Qui était dans la rue contre la loi travail le 31 mars ? Portraits de manifestant·es

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Lyon Loi travail

Pierre, Christiane, Alice, Yaya… quelques un·es des dizaines de milliers de personnes qui se sont mobilisées le 31 mars à Lyon. Autant d’histoires de précarité et d’envies de tout changer. Portraits en photos et en mots de celles et ceux qui se mobilisent contre la loi travail.

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« Je m’appelle Pierre, j’ai 22 ans et je recherche une formation en CAP pâtisserie. Je suis là pour que le gouvernement entende notre voix. Je manifeste contre la loi et de manière générale, je pense qu’actuellement l’Etat se permet des choses un peu abusées. J’ai cherché pendant plus d’un an et demi pour faire ma formation et je n’ai pas pu trouvé car l’aide pour les jeunes adultes est très réduite. Pour conclure, j’ajouterais "Mort aux vaches". »

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« Je m’appelle Christiane, j’ai 62 ans, je suis retraitée, j’étais manipulatrice en radiologie. Je suis là parce qu’on est face à une attaque jamais vue contre le code du travail et les droits des salariés. Il faut absolument qu’on arrive à ce que ce projet de loi retourne d’où il vient, c’est-à-dire au panier. On est en train de remettre en cause la hiérarchie des normes qui fait qu’un accord d’entreprise serait supérieur aux conventions collectives, supérieur à la branche, supérieur au code du travail. Alors que le code du travail, c’est un socle auquel on ne peut pas déroger. L’autre chose, c’est que le code du travail a été créé avec un principe de faveur des salariés qui ne sont pas égaux aux patrons, ce principe n’est pas négociable.

Ce n’est pas en précarisant davantage ceux qui ont un travail qu’on va créer des emplois. Mon fils est précaire, il est en CDD renouvelable tous les mois depuis un an. Quand on veut faire sa vie, prendre un logement, c’est très compliqué. C’est bien que le monde du travail comme la jeunesse se mobilise contre ce monde précarisé, ça fait chaud au cœur. »

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« Je m’appelle Alice, j’ai 19 ans, je suis étudiante à Lyon II. C’est important de se battre pour nos droits, parce qu’on va bientôt être des travailleurs et par solidarité pour ceux qui travaillent. La mesure qui me choque le plus c’est celle qui concerne les 10 heures de travail que les mineurs vont pouvoir faire par jour. C’est de l’exploitation. Pareil pour l’augmentation du temps de travail. J’ai travaillé comme femme de ménage pendant un été, avec des femmes qui font ça tout le temps, qui font des ménages le matin et le soir et les journées elles font caissières. Elles subissent leur travail, elles galèrent, elles travaillent tous les jours pour aider leur famille, pour payer des études à leurs enfants, et ont du mal en s’en sortir.

Demain, il faut que ça continue, qu’on soit tous ensemble à montrer de la détermination, pas que ça s’arrête là, parce qu’il y aussi l’état d’urgence, plein de choses contre lesquelles il faut se battre. Pour beaucoup, on n’est pas là que contre la loi travail, y en marre, je veux pas être vulgaire, de se faire « baiser » tout le temps. Ça fait du bien de voir qu’il y a du monde : "P comme pourris, S comme salauds, à bas le parti socialo !". »

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« Je m’appelle Karim, j’ai 49 ans, je suis ouvrier qualifié et délégué syndical CGT. Je suis là contre ce projet de loi qui est pro-patron. Il faut qu’ils l’enlèvent, qu’ils la retirent. Moi, depuis 6 ans, mon salaire n’a pas évolué alors qu’on donne la permission aux patrons de nous faire travailler quand ils veulent, de nous donner plus d’heures de travail. C’est inacceptable. Ce qui me révolte le plus c’est le problème des licenciements pour les grands groupes et la possibilité de faire évoluer le nombre d’heures de travail, tout ça pour mettre fin aux 35 heures. Je m’inquiète pour moi et pour mes enfants. Tout ce qu’on propose, c’est des contrats précaires, il faut des vrais emplois qui durent. Aujourd’hui, tout va aux actionnaires et rien aux salariés. »

