination), même partielle (par exemple au sein de l’école) est en opposition de nature avec des initiatives telles que celle de « L’Appel des appels » parce qu’elles prennent justement pour cadre l’espace public de façon à susciter un rejet consensuel des excès et dérives d’une politique condamnée non pas parce qu’elle est une politique d’État, mais parce qu’elle est « une politique néo-libérale ». Il ne s’agirait alors que de retrouver des principes républicains oubliés comme le retour aux valeurs du Conseil national de la résistance (CNR) qui constitueraient en elles-mêmes un ordre républicain parfait et tout aussi parfaitement immuable. Peu importe alors que ce CNR soit à l’origine d’un gouvernement qui fera bombarder la population algérienne de Sétif par le ministre « communiste » de l’armée de l’air de l’époque [10]. En fait, on a affaire à une résistance à géométrie variable qui entérine les charters du ministre socialiste de l’Intérieur Vaillant, mais pas ceux de son homologue sarkozyste Besson. À la limite, on peut dire que Besson est plus cohérent car en passant d’un camp à l’autre il assure une certaine continuité droite-gauche qui est à la base de la logique de l’État et non pas de « ce » pouvoir [11]. Cette cohérence, certes désagréable, on ne la retrouve pas sous la plume de Salim Abdelmadjid (Le Monde du 5-6/09/2010) quand il expose l’idée que depuis le 6 mai 2007, « nous sommes quelques uns à nous considérer comme des résistants [12] » alors qu’il appartient à un parti de gouvernement (le PS) qui reconnaît la suprématie du suffrage universel et l’acceptation de ses résultats [13]. De toute façon, le propos de ce plumitif du PS est limité, comme celui de « l’Appel des appels » d’ailleurs, par le fait que cette résistance ne vise ici que la lutte contre l’inacceptable, une lutte difficile car cet inacceptable se serait sédimenté par l’acceptation de toute une série de faits précédents, tous aussi inacceptables. L’analyse ne remonte pas jusqu’aux causes de cette acceptation car la chaîne serait longue et obligerait à questionner la forme politique elle-même dans sa généralité et la forme démocratique en particulier ainsi que notre rapport à l’État.

Pour nous, les causes de cette acceptation (certains diront soumission mais le terme est impropre car il implique une extériorité des individus à leur propre existence sociale) résident tout d’abord dans la défaite des derniers mouvements à prétention révolutionnaires des années 60-70 avec la fin des grandes espérances pour un autre monde au profit d’un repli sur des « libérations partielles et privées » ; puis dans la victoire à la Pyrrhus d’une démocratie considérée simplement sous sa définition minimaliste de moins mauvais des régimes politiques au sein d’un capitalisme perçu comme horizon unique et indépassable. Tout cela produit une passivité qui enregistre la succession des événements et des normes instaurées dans l’indifférence. Pour le plus grand nombre, il n’y a alors plus rien de véritablement inacceptable, parce que c’est la société capitalisée, comme totalité, qui s’impose objectivement et subjectivement, à travers son propre discours.

Prenons un exemple très général : l’exploitation, au XXIe siècle, est condamnable, mais le capital est acceptable puisqu’il donne du travail et donc du revenu et de la consommation ; l’extorsion, le pillage des richesses, la rente, le gain financier, le travail des enfants sont condamnés, mais le profit est accepté s’il est bien utilisé, c’est-à-dire s’il est réinvesti productivement ; l’enrichissement aussi s’il est le fruit du travail ; les délocalisations sauvages ne sont pas acceptables, mais la concurrence et la compétition le sont. Cette sorte de schizophrénie à la fois individuelle et sociale ne semble pouvoir être dépassée que dans des situations qui rendent ces tensions insupportables. C’est, d’après ce que nous en savons, ce qui est en train de se passer dans certaines villes grecques.

Mais pour l’instant cela reste de l’ordre de l’exceptionnel, de l’insurrectionnel. Pour le reste, en temps dit « normal », quand la résistance s’inscrit dans le cadre de rapports sociaux non critiqués et d’une légalité républicaine rarement questionnée, cela lui enlève tout contenu autre que politicien — ainsi que vient de nous le montrer l’apposition de la signature de « l’indigné » Hessel au bas d’un appel à éviter un nouveau 2002 électoral sans la présence de la Gauche au second tour — mais en plus rend son développement hautement improbable. En effet, on en a eu deux exemples seulement dans l’histoire de la France :

– Dans la Déclaration des droits de l’homme de 1789, l’article 2 appuie les droits sur la défense de la propriété (toujours l’hypothèse des droits naturels de la Renaissance [14] et non les droits contractuels des Lumières) et l’assurance de la sécurité. Ce pacte tacite induit un transfert de souveraineté du peuple vers son ou ses représentants en échange de ces garanties. Il n’est donc pas question de résister à ce qu’on a choisi et les premiers constituants n’ont donc pas relevé la question d’une résistance ou d’une insoumission à un pouvoir qui ne se veut que la forme politique de la société civile. Mais dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793, ce droit à la résistance sera effectivement inscrit et même le droit à l’insurrection dans l’article 34. C’était reconnaître l’inévitabilité des conflits et même des futurs antagonismes de classe au sein de la société entre les gouvernants et l’État d’un côté, le peuple de l’autre. Cela fut repris dans une Constitution de l’an II qui ne fut jamais mise en place et encore moins appliquée. Ce droit disparaît ensuite de la Constitution de 1795 et entérine le début de la restauration thermidorienne puis bonapartiste.

– Le projet de Constitution du 19 avril 1946 comprenait un article XXI qui stipulait la possibilité d’une résistance sous toutes ses formes quand le pouvoir viole la liberté (la légitimité de la résistance contre les nazis est encore vivace), mais cela disparaît de la seconde version votée le 27 octobre 1946 où elle ne trouve plus place que dans le préambule et sous une forme particulièrement restrictive et édulcorée : « Il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression ». Ce régime se définit donc, en tant qu’État de droit comme un régime spécialement conçu pour empêcher toute action et opposition puisque c’est lui qui délimite ses bornes de légalité et d’illégalité. Le modèle achevé de ce type de régime sera institué par la Constitution de la RFA qui ôtera tout droit à l’expression politique du parti nazi bien sûr, mais aussi au parti stalinien et ensuite aux membres de groupes gauchistes à qui seront fermées les portes de l’administration dans les années 60-70.

