Quelques alternatives aux possibilités d’accès au foncier agricole

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La terre à vocation agricole en France est soumise à des intérêts spéculatifs : les propriétaires suivent l’extension de l’urbanisation et on ne peut que déplorer que les terres qui ont une valeur agronomique certaine se vendent comme des terrains à bâtir, pour des maisons individuelles ou des grandes surfaces et commerces.

On peut voir cela dans le Conflent (la région de Prades) dans les Pyrénées Orientales par exemple.

Face à cela, force est de constater que la SAFER (société d’aménagement foncier et d’établissement rural) ne remplit pas son rôle : elle devrait acheter les terres disponibles (elle a un droit de préemption) et les revendre à des jeunes ou des petits exploitants. Mais les gros agriculteurs sont un lobby puissant et ils verrouillent localement le marché du foncier agricole : les plus grands continuent de s’agrandir tandis que les plus petits continuent de disparaître.

Le processus spéculatif peut être mis en échec par des formes juridiques collectives

Il existe des formes juridiques collectives (SCI, GFA, SAS, etc.) qui peuvent être gérées selon le principe coopératif « un homme = une voix » ou selon l’importance des apports en capital de chacun. Elles permettent de ne pas concentrer la terre en peu de main, et constitue une alternative crédible pour que ceux qui travaillent la terre et en vivent puissent y accéder. De plus le statut SAS (société par actions simplifiée), qui est aujourd’hui uniquement utilisé par Terres Communes pour ce qui est de la gestion du foncier agricole, permet une grande liberté dans le fonctionnement interne.

Ainsi a t-il été décidé que les détenteurs de capitaux [1] ne pouvaient pas revendre leur(s) part(s) à quelqu’un de la SAS ou à la SAS elle-même : ils doivent proposer un repreneur. De cette façon les actions perdent leur valeur marchande (c’est une sorte d’ « expropriation volontaire ») car elles ne peuvent être concentrées par les autres actionnaires. Enfin, aucun dividende n’est distribué sans accord de 75% des actionnaires, on évite donc la spéculation !

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Les collectivités locales comme les mairies sont également invitées à s’investir dans la protection de leur territoire. Par le PLU (plan local d’urbanisme) qu’elles élaborent, elles peuvent délimiter des « zones agricoles », terrains non constructibles et réservés à des usages agricoles. C’est un outil intéressant, mais qui demeure soumis au bon vouloir de l’équipe municipale. Cependant, certains élus consultent souvent leurs administrés (surtout dans les petites communes) et il faut saisir ces occasions pour s’exprimer et poser ses exigences.

L’ association Nature & Progrès

On peut s’inspirer du projet comme celui que nous avons conduit avec Nature & Progrès (association créée en 1964, à l’origine des cahiers des charges européens de l’agriculture biologique, et ayant les siens propres, plus strictes encore que les officiels) sur le Conflent (et que nous aimerions voir se développer ailleurs) : la méthodologie consiste à évaluer la consommation annuelle dans les restaurants scolaires de produits pouvant être produits localement (il faut connaître les potentialités du territoire). En utilisant les rendements moyens de la zone, on convertit les volumes utilisés en surfaces qu’il faudrait mettre en culture pour approvisionner les cantines.

Ensuite, il faut se mettre à la recherche du foncier : les mairies sont impliquées pour trouver des terres qui seront vouées à la culture en bio pour la restauration collective. Les élus devront soutenir le projet auprès des propriétaires réticents et en montrer le bien-fondé. C’est un projet fédérateur qui implique de nombreux acteurs : paysans, élus, professeurs, élèves et parents d’élèves, associations d’éducation à l’environnement, etc. Il est de plus transdisciplinaire : par l’alimentation biologique, on touche à l’éducation à une agriculture respectueuse de l’environnement, à la santé et la nutrition, tandis que l’agriculture locale développe l’emploi et entretient le paysage, dynamise le territoire et promeut le tourisme. Les avantages sont multiples.

Ce sont donc ces formes de gestion du foncier, concertée au niveau d’un territoire, concourrant à un projet de développement rural cohérent et utilisant des statuts collectifs pouvant se réclamer de l’économie solidaire qui peuvent constituer des pistes dès aujourd’hui.

Réduire les subventions accordées au système intensif productiviste et augmenter les aides vers l’agriculture bio

En attendant, la question de la répartition reste posée : il en va de la terre comme des autres biens, trop peu les concentrent et beaucoup en manquent. En France comme ailleurs, nous n’hésitons pas à parler d’une nécessaire réforme agraire. Mais c’est alors tout le modèle agricole qu’il faudra faire évoluer : il s’agit de réduire les subventions accordées au système intensif productiviste (polluant et peu générateur d’emplois), pour réorienter les aides vers une agriculture biologique fortement intégrée à un tissu social local à travers des formes coopératives et solidaires et des exploitations à taille humaine.

Voilà le défi auquel nous sommes confrontés : les pays riches doivent revenir à des formes sociales plus solidaires qu’ils ont pu connaître et que le système « conventionnel » a laminé. Dans les pays pauvres, il s’agit que les paysans arrivent à sauvegarder l’agriculture vivrière absolument nécessaire (qu’il faut encore améliorer grâce à la diffusion de techniques traditionnelles et à la recherche en agriculture biologique) et maintenir les tissus sociaux existants et en voie de disparition.

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L’accès au foncier doit se doubler au niveau mondial de la promotion du bio comme alternative crédible et souhaitable aux pesticides et engrais chimiques (comme vient de le faire la FAO). Sinon, c’est à « une réforme agraire productiviste » que nous pourrions assister, pour le plus grand bonheur des firmes agrochimiques ! Si la révolution verte a finalement été un échec, il ne doit pas se reproduire. Mieux faire au Nord, éviter le pire au Sud. Voilà où nous en sommes.

La situation est riche de possibles, et des acteurs aussi différents que l’EZLN (mouvement et groupe armé indigène au Mexique) ou Nature & Progrès (une association de producteurs et consommateurs de produits bio en France) ont toute leur place dans ce processus de conscientisation indispensable. Car, confrontés au changements, il faut d’abord connaître pour pouvoir comprendre, et puisque « savoir, c’est pouvoir », il faut continuer à mener cette guerre d’usure contre tous ceux qui voudraient nous faire croire qu’ « il n’y a pas d’alternative ».

C’est à eux et à tous les exploités qu’il faut dire haut et fort que le monde n’est que ce que nous en faisons !

Alors allons-y !

François

Notes

[152% sont des particuliers et les 48% restants sont 3 structures, soit 16% chacune

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  • Le 3 juillet 2007 à 18:40, par toumaille
  • Le 3 juillet 2007 à 18:33, par toumaille

    salut françois , puis-je mettre ton papier sur mon site echobio.apinc.org ?

    salutation agricole sans synthèses
    echobio.asso@apinc.org

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