Suite à des conférences sur le devenir du territoire ardéchois, quelques éléments de réflexion sur notre régime politique

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Où un petit cycle de conférences associatives en Ardèche amène quelques personnes à se poser des questions qui font mal et qui les entraînent à découvrir qu’ils ne vivaient pas dans un régime démocratique mais dans une tragédie de grande ampleur... Petites réflexions sur la démocratie, l’oligarchie, le droit de vote et la gouvernance...

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éléments de réflexion sur notre régime politique
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L’association « Les Amis de Tournico-Sol » a organisé un cycle de trois conférences sur le devenir du territoire ardéchois. La volonté sous-jacente à cette action était de tenter, autant que faire se peut, de prendre en compte la complexité de l’époque en partant d’une réflexion globale qui, progressivement, allait se centrer sur le local. Il s’agissait d’inviter des chercheurs et des professionnels à disserter et débattre en compagnie du public ardéchois. Dans ce cadre eut lieu, dans la commune de Jaujac, une première conférence sur l’AGCS avec Raoul-Marc Jennar, pour présenter les enjeux liés à la mondialisation et à la mise en place de l’AGCS. Cette démarche se poursuivit à Banne avec la conférence sur la gouvernance de l’hôpital, de René Caillet, c’est-à-dire avec un exemple national des implications de la mondialisation. Ce cycle prit fin avec une conférence dans le village de Saint-Privat, en compagnie d’Alain Marchand, centrée sur un enjeu local : le Pays.

Dès la fin de ce cycle, un certain nombre de constatations se sont imposées, et en premier lieu celle de la faible présence des élus ainsi que l’absence de leurs techniciens. En second lieu, une certaine frustration est apparue en ce qui concerne le public, composé avant tout de convaincus (que nous remercions bien sûr de leur présence et pour leur désir de se tenir informé). Ce constat s’avère être particulièrement riche de par le fait qu’il permet de tirer un certain nombre d’enseignements qui ne vont pas de soi. Qui ne vont pas de soi car ils touchent à des évidences rarement énoncées, qui finissent par être invisibles à force d’être évidentes. Qui ne vont pas de soi car ils touchent à la vie moderne, mutilée, contrôlée, éclatée.

Le présent texte n’a pas prétention a être pédagogique, du moins pas dans le sens généralement attribué à cet adjectif c’est-à-dire celui d’une simplification. Ce texte constitue une tentative de mobilisation de savoir, en tout cas d’un certain savoir. Le fait qu’il restera comme un texte considéré difficile par la grande majorité des lecteurs est en soi un indicateur. Il y a actuellement peu de savoirs susceptibles d’être aussi peu compris que le savoir ici employé. Un texte technique sur l’aménagement du territoire pourra être compris par les techniciens, par certains militants associatifs et certains élus. Un texte technique sur l’emploi dans un secteur donné du marché du travail pourra être compris par de nombreuses personnes également. Etc. Un texte d’obédience philosophique traitant de la vie éclatée va, lui, laisser indifférent la grande majorité des lecteurs. Il va faire naître chez les uns une moue dubitative quand il ne fera pas apparaître chez les autres tout simplement du dédain pour un sujet, la tragédie de notre époque, considéré comme futile, ridicule, inutile, voire vide et inexistant. Si tel n’est pas le cas, son aspect philosophique suffira à convaincre les plus récalcitrants de son inutilité de par le soi-disant décalage, proclamé par notre époque, entre la théorie et la pratique ; comme s’il existait des individus, les philosophes ou autres penseurs, qui n’étaient pas de ce monde et qui en parlaient comme s’ils en faisaient partie.

En guise de réponse à cela, nous dirons qu’il faut toujours observer la position sociale de ceux qui répandent dans la société l’idée de ce fossé insurmontable entre théorie et pratique. Bien souvent, leurs positions sociales les amènent à de telles positions de peur que soit révélées les stratégies de domination sociale qui leur donnent une position hégémonique. D’autre part, il est clair que l’actuelle tendance à cette supposée pédagogie qui s’avère n’être qu’une volonté de simplification généralisée de problématiques pourtant complexes à pour conséquence que la population n’est plus en contact qu’avec des problématiques journalistiques qui, à force d’être répétées, prennent un caractère d’évidence alors que leur fonction première est de provoquer un flot de paroles qui ne dit plus rien de la réalité sociétale. C’est pourquoi le présent texte prend le parti d’une écriture difficile. S’il n’est pas compris par son époque, peut être le sera-t-il plus tard, une fois les échéances catastrophiques qu’annonce la Modernité advenues...