C’était aussi le sens des fêtes du bicentenaire de la révolution française quand Michel Rocard déclarait avec l’appui de l’historien François Furet que le temps de la révolution était bien fini et que Pierre Joxe le ministre de l’intérieur « socialiste » indiquait lors d’un voyage au pays Basque : il n’existe aucune oppression qui justifie le recours à la violence ou à l’illégalité [15].

La résistance reste donc le plus souvent un appel (cf. là encore « L’Appel des appels », mais à l’origine « l’appel du 18 juin ») ou une pratique de lutte qui n’a guère été employée que dans l’opposition à un occupant (résistance au nazisme, au colonialisme) ou parfois au fascisme comme en Italie, en Grèce ou en Espagne. Mais dans tous les cas il s’agissait d’une situation exceptionnelle qui impliquait une résistance armée. C’est ce que les groupes armés des années 70 ont essayé d’étendre à la situation troublée qui caractérisait cette époque. Analysant le pouvoir de leurs États respectifs comme particulièrement autoritaire, ils ne se considéraient pas comme des résistants (même si c’est peu clair pour les militants de la RAF allemande), mais plutôt comme des porteurs d’une offensive au cœur de l’État (BR italiennes, AD en France). Leur défaite a ouvert la voie à des formes plus alternatives mais aussi plus parcellaires et moins frontales comme les luttes contre le nucléaire en Allemagne et en France, la lutte contre les productions d’OGM ou l’opposition à certains tracés autoroutiers ou ferroviaires (tunnel du Somport, val de Suze pour le TGV Lyon-Turin).


5 — La désobéissance comme premier pas vers une pratique de crise

Si, nous l’avons vu, la résistance entretient un rapport ambigu à la légalité, la désobéissance, elle, ne s’y rapporte pas principalement parce que son cadre référentiel n’est pas institutionnel, il n’est pas de l’ordre de la loi. La désobéissance est éthique et invoque la légitimité de son action, y compris contre une majorité politique.

Ainsi, pendant la guerre d’Algérie, l’action des soldats du contingent « déserteurs » ou/et « insoumis » ne relève pas simplement d’une « désobéissance militaire », mais d’une conduite politique. Ils ont non seulement fait acte d’insubordination mais ils ont aussi élargi leur lutte contre l’État néo-colonial [16].

Il s’agissait non seulement de désobéissance et d’insoumission mais aussi d’action contre-institutionnelle d’une portée qui se voulait universelle.
Toutefois, il ne s’agissait pas d’une « alternative » au sens contemporain du terme mais d’une opposition politique à la gauche institutionnelle qui menait la guerre d’Algérie [17]. D’ailleurs, l’émergence du PSU a été favorisée par ces réseaux, même si des futurs agitateurs d’idées de la fin des années 60 figurent, par exemple, dans « Le manifeste des 121 » (Guy Debord, Henri Lefebvre, René Dumont, Pierre Vidal-Naquet, etc.) en dehors de toute perspective partitiste.

Cette phase contre-institutionnelle a été créative, mais elle a été dépassée par les actions anti-institutionnelles de mai 1968. La contestation généralisée de toutes les institutions menée par le mouvement ne visait pas la conquête du pouvoir d’État, ni une alternance politique mais cherchait à dissoudre les médiations instituées pour créer des rapports sociaux qui ne séparent plus l’individu et la communauté humaine. La négativité historique exprimée par les contestataires s’est traduite par des luttes frontales contre les institutions de la société de classe et de son État-nation ; la dimension anti-institutionnelle y fut prépondérante. Le salariat, l’entreprise, l’université, la famille, le mariage, l’église, le parti, le syndicat, les médias, le sport, les rapports hommes-femmes, aucune institution n’a échappé aux critiques-en-actes des assaillants « du vieux monde ».

Ce dernier assaut de type prolétarien se voulait en continuité (et parfois en rupture) avec le mouvement ouvrier révolutionnaire. De son échec a émergé un mode d’action politique non-institutionnel fait d’alternatives, de pratiques « parallèles », de subjectivisation des relations et de désimplication de la sphère politique traditionnelle. Le local, le particulier, l’autonomie, le « sujet » deviennent, dans la crise ouverte de la reproduction, un opérateur du nouveau compromis politique. Les institutions n’ont pas disparu, mais elles sont résorbées dans une gestion des intermédiaires. Le salariat existe encore, mais il est instable, mobile, précaire ; l’école est présente, mais elle a perdu sa puissance de médiation sociale en se transformant en un vaste « dispositif de formation » ; le mariage n’a pas été aboli, mais il est assimilable à un Pacs étendu aussi aux homosexuels ; l’entreprise n’est plus un centre de production mais une stratégie de puissance économique et politique, etc.
Dans un tel contexte, les actuels mouvements d’insoumission et d’indignation ne situent pas leurs interventions au niveau du rapport aux institutions. Ils posent un constat : « cela ne peut plus durer », « rejoignez-nous ». Ils manifestent leur exaspération et leur colère, mais dans le respect des institutions. Combiné à ce constat d’insupportabilité des conditions de vie, un présupposé utopiste les anime : si un très grand nombre d’individus s’indignent, alors le cours des choses ne pourra plus se poursuivre en l’état ; nous sommes le rapport social et nous ne voulons plus le reproduire. Conscientisez-vous, proclament-ils… tout en continuant à travailler et à vous divertir. Non violence et bienveillance avec les autres êtres humains constituent le pôle humaniste du mouvement des indignés. En cela ils sont aux antipodes des groupes insurrectionnalistes qui désignent des ennemis extérieurs (L’État, les médias, les mafias, les puissants et les individus aliénés qui les supportent).


