Retour du Vénézuéla

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Images du Venezuela : de l’espoir d’un nouvel idéal de gauche au constat d’un processus antidémocratique. Parcours d’un militant.

Introduction : Informations de guerre, guerres de l’information...

Des guerres actuelles de l’information – et de la désinformation – dépendent les enjeux politico-économiques majeurs du monde de demain. Cette évidence désormais maintes fois répétée à travers tous les conflits mondiaux depuis des décennies permet d’appréhender la réalité mondiale sous le prisme binaire de subjectivités et d’intérêts mercantiles gouvernant le monde de l’information. Les manipulations états-uniennes autour de leurs guerres successives (Golfe, Yougoslavie, Irak...) ne sont que les vitrines grotesques d’une réalité bien plus large encore. A travers le monde, des clubs, fondations et autres ONG n’ont d’autres buts, sous prétexte de pseudo volontés démocratiques, que de générer une information coïncidant avec les intérêts économiques et militaires qu’ils représentent.

Les médias dominants sont généralement les pions, volontaires ou non, de cette manipulation manichéenne. Les cris soit-disant scandalisés de certains journalistes face à l’information préfabriquée livrée à eux par les militaires américains pendant la guerre en Irak n’eurent finalement que peu d’écho... et firent comme si cette guerre n’était qu’une occasion isolée de manipulation médiatique. Mais le traitement de l’info au Proche et Moyen Orient ne s’appréhende plus désormais que sous deux angles : CNN et la vision américaine d’un côté, Al Jazeera et le point de vue arabo-musulman de l’autre. L’objectivité, première raison d’être d’un journalisme bien mal portant, est à chercher entre deux. Et encore...

Ces manipulations n’ont pas lieu qu’au sujet du monde arabe. L’Amérique Latine, elle aussi, elle particulièrement, est en proie à cela depuis bien longtemps. Pré-carré traditionnel des Etats-Unis , elle a souvent été le théâtre d’interventions militaires directes ou indirectes (appui du Grand Frère américian à différents coups d’états, à maints dictateurs, Pinochet en premier lieu...). Aujourd’hui, ces interventions sont devenues un peu grossières et, vu le système médiatique, ne passent plus inaperçues. C’est pourquoi les militaires aujourd’hui apprennent d’abord à faire la guerre de... l’information. Plus sournoises, elles passent désormais par l’utilisation massive des médias. C’est ce qu’a parfaitement compris Hugo Chavez, meilleur ennemi déclaré des Etats-Unis, qui joue de cet épouvantail impérialiste américain pour générer lui même, en réaction, sa propre information de propagande. L’analyse des guerres de l’information prend tout son sens dans l’observation du processus politique en cours au Vénézuéla.

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Très rapidement, lorsque l’on aborde le domaine vénézuélien et de sa révolution bolivarienne, on s’aperçoit combien il est difficile de trouver des analyses objectives. La première catégorie de ces analyses tend à diaboliser le régime de Chavez qui menacerait l’équilibre économique libéral en menaçant les intérêts financiers des grandes entreprises et la mainmise des Etats-Unis sur l’Amérique Latine. La seconde catégorie apporte un soutien aveugle à ce régime, en ne se basant que sur les avancées sociales et le soutien populaire au processus révolutionnaire, inédit dans l’époque actuelle. Ce manichéisme est tel que même les plus sérieux (théoriquement donc « objectifs ») des journaux, comme Le Monde en France, mais bien d’autres encore dans le monde, en arrivent à traiter un seul angle d’information.

Impossible de trouver dans Le Monde un article contrebalançant toute la prose anti-Chavez que le quotidien du soir nous déverse depuis des années. Ce manichéisme grossier est le même que propose le paysage politique vénézuélien à ces citoyens : un choix entre des ultras libéraux frustrés de la confiscation du pouvoir politico-financier et le camp Chavez, entièrement dévoué au processus bolivarien et à son « commandante ». Le manichéisme a cela de bien qu’il est une relation absolument réciproque : le « Bien » contre le « Mal », mais chaque camp est persuadé de représenter le « bien » ! Il est surtout le système de pensée et de représentation du monde qui justifie toutes les guerres, tous les actes primitifs, car il prive les hommes de capacité d’analyse. D’un côté, les bons, de l’autre les méchants... et si vous n’êtes pas avec nous, alors vous êtes méchants...

Concernant le Vénézuéla, difficile donc de s’y retrouver au milieu des multitudes d’informations plus ou moins journalistiques et sur la toile d’internet. Mais les caractéristiques de cette révolution bolivarienne la rendent attrayante à toute une frange des militants de la gauche européenne. Car l’égarement idéologique des gauches actuelles dans les marasmes de la domination ultralibérale pousse de nombreux militants à regarder vers d’autres horizons, d’autres modèles qui leur permettraient de sortir de l’impasse née de la chute du mur de Berlin. Comme Ho Chi Minh, comme Castro, Chavez et son processus socialiste bolivarien est aujourd’hui vu par certains comme une nouvelle référence idéologique.

Et il faut dire que ce processus en cours au Vénézuéla est séduisant pour tout militant de gauche en quête d’une autre gauche. La démocratie y est dite participative, l’argent du pétrole permet de reconstruire des quartiers, des dispensaires voient le jour dans tous les barrios (quartiers populaires proches de la définition des bidonvilles), un système de soins gratuits est institué et, surtout, l’assise populaire de Chavez met tous les idéalistes à l’abri des accusations ayant trait au populisme, à l’autocratie d’un personnage dont le culte de la personnalité renvoie à des heures que chacun d’entre nous préférerait pourtant oublier. Qui pourrait accuser Chavez de négation de la démocratie, alors qu’il a plus de 50% de la population vénézuélienne avec lui, en particulier les catégories populaires de celle-ci qui se mobilisent même quand leur « commandante » est en danger ?