1. les grands absents du territoire : une hypothèse

Le point de départ de notre réflexion est que les acteurs du territoire qui se sont fait remarquer par leur absence ne se sont pas déplacés parce qu’ils avaient mieux à faire. En d’autres termes, l’idée de base de laquelle nous partirons est celle de l’éclatement de la vie en domaines qui ne sont plus reliés les uns aux autres. Une telle idée est difficile à porter tant elle va à l’encontre de ce qu’il est de bon ton d’affirmer aujourd’hui.

Il serait possible de s’engager sur cette question par mille et une entrées, aussi avons-nous fait le choix de partir du thème qui est à nos yeux le plus représentatif de l’affadissement généralisé de la vie : le professionnalisme. L’idée du professionnalisme est aujourd’hui globalement acceptée. Il est convenu qu’il faut être professionnel dans ses activités. D’ailleurs, il existe de nombreux programmes, qu’ils soient issus de collectivités locales ou étatiques ou encore européens, qui ont en vue de professionnaliser qui la vie associative, qui la fonction parentale, qui les tâches jadis effectuées gratuitement par les femmes, etc. Le professionnalisme est assimilé au sérieux, à la belle ouvrage (alors qu’il est exactement l’inverse) et même, en ce qui concerne les féministes, à la justice.

Mais, au-delà de ces lieux communs que tout un chacun reprend à souhait, nous questionnons-nous sur ce qu’est la base même du professionnalisme ? De nombreux auteurs ont traité du contenu éthique des professionnalités, des césures qui peuvent apparaître entre compétences et qualifications. Ces problématiques sont très intéressantes mais ne traitent que de la mise en œuvre du professionnalisme, c’est-à-dire de la forme, sans se questionner sur le fond du problème. En un sens, ces problématiques prennent au sérieux les légitimations mises en place par les métiers en vue de permettre l’identification des individus qui en occupent les postes. Ce n’est pas sur ce champ que va se tenir notre propos. Il va plutôt s’agir pour nous de critiquer l’idée même de professionnalisme, en son fondement, en se posant la question de ses implications dans nos vies.

Peut-être convient-il à présent de présenter plus précisément ce que nous entendons par le terme de professionnalisme. En fin de compte, le professionnalisme n’est rien d’autre que la capacité à intégrer et à mener à son terme des procédures en vue d’accomplir une tâche. Le professionnalisme est l’introduction des catégories de fin et de moyen dans la mise en place d’une activité, sachant que toute activité est dorénavant systématiquement située dans le schème global de la division du travail. Les implications philosophiques de cette démarche sont gigantesques, nous y reviendrons plus bas, mais la conséquence première que nous souhaiterions mettre en évidence dans ce texte est celle de l’inexistence d’espaces publics. Si les élus et les techniciens ne sont pas venus aux conférences-débats de Tournico-Sol, c’est parce que ce que nous nommons, par habitude, espace public est séparé des espaces de décision. Les lieux de paroles et de débats, nombreux dans notre Occident bavard, ne sont pas des lieux d’actions. Il s’agit d’un point important au vu de cette habitude actuelle qui consiste à répéter sempiternellement que nous vivons libre.

Notre capacité à nous soumettre devant ce que Cornélius Castoriadis nommait l’institué nous mène à accepter la colonisation de nos modes de vie par les catégories de fin et de moyen. Mis devant le fait accompli de la division du travail, nous, qui avons été transformé en main d’œuvre voilà 150 ans, en acceptons le principe et, comme pour nous protéger psychologiquement de notre défaite face à la domination, de notre renoncement à toute forme d’autonomie, nous reprenons à notre compte ses préceptes pour les étendre à la vie entière. Notre vie personnelle même est maintenant devenue un enchaînement de procédures. Comme l’avait annoncé en son temps Theodor W. Adorno, le seul moyen, désormais, d’échapper aux rythmes des procédures de travail est de s’y adapter pendant les heures de loisirs. C’est cela, désormais, la liberté : nous acceptons des idées par pur conformisme de peur d’être lâché par le grand mouvement de l’Histoire. Cette vie éclatée, divisée en mille et une parties, est celle, morne, triste et solitaire, de l’individu moderne.