6 — L’indignation : force ou faiblesse des dominés ?

Mais sur quoi faire reposer une révolte, une insoumission ou la désobéissance ?

On ne peut plus le faire au nom de l’Histoire ; pas davantage on ne peut le faire au nom d’un messianisme révolutionnaire centré sur une mystique révolutionnaire du prolétariat qui n’a plus lieu d’être et dont le porteur a été défait ; on ne peut le faire au nom d’un intérêt qui n’apparaît plus que comme un intérêt particulier, à savoir l’intérêt d’une catégorie ouvrière qui ne représente ni la masse des salariés en activité ni les « pauvres » de toutes sortes (personnes âgées en difficulté, chômeurs définitifs, femmes célibataires peu ou pas qualifiées, jeunes à la recherche d’emploi, jeunes à la recherche d’autre chose, etc.).

Mais peut-on le faire à travers un autre intérêt quand la société capitalisée évolue d’une façon telle qu’on ne peut plus déterminer un intérêt qui soit supérieur aux autres ? Peut-on le faire au nom de l’intérêt en général ? Alors, c’est retomber sur la notion « d’intérêt général » qui est d’ordinaire, dans les démocraties contemporaines, du ressort de l’État censé être le seul à avoir la hauteur de vue nécessaire pour trancher dans la jungle des intérêts particuliers [18].

Peut-on alors le faire au nom de « valeurs » ? C’est ce que pense Hannah Arendt, dans son traité sur la désobéissance civile quand elle précise que « ceux qui se livrent à la désobéissance civile constituent en fait des minorités organisées, unies par des décisions communes, plutôt que par une communauté d’intérêts, et par la volonté de s’opposer à la politique gouvernementale, même lorsqu’elles peuvent estimer que cette politique a le soutien d’une majorité [19] ».

Mais comment résoudre le problème si la majorité n’a pas conscience de ces valeurs ou continue à penser que les intérêts matériels sont souvent et surtout pour les plus démunis, supérieurs à ces mêmes valeurs ?

Les exemples fourmillent, mais contentons-nous d’un seul, très actuel : que pensent les travailleurs des entreprises du nucléaire de la valeur « Sauver la planète » si l’entreprise, outre le salaire consenti, leur offre par-dessus le marché confort et loisirs abondants et peu chers pour compenser les risques de proximité ?

L’indignation exprime assez bien l’impuissance des dominés dans ce contexte et la difficulté à se projeter vers un avenir dont on souhaite et dont on redoute en même temps sa dissemblance avec le présent. D’où le flou que l’on ressent non seulement sur le plan programmatique, mais sur celui même du désir qu’il n’est plus question de prendre pour la réalité, comme en 1968. Ce flou explique aussi le peu d’enthousiasme suscité par le « capitalisme vert » qui ressemble à un dernier substitut de révolution, acceptable pour la frange conservatrice de la société, à l’usage des réformistes ou des naïfs invétérés, mais à travers lequel la jeunesse a du mal à se dessiner un avenir.

Comme d’habitude, l’histoire des femmes et des hommes tranchera et sans doute avec brutalité. Mais la difficulté d’analyser le moment présent provient précisément du fait qu’il échappe aux cadres des théories anciennes et aux schémas mentaux inculqués par la tradition révolutionnaire. Il est donc probable que nous inventerons aussi des formes inconnues jusqu’ici et que la pression des circonstances, donc la contingence aussi, aura un poids déterminant.


7 — L’indignation remplace la conscience politique

Du moins du point de vue historique, la conscience morale a longtemps été déterminée par les canons de l’Église et de l’aristocratie puis elle s’en est émancipée au sein d’une philosophie critique des « Lumières » propice au processus de l’individualisation bourgeoise, mais le peuple n’y a pas trouvé son compte. Si les révoltes ou les révolutions ont toujours été la conséquence d’une mise en action d’une conscience morale (« Liberté, égalité, Fraternité »), elles reposaient aussi sur la conscience d’intérêts communs, la conscience d’une opposition avec les dominants ou les exploiteurs, bref d’une conscience politique ou d’une conscience de classe que le mouvement ouvrier puis le syndicalisme devait accélérer à partir de la révolution industrielle.

Le problème, c’est qu’aujourd’hui cette conscience de classe se réduit comme peau de chagrin à la mesure du déclin numérique et qualitatif (l’impossible affirmation actuelle d’une identité ouvrière) du prolétariat. Sa croissance dans les pays émergents n’est pas une solution de rechange car il s’y développe en dehors de toute perspective de classe, en dehors de tout projet socialiste.

La conscience morale resurgit donc sur ce déclin de la conscience de classe et aussi sur le fait que la révolte ou la révolution ne peuvent plus se produire au titre d’une classe suffisamment unifiée mondialement qui concentrerait tous les torts du capitalisme et non pas un tort particulier comme le disait la célèbre formule de Marx, mais seulement à titre humain car le processus de totalisation du capital a fait que ce dernier a étendu considérablement son champ de domination.

Mais cette conscience morale qui prend aujourd’hui la forme médiatique de l’opuscule à succès de Stéphane Hessel en reste à « l’indignation » et à la dénonciation de ce qui est vraiment exagéré comme si cet exagéré n’était pas le produit d’une logique générale. Certes, tous les moyens sont bons pour faire pièce à la domination et au pouvoir, mais on sait très bien que l’indignation peut conduire à toutes sortes de comportements protestataires ou récriminatoires, y compris à voter PS ou FN en France, Liga en Italie ou à revendiquer de quitter l’UE et le retour à la drachme en Grèce.


8 — Pourquoi occuper les places ou faire des « marches de l’indignation » ?

