Sophie Perrin : vers l’annulation des arrêtés scélérats de Lyon 2 ?

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Compte rendu de l’audience en appel au TA de Sophie Perrin, interdite d’accès à Lyon 2 depuis novembre 2010

Jeudi 11 avril 2013, 8h40 du matin : les premier.e.s arrivant.e.s se croisent devant le 184 Rue Duguesclin, et dans la salle des pas perdus du tribunal. Puis arrivent de petits groupes, certains avec des drapeaux (qui ne serviront pas).
On cherche la salle, on se passe le mot : « c’est salle 5 ».

Dans la salle 5, petit à petit, les places sont prises. 9h05 : une quinzaine de personnes occupe environ la moitié des places. Les avocat.e.s ont pris place devant, chacun.e d’un côté, et la tribune s’est emplie de magistrats, tous âgés entre 50 et 60 ans. Cette tribune est, de fait, non mixte (hommes, blancs). A la différence des tribunaux correctionnels, largement partagés, désormais, entre hommes et femmes (blanc.he.s sauf exception).
Une première affaire est examinée : une histoire de RSA. Ces personnes vivaient-elles en couple réellement, ou s’agissait-il de « simple hébergement » de l’une par l’autre. Avec toutes les conséquences qui vont s’ensuivre pour les droits et devoirs vis à vis de la CAF…et pour le degré de misère matérielle des deux personnes concernées.
La salle est désormais mieux remplie : nous en somme à 20 personnes présentes pour « l’affaire Sophie Perrin ». A la tribune, on peut remarquer les airs imperceptiblement perplexes, gênés ( ?), perturbés, intrigués…des magistrats présents.
Ces présences n’étaient pas prévues. Pas même imaginées par eux dans cette affaire, dupes qu’ils étaient de la présentation de « Sophie la harpie » faite par la fac.

Et pourtant, elles sont là, silencieuses, et de plus en plus nombreuses.
Passé 9h30, l’affaire Sophie Perrin commence à être examinée par le tribunal. C’est alors qu’arrivent les derniers petits groupes : ceux qui se sont trompés de tribunal, ceux qui ne pouvaient venir à 9h pile mais sont venu.e.s tout de même. La salle est maintenant presque remplie : nous sommes une trentaine. Aucun RG visible pour nous compter, contrairement à l’an dernier où ils étaient venus à trois pour trouver…personne. Les RG manqueraient-ils de flair… ?
Côté université, deux personnes présentes, en plus de leur avocate. L’an dernier, en première instance, cela avait été « quatre contre quatre » : trois personnes de la FSE, plus une de SUD, côté Sophie, et quatre membres du service juridique présent.e.s à l’audience, côté université.

L’assemblée venue assister à l’audience en soutien à Sophie se caractérise par un cosmopolitisme rare, même lors de procès, dans le monde militant aujourd’hui : quelques anarchistes, des marxistes (dont l’OC-FR), de toutes sortes d’obédiences, mais aussi quelques centristes (venu.e.s là à titre syndical). Des membres de plusieurs syndicats CGT (CGT éduca’ction, CGT chômeurs.euses rebelles, CGT de l’institut national de la statistique et des études économiques, …), quelques membres de Solidaires 69, des membres de la FSE (syndicat étudiant célèbre pour sa combativité contre les réformes Pécresse), des membres de la CE (syndicat étudiant célèbre pour sa présence à la tribune des AG lors des mouvements étudiants lyonnais de 2007, avec la phrase : « je suis contre le blocage, pour le dialogue »). Quelques personnes rencontrées à la librairie la gryffe, une membre du collectif 21 octobre… Ma liste n’a pas prétention à être tout à fait exhaustive. Elle comporte aussi quelques absences ou manques : les réseaux féministes lyonnais, par exemple, très peu mobilisés à ce jour, hors les camarades de l’émission "Lilith, Martine et les autres" - fait particulièrement étrange sur une telle affaire.