Et même, finalement, la défaite de Chavez au référendum de 2007 peut être utilisée pour prouver le respect des règles démocratiques par le « commandante ». Et il est vrai que pour la première fois depuis fort longtemps dans ce pays, un dirigeant s’intéresse à ce qui se passe dans les barrios, redonne de la fierté à des populations oubliées dans leurs bidonvilles, rend une identité à des populations indigènes jusque là ignorées voire opprimées, redonne vie à un corps social jusque là totalement nié. Mais à quel prix ?

De véritables progrès populaires

Lorsque l’on parle du Vénézuéla, il faut tout d’abord garder à l’esprit qu’il fait partie des premiers pays producteurs et exportateurs de pétrole au monde. Des lustres durant, les dirigeants en place ont confisqué les bénéfices de l’exploitation du pétrole à leurs propres profits et aux profits des multinationales, en particulier américaines…

Chavez tend aujourd’hui à démontrer – ou tout du moins souhaiterait-il le démontrer – que la manne financière que représente les ressources naturelles du pays doit et peut tout d’abord être redistribuée au peuple.

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Les missions, conseils communaux et la démocratie participative

Les « missions » sont des dispositifs mis en place par le gouvernement pour permettre de nombreuses avancées sociales. Dans tel quartier au sud de Maracaibo, la population indigène (les indiens Wayyu) dispose désormais d’un dispensaire et très récemment, le conseil communal et le gouvernement ont imaginé et réalisé une « maison de l’artisanat » qui permettra à la communauté de fabriquer ses objets traditionnels et de les vendre, rémunérés au départ par une manne d’argent gouvernemental.

Tel autre barrio près de Maracai reconstruit lui-même ses maisons à la place des baraques sauvages que les habitants s’étaient construites comme ils le pouvaient. Le gouvernement emploie les habitants compétents et couvre tous les frais de reconstruction. Des titres de propriété sont remis à chacun.

Ces exemples peuvent, semble-t-il, être multipliés à l’échelle du pays. A la base de tout, inscrite dans la constitution, la démocratie participative permet au peuple, à travers les conseils communaux, de se réapproprier le pouvoir institutionnel…pour une part tout au moins. Ces conseils sont le lieu de l’initiative, de la décision populaire, l’organe de suivi des projets populaires.

L’éducation

L’accès à l’éducation est lui aussi rendu possible. Jusque là, l’école publique n’accueillait les élèves qu’une demi-journée par jour. L’école bolivarienne permet aujourd’hui à de nombreux élèves de profiter non seulement de cours tout au long de la journée mais aussi d’un repas gratuit le midi. Les universités bolivariennes quant à elles forment les futurs cadres du régime.

Ces démarches sont naturellement très populaires et offrent aux nouveaux étudiants des perspectives qu’ils n’ont jamais eues auparavant, écrasés qu’ils étaient par le pouvoir libéral qui nourrissait les multinationales en laissant crever le peuple dans ses barrios. A ces catégories sociales, Chavez offre la possibilité de se venger…

Des contreparties (anti)démocratiques

Le modèle cubain

L’amélioration du système de soins et de santé vénézuélien fut importante depuis « l’avènement » du « commandante » Chavez. Ces progrès ne furent possibles que grâce à la participation active du régime cubain qui envoya au Venezuela nombre de ses médecins. Présents dans les barrios et ailleurs, ces médecins furent rejoints par des élèves en médecine locaux qui se forment désormais en équipes avec les Cubains.

Cet exemple montre combien les régimes chavistes et castristes sont liés. L’union avec Cuba a été mainte fois affirmée par Chavez, mais le lien entre les deux hommes et leurs régimes semblent plus serrés que ces affirmations ne le laissent supposer. Lorsque Chavez fut destitué par un coup d’Etat, il ne dut son salut, outre le soutien populaire, qu’à l’intervention de Castro… Le Vénézuéla se construit aujourd’hui comme l’héritier de Cuba dans l’axe anti-libéral sud-américain et dans le monde entier. Un nouveau Cuba, avec une arme en plus : le pétrole. Castro, parti, Chavez devient la référence révolutionnaire que Castro a si longtemps représentée.

Certes Cuba reste une référence pour de nombreux militants en mal de modèle politique anti-libéral. Il n’en demeure pas moins qu’il faudrait aujourd’hui être intellectuellement inepte pour pouvoir affirmer que le régime castriste ne fût jamais réellement démocratique ! Mais la démocratie importe-t-elle vraiment à ceux qui pensent que l’humanisme, l’égalitarisme et la solidarité s’imposent aux masses à coup de propagande et d’embrigadement ?

Une éducation à sens unique

Lorsque l’on écoute la longue liste des progrès sociaux réalisés depuis que Chavez a pris le pouvoir, l’on ne peut s’empêcher de s’arrêter au cas de l’éducation. Alors qu’avant, les enfants vénézuéliens n’avaient la possibilité de trouver un enseignement gratuit que dans le cadre de l’école publique, à raison de quatre demi-journées par semaine, l’école bolivarienne est gratuite, tout la journée, et offre même un repas le midi. Mais pourquoi s’appelle-t-elle désormais « école bolivarienne » ? Le terme « école publique » n’est-il plus adapté ?