L’occupation des places a une grande importance car elle signale un détournement de leur usage habituel qui est d’être lieu de circulation ou de rassemblements informels et très provisoires. Cela prend encore plus d’importance quand l’occupation est le fait de forces rassemblées, de façon plus ou moins spontanées, pour contester tout ou partie de l’ordre établi [20]. Il s’agit là de la création d’un « espace public non institutionnel » pour reprendre les termes d’Oscar Negt [21], sur une place publique. Mais du fait de l’occupation, il y a transformation du statut politique et social du lieu. Il ne fait pas de doute que la place Tahrir du Caire a dû jouer le rôle de modèle. Non plus un simple rôle de lieu de rassemblement, de stationnement ou de circulation des foules, ce qui est, après tout, la fonction des places, mais un lieu où l’intensité d’une crise politique et sociale semble se cristalliser. Cette expansion par capillarité connexionniste est une des caractéristiques des mouvements actuels et les branchements sont à courant alternatif. Ainsi, on a d’abord la révolte des jeunes Grecs en décembre 2008, suite au meurtre par la police du lycéen Alexandros Grigoropoulos ; puis la répression policière du 5 mai 2010 où la police brise une manifestation de cent mille personnes à Athènes après un incendie qui a fait quatre morts. Ces événements résonnent comme un écho positif et radical à l’échec de la conjonction de la révolte des banlieues de 2005 avec la lutte des étudiants contre le CPE en 2006 en France, dans un contexte de crise grave de la reproduction des rapports sociaux. Enfin, le panneau des indignados espagnols : « Réveillez-vous les Grecs » est une allusion à la circularité des événements et n’est pas pour rien dans l’occupation de la place Syntagma à Athènes en mai 2011. Est-ce que ces résonances qui recouvrent une assez vaste aire méditerranéenne sont le signe d’un nouvel internationalisme des luttes, l’ouverture d’un nouveau cycle comme celui initié dans la seconde moitié des années 60 ? Nous ne pouvons le dire pour le moment.

Il s’agit bien là d’une rupture avec les pratiques quotidiennes reproductrices de l’ordre social, même si cette rupture est limitée par son caractère partiel aussi bien dans la forme que du point de vue de son contenu. Ainsi, il est prévu un rassemblement le week-end du 25-26 juin Puerta del Sol. Mais pour deux jours seulement. Le modèle de la place Tahrir s’estompe.

L’occupation des places ne constitue d’ailleurs pas le seul moyen d’action utilisé. Les indignados espagnols, après avoir décidé de quitter la Puerta del Sol à Madrid, ont recours à d’autres types de manifestations, parmi lesquels des marches entre Barcelone et Madrid en passant par villes et villages. Ils disent « nous avons occupé les places, nous occupons les routes… nous allons occuper l’Europe ». De même en Grèce, les manifestants ont essayé d’empêcher les députés de se rendre au Parlement et la place Syntagma à Athènes semble être occupée de façon quasi permanente.

Mais l’idée d’une « révolution à titre humain » que nous sommes nombreux à espérer, peine à trouver sa confirmation dans un mouvement qui, comme celui qui se déroule actuellement, n’entraîne pas la remise en cause des statuts et des identités dont il se contente de défendre la simple équivalence.
Cela pourrait rester de l’ordre des arguties théoriques si cela n’influait pas sur les conditions concrètes de la lutte. Par exemple, quand certains, au sein du mouvement des occupations, défendent la police « parce qu’elle fait son métier », cela renforce bien évidemment les positions globalement unitaires et pacifistes du mouvement, en dépit des frictions que cela peut occasionner à l’intérieur du mouvement. Ce fut le cas, par exemple, le 27 mai Plaça de Catalunya à Barcelone, quand un « cordon sanitaire » a tenté de s’interposer entre la police chargée de déblayer la place et un groupe d’irréductibles qui entendaient demeurer à cet endroit.

Cela renforce aussi l’idée d’un « Tous ensemble » qui a montré ses limites en France en 1995 et qui semble parfois critiqué comme l’expriment les événements en Grèce et aussi le rejet de la plate-forme « la démocratie réelle maintenant » à Barcelone et de nombreuses initiatives autonomes à Madrid. Mais les choses peuvent évoluer très vite en fonction de la situation. Par exemple en Grèce, en cette fin juin, la crise est telle que l’ordre établi doit se défendre par tous les moyens si bien qu’une escalade des affrontements n’est pas à exclure. C’est d’ailleurs en Grèce que les forces en présence semblent être les plus éclatées, les plus différenciées avec d’une part des manifestants aux intonations anti-union européenne voire nationalistes auxquels des forces d’extrême droite pourraient venir s’agréger via des hooligans semble-t-il assez actifs autour du Parlement ; d’autre part des manifestants proches de l’extrême gauche qui concentrent leur activité sur les quartiers et assemblées locales. Mais comme en Espagne, le rapport à la violence est un sujet discriminant, au moins tant que la répression reste limitée et sous contrôle [22]. De toute façon, de tels affrontements ne pourraient prendre une dimension supplémentaire que si cette crise s’étendait ailleurs car il n’y a pas d’internationalisme des solidarités, il n’y a qu’un internationalisme des luttes.

On notera qu’il y a une différence entre des occupations ou des blocages qui s’insèrent dans un mouvement de lutte plus large — comme en France en octobre-novembre 2010, même si ce n’est pas sur un même objectif, ou comme en Grèce depuis plus de trois ans et maintenant en Espagne où des comités de voisinage ont précédé les occupations de places centrales — et une situation comme celle de Paris où l’occupation en soi crée l’événement, en dehors de toute lutte, où la monstration se confond avec la lutte et où une simple posture de contestation fait figure de vraie opposition riche de contenu. En effet, si à Paris le rassemblement qui s’opère à Bastille est bien dans la filiation du mouvement des indignados (parmi ses initiateurs figurent des étudiants espagnols en résidence à Paris) il est plus dans l’imitation que dans l’expression propre de ses particularités. C’est que les effets de la crise de 2008 sont moins forts en France. La répression y est aussi plus présente comme le montre le déplacement manu militari de l’AG après le succès relatif du rassemblement de 3000 personnes le 5 juin, des marches de l’Opéra Bastille vers le Boulevard Richard Lenoir où la visibilité est moindre ; comme le montre aussi la rafle policière du 19 juin contre une initiative pour installer un campement permanent.