Cette liste montre ce qui fait la force, et la précarité à la fois, du réseau de soutien existant autour de Sophie Perrin : la force de la convergence, autour de cette situation, de réseaux militants parfois très différents ; la précarité des présences que cela peut induire, si chaque groupement pense que le voisin viendra bien en masse, et que d’ailleurs, Sophie Perrin est plus proche d’eux que de nous…
Autre diversité de ce public : comme à toutes les audiences de tribunal où il fut présent en soutien à Sophie, il comporte des camarades de toutes générations, étudiant.e.s, salarié.e.s, chômeurs.euses, retraité.e.s… faisant de ces procès un lieu de rencontre entre groupements militants et personnes de générations militantes très diversifiées.

Cependant que je vous décris l’assemblée, le rapporteur public a commencé à parler : contrairement à celui de première instance, il propose au tribunal de considérer les arrêtés comme légaux et justifiés. Selon lui, des trois « moyens » juridiques développés par l’avocat, un seul pose réellement question : il est avéré que « le principe du contradictoire » n’a pas été respecté par l’université. C’est à dire que Sophie n’a pu exposer son point de vue auprès de l’université sur ces arrêtés avant qu’ils soient pris, condition sine qua non, normalement, pour qu’ils soient bien légaux.
Mais le rapporteur public, lisant comme des « menaces de mort » un « allez mourir » envoyé en septembre 2010, nommant le comportement de Sophie comme « pathologique » durant l’automne 2010, insistant sur « la réitération et la montée en puissance des faits », estime que l’urgence était caractérisée pour prendre ces arrêtés [1].
On voit là l’impact d’une expertise psychiatrique, jointe au dossier par l’université...

L’avocat de Sophie, devant un tribunal attentif, expose ce qu’il pense être le nœud de cette affaire : le manque de communication. Rebondissant sur le propos du rapporteur public, qui expliquait que jusqu’à la fin de son master, Sophie était « une étudiante manifestement brillante », il relève le courage qu’il y a à reprendre des études, l’absence totale de mails insultants de juillet à septembre 2010, malgré le nombre important de mails envoyés sur cette période, contrairement à ce que laisse accroire l’université…septembre 2010 étant marqué par cet entretien, qui n’en sera pas un, avec le président de Lyon 2. L’avocat termine sur la disproportion totale de ces arrêtés « pour de simples mails », en soulignant au tribunal : « à l’heure actuelle, Mademoiselle Perrin est toujours interdite d’accès aux campus ».
Mais avant tout cela, il dut commencer sa plaidoirie en relevant que, la Cour ne lui ayant pas transmis le dernier mémoire adverse, même ici, le contradictoire n’avait pas été respecté…

L’avocate de l’université prend alors la parole, et commence par poser cette dernière en seule détentrice de ce qu’elle appelle « l’objectivité ». Elle emploie les termes « manque de discernement » pour qualifier certaines observations faites par l’avocat de Sophie, puis rappelle « l’extrême violence » des courriels de cette dernière, qui selon elle, laissait craindre des passages à l’acte physique.
Elle termine en insistant fortement sur l’aspect financier, expliquant que Sophie doit être condamnée par le tribunal à payer les honoraires de l’avocate de l’université, à savoir elle-même (soit 2000 euros), car étant salariée, Sophie en a les moyens.
L’insistance sur ce volet semble alors faire passer le président du tribunal de son air troublé et intrigué par la présence d’un public nombreux du début, à un agacement avéré : il demande instamment à l’avocate de l’université d’abréger immédiatement ses propos sur ce chapitre…

Mais de tout cela, le public présent ne put saisir que des bribes : au-delà du premier rang, les propos étaient inaudibles, car prononcés sans micro, comme dans une habitude de l’entre soi.