Dans une démocratie réelle, l’école – en particulier publique – est indissociable de la construction de l’esprit critique, condition sine qua non de la conscience citoyenne de chacun. « Bolivarienne », l’école n’est plus neutre idéologiquement. La pensée de cette école, de son enseignement est directement définie par son identité : socialiste, antilibérale, pro-chaviste… Que dirait-on en France si d’aucun se piquait de l’idée d’appeler notre école jusqu’alors dite « républicaine » en école « marxiste » ou « gaulliste » ?

Et ce principe est très clairement affirmé dans la théorie chavezienne du « socialisme du 21e siècle », il en constitue même le « 3e pilier » dénommé « morale et lumières » selon lequel l’éducation doit être basée sur des valeurs socialistes...

« Bolivarienne », l’école ne peut être qu’un lieu de formatage des esprits à la pensée socialiste révolutionnaire. Comment une pensée libératrice peut-elle à ce point se transformer en une pratique autocratique ? L’espoir que Chavez au Venezuela réussisse ce que ni Castro ni aucun dirigeant communiste n’a jamais pu (ou voulu) faire ne résiste pas à la visite d’un pays d’ores et déjà gangréné par les tares de tous les régimes révolutionnaires…

Des conseils communaux embrigadés

Cet embrigadement, on le ressent aussi très nettement lorsque l’on rencontre les membres des conseils communaux, vêtus de leurs uniformes et qu’on les écoute réciter avec ferveur les couplets élogieux à la gloire du « commandante ».

Cette ferveur n’étonne plus personne lorsque l’on apprend les méthodes pédagogiques des centres de formation qui préparent les futurs « encadrants » des conseils communaux. Méthodes militaires pour préparer, en même temps que des cadres du régime, de futurs miliciens bolivariens, aguerris à la guérilla pour faire face aux hypothétiques tentatives d’agression de l’ennemi américano-libéral. Les conseils communaux ne sont donc pas non plus, le lieu où se forme l’esprit critique…

Dans cette ferveur, la propagande officielle se mêle généralement à l’édification d’un culte quasi religieux. Des progrès sociaux accomplis, les Vénézuéliens pro-Chavez remercient également Dieu et Chavez…Dans l’imaginaire collectif populaire, Chavez se trouve érigé en représentant de droit divin…Héros ou demi dieu, le commandante se place lui-même dans l’histoire de l’Amérique Latine comme l’héritier direct de Bolivar ou de Che Guevara, deux mythes constitutifs de la conscience politique des peuples opprimés du continent sud-américain.

Autocratie et processus anti-démocratique

Le culte de la personnalité

Cette pensée populaire n’est pas née du néant, ni même du soutien de fait d’une partie de la population à la politique sociale de Chavez. Un véritable culte de la personnalité est peu à peu mis en place par une propagande et des politiques de communication planifiées. Il n’est de rues de Caracas ou d’ailleurs où l’on ne croise de portraits ou de graffitis à la gloire du commandante…

Il n’est d’heure où les médias nationaux ne parlent de Chavez. Qu’ils lui soient favorables ou opposés d’ailleurs – Chavez a eu l’intelligence de ne pas encore censurer les médias d’opposition, l’adoption de la réforme constitutionnelle par référendum l’année dernière aurait pu le lui permettre, mais les citoyens s’y sont majoritairement opposés.

Au long des rues et des routes Vénézuéliennes, l’art du graffiti et des peintures murales sert parfaitement la communication politique d’Hugo Chavez. Des images de Chavez hautes en couleur, images du commandante libérateur sont régulièrement mis en vis-à-vis des portraits de Bolivar ou du Che… Dans l’imaginaire collectif se forge peu à peu une image du leader où se mêlent les mythologies populaires latino-américaines. Le soutien volontairement affiché de Fidel Castro sert aussi en cela de lien de filiation avec Che Guevara et de caution révolutionnaire. L’appellation populaire de « commandante », n’est pas un hasard et établi un lien direct dans l’imaginaire collectif avec le « commandante Che Guevarra »...

Mêlée à la croyance religieuse traditionnelle se crée peu à peu une croyance au mythe Chavez. En même temps qu’il consolide ainsi sa popularité, le nouveau commandante crée sa propre légende en s’identifiant totalement aux héros libérateurs peuplant l’imaginaire vénézuélien. Idéologiquement, Chavez réussit à faire prendre une sauce socialo-catho-nationaliste révolutionnaire.

Une propagande planifiée

Sur le terrain, dans les quartiers, la démocratie participative, nous l’avons vu, permet d’ancrer la pensée socialiste bolivarienne et le culte de Chavez dans tous les esprits. Mais la recette ne serait pas complète si l’on oubliait l’importance du lien social populaire généré grâce à la culture institutionnelle de la paranoïa nationale face à l’ennemi libéral états-unien.

Comme nombre de régimes autocratiques, le Vénézuéla aujourd’hui base sa pratique anti-démocratique sur la nécessaire vigilance face à un ennemi hypothétique. Cette culture paranoïaque est aussi la porte d’entrée de Chavez vers l‘internationalisation de la propagande. En Russie comme en Iran, le commandante se sent en terrain ami…les ennemis de mes ennemis sont mes amis…Le peu d’intérêt porté aux pratiques démocratiques de ses alliés est sans doute représentatif de sa propension à développer les processus démocratiques dans son propre pays. Ce rejet des Etats-Unis en fait aussi une référence crédible aux yeux de nombre de militants de gauche occidentaux.