Ces caractéristiques vont conduire les participants à privilégier les questions d’organisation. Devant l’absence de perspective, même immédiate, le démocratisme abstrait va être érigé en principe. L’AG doit être régie par le consensus après discussion ce qui conduit le plus souvent au blocage puisqu’une petite minorité peut toujours critiquer un point particulier. Dans ce cas, la décision est renvoyée à une commission quitte à ce que la proposition revienne devant l’AG après modification. On a là en germe toutes les tares du parlementarisme. Très vite les commissions multiples qui se spécialisent à partir d’une prétendue expertise deviennent des branches d’un exécutif qui ne dit pas son nom [23]. Elles sont chapeautées par une coordination des commissions et l’AG, dont la fréquence est réduite, devient une chambre d’enregistrement. Les « indignés » sont piégés par leurs propres règles démocratiques alors même qu’ils n’arrivent pas à poser la question plus générale de leur rapport à la légalité. Ainsi, la « commission juridique » posera, à un moment donné, la question de la légalité du mouvement par rapport au pouvoir : « Voulez-vous la respecter oui ou non », en des termes qui font penser à une question de philosophie au baccalauréat. Le « mouvement », s’il faut l’appeler comme cela, semble hors-sol. Son pacifisme foncier correspond au moins autant à une absence de prise en compte des rapports de force qu’à un pur refus de la violence. L’idée d’une alternative dans la construction d’un monde parallèle à la société en place est-elle le fruit d’une illusion, qui plus est générationnelle [24], ou une résurgence des utopies du XIXe siècle ?

En tout cas, on ne peut négliger ou a fortiori juger ces événements à partir d’une position critique extérieure qui attribuerait les bons et mauvais points [25].

On peut dire simplement que toute occupation « sauvage » représente un début de rupture avec l’ordre établi. En Espagne, par exemple, les autorités dont la première réaction a été d’interdire l’occupation prolongée des places tout en autorisant la manifestation temporaire, ont dû faire machine arrière face à la force du mouvement, et cela d’ailleurs en contradiction avec les principes constitutionnels au sujet des manifestations politiques en période pré-électorale.

En tout état de cause, il semble que ce type de mouvement doive développer, à court terme, un démocratisme d’assemblée avec toutes les dérives que cela comporte [26] et un citoyennisme qui se pose comme une nouvelle médiation à l’époque de la crise et du déclin des anciennes médiations de l’époque précédente (État-nation-providence) toutes plus ou moins institutionnelles [27].

Obligée de dissoudre toujours davantage les anciens rapports sociaux hérités de la société de classes et devenus pour elle des « obstacles au changement », la société capitalisée est de plus en plus fragmentée et elle a donc besoin de nouvelles médiations pour représenter son unité. Pour se faire médiation, la démarche citoyenne cherche à recréer les conditions d’apparition d’une société civile qui échapperait aux fondamentalismes du marché et de l’individualisation. C’est cela qui limite sa critique de l’État capitaliste à la critique des politiques néo-libérales.

Le capitalisme mondialisé aurait dépossédé les États nationaux et donc les hommes (via les élections) de leur pouvoir politique assis sur la liberté. Il n’y aurait donc plus de démocratie « réelle » et il faut en recréer une de la même façon que, pour beaucoup, il n’y a plus « d’économie réelle » et c’est pour cette raison que les choses iraient si mal.

Il y a tout lieu de penser que nous continuerons à connaître grosso modo les mêmes errements lors des prochaines insurrections en Occident et, à chaque fois se posera nécessairement le problème du rapport à la violence et du rapport à l’État. Une clarification s’impose dans ce domaine afin d’échapper au dilemme : « pacifisme bêlant » ou « lutte armée », et de sortir des ornières où cette question s’est enlisée.

Malgré tout, nous devons être là où une dynamique semble pouvoir s’instaurer et rester attentifs à ses potentialités subversives parce que les tensions conflictuelles côtoient les apparentes pratiques de soumission. Participer aux mouvements en cours, c’est essayer de renforcer l’autonomie pratique de ces luttes dans tous les aspects de la vie quotidienne en critiquant toute illusion sur la formation d’une autonomie politique (une « démocratie réelle ») qui se développerait à l’abri d’une autonomie économique (retour au protectionnisme, retour à l’intervention de l’État et moralisation de la finance). Ce n’est pas parce que l’État s’est redéployé sous une forme réseau, qu’il n’existe plus, bien au contraire ; c’est parce qu’il produit de la totalisation sans être totalitaire qu’il recouvre ou englobe toute la société [28]. Il en est ainsi des modes de mobilisation. En effet, le mouvement des indignés fait comme si la force des techniques de communication était un élément facilitant, alors que c’est précisément parce que ces techniques désubstantialisent la communication qu’elles permettent des rassemblements rapides et massifs, mais creux, sans prise sur le réel et qui tournent à vide ; qui gravitent, justement, autour des problèmes de communication. À cet égard, l’attitude vis-à-vis de la presse est celle d’une quête de son effet miroir (miroir qu’on espère grossissant) et cette mise en abyme communicationnelle signe dès le départ le manque de perspectives ou simplement l’élan insuffisant du mouvement.

En effet, le refus du politique qu’il exprime n’est pas, pour le moment du moins, un signe de lucidité chez les jeunes qui composent la majorité de ces mouvements (au moins pour l’Europe), mais au contraire un refus de la critique au nom d’un idéal communicationnel apolitique.

C’est bien parce que ces mouvements ne passent pas à l’action contre les lieux de pouvoir et la circulation des flux de production et de reproduction qu’ils ne font pas peur aux États. Dans les pays arabes, ils auront servi au changement du personnel politique et à quelques réformettes démocratiques, mais ils auront eu tout de même une influence considérable sur les conditions de vie des populations et leur rapport au pouvoir. D’une certaine façon, la peur a changé de camp parce qu’il ne s’est pas agi d’une simple indignation contre les abus, mais d’une véritable résistance due à l’insoutenabilité des situations. Il a fallu, de plus, qu’interviennent la singularité de certains événements (sacrifice individuel, sorte de mai 68 sur la place Tahrir) pour que cette insoutenabilité — qui ne datait évidemment pas d’hier — puisse se cristalliser, pour que « l’étincelle mette le feu à la plaine ».

