Un mois de prison ferme et huit mois de sursis pour un manifestant arrêté samedi 9 avril à Lyon

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Comptes-rendus de justice | Loi travail

Aujourd’hui, lundi 11 avril, un manifestant arrêté samedi près du local du PS est passé en comparution immédiate. Lui était reproché : outrage à agent, violence sur agent (coup de tête, pied et poing), jet de projectile (avec une ITT présentée de 30 jours) et rébellion.

Même si le camarade a formellement nié ces faits improbables, le tribunal le condamne pour l’exemple à 8 mois de prison avec sursis dont un ferme avec mandat de dépôt ce qui signifie plus clairement, qu’il part dès ce soir dormir en prison...

Mise à jour : un compte rendu de l’audience rajouté.

De plus, le témoignage d’une avocate présente sur place par hasard mettait clairement le manifestant hors de cause pour les faits de violence, expliquant que c’est un policier qui avait mis un coup de tête au jeune arrêté.

Sur ce dernier fait, le prévenu obtient la relaxe, mais est reconnu coupable sur tous les autres.

Il prend ainsi 8 mois de prison avec sursis dont un ferme avec mandat de dépôt. il part donc ce soir dormir en prison.

Le policier blessé récolte 1000 euros de dommages et intérêts et ses trois collègues prennent quant à eux 300 euros par personne pour l’outrage (un doigt d’honneur, reconnu).

Cette affaire nous semble emblématique du traitement en justice des violences policières : alors que la personne arrêtée se prend un coup de tête, c’est elle qui est accusée de violences !

Solidarité inconditionnelle avec les inculpés du mouvement contre la loi travail !

caissedesolidarite@riseup.net
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Un compte-rendu de la comparution immédiate

Faire un compte rendu d’audience simple me parait bien compliqué au vu du déroulement de l’audience qui s’est déroulée ce lundi 11 avril en comparution immédiate. On avait plus l’impression d’assister à un combat inégal entre l’anarchie et la BAC

Petit rappel des faits. Samedi 9 avril, en continuité de la manifestation contre la réforme du droit du travail qui se terminait place Bellecour, des "incidents" ont eu lieu devant le local du PS cours de la liberté (Lyon 3e). La BAC raconte qu’à leur arrivée un groupe de 50 individus s’est dispersé en courant. Une chasse s’engage dans les rues alentours, un jeune homme de 19 ans est interpellé.

La tension dans la salle est palpable. L’affaire va être jugée en premier. Du côté des parties civiles, deux flics sont sur le premier rang, trois autres juste derrière. Le juge est en retard, l’avocate des parties civiles parle avec ses « clients ». On entend parler de « kit du parfait manifestant », de bouteille pleine ou vide, de tenue d’intervention des flics de la BAC. De l’autre côté de la salle, les copains du jeune commencent à arriver en nombre.

La cour arrive, l’audience commence, le jeune accepte la comparution immédiate. Les faits qui lui sont reprochés sont assez lourds : jet de projectile sur la façade du local du PS, outrage à agent (doigt d’honneur, insultes), jet de projectile sur un agent de police ayant provoqué une ITT de 30 jours, violence sur force de l’ordre (coups de tête, de pied et de poing), rébellion. Il ne reconnaît que les insultes et dit qu’il a été victime d’insultes et de violences de la part de la police. Quatre flics de la BAC se portent partie civile.

L’avocat de la défense prend la parole pour demander la citation d’un témoin de dernière minute. Flottement parmi les flics, le procureur s’y oppose, la cour se retire, revient et accepte. Nouveau flottement parmi les flics, le malaise s’installe vraiment.