Les médias sont un pilier de l’entreprise chaveziste de propagande. En effet, si nombre de médias locaux ont pu se développer grâce au soutien gouvernemental, issus des processus participatifs, tous cultivent le même culte chaveziste. Mais la partie visible est surtout représentée par deux chaînes de télévision. Canal 8, chaîne publique depuis toujours à la solde des gouvernants, quels qu’ils soient, et ViVe, nouvelle chaîne publique nationale et « participative » dont le travail sur le terrain, dans les quartiers populaires délaissés par les autres médias, permet à la propagande de pénétrer plus encore toutes les couches de la population. Cette chaîne fait de l’édification socialiste des masses un but incontournable. Les cours de philosophie y suivent les hymnes nationaux, précèdent les discours de Chavez ou côtoient les documentaires à la gloire de la vertueuse vie socialiste…Les journalistes de ViVé arborent sur leurs t-shirts ou leurs casquettes le slogan de leur télévision : « communication hacia el socialismo ». Les choses sont dites ! Sympathique, mais peut-on encore réellement parler de journalisme ?

L’émission « Allo Presidente » est l’exemple indépassable de l’utilisation des médias par Chavez. Pendant des heures (parfois sept ou huit), le président tient l’antenne, répondant à longueur de discours interminables aux questions triées sur le volet des téléspectateurs.

Derrière la politique internationale et les coups d’éclats diplomatiques de son mentor, ViVé est aussi le fer de lance de l’internationalisation de la propagande. Dans l’ombre, la chaîne participative tente de faire des petits et de tisser des partenariats partout dans le monde. Déjà en France et en Belgique des structures et des élus se référent à ViVé Vénézuéla afin de relayer la propagande bolivarienne.

Face à ce constat, les partisans du pouvoir chaveziste rétorquent généralement que les autres médias vénézuéliens et occidentaux font eux-mêmes la propagande du système libéral... Est-ce la norme des espérances socialistes d’aujourd’hui que de considérer que la négation de la démocratie est la seule réponse à une autre négation de la démocratie ? La révolution française et notamment l’analyse socialiste qu’en a fait Jaurès, l’idéal socialiste premier de liberté et d’égalité, semblent bien loin des préoccupations de cette frange de la gauche d’aujourd’hui...

Une réalité concrète loin des images de la propagande

Malheureusement, malgré les progrès sociaux indéniables, la pauvreté reste omniprésente. Le processus participatif s’il donne l’impression de donner du pouvoir aux citoyens, permet aussi de maîtriser le développement. Dix ans maintenant qu’Hugo Chavez est au pouvoir…En rapport avec les moyens financiers dont dispose le pays qui affirme que son peuple s’est réapproprié les bénéfices du pétrole, l’on ne peut s’empêcher, a priori, de relativiser la portée de ces progrès sociaux. Même si l’on reconstruit ici ou là, les barrios sont toujours des accumulations de maisonnettes de fortune, les magasins ne peuvent toujours pas y vendre quoique ce soit autrement qu’à travers de gros barreaux métalliques empèchant toute tentation de cambriolage. La pauvreté, extrême, demeure. Mais la grande force de Chavez est à la fois de maintenir les populations dans cet état de fait et en même temps de leur donner espoir : « Faites-moi confiance, à la fin, le processus bolivarien vous récompensera ! » (Il s’agit d’ailleurs du même argument que les libéraux eux-mêmes développent : « Faites confiance au système économique, à la fin tout le monde sera gagnant... ». L’essentiel est d’y croire...

Au final, les avancées sociales que nous avons énumérées ne sont-elles pas là pour mieux faire passer la « pilule » ? Pour mieux faire accepter les inégalités criantes... car il faut bien dire qu’en stigmatisant celles qui séparent les pauvres des riches libéraux, on occulte les luxueux trains de vie de tous les potentats du nouveau régime...représentants institutionnels qui disposent de par leurs fonctions de pouvoirs politico-économiques magistraux. Le système chaviste ne dépasse pas finalement celui des autres et institue en son sein les mêmes inégalités qu’il dit combattre dans le système libéral. La seule différence est l’accompagnement social et l’arme imparable de la démocratie participative : en faisant participer les gens, on les fait adhérer et penser qu’ils décident eux-mêmes...alors qu’on les prend en fait dans une nasse politico- idéologique qui manipule la population à grande échelle.

Sur la question de la lenteur des avancées sociales, les tenants du système Chavez disposent de cette éternelle réponse du commandante, qui reste populiste jusqu’au bout : « Avec seulement Chavez, tout serait possible, lui il veut mais ce sont les fonctionnaires qui sont des fainéants vendus aux intérêts libéraux et le poids du régime administratif qui reste si oppressant ». Avec l’intelligence stratégique et médiatique qu’on lui connaît désormais, Chavez n’aurait donc pas réussi à se libérer du poids de son administration, depuis le temps ?

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Conclusion : Manipulation participative

Comment, dès lors, adhérer à un tel modèle politique losque l’on est militant de gauche, héritier de la Révolution Française, de Jaurès et des combats sociaux du 20e siècle ? Notre nation française a été bien plus loin dans les progrès sociaux et dans la mise en oeuvre d’un fonctionnement démocratique que le Vénézuéla ne pourra jamais aller avec Chavez. L’avènement de dirigeants politiques conservateurs et libéraux ne justifie pas ce recours à un recul idéologique vers un socialisme dictatorial éculé. La dictature du prolétariat n’a jamais été que l’occasion de la dictature de quelques uns...