Mais ici, en Europe, hormis en Grèce où la crise de reproduction des rapports sociaux est plus grave, nous n’en sommes pas là justement parce que ceux pour qui la situation relève le plus de l’insoutenable sont ceux qui sont les plus écrasés par les structures matérielles et mentales de la domination. Ce sont plutôt ceux qui sont dans l’entre-deux qui forment une nouvelle catégorie de protagonistes. Donc, non pas les chômeurs, mais ceux qui ont peur de l’être, non pas les sans-logis, mais ceux qui retardent leur départ du milieu familial, non pas les non diplômés, mais ceux qui pensent que leurs diplômes sont dévalorisés etc. Leur pratique connexionniste n’est donc pas simplement une nouvelle forme de fétichisme vis-à-vis des nouvelles technologies, elle est due à ce même entre-deux qui fait qu’ils sont comme suspendus au-dessus du rapport social. S’il nous paraît complètement faux d’y voir un mouvement de nouvelles classes moyennes en voie de déclassement, il n’en est pas moins vain d’y chercher une nouvelle figure de classe qui viendrait supplanter la classe ouvrière ou former un nouveau prolétariat universel. Ce serait encore une perspective de classe totalement hors de propos ici. Il ne nous semble pas non plus possible de faire une interprétation en termes de nouveau sujet. Tout d’abord pour une raison théorique qui est que cela fait plus de quarante ans que la critique s’use en vain à chercher un nouveau sujet sur le modèle du prolétariat (cf. Marcuse à la fin des années 60) ; ensuite parce qu’à une certaine unité de classe a succédé une fragmentation du salariat et même une amorce de décomposition de celui-ci. Il n’est donc pas possible de faire un tri et d’en choisir une composante qui jouerait un rôle moteur, d’autant que les mouvements actuels montrent un enchevêtrement de différentes catégories : le « précaire », « le travailleur cognitif », ou de façon encore plus indéterminée, le « travailleur collectif ». D’ailleurs ces catégories manquent elles-mêmes de consistance et d’unité [29]. Elles sont, souvent au même titre, victimes des nouvelles conditions de la domination et de l’exploitation et elles sont, au mieux, parties prenantes des nouvelles communautés de luttes contre ces conditions.

C’est ce qui rend ce type de mouvement assez singulier et facilite son écart [30] par rapport à ce que l’on attend habituellement, mais qui est aussi susceptible de surprendre le pouvoir en place. Ainsi, l’événement que constitue l’occupation des places, en Espagne et en France, reste ambigu et limité par le fait que cet écart est comme posé, comme en soi, à la fois nécessaire et suffisant. Il ne faut sans doute pas chercher plus loin l’autosatisfaction qui semble émaner des différentes commissions sur les tâches les plus quotidiennes et ce qui apparaît déjà comme un fétichisme de l’organisation. Tout au plus peut-on y voir une tendance autogestionnaire qui, pour le moins dépassée, en ce qui concerne ses contenus originels (ce qui était l’autogestion d’une production dont la majeure partie devrait être aujourd’hui abandonnée) réapparaît dans le cadre d’une idéologie de la forme ; ce que nous avons nommé et critiqué comme « la forme d’abord [31] ».

La question qu’on peut se poser est celle-ci : cette limitation est-elle autolimitation ou bien est-ce qu’il y a conscience de la difficulté à créer une dynamique parce que le mouvement n’est pas relié aux forces qui pourraient transformer un écart, simplement posé, statique, en pratiques d’écart et de subversion de l’ordre établi ? Mais cette dynamique n’est pas impossible. D’accord pour dire que le mouvement actuel n’a rien de révolutionnaire, ni dans sa forme ni dans son contenu mais cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas déboucher sur autre chose ou qu’en tout cas il puisse produire un effet d’entraînement. On en a un exemple ce 5 juillet avec la mise en échec d’une rafle policière anti-immigrés dans un quartier populaire de Madrid (Lavapiès [32]). Là non plus rien de révolutionnaire en soi mais des signes de résistance au pouvoir et la démonstration que l’indignation, quand elle se fait collective, peut faire mouvement, peut créer des passerelles, des convergences de lutte. Notre tâche est aujourd’hui de faciliter ce lien dans la mesure où une occupation sauvage, une « plantonisation » [33], de la voie publique, quelles que soient les limites du mouvement qui s’y livre, ne peuvent que contribuer à inculquer de bonnes habitudes aux taupes individualistes que nous sommes devenus [34].

The future is unwritten [35] peut-on lire actuellement sur un mur d’Athènes…

Temps critiques, 12 juillet 2011.

P.-S.

photo en logo pioché chez Iris & Chimère

Notes

[1On oublie trop facilement que la résistance à la puissance coloniale anglaise aux Indes ne consista pas uniquement en actes de désobéissance pacifiques de la part de Gandhi et de ses disciples, mais fut accompagnée d’actes terroristes.

[2Le retour à la mode d’un théoricien du droit et de l’État comme Carl Schmitt nous fournit un bon exemple de la prolifération actuelle de situations d’exception (la juridiction de l’Italie des « années de plomb », Guantánamo et les lois contre le terrorisme, gardes à vue abusives sous prétexte sécuritaire).

[3Cf. l’exemple des fonctionnaires qui démissionnèrent pendant le gouvernement de Vichy. La défaite militaire ne justifiait pas la collaboration active.

