Stratégie 1 : Partir du terrain

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Pour être à la mesure de la situation actuelle, le mouvement libertaire va devoir se confronter à un certain nombre de chantiers. L’un d’eux consiste à recenser et mutualiser les pratiques de lutte les plus intéressantes, en prenant pour axe les modalités d’implantation locale. Voici quelques premiers éléments de réflexion à partir d’expériences diverses, glanées ici et là : en Espagne, en Grèce, en Allemagne, en Italie, en France…

Pour être à la mesure de la situation actuelle, le mouvement libertaire va devoir se confronter à un certain nombre de chantiers. L’un d’eux consiste à recenser et mutualiser les pratiques de lutte les plus intéressantes, en prenant pour axe les modalités d’implantation locale. Voici quelques premiers éléments de réflexion à partir d’expériences diverses, glanées ici et là : en Espagne, en Grèce, en Allemagne, en Italie, en France…

La situation de ces pays est à la fois différente dans le détail des faits et concordante dans ses grandes tendances .
A moyen terme, un nouveau tour de vis se prépare déjà, qu’il se fasse au moyen d’un renforcement des coordinations technocratiques au sein de l’Union Européenne ou de réactions nationalistes locales. Les résistances actuelles ne semblent pas à la mesure de ces menaces, ni en termes d’ampleur, ni en termes de radicalité.

la réaffirmation des principes de l’anarchisme du dix-neuvième (ou au mieux des années 70) est décevante et vaine. Il y a quelque chose à réinventer au présent, sans attendre que la résignation se répande. C’est dans les pratiques locales que germent ces possibilités nouvelles.

Dans la séquence historique post-soixante-huitarde, le capitalisme démocratique européen a su démontrer sa capacité à digérer une partie des revendications libertaires. Il avait certes plus de marge de manœuvre et plus de pression internationale, mais le problème n’a rien perdu de sa difficulté : comment tenir le cap révolutionnaire des alternatives qui peuvent être proposées ici et maintenant ?

Dans les années 90, l’effondrement des expériences "communistes" d’Etat a pu servir d’alibi aux libertaires pour éviter la critique des limites historiques de leurs propres revendications et tentatives. Mais la séquence historique n’est plus la même : par-delà la perte d’espoir dans le projet communiste autoritaire, il faut reconnaître que les perspectives libertaires n’ont pas réussi à se formuler ni à se faire entendre assez nettement, faute d’actualisation.

En ce sens, la réaffirmation des principes de l’anarchisme du dix-neuvième (ou au mieux des années 70) est décevante et vaine. Il y a quelque chose à réinventer au présent, sans attendre que la résignation se répande.

C’est dans les pratiques locales que germent ces possibilités nouvelles [2]. Face aux situations de crise en Europe, divers groupes auto-organisés cherchent à leurs manières à profiter des failles pour se tourner vers des réalisations concrètes et répondre aux besoins du quartier. Cela implique de réfléchir aux diverses modalités d’implantation locale. On ne construit pas le même rapport avec un squatt précaire, un local loué à un propriétaire ou prêté par l’Etat, une bourse du travail institutionnalisée… Chaque forme a ses avantages et ses inconvénients, mais toutes croisent des problématiques similaires : Comment élaborer des réseaux de solidarité et des structures alternatives sans s’isoler ni s’intégrer ? Plus loin, comment parvenir à construire des pratiques de terrain tout en visant des perspectives d’ensemble ?

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Le moyen d’implantation locale privilégié par les organisations libertaires était traditionnellement l’ouverture d’une librairie ou d’une bibliothèque, et la vente de journaux. Le problème a toujours été que cela s’adressait à des personnes disposant d’un certain capital culturel (renforcé ou non par des études) et orientait l’organisation vers des tâches intellectuelles de « propagande des idées ». Or, la crise économique actuelle affecte durement le secteur « culturel » ; en outre, un profond désaveu frappe la presse, réduite aux faits divers du spectacle, à la publicité, et à la défense idéologique du marché. En ce sens, la vente de livres et de journaux ne peut être la seule réponse à la crise.

Ici et là, des militant-e-s le comprennent : mais on ne transforme pas sans conflits ni résistances une organisation pour les idées en une organisation pour l’action. Malgré leur sincérité, ces camarades sont conduits à dépenser une bonne part de leur énergie en justifications internes, au détriment, justement, du travail du terrain. En outre, il y a une prise de conscience assez forte (y compris au sein des organisations traditionnelles) de l’idée que nos manières de communiquer doivent sortir de leur routine, et explorer de nouveaux outils, réfléchir par exemple à notre usage d’internet, de l’art de rue, de la vidéo, de la musique.

En effet, si l’un des défauts majeurs des organisations anarchistes traditionnelles était d’être trop focalisées sur la « propagande des idées » et le recrutement militant, il ne faudrait pas céder à la tendance inverse, abandonner les outils construits par le passé, et délaisser ces tâches ordinaires. L’enjeu est plutôt de repenser leur modalité et leur insertion : diffuser nos idées par des pratiques, et accroître notre force sans passer par l’enrôlement de petits soldats.

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La meilleure diffusion des idées anarchistes, c’est l’inscription dans les luttes et la réalisation de projets auto-organisés.

La meilleure diffusion des idées anarchistes, c’est l’inscription dans les luttes et la réalisation de projets auto-organisés. Au cœur de cette période de crise, développer des réponses matérielles sur le mode de l’auto-organisation permet d’explorer concrètement d’autres possibilités, de répondre au reproche d’utopisme, et de critiquer en pratique les réponses étatiques abstraites et autoritaires.

Il y a aujourd’hui une nécessité à développer des projets sur nos propres bases, à mettre en œuvre des expérimentations sociales libertaires, en particulier des projets coopératifs ou autogérés, qui proposent des réponses aux problèmes sociaux et tendent à remettre en question la nécessité du salariat et de l’État. Ces alternatives permettent de mettre la main à la pâte et de toucher un public moins politisé, mais elles nous font aussi prendre conscience des contradictions et des limites des pratiques que nous pouvons proposer dans ce cadre.

Les alternatives que nous pouvons proposer ici et maintenant sont fragiles et ambivalentes, il n’est pas facile d’échapper à la répression ou la récupération, et de tenir le cap révolutionnaire. Trop de projets sont conduits à se fermer sur eux-mêmes dans la paranoïa d’une forteresse, ou l’entre-soi de l’îlot préservé. Même sur cette base concrète, tisser réellement des relations avec le quartier n’est jamais simple, le curseur des compromis est toujours difficile à fixer. Des expériences de ce type ont pu être tentées dans des zones urbaines (Montreuil, Thessalonique, ...) mais aussi dans des zones rurales (Tarnac, Marinaleda, ...). On peut dire que l’implantation locale est favorisée par le fait d’avoir quelque chose de concret à proposer, mais qu’elle ne se fait pas sans difficulté d’intégration, de popularisation : c’est un travail de fourmi, sur le long terme.Cependant, cette stratégie semble parmi les plus efficaces actuellement en termes d’implantation locale. En outre, un des atouts de ces expériences est de prendre en charge la question du travail, ou de l’activité, et d’en faire un enjeu politique.

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La suite à lire sur : http://paris-luttes.info/strategie-1-partir-du-terrain-2394

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