Les penseurs de l’atermondialisme et de la décroissance ont pu aujourd’hui montrer qu’il était possible de construire une pensée de gauche à la fois sociale, antilibérale et démocratique. Ceux qui aujourd’hui croient en l’avènement d’un régime idéal au Venezuela se laissent leurrer par les mirages médiatiques développés par le système Chavez et sa vitrine « participative ». Mais la démocratie participative vénézuélienne se trouve bien loin de l’esprit de Porto Allegre et des Forums Sociaux Mondiaux... Comment un principe de prise de décision collective pourrait-il se contenter d’instituer un homme providentiel comme chef suprême ? Comment ce type de démarche pourrait-elle se contenter d’une pensée unique, la privant de la richesse d’un débat démocratique ?

Si l’on peut un temps se laisser porter par les avancées sociales vénézuéliennes que l’on aimerait d’ailleurs voir généralisées à tous les pays pauvres, l’on ne peut pas en tant que démocrate revenir du Venezuela en continuant à en faire les légitimations du système Chavez. Les prémisses antidémocratiques énoncés dans ce texte ne laissent aucun doute face à l’avenir de la révolution bolivarienne.

Mais les élections restent basées sur un système démocratique et il y a quelques mois le peuple a su dire non à Chavez lorsque celui-ci a voulu modifier la constitution pour la rendre plus socialiste et moins démocratique...C’est le paradoxe de Chavez : vouloir d’un pouvoir socialiste assez peu démocrate, dans un système électoral démocratique. C’est aussi tout l’art du risque de la manipulation participative : imposer un choix aux citoyens en leur faisant croire qu’ils se décident librement... Les tenants de la manipulation participative sont les premiers à affirmer haut et fort l’intelligence collective des citoyens pour mieux les flatter. Ils en oublient parfois que cette intelligence collective est bien réelle et qu’elle peut rapidement se retourner contre eux...

André Gide, d’abord défenseur de l’idéal communiste colporté par les images de l’URSS des années trente, revient d’un séjour au pays de Staline en dénonçant les travers de ce système qui n’avaient pas échappé à son observation. C’est alors qu’il écrit « Retour d’URSS ». Avec le recul de l’histoire, le courage de Gide ne paraît-il pas plus respectable que l’aveuglement forcené de tous ces intellectuels qui ne voulurent jamais mettre leur idéal en danger par une analyse objective ? Cet aveuglement n’est-il pas d’ailleurs le principal responsable de l’incapacité de notre gauche tout au long du 20e siècle à se forger une identité et un idéal propres aux valeurs démocratiques fondamentales portées par la Révolution Française ?

Thierry Borde

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  • Le 10 avril 2008 à 12:32

    Merci pour le texte et les commentaires.
    Je n’ai jamais été au Vénézuela et je vais donc éviter d’en parler. Par contre j’aimerais revenir sur le sujet plus global de la légitimité ou non de « l’embrigadement » et de son incompatibilité avec la « pensée de gauche et la démocratie », puisque finalement c’est le gros point noir que Thierry Borde reproche au régime Vénézuélien.

    Je cite : « ou pire encore, à moins que vous, qui parlez de »petites gens« ne considériez ces derniers comme dépourvus de la faculté de penser par eux-mêmes... »

    Avant de parler de démocratie et de faculté de penser par soi-même, il faudrait déjà s’attacher à comprendre ce qui fait les différences de points de vue et de personnalité entre les gens. D’où viennent ces différences entre les gens, si ce n’est de leurs expériences passées, influences familiales, discussions avec d’autres, lectures de livres...etc ? La personnalité et l’appartenance politique de chacun ne tombe pas du ciel ni n’est génétique ! Elle vient de l’influence des autres !
    Parler de penser par soi-même est un mythe. Nous sommes tous le résultat de l’influence des autres, de l’environnement, du contexte politique... On ne nait pas de gauche ou de droite, on le devient.
    J’aimerais bien savoir ce que certains entendent par « esprit critique »...
    On dirait qu’ils ont une certaine image idéalisée de l’humain, comme d’une personne qui peut se développer seule sans intervention des autres... le mythe de l’hermite. Mais l’homme est avant tout un « animal social », il se développe grâce aux autres, preuve en est qu’un bébé largué dans la nature ne survit pas, il a besoin de modèles à copier.

    Vouloir à tout prix des enseignements « impartiaux » est un leurre, car personne ne l’est (par contre beaucoup de gens prétendent l’être !). S’appeler « école bolivarienne » ne me choque pas. Je trouve bien plus sain l’attitude d’honnêteté des gens qui avouent que l’impartialité n’existe pas, plutôt que ceux qui passent leur temps à se prétendre démocrates et à défendre des valeurs d’impartialité sans remettre en question la leur.

    Si je pousse le raisonnement de « l’esprit critique utopique » plus loin, il faudrait dès leur naissance retirer les enfants à leurs parents, car ces derniers ont une influence trop importante sur leurs enfants et les empêchent de penser réellement par eux-même (ce qui est vrai).

    Arrêtons de nous voiler la face, nous sommes le résultat de l’influence des autres, notre façon même de raisonner l’est, le fait de chercher des infos sur le net et de débattre plutôt de croire la télé l’est...

    La phrase que j’ai citée au début ne sert qu’à faire passer les personnes humblement conscientes de leur dépendance au reste du monde et qui ont choisi de lutter pour le monde auquel ils croient (ce qui passe par convaincre par l’intermédiaire de débats argumentés), pour des personnes au contraire imbues de leur personne et qui croient être supérieures intellectuellement aux autres.

    Il ne faut pas confondre impartialité (impossible, puisque nous avons tous une idée plus ou moins fouillée et argumentée sur un peu tout) et bonne foi (qui consiste juste à ne pas mentir).