[4On en a un exemple avec le projet de lettre à Sarkozy et au gouvernement décidé à l’université d’été des désobéisseurs à Lyon. Plusieurs des projets de lettres incluent l’idée d’insoumission aux ordres… mais dans la « loyauté » au système, c’est-à-dire à l’institution Éducation Nationale. C’est la quadrature du cercle. Un fonctionnaire « loyal », c’est un fonctionnaire qui dit qu’il n’est pas d’accord, mais qui applique ce avec quoi il n’est pas d’accord. Ceci vient d’être officialisé par l’administration centrale qui en appelle maintenant de plus en plus souvent à un « devoir de réserve » des fonctionnaires alors que ce devoir n’existe que pour les membres de la haute fonction publique et non pas pour les fonctionnaires de base.

[5Alain Refalo distingue les « désobéisseurs » publics et les « désobéissants » discrets (op. cit., p. 54).

[6Cf. J.‑M. Muller dans sa lettre à l’inspecteur d’académie de la Haute-Garonne suite à la sanction prise contre Alain Refalo : « Un fonctionnaire doit être un homme avant d’être un sujet. Et un homme responsable obéit aux exigences de sa conscience plutôt que de se soumettre aux injonctions de l’État (un fonctionnaire ça obéit ou ça démissionne) ». Toutefois c’est pour réinscrire la désobéissance dans une « forme supérieure de civisme » ce qui revient à chercher à tout prix une légitimité… dont on n’est pas très sûr puisque c’est en principe l’État démocratique qui définit le civisme en vigueur. On n’est pas loin de se mordre la queue !

[7Les enseignants désobéisseurs comme d’ailleurs les collectifs École en danger ont bien pointé, entre 2008 et 2010, les insuffisances des grèves et manifestations sans lendemain car le retour au travail est alors toujours le retour à l’ordre des choses comme si chacun se dissociait, un jour manifestant criant son indignation, le lendemain salarié docile ou respectueux.

[8Ni SUD ni la CNT n’ont appelé leurs adhérents à la désobéissance publique.

[9Nous reviendront sur cette question dans le no 16 de Temps critiques, à paraître à l’automne 2011.

[10Dernier exemple d’actualité, l’appel pour une manifestation anti-raciste et surtout anti-Sarkoziste du 4 septembre 2010.

[11C’est ce que ne semble pas percevoir Alain Refalo dans la conclusion de son livre.

[12Comme le dit Annie Le Brun dans un entretien au Magazine littéraire, il paraît insupportable qu’à tout propos on parle de « Résistance », en se référant implicitement ou non à l’époque de la Seconde Guerre mondiale. C’est encore une de ces approximations, au bout du compte monstrueuses, qui en dit long sur l’air du temps.

[13Il mélange d’ailleurs tout quand il fait des partis et des syndicats des organisations de résistance ! Mais de résistance à quoi ? Les partis comme les syndicats sont financés par l’État et le patronat, comme d’ailleurs les associations. Tout juste peut-on alors parler de défense des acquis ou de certains principes comme celui de la mission de service public, mais en aucun cas de résistance.

[14Pour Hobbes, par exemple, dans une conception de l’État moderne qui deviendra le modèle du libéralisme politique.

[15Dans le même temps, mais en sous-main, le pouvoir négociait avec les « terroristes » canaques et corses.

[16Un petit nombre ont rejoint directement les rangs de l’ALN, d’autres ont poursuivi leur combat en Suisse ou en Belgique avec les réseaux d’aide au FLN, les réseaux communistes antistaliniens (notamment trotskistes) ou encore les associations humanitaires ou les mouvements pacifistes. La manifestation politique la plus remarquable de ces insoumis est celle du réseau « Jeune Résistance ». Ce réseau associe des clandestins et des militants qui les soutiennent. Cf. Cette thèse récente dirigée par Benjamin Stora sur les désobéisseurs militaires et civils http://www.ldh-toulon.net/spip.php ?article2265.

[17L’émergence du PSU a d’ailleurs été favorisée par l’action de ces réseaux. Cette résistance sous forme d’insoumission et de désertion a souvent été occultée de l’histoire de l’extrême gauche comme de celle du communisme radical dans la mesure où elle n’est pas politiquement correcte : trop tiers-mondiste pour les uns, trop exclusivement anti-impérialiste pour les autres, trop frontiste pour les derniers.

[18Alain Refalo (op. cit.) parle de « l’intérêt public », mais ça ne résout pas le problème.

[19In, Du mensonge à la violence, éd. Calmann-Lévy, 1972, p. 58.

[20Cf. l’occupation de la place Bellecour à Lyon pendant le mouvement contre la réforme des retraites d’octobre-novembre 2010. Cf. notre texte : « Sur les luttes d’octobre-novembre 2010 » disponible en ligne sur le site de Temps critiques : http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article280

[21Pour des précisions sur cette question et la particularité de la critique de Negt par rapport à Habermas, on peut se reporter au blog des « Journées critiques » (http://journcritiques.canalblog.com) et tout particulièrement à l’article d’Alexander Neumann.

[22Au cours de la grande manifestation du 15 juin, on a vu la grande masse des manifestants réoccuper la place Syntagma en repoussant pacifiquement les forces de police alors que celles-ci avaient été harcelées toute la journée par des bachalis (littéralement : les « casse-tout ») eux-mêmes tenus à l’écart de la grande manifestation par ses organisateurs. Cette différenciation semble avoir été moins nette au cours des dernières manifestations fin juin dans la mesure où la répression s’est fait plus active et l’exaspération plus grande.

En Espagne, suite à une manifestation à Barcelone, à l’initiative du « 15M » le 15 juin où des politiciens locaux furent houspillés, les médias passèrent en boucle des scènes d’accrochage censées démontrer la violence des indignados. Depuis, les porte-parole du mouvement cherchent à donner des preuves du caractère pacifique des rassemblements et demandent à leurs participants d’exprimer visiblement cette position (par des affichettes format A5 par exemple).

[23Toutefois, un peu tardivement, une commission « Convergence des luttes » animée par une tendance révolutionnaire au sein du NPA, proposera des actions en direction de salariés grévistes de la région parisienne. Malgré un accueil empathique en AG, ces actions resteront très symboliques et périphériques.