2. la dichotomie pensée-action

Comment relier cette réflexion à notre propos ? Quel rapport avec l’absence des élus et des techniciens à des conférences-débats ?
Prenons rapidement l’exemple du technicien. Par technicien, nous entendons technicien de Pays, ou de Contrat Ville ou de cabinet ministériel ou, en Rhône-Alpes, des défunts Contrats Globaux de Développement, etc. En fait, tous les employés qui préparent les décisions d’élus, toute une nébuleuse d’activités de conseil, de « facilitation » de la prise de décision.

Le technicien a ceci d’intéressant que sa fonction est de préparer les moyens de la décision. Prenons le cadre de la gouvernance telle qu’elle se met en place actuellement, le technicien organise des rencontres d’acteurs locaux, des réunions d’élus, prend des notes, retranscrit, fait des comptes-rendus, toute une série d’opérations qui rend accessible des informations en vue de favoriser la prise de décision [1]. Il va donc mobiliser des moyens en vue d’une fin. Cette fin étant l’action politique, nous voyons que nous sommes dans un système qui sépare fondamentalement la pensée de l’action (il faut bien voir que pratiquement n’importe quel métier aurait pu servir ici d’exemple). Cette posture intellectuelle, qui est à la base même du professionnalisme, va mettre un terme à toute possibilité d’action et, nous allons le voir, annihiler l’idée même de liberté. Il va être intéressant ici de remonter l’histoire pour mieux comprendre ce point.

2.1. naissance de la Polis

Il faut remonter jusqu’à l’Antiquité, en fait à Socrate, pour dater et comprendre la provenance de la séparation entre pensée et action dans la sphère publique. À l’origine, cette distinction provient du foyer grec. Composé d’esclaves, de femmes et de maîtres, il était le lieu où la vie se reproduisait et se maintenait, le lieu de la nécessité, des fonctions naturelles. Le foyer était la condition nécessaire à la vie publique, il libérait les hommes du règne de la nécessité : une fois les fonctions vitales accomplies, l’animal humain devenait le citoyen grec et pouvait se consacrer à l’action, c’est-à-dire à la politique. Le foyer, en tant qu’espace privé de visibilité (d’où l’expression de vie privée) était la condition sine qua non de la vie publique. Ce n’est qu’une fois libéré de la nécessité devant laquelle tout les êtres humains sont égaux, que l’homme grec pouvait se distinguer publiquement par de belles paroles et de belles actions. Car tel était le sens de l’assemblée des citoyens grecs, la Polis : être un lieu d’actions et de paroles.

Au passage, indiquons que l’activité pratiquée au sein du foyer était le travail. Le travail est l’activité qui répond à la nécessité. Il produit les biens qui vont être consommés. Or la consommation détruit tout ce qui lui est destiné. Par conséquent, le travail ne produit rien qui puisse construire un monde, il ne produit aucune œuvre et n’est en aucun cas facteur de stabilité. Ses produits sont, par définition, éphémères. Il y a là une clé du mépris dans lequel toutes les époques, exceptée la nôtre, ont tenu le travail [2] . Celui qui passait sa vie au travail, donc qui était asservi à la nécessité, appartenait au règne animal et non à celui de l’humanité.

Pour résumer, le foyer était donc le lieu de l’indifférencié, le lieu où il fallait faire face, comme n’importe quel animal, aux exigences de la Nature. À l’inverse de la Polis, lieu où l’on convainquait par de belles paroles, le foyer était un endroit de contrainte et c’est pour répondre à cette contrainte qu’il était fondé. Par conséquent, il était un lieu de violence car les réquisits de la nécessité ne laissent aucune alternative aux affaires humaines : la violence est l’acte pré-politique par lequel l’être humain va s’extirper de la sphère de la nécessité. La violence se caractérise par la position du maître qui sait et qui donne des ordres à l’esclave qui fait. Voilà donc la base de la séparation de la pensée et de l’action : une violence fondée sur les contraintes de la nécessité.