    (Sinon je suis d’accord sur la dangerosité de mettre en avant une personnalité, à la manière d’une icone religieuse.)

    Dans l’attente d’une réponse de bonne foi :) ...
    Ma vision du débat argumenté est à peu près décrite sur ce lien :
    http://www.aix-mrs.iufm.fr/formations/filieres/ecjs/reflexions/debatarg.htm

    Léna.

  • Le 10 mars 2008 à 23:22, par Pierre

    Correction pour le lien de Jean-Luc Mélenchon :

    http://www.jean-luc-melenchon.fr/?p=562

  • Le 10 mars 2008 à 16:50, par Pierre

    J’essayais seulement de replacer les choses dans leur contexte respectif. Mais chaque fois les mêmes arguments reviennent, et c’est fatiguant de devoir essayer d’expliquer à ceux qui sont formatés par notre presse tendance gauche libérale.

    Tu as sans doute raison sur tout... restons-en là.

    Une petite citation pour finir :
    « La démocratie, ce n’est pas seulement le droit de crier qu’on a faim, c’est surtout le droit de manger »
    Luiz Inacio Lula da Silva (La Sorbonne 16/07/2005).

    Deux liens intéressants pour changer un peu de la Pensée Unique :

    http://www.jean-luc-melenchon.fr/?p=562&wpcf7=json&wpcf7=json&wpcf7=json

    http://danielle-mitterrand.blog.lemonde.fr/2007/11/

    Enfin, je donne le mot de la fin (pour moi) à Danièle Mitterrand :
    « Oui, il y a des violations majeures à Cuba. Elles sont à Guantanamo, enclave américaine. »

    Cordialement. Pierre

  • Le 8 mars 2008 à 23:22

    Je pense que mon texte d’origine donne toutes les réponses au faux débat que certains tentent bien involontairement d’instaurer pour enfouir les véritables problèmes sous un brouillard de fumée. Je ne puis toutefois pas laisser ainsi malmener la personne qui m’apportait son soutien...

    Je suis d’accord avec de nombreux éléments de vos analyses, Pierre et Pierre... Les barrios ne datent pas de Chavez, l’évolution de l’accès à l’éducation, à la santé et à d’autres principes sociaux fondamentaux constituent des progrès indéniables.

    Est-ce toutefois une raison pour mépriser toute notion démocratique de liberté de penser, de s’exprimer, de construire un esprit critique, de respecter la pluralité et la diversité y compris politique ? Nos valeurs de gauche ont-elles besoin d’hommes providentiels, de dictateurs éclairés pour avancer ? Mes valeurs de gauche me dictent de ne pas considérer que la fin justifie les moyens...on ne peut pas faire de concession sur la liberté, c’est une des leçons claires de l’histoire.

    Un homme de gauche me dit un jour que l’embrigadement était nécessaire à faire passer nos valeurs...mon problème est que l’embrigadement est contraire à ces valeurs mêmes... A moins que ne subsistent, ce que je soupçonne fortement, des relents de stalinisme chez un certains nombre de militants...à moins que le fait d’avoir été trahi par les sociaux-démocrates adoptant le libéralisme ne perdît un certain nombre de militants dans les marasmes idéologiques les plus extrêmes... ou pire encore, à moins que vous, qui parlez de « petites gens » ne considériez ces derniers comme dépourvus de la faculté de penser par eux-mêmes...

    Dans tous les cas, cette position est dangereuse et irresponsable.

    Irresponsable car il serait peut-être temps pour les militants de gauche de se relever, au-delà de toutes leurs petites dissensions de chapelles qui profitent à tous les ultra-libéraux du monde. Tant que nous passerons notre temps à rêver, béats, que Chavez pourrait être autrement qu’il est, que nous mobiliserons nos rêves sur des croyances archaïques plutôt que de construire des valeurs d’avenir, il est clair que les tenants de l’ultra-libéralisme auront de beaux jours devant eux.

    Je comprend que les gens qui font un constat de la réalité vénézuélienne soient pour vous des briseurs de rêves, mais ces rêves, à force, deviennent aveuglement et décrédibilisent les valeurs que nous souhaitons porter. Il serait véritablement pitoyable de penser que les seuls idéaux qui restent à la gauche se fondent sur des principes autocratiques ou dictatoriaux.

    Enfin, merci à Pierre pour ce deuxième paragraphe qui constitue une démonstration parfaite de ce qu’affirmait mon texte. « S’il n’apporte pas un soutien entier et aveugle à Castro et à Chavez, cela veut forcément dire qu’il est pour la politique de Bush » !

    JE REVENDIQUE LE DROIT D’ETRE, A LA FOIS, POUR UNE PARTIE DE LA POLITIQUE SOCIALE DE CHAVEZ ET CONTRE SA POLITIQUE D’EMBRIGADEMENT IDEOLOGIQUE DES MASSES.

    Aurait-il été plus difficile à Castro de lutter contre le blocus et les embargos s’il n’avait pas emprisonné et exilé journalistes et écrivains ?

    La démocratie, du grec demos - peuple et cratos - pouvoir signifie donc « le pouvoir du peuple ». Adaptée aux systèmes castriste et chaveziste, cette définition devient « le pouvoir du peuple qui pense comme moi »... il y a là comme un dangereux glissement théorique dans les fondements idéologiques...