L’opposition éthique des indignados peut-elle rencontrer la colère sporadique de travailleurs desperados ? Là encore, rien n’est écrit et ce n’est pas une analyse en termes stricts de classe qui résoudra le problème.

[24On retrouve cette perspective au sein de certaines tendances dites insurrectionnistes. Pour plus de développement sur ce point, on pourra se reporter au livre, en préparation, de J. Wajnsztejn et G. Zavier L’insurrectionnalisme : nostalgie de l’insurrection ou nécessité de notre temps.

[25C’est ce que l’on peut reprocher à des textes comme celui de Miquel Amorós « Réflexions intempestives après les tambourinades » (14/06/2011) où on retrouve le ton péremptoire de celui qui condamne à mort un malade en en ayant seulement pris la température et celui signé Nacho Mato : « Ils appellent ça la révolution mais ce n’en est pas une » (20/06/2011). Néanmoins, ce dernier qui s’exerce à distinguer révolution politique et révolution sociale comprend une citation intéressante sur la révolution politique espagnole de 1869 : « Curieux destin de cette révolution qui depuis ses débuts, semble avoir seulement des ennemis à sa gauche » (Josep Fontana : « Cambio económico y actitudes políticas en la España del siglo xix,
Barcelona, Editorial Ariel, p. 131). Une citation qui, de Tunisie en Espagne en passant par la Grèce et l’Égypte, n’a pas perdu de son actualité.
C’est déjà ce qui était incohérent et confusionniste chez les anars insurrectionnalistes mexicains qui refusaient de se mélanger à l’Assemblée Populaire des peuples d’Oaxaca (APPO), née de l’insurrection populaire de 2006, alors que cette assemblée appelait clairement à boycotter les élections et se débattait au milieu de toutes les difficultés qui sont inhérentes à l’impossible instauration d’une démocratie déterritorialisée, urbaine, consensualiste, principalement discursive, imprégnée d’égalitarisme citoyenniste (tout le monde a le droit à la parole et à la représentation dans l’assemblée) mélangeant des imaginaires et des habitudes de pensée divers et souvent opposés.

[26Cf. sur ce point le texte de Peter Gelderloos « Spanish Revolution at the crossroads » tiré de la newsletter américaine Couterpunch, disponible sur http://www.couterpunch.org/gelderloos06072011.html. Ce texte a été traduit en français par une camarade du « réseaudediscussion » et nous pouvons le transmettre en fichier sur demande.

[27Les anciennes médiations perdurent, mais affaiblies, elles opèrent surtout en dehors de leur fonction d’origine. Les syndicats participent à la gestion du social, la police et la justice s’autonomisent de la politique comme on a pu le voir le plus aisément en Italie, pays où les politiques s’autonomisent de la sphère politique étatique par leurs pratiques clientélistes, mafieuses, oligarchiques.

Pour un développement critique sur les tentatives de création de communautés politiques autonomes, on peut se reporter à l’article de J. Guigou : « Les nostalgiques de la cité grecque », Temps critiques no 15, p. 186-190, également disponible sur le site de Temps critiques : http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article211

[28Cf. l’article « Quelques précisions sur capitalisme, capital et société capitalisée », Temps critiques no 15, p. 5-65, disponible sur le site de la revue ici http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article206

[29Par exemple la qualité « d’intermittent du spectacle » recouvre des conditions de travail et de vie très dissemblables.

[30Sur les pratiques de l’écart, cf. notre texte bilan sur les grèves d’octobre-novembre 2010, disponible sur le site de la revue Temps critiques ici : http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article280

[32Cf. http://www.youtube.com/watch ?v=FOjtOvYQ2qk&feature=channel_video_title. On en a un autre exemple avec la victoire d’une action anti-desahucios (expulsions) dans le quartier ouvrier de Ciudad Lineal à Madrid. Il semblerait que de nombreuses actions de quartier couvrent la défense de personnes menacées par leurs prêts hypothécaires non recouvrables, au sein d’une « Plate-forme des victimes des hypothèques » (PAH).

[33Plantones est le nom que les insurgés d’Oaxaca (Mexique) ont donné aux campements sauvages qui leur ont servi à occuper le centre de la ville lors du soulèvement de 2006.

[34Comme nous le disions dans le no 10 de la revue (« Politique élémentaire » de Loïc Debray, p. 20, 1998) : « Il est urgent de remettre en selle la radicalité qui consiste à tenir bon y compris sur l’impossible, et même si on est seul, en se disant “Si je ne le fais pas, personne ne le fera” et à chaque fois forcer la solidarité pour convertir la peur en enthousiasme. Et cela, à l’endroit où on est, ce qui est déjà beaucoup ». Le récent exemple tunisien, comme l’action des enseignants désobéisseurs en France, montrent que cette radicalité n’est pas l’apanage d’une avant-garde, mais la possibilité de tout un chacun. Là encore, il faut que se créent les conditions d’une conjonction entre la résistance comme action première par rapport au pouvoir et la résistance comme réponse ou réaction au pouvoir.

[35En référence à un album posthume de Joe Strummer
ex-membre du groupe The Clash

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  • Le 18 juillet 2011 à 08:15, par Zog-Zog

    « Non pas l’exception/ Mais l’état d’exception/ Confirme la règle/ Quelle règle/ Pour qu’on ne puisse/ Répondre à la question/ On proclame l’état d’exception. » Ce poème d’Erich Fried illustre la situation présente d’état d’exception permanent, et sa difficile interprétation. Ainsi l’on ne voit plus que les dérives d’un pouvoir, fonctionnant comme floutage de ce même pouvoir. Cet amer constat fait que l’on ne combat que l’oppression dans sa forme la plus caractérisable, et non son origine.
    Excellent article donc, qui pointe les limites et contradictions internes au « mouvement » des indignés, mais relève aussi l’existence d’un « champ du possible ». Dommage toutefois que ce texte (comme toutes les publications de temps critiques), par son caractère ésotérique, ne soit pas accessible aux néophytes.

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