La version de la police est lue par le juge : « Nous étions place Bellecour quand nous avons été appelé pour des incidents devant le local du PS. A notre arrivée, le groupe de 50 individus s’est dispersé. Nous avons voulu contrôler deux individus dont un était porteur d’un foulard autour du cou, d’un masque de ski et d’un gros sac à dos. En s’approchant de lui on a eu droit à des doigts d’honneur et au jet d’une bouteille en verre alors qu’il partait en courant. La bouteille a touché un policier dans sa course. Nous avons pu l’interpeller alors qu’il tentait de se cacher entre deux voitures en stationnement. Nous avons eu énormément de mal à l’interpeller, il nous insultait et nous donnait des coups de pieds et des coups de poing. Nous avons du le menotter par devant. En l’amenant au fourgon il a mis un coup de tête à un policier, il a réarmé sa tête, le policier a avancé son casque pour ne pas subir le second coup de tête. On l’a mis dans le fourgon. »

La version du jeune donné à l’audience : « A la fin de la manif place Bellecour j’ai suivi un groupe d’ami direction le local du PS pour voir s’il y avait des camarades. Je suis sympathisant des mouvements anarchistes. Je n’ai rien jeté sur la façade. Quand la police est arrivée, je reconnais les avoir traité de con et avoir jeté à terre la bouteille que j’avais dans la main. Je ne l’ai pas jeté vers eux. Je suis parti en courant, j’ai été interpellé entre deux voitures, je leur disais que je ne pouvais pas me retourner car j’avais le bras coincé. Après qu’ils m’aient relevé pour aller vers le fourgon, je regardais un policier dans les yeux, il a cru que je voulais lui mettre un coup de tête, du coup il m’en a mis un. »
Le juge énumère l’inventaire des objets trouvés dans son sac : un kit de premiers secours, un kit de décontaminant lacrymo, un morceau de bois de 500 gr avec un clou rouillé qui dépasse au bout. Il insiste bien sur ce dernier objet, ça ne sent pas très bon.

Le témoin de dernière minute de la défense est appelée, elle est introuvable, ça discute sur le banc des parties civiles.
Les parties civiles sont entendues. Le flic blessé par le jet de projectile explique qu’il était en train de courir vers le jeune quand il a vu la bouteille lui arriver dessus. Il a tenté de l’esquiver en s’appuyant sur la jambe gauche qui n’a pas tenue et qu’il a finit sa course en tombant sur le côté. Blessé, il n’a pas pu participer à l’interpellation. Le second flic explique que l’interpellation était très compliquée, qu’ils n’étaient que trois et qu’ils ont du le menotter par devant afin de protéger son intégrité physique. En allant vers le fourgon, le jeune a tenté de lui mettre un coup de tête. Il répond aux questions de l’avocate des parties civiles : « Je ne lui ai pas mis de coup de tête, avec les casques que l’on a, il ne serait pas dans cet état. » « Ce n’est pas la première manif où j’interviens. Il y a des groupes à risques dans les manifs qui veulent juste casser du policier. On sait les reconnaitre. Ils ont des objets lourds pour jeter sur la police ». L’avocate fait mention de « kit du parfait manifestant » pour nommer l’inventaire des objets retrouvés dans le sac du jeune.

Le témoin de la défense a été retrouvé. Elle se présente, surprise, elle est avocate au barreau de Lyon et habite juste au-dessus du lieu de l’interpellation. Elle raconte : « J’étais chez moi quand j’ai entendu comme un bruit d’explosion. Je suis sortie sur mon balcon. Trois policiers couraient après un groupe de trois jeunes. L’un d’eux courait moins vite, sac à dos noir sur le dos, il s’est retourné pour lancer un objet vers la police. Un policier a été touché, il a lancé sa matraque sur le jeune et l’a touché. Le jeune était plaqué au sol entre deux voitures, cinq ou six policiers sur lui et une 15aine autour de lui en tout. Un d’eux a vu que je regardais depuis mon balcon, il a mis un bouclier pour m’empêcher de voir ce qu’il se passait. Une femme du quartier s’est approchée, elle a été écartée de façon virulente. Ils l’ont relevé pour l’amener au fourgon, la personne a essayé de se dégager violemment, un policier lui a mis un coup de tête. Les policiers l’ont mis à terre sur les lignes du tramway et l’ont pris par les bras et les jambes pour l’amener jusqu’au fourgon. Dans mes souvenirs, le policier qui a mis le coup de tête n’était pas casqué. Je témoigne car j’ai été choqué de la violence de cette interpellation. »

Une réelle confusion règne dans la salle.