  • Le 8 mars 2008 à 08:39, par Pierre

    Pour le Vénézuela, je connais quelqu’un dans ma famille qui en parle aussi. Il y a vécu quelques temps au service de notre entreprise nationale Total. Il raconte volontiers que lui et sa famille était logés dans un lotissement-bunker, protégés 24h/24h. « Le paradis au milieu de l’enfer. » Je ne sais pas ce que tu vas y faire, mais tu pourrais peut-être te renseigner et essayer de savoir pourquoi les Barrios existent, et s’ils datent depuis que Chavez a été démocratiquement élu, maintenu et réélu. A l’occasion apprendre qui a tenté de le renverser et de l’assassiner en 2002 ainsi que le rôle tenu par les grandes chaînes de télévision lors de ce coup d’état heureusement raté. Pour le coup, ta sensibilité pour une gauche participative et respectueuse des gens devrait te permettre d’avoir un regard différent sur celui que les "bons
    vénézuéliens" traitent de singe à cause de son sang indien.

    Apparemment concernant Cuba, tu n’as pas souvent dû y mettre les pieds car tu utilises les mêmes mots que Bush. Je te renvoie donc au blocus dont tu ne parles pas et pour éclairer ta lanterne, sur le site officiel de la CIA. Là au moins tu auras des données objectives « d’idéologues occidentaux » objectivement pas castristes. Tu y trouveras tous les chiffres concernant l’espérance de vie, la mortalité infantile, le taux d’alphabétisation etc, et en attendant d’aller visiter Cuba, tu pourras te faire une opinion un peu moins éculée sur ce qui s’y passe réellement. Lis un peu autre chose que Libé ou le nouvelobs. La gauche libérale n’est pas respectueuse des petites gens, elle ne respecte pas les droits de l’Homme, elle défend les droits du Capital. Il y a d’autres journaux de gauche... tu devrais essayer le Monde Diplomatique par exemple.
    Cordialement

  • Le 7 mars 2008 à 21:43, par uaybalam

    Pierre ,
    tu n’es pas allé au Vénézuela ! et voila ! tu fais partie de ces idéologues occidentaux qui ne voient en Chavez qu’un idéal politique abstrait !!
    j’ai remarqué que ceux qui en parlent de maniere la plus réaliste sont ceux qui y sont allés .
    je peux seulement dire que je vais au venezuela tous les ans depuis 2002.
    je n’ai jamais vu de compte rendu aussi complet et aussi precis et objectif que celui-ci !!!
    je constate aussi que les « barrios » sont de plus en plus presents.
    je constate que le lait, la viande et autres denrées manquent .
    je constate que les Mercals sont peu achalandés quand ils sont ouverts ...etc
    moi , je FELICITE Thierry BORDE par son sens de l’enquete et l’exactitude de la situation au venezuela !
    Oui ! Chavez avait de belles idées novatrices !!! mais avant qu’il n’arrive au pouvoir ou pensant quelques années ...
    Mais il ne faut pas dire AMEN a un homme que sacralise Fidel CASTRO qui etait un dictateur en puissance et qui a affamé son peuple !!!
    moi aussi , je suis de gauche mais d’une gauche participative et respectueuse des hommes et des femmes qui composent une société . je respecte celles et ceux qui pensent différament de moi !
    Chavez est comme Bush : on est POUR ou CONTRE lui ...

  • Le 7 mars 2008 à 11:21, par Pierre DE LA FONTAINE

    Après avoir lu tes impressions de retour du Vénézuela ainsi que ta réponse au message précédent, je voudrais juste dire deux ou trois petites choses.
    « Notre nation française a été bien plus loin dans les progrès sociaux et dans la mise en oeuvre d’un fonctionnement démocratique que le Vénézuéla ne pourra jamais aller avec Chavez. » je te cite... comment peux-tu affirmer cela ?
    Je ne suis jamais allé au Vénézuela et je me garderai bien de mettre en doute ton témoignage, cependant il me semble qu’il faut replacer Hugo Chavez et ceux qui le soutiennent dans le contexte de l’Amérique Latine. De la même façon que José Marti à Cuba, Simon Bolivar est un symbole de lutte contre l’oppression, l’envahisseur et pour la liberté.
    Je ne suis donc pas choqué que l’on voit là-bas « l’école bolivarienne ». Je pense que pour les petites gens du Vénézuela, ça veut dire tout simplement l’école « de la liberté, de la justice ». De la même façon, il faut dire maintenant la « République Bolivarienne du Vénézuela » et je trouve ça très bien, ne serait-ce simplement que pour montrer à Deubelyou qu’il n’est pas tout à fait le maître du monde.

    Je suis allé en revanche plusieurs fois à Cuba. Jamais je ne prétendrai que c’est le paradis. Mais là aussi, je crois qu’il faut être humble et ne pas se poser en donneur de leçons. Voici plus de 45 ans que ce petit pays paisible est en état de guerre avec son grand voisin et que ce dernier l’étrangle par un blocus économique indigne. Pour la 16e année, l’ONU a voté. Sur les 192 pays représentés, 184 ont demandé la levée du blocus. 4 ont voté non (USA, Israel, Palau, Marshall) 1 s’est abstenu (Micronésie). Rappelons qu’un blocus est considéré comme « crime contre l’humanité », sauf bien sûr quand on l’appelle « embargo ».