Or, nous l’avons vu, ce n’est qu’une fois accomplies les tâches du foyer que l’homme antique pouvait se consacrer à la Polis. En elle, le convaincre prenait la place de la contrainte. Il est important de comprendre l’idée de l’humanité sous-jacente à la Polis. Il s’agit d’une conception pré-socratique qui considère que ce pourquoi il vaut la peine que les hommes vivent ensemble est la mise en commun des paroles et des actes. Cette idée émergea du problème de l’intangibilité de l’action qui se posa à la communauté des hommes d’alors, problème majeur puisque de sa résolution dépendait la capacité de la société à faire vivre les hommes ensemble. Comment fonder une humanité, c’est-à-dire comment sortir du règne animal et de l’indifférencié, si les actions sont aussitôt perdues pour la mémoire ? Comment fonder une humanité sans belles actions passées pour créer une référence ancestrale ? Comment être au sein d’une communauté si la mémoire de ce qu’on est, c’est-à-dire de ce qu’on a fait, se perd irrémédiablement [3] ? C’est par la parole et l’action que l’être humain se révèle en tant qu’humain. L’action va révéler la nature de l’humain qui en est à l’origine et la parole va signifier cet acte à ses congénères. Ainsi, c’est bien contre ce que Hannah Arendt nomme la futilité de l’action, que va se fonder la Polis. Cette dernière va être, pour les grecs, le lieu des exploits permanents, là où ils se disent et donc, là où chacun va se distinguer en vue de devenir humain. La nécessité y est abolie au profit de la liberté.

2.2. les problèmes de l’action : instabilité et infinitude

Mais si la Polis, en tant qu’espace fondateur d’humanité, réglait le problème de l’intangibilité de l’action, elle ne résolvait pas en soi un autre problème, celui de l’action qui, en tant qu’acte libre, porte en elle un facteur d’instabilité fondamental. L’action ne se satisfait pas des contraintes instituées qu’elle questionne et défie sans cesse. Les limites que pose la société sont donc susceptibles d’être détruites à l’arrivée de chaque nouvelle génération. Mais il y a plus, le sens même que prend l’histoire à la suite d’une action ne se révèle pleinement que lorsqu’elle est achevée :

« Faire et subir sont comme les deux faces d’une médaille, et l’histoire que commence un acte se compose des faits et souffrances qui le suivent. Ces conséquences sont infinies, car l’action, bien qu’elle puisse, pour ainsi dire, venir de nul part, agit dans un médium où toute réaction devient réaction en chaîne et où tout processus est cause de processus nouveaux. » [4]

Avec l’action, l’infinitude contenue dans les relations humaines réciproques se conjugue avec l’instabilité. L’aspect explosif de ce pan de la vie humaine devait donner naissance à une dialectique puissante qui allait être la base de la dynamique de l’Occident.

Ce problème dirigea la pensée de la philosophie politique depuis Platon. Sous quelque angle que ce soit, la quête principale de cette pensée à été tournée vers la recherche de stabilité. La méthode de l’école socratique est particulièrement intéressante dans la mesure où elle fit, en quelque sorte, un choix pré-politique qui semble au final s’être imposé jusque dans notre modernité : elle a étendu les réquisits du foyer à toute la société. L’obsession de Platon a été d’assurer le contrôle de l’action de son commencement à sa fin. C’est à cet effet que la dichotomie maître-esclave se retrouve étendue à la société en instaurant le clivage entre pensée et action politique.

Ainsi, celui qui exécute peut être davantage assujetti à la discipline car, éloigné en un sens de l’objet sur lequel il travaille, il n’est pas, ou peu, sujet aux émotions. Adorno et Horkeimer écrivent :

« La distance entre le sujet et l’objet, qui conditionne l’abstraction, se fonde sur la distance par rapport à la chose que le dominateur acquiert par l’intermédiaire du dominé. » [5]

L’action devient un processus de fabrication : perception de l’image du produit futur, puis organisation des moyens et début de l’exécution. Nous avons là la base de tout système de domination.