L’audience est terminée : décision du tribunal d’ici une quinzaine de jours…

Quelle que soit cette décision, on n’oubliera pas l’objectif clairement énoncé par l’avocat de l’université lors de l’audience pénale, l’an dernier : "nous, à Lyon 2, ce qu’on veut, c’est qu’elle soit dorénavant interdite d’accès aux campus par votre verdict pénal lui-même". Sachant que pour interdire durablement l’accès aux campus par voie du droit administratif comme elle l’a fait depuis 2010, la fac devait, précisément, poser une plainte pénale...dont l’objectif majeur s’avère donc la continuation par la voie pénale, de cette interdiction d’accéder aux campus : le cercle judiciaire infernal est ainsi bouclé.

Un temps de suspension est instauré par le président du tribunal administratif : un groupe très nombreux, portant banderoles et drapeaux, entre alors dans la salle, cependant que nous en sortons.
Ce sont les personnes mobilisées autour de la question de l’amiante : l’affaire suivante du tribunal ce matin-là…

En conclusion, si l’objectif majeur posé par Sophie a été atteint (montrer au tribunal administratif qu’elle n’était pas la « pathologie » isolée décrite par l’université, mais une personne défendant ses droits et, à travers eux, ceux d’autrui, de façon militante), malheureusement, les drapeaux amenés ne purent servir. En effet : si contrairement à l’an dernier dans ce même tribunal, la salle fut quasiment pleine, il n’y avait toutefois pas encore assez de monde pour tenir, en même temps, un rassemblement visible à l’extérieur.

Peut-être devant le prochain tribunal ?
Ou bien devant les grilles de l’université ?
Au bout de deux ans et demi, il est temps !

Communiqué d’appel à soutien lors de l’audience administrative en appel du 11 avril

Emission féministe Lilith, Martine et les autres, spéciale « Sophie Perrin, les feux de l’amour à Lyon 2 »

L’ensemble des articles et textes antérieurs

Notes

[1juridiquement, seule « l’urgence de la situation, ou des circonstances exceptionnelles », peuvent justifier légalement de passer outre au respect du contradictoire pour de telles mesures.

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  • Le 18 avril 2013 à 23:55, par Sophie

    Moi, j’ai appris que j’étais coupable de « ne pas avoir contrôlé mes émotions », le 9 novembre 2010, alors que j’étais saisie simultanément par 3 étudiants de ma promo qui, croyant les ragots propagés sur mon compte depuis la rentrée, s’imaginaient cette action nécessaire car selon ces ragots, j’étais susceptible de m’en prendre physiquement à un enseignant présent.

    Résultat c’est eux qui s’en sont pris physiquement à moi, en me mettant dans une sorte de camisole de leurs paires de bras, dont je n’ai pas réussi à m’échapper avant qu’ils lâchent.

    Bref je suis coupable d’avoir été émotionnellement traumatisée par ce traitement (source : un rapporteur public, pour ce que j’ai retenu de son propos, mais ma mémoire peut être déformée).
    Et en fait, d’ailleurs, dans la version dominante, il semblerait que ce soit presque moi qui ait violemment agressé à moi toute seule ces 3 camarades de promo... bah franchement, j’ai essayé de me dégager avec ce qui me restait (pieds, dents), mais ça n’a pas l’air de leur avoir fait mal (je savais pas envoyer des vrais coups de pieds), et pour les marques de dents je crois pas non plus qu’ils en aient eu...j’ai du m’arrêter avant, c’est pour ça que ça n’a pas marché pour me libérer.
    Genre j’ai préféré ne pas leur faire réellement mal, sans m’en rendre compte, qu’avoir une action évasive efficace...

    Et c’est donc pour ça, qu’il était urgent de m’interdire l’accès aux campus ? Parce que je suis coupable que des gens ont cru des ragots au point de m’attraper physiquement ?

    Voilà. J’ai moi aussi appris des choses, au tribunal...

  • Le 17 avril 2013 à 14:56, par Albami

    184 rue Duguesclin, c’est déjà pas mal de savoir ça... pour la prochaine !
    Bon courage !

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