    Enfin, homme de gauche je me considère moi aussi comme « héritier de la Révolution Française »... Toutefois, je n’oublie pas que cette révolution n’a pu se réaliser que par l’alliance de la bourgeoisie française et de la paysannerie pour mettre à bas la monarchie et le clergé. Rappelons que l’une des plus grandes revendications de la classe paysanne était alors d’avoir le droit de chasser. Les motivations n’étaient pas seulement le besoin de Liberté (avec un grand L). Il s’agissait d’abord et avant tout de la liberté d’entreprendre, faire du business dirait-on aujourd’hui. En Angleterre, la noblesse était depuis longtemps associée avec la bourgeoisie pour faire des « affaires ». Du coup, il n’y a pas eu de Révolution comme chez nous. Si les nobles en France avaient été moins stupides, et s’étaient entendus avec les bourgeois, il n’y aurait sans doute jamais eu de Révolution Française. Les anglo-saxons ont inventé le capitalisme avec de l’avance sur nous.

    Je te cite encore :« Je ne suis pas d’accord avec ce que tu dis, mais je me battrai jusqu’au bout pour que tu aies le droit de le dire.... Cette phrase attribuée à Voltaire résume assez bien cette idée de la démocratie. »
    Voltaire avait beau jeu de dire cela, lui qui était immensément riche pour l’époque après avoir fait du business en Angleterre, participé selon toute vraisemblance au commerce triangulaire et cotoyé les plus riches banquiers de la planète. La Démocratie est effectivement une « idée » qui ne s’applique malheureusement de nos jours, qu’ à des ventres pleins et des portefeuilles bien garnis.

    Cordialement
    Pierre

  • Le 5 mars 2008 à 00:37, par TB

    Il se trouve que cette analyse est celle du système vénézuélien, non du système français.

    Il est vrai que nous avons beaucoup à faire en France pour RESISTER aux changements réactionnaires que l’on voudrait nous imposer dans notre système éducatif et social en général.

    Il se trouve d’ailleurs que les générations passées ont vécues aussi avec des programmes éducatifs plein d’inepties : négation de la responsabilité de l’Etat Français dans la collaboration et les déportations pendant la Seconde Guerre Mondiale, chape de plomb sur les exactions en Algérie, aveuglement historique total sur le Moyen-Age et l’âge d’or de la civilisation arabo-musulmane... la liste peut être longue... Il n’en demeure pas moins que beaucoup de monde, comme moi, est passé par les mailles de ce système éducatif imparfait en prenant conscience de toutes ces choses, malgré tout. Car il reste un système républicain protégé par des valeurs fondamentales qui permettent les résistances aux abus du pouvoir politique. A aucun moment, l’éducation française ne s’est instituée partisane par définition. Aucun professeur n’a le droit de faire l’apologie d’un système de pensée politique ou religieux.

    Je réfute tout autant l’institution d’une éducation publique qui se voudrait bolivarienne ou socialiste qu’une éducation qui se réclamerait d’une idéologie de droite. Si je lutte contre la libéralisation rampante de l’éducation en France qui, avec les règles de l’OMC, pourrait donner à voir fleurir des écoles MAcDo ou Suez, je ne puis être d’accord avec une éducation orientée politiquement, fût-elle en accord avec mes penchants idéologiques. C’est une question d’honnêteté intellectuelle.

    Au fait, la première chose que mes cours de philosophie m’ont appris, c’est le doute cartésien...

    Si l’on réfute le droit de nos gouvernants à imposer des valeurs idéologiques au sein de notre école, nous ne pouvons souhaiter aux enfants vénézuéliens de vivre ce que nous, nous ne voulons pas, sous prétexte d’expérimentation politique...

    Beaucoup d’acteurs du système vénézuélien et leurs partisans dans le monde sont des gens qui ont réellement de bonnes intentions, dans leur quête d’une société idéale... et il vrai que les militants de gauche sont partout en mal de repères idéologiques, mais il ne faut pas que cette quête génère un aveuglement sur nos valeurs fondamentales : si je suis de gauche, c’est réellement parce que j’ai conscience de la nécessité de la liberté individuelle au même titre que j’ai conscience de la nécessité d’une société plus juste, plus équitable, solidaire et humaine. Mais cette liberté est indissociable des autres critères. D’ailleurs, quelque soient les régimes politiques et les sociétés dans lesquelles ils se sont appliqués, ce sont toujours les populations les plus défavorisées socialement qui pâtissent le plus de la privation des libertés individuelles...

    Comment peut-on se dire de « gauche » et défendre des régimes autocratiques ? Cette question restera toujours pour moi une énigme...

    « Je ne suis pas d’accord avec ce que tu dis, mais je me battrai jusqu’au bout pour que tu aies le droit de le dire... ». Cette phrase attribuée à Voltaire résume assez bien cette idée de la démocratie. Tant que tu auras le droit de t’opposer à moi, j’aurai moi-même la liberté de m’opposer et de résister...

    Alors résistons, mais n’adoptons pas la politique du pire.

    TB

  • Le 4 mars 2008 à 10:26, par lacandon

    Tu parles d’ « embrigadement », dans les écoles vénézueliennes, je te signale juste qu’ici en france, par exemple, notre école est bien loin d’etre « neutre », « objective », développant le « sens critique », ça ce sont les discours dominants qui le disent, la réalité, c’est qu’ici on apprend à former de bons petits citoyens, on leur apprend l’histoire des rois et des batailles, on fais une histoire qui est présentée comme une longue marche vers le progrès, completement enjolivée et téléologique, maintenant Sarko veut donner des cours de morale, on ingurgite des programmes qu’on a déja oublié l’année d’après. Alors, je veux bien qu’on critique l’éducation vénézuelienne, mais s’il te plait ne prend pas l’éducation française pour une référence...Et puis, au Vénézuela, il y a une certaine autogestion des facs. Je signale que dans le projet de réforme constitutionnel tant décrié à tort, il y avait l’idée de faire des assemblées générales d’université décisionnaires...

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