L’action n’a plus de sens pour ceux qui l’exécutent dans la mesure où elle ne révèle plus rien et sa seule raison d’être est de faire entrer les exécutants dans le grand mouvement de l’histoire fonctionnalisée. Aristote écrivait :

« Or la vie est action et non production, c’est pourquoi l’esclave est un exécutant parmi ceux qui sont destinés à l’action. » [6]

3. un monde sans liberté

À partir de ce court historique, nous pouvons affirmer que la tradition de la philosophie politique, toute entière tournée vers cette pensée socratique, a eu l’obsession de mettre fin à la politique. Cette généalogie est intéressante dans la mesure où elle indique qu’il n’y a pas d’espace public dans un régime, tel que le nôtre [7], issu de cette tradition philosophique.

Par espace public, nous entendons un lieu ouvert à tous qui est à la fois un lieu de débat mais également un lieu de décision. Il n’existe plus de tels lieux à notre époque, époque qui se targue pourtant d’être démocratique ! Étrange paradoxe d’une population dominée qui se croit plus éduquée que ses ancêtres sans en connaître l’histoire et qui s’avère incapable de regarder les évidences de sa propre époque en face.

Si nous regardons autour de nous, nous constatons qu’effectivement, il existe des espaces de débats ouverts à tous. Ainsi, le cycle de conférences-débats organisé par Les Amis de Tournico-Sol a créé un espace de débats. Nous pourrions en dire autant d’une multitude de rencontres organisées à travers toute la France et même à travers tout l’Occident. Le mouvement associatif en général, le mouvement de l’Éducation Populaire, les syndicats, ATTAC, les Altermondialistes, etc., tout les groupes, même alternatifs, sont organisateurs de débats.

Cependant, il est un fait qu’aucune décision ne peut jamais être prise dans ces lieux. Cela est normal puisque les occidentaux ont la particularité d’avoir voté lors d’élections, c’est-à-dire qu’ils ont abandonné leur pouvoir citoyen à une élite qui se retrouve dans des lieux bien déterminés, tels les assemblées, les conseils généraux ou régionaux et autres, des lieux d’où sont exclus les citoyens non élus et où là, effectivement, les débats donnent lieu à des décisions.
Résultat de cette situation, les conférences-débats sont des moments où chacun peut se « lâcher », dire ce qu’il pense, mais sans engendrer la moindre conséquence. Il y a certainement là une des raisons du divorce croissant entre ceux qui réfléchissent et le reste de la population qui considère les activités de réflexion comme un bavardage sans importance.

Finalement, ce divorce est le résultat logique de la prise en compte par la population du fait qu’espace public et espace de décision sont irrémédiablement séparés dans notre régime politique. L’absence répétée de la majeure partie de la population aux conférences-débats, aussi intéressantes soient elles, et, à l’inverse, la présence d’une minorité toujours identique qui maintient une activité de réflexion, alors même que le mode philosophique sur lequel fonctionne notre régime politique rend une telle activité tout à fait inutile, tient à cet état de fait.

Il est intéressant ici de reprendre la réflexion de Pierre Bourdieu dans « La distinction ». Alors que les masses populaires [8] ont tendance à mettre en relation toute forme (telle la forme « conférence-débat ») avec sa fonction (ici une fonction de catharsis sans conséquence immédiate sur l’espace social), les personnes placées plus haut dans la hiérarchie sociale qu’institue le système de division du travail vont avoir tendance à considérer les activités pour elles-mêmes, en déconnexion de leur environnement social et ce dans un but inavoué de distinction. De plus, bien souvent, le vocabulaire utilisé dans ces lieux de débats correspond davantage à l’habitus petit-bourgeois qu’à n’importe quel autre. Au fond, alors que la parole s’éloigne de plus en plus de l’action, alors que le débat perd toute importance dans notre société du fait qu’il ne porte plus à conséquence, les lieux de débats sont investis d’une fonction de distinction invisible à la conscience et aux yeux mêmes de ceux qui les fréquentent. La séparation de la pensée et de l’action ringardise toute perspective émancipatoire mais, en revanche, autorise chacun à se positionner socialement. Cela apparaît clairement dans la constitution d’une sorte de classe de militants professionnels diplômés, possédant des revenus plus importants et une plus grande stabilité salariale que la majorité de la population.