La procureur prend la parole avec de magnifiques tirades théâtrales : « Je suis amenée une nouvelle fois à soutenir l’accusation dans le cadre de manifestations en France. Avec l’audition du témoin, j’ai plus l’impression d’assister à un procès de la police nationale. Le témoin raconte que le policier qui aurait mis le coup de tête n’était pas casqué, était-ce donc la même affaire ? Il n’y a pas de lésion sur le visage de l’accusé, je me permets donc de douter de sa version car des coups au visage j’en ai pris en stage police et je sais ce que ça fait. La vidéo de surveillance montre que l’individu qui a jeté un projectile sur la façade du local du PS est très compatible avec le profil de l’accusé. Ce n’est pas un délinquant comme les autres, tous les manifestants ne se baladent pas avec cet accoutrement, surprise M. …… !!!!! Vous avez affaire à un individu qui vient casser en manif, qui veut taper sur les policiers. C’est un casseur de policier et de mobilier urbain. Et il ose venir à l’audience se présenter comme un petit canard qui a subit des violences de la part de la police ? Il participe avec grand plaisir aux évènements qui se passent EN MARGE de la manifestation. Il se moque de la cour, il n’assume pas. L’objectif n’est pas de faire un exemple, je veux une justice personnalisée. Au vu des faits et de son attitude devant la cour, il mérite une réponse ferme. C’est un profil de délinquant inquiétant, c’est un jeu dangereux auquel il joue. Un sursis simple est non suffisant pour lui. Il faut l’obliger à travailler un peu, pour pas qu’il manifeste. Je demande 8 mois de prison avec sursis avec un délai de 24 mois, l’obligation d’indemniser les parties civiles et l’interdiction d’accès à la presqu’île de Lyon. »

C’est au tour de l’avocat de la défense de prendre la parole. Au bout de quelques phrases on comprend vite que la défense aurait mieux fait de demander un report d’audience. Un avocat hésitant que l’on entend difficilement, des arguments pas très convaincants (« Mauvaises fréquentations. Il se jette dans les combats tête baissée sans réfléchir. Les années à venir vont lui permettre de réfléchir. »), demande très timide de relaxe sur le jet d’objet sur le local du PS, pas un mot sur ce que le témoin a pu dire…

Lors de la délibération, le tribunal prononce la relaxe pour violence par coup de tête. Par contre elle le déclare coupable de tous les autres chefs d’accusation et le condamne à une peine de 8 mois de prison dont un mois ferme avec mandat de dépôt et 7 mois avec sursis avec un délai de 5 ans. Il le condamne également à indemniser les parties civiles à hauteur de 1000 euros pour le flic ayant reçu le projectile et 300 euros pour chacun des trois autres flics.

En relisant ce matin le compte rendu d’audience, je me demande comment on a pu en arriver là ? Comment un jeune manifestant de 19 ans a pu être condamné à une peine bien plus sévère que les réquisitoires du procureur ? Comment, malgré la suspicion de violences policières et l’intervention d’un témoin contredisant la version de la police, on ne se pose pas plus de questions sur la véracité des actes ? Et enfin, comment, avec la complexité relative de ce dossier et la présence d’un témoin important, la défense n’a pas demandé un report d’audience pour mieux se préparer ?
La seule chose qui est sûre aujourd’hui c’est que l’on ne peut plus fermer les yeux devant les agissements de flics et qui agissent en totale impunité. Alors continuons d’occuper la rue, dire notre raz le bol et leur mettre la pression. La photo et la vidéo sont des armes redoutablement efficaces, alors filmons, photographions, montrons leur qu’ils devront assumer n’importe quel geste ou attitude déplacé qu’ils auront.

Une personne révoltée contre l’injustice.

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