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« Je suis Amandine, j’ai 28 ans et je suis en contrat de professionnalisation moniteur-éducateur. Le code du travail c’est notre avenir, et puis y’en a marre, merde, c’est tout ! Ce qui me marque le plus, c’est que les syndicats ont moins de pouvoir de pression face au patronat. Ça révèle tout le reste. Les travailleurs ont de moins en moins de droit, c’est toujours la même chanson et ça ne fait qu’empirer. Donc il faut prendre ses responsabilités, se dire « aller je vais manifester, je vais marcher comme une con dans la rue mais si on le fait tous ça peut marcher ». Mon père est artisan-taxi depuis 20 ans, il a eu la chance de ne pas payer sa licence à l’époque, il va être à la retraite et toucher 900 €. Il comptait sur sa licence pour éventuellement avoir un bien pour sa vieillesse et finalement non. Tout le monde se retrouve dans la merde. Je connais un agriculteur, 50 ans qu’il est dans les vignes, 50 ans après il a les épaules flinguées et la sécu lui file 8 € par jour. Ils veulent nous cliver, qu’on se batte tous entre nous. Aujourd’hui on est là et on dit "eh bah non !". »

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« Je suis Yaya, j’ai 39 ans, je suis sénégalais, je suis musicien et inscrit comme demandeur d’emploi. Je suis là aujourd’hui pour me battre pour qu’il y ait un changement des relations, on est là immigrés, mariés avec des ressortissants français et la France ne nous ouvre pas les portes en matière de travail. C’est injuste. Ce qui me choque c’est que ce projet va introduire diverses cassures, même dans le couple, parce que les gens travaillent mais après il ne leur reste rien, ils n’ont plus de vie. Moi j’ai une histoire d’immigré qui a quitté son pays et même aujourd’hui pôle emploi ne fait rien pour moi, alors qu’ils sont là pour aider tous les travailleurs et citoyens, quelle que soit leur nationalité. Pour moi, c’est un grand plaisir de manifester et de voir la jeunesse qui se révolte pour qu’il y ait un changement. »

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« Je m’appelle Vegeta, j’ai 42 ans et je suis jardinier dans une petite commune. Je suis là contre la loi travail mais aussi pour participer à un grand mouvement de convergence. La précarité aujourd’hui fait que se loger devient un luxe. J’ai été locataire chez un bailleur public, mais à cause de problèmes administratifs, je suis obligé de le quitter avec ma compagne et ma petite fille. »

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« Je m’appelle Dominique, j’ai 60 ans et je suis poète, je publie des poèmes engagés. Je manifeste car depuis 2007 je trouve qu’on entre dans une oligarchie dictatoriale. L’ensemble du projet de loi est problématique. Apporter de la souplesse aux employeurs ne doit pas se faire aux détriments de la lutte sociale, c’est un véritable retour en arrière. J’ai été précaire pendant toute ma vie. Je suis douée avec l’informatique et on m’appelle souvent mais c’est difficile de créer du lien social dans ces conditions. On se retrouve seul face aux administrations. Lorsqu’on a déconcentré les Assedics pour que celles de la Région lyonnaise deviennent celles de la Vallée du Rhône et de la Loire, ils avaient oublié de prévenir les chômeurs actifs et on a tous perdu un mois d’allocation.

Je peux vous lire un de mes poèmes :

Récession
On était au début d’un siècle plein d’avenir. Pourtant, bien des choses étaient moroses et les cieux n’étaient pas tout roses. On était au début d’une ère sans avenir. Il flottait sur toute choses un tempo trop haut, une allure de stress et de précipitation chaud. On avait oublié beaucoup de bien le long du chemin. On avait emmené dans le lointain tous les copains. On luttait sans arrêt, sans frémir. Irréel. Partout, par tous les temps, pour un sourire, et les gens innocemment nous faisaient rire. On étaient si souvent oublieux de l’essentiel. La terre se réchauffait inexorablement et les hommes souffraient par manque de temps. L’air se raréfiait bizarrement, troublon, et les femmes ne procréaient plus comme avant.

On était au début d’un siècle plein d’avenir, pourtant bien des êtres vivants souffraient le martyr. Emportés par un vent différent, comment dire. On espérait un je ne sais quoi qui ne pouvait venir. Et moi avec quelques artistes, j’animais un feu d’artifices. Plus jamais triste pour voir briller comme un lys une lueur dans les yeux des gens. Et des fleurs au milieu d’immondices, revêtues d’arc-en-ciel, comme auparavant au bord des précipices qui empêchent d’un bruissement d’ailes de se précipiter au fil des ans.

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