En fait, c’est l’obsession de la Modernité tout entière que de mettre un terme aux espaces publics. Progressivement, c’est la conception même de l’action et, au final, de la liberté, qui se fane. Toute action est désormais issue d’un schéma où ceux qui agissent ne sont plus ceux qui décident. Il est d’ailleurs intéressant de constater que la notion même de gouvernement, qui nous est aujourd’hui tellement familière et qui semble avoir toujours existé, est en fait issue du foyer [9]. L’action ne révèle plus rien de son auteur qui se retrouve perdu dans toute une chaîne de procédures et dont la responsabilité est, au final, limitée.

Il n’y a plus d’initiative autonome dans la sphère publique, sphère enserrée dans un faisceau de contraintes ne laissant plus de place à la spontanéité. La destruction de l’action comme acte libre et révélateur de personnalité donne naissance à une nouvelle espèce d’humains, jamais certains de leur responsabilité au sein des actes qui meublent leur existence et donc capable d’obéir aux ordres les plus durs, voir les plus odieux. À l’heure de la division généralisée du travail et de chaque activité, le seul moyen d’exister est de se faire oublier dans une fonctionnalisation déresponsabilisante.

4. critique de notre régime politique

En un sens, certains pourraient se réjouir de la fin de la politique, privilégier les valeurs de stabilité et de sécurité au détriment de l’action. Mais alors, nous ne pouvons faire l’économie de nous poser la question de la nature du régime politique dans lequel nous vivons. Si nous en croyons les termes de la propagande officielle, nous serions dans un régime politique de type démocratique doté d’une constitution républicaine. Cette seule affirmation d’une république démocratique est, en elle-même, un oxymoron.

Nous nageons là en plein n’importe quoi. Pour la petite histoire, dans l’ordre de dégénérescence des régimes politiques qu’énonce Platon, la démocratie représente le stade précédent de la tyrannie. La République est la cité parfaite, une sorte d’oligarchie aristocratique à l’opposée de la démocratie. République signifie chose publique en latin, c’est-à-dire un objet sur lequel il est possible de travailler. La chose publique est donc susceptible d’être organisée, planifiée. Nous sommes clairement dans le champ de la réification de la politique : on organise en vue de l’action politique. Or, la démocratie est exactement l’inverse de cela. Personne n’organise en vue de préparer le terrain politique à qui que ce soit. À l’image de la Polis, la démocratie est le régime politique dans lequel la population s’exprime de manière autonome : les règles de débat sont décidées collectivement et non par un ou des experts, comme c’est le cas dans la République.

Alors qu’est donc le régime dans lequel nous vivons ? Quand les mots d’une époque ne veulent plus rien dire, comme c’est le cas actuellement (nous venons de le voir), il est intéressant de revenir aux anciens écrits, à leur franchise et à leur bon sens.
Platon, dans « La République » a tenté de décrire les différents régimes politiques et d’en faire une généalogie qui décrit la dégénérescence de l’aristocratie vers la tyrannie, en passant par la timocratie, l’oligarchie et la démocratie. Si aujourd’hui cette généalogie peut prêter à sourire, la force des détails qu’il accumule pour décrire chaque régime pose de nombreuses questions passionnantes. Ainsi ce dialogue entre Adimante et Socrate :

«  - de quel système politique parles-tu quand tu parles d’oligarchie ?

- c’est, répondis-je, la constitution politique fondée sur la valeur de la propriété, où les riches commandent et où les pauvres n’ont aucune part au pouvoir. » [10]

Il n’est pas nécessaire de s’appesantir sur le pouvoir des pauvres à l’époque moderne, ils n’ont tout simplement jamais eu part au pouvoir. Dans un second temps, il faut nous rappeler que la constitution de la Ve république française du 4 octobre 1958 inscrit en préambule :

«  Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946  »

Pour mémoire, rappelons les deux premiers articles de cette fameuse déclaration des droits de l’homme de 1789 :

« Article premier - Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

Article 2 - Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.  »

Indiquons également l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme de 1948 :

« Article 17 :
1. Toute personne, aussi bien seule qu’en collectivité, a droit à la propriété.

2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété.  »

Aristote aussi, dans son temps, avait tenté de recenser les différentes constitutions et, sur la base d’une critique de La République, de les analyser en vue d’en trouver le meilleur assemblage. Maintes de ses affirmations nous mettent sur la voie du régime dans lequel nous vivons :

« Mieux vaut donc dire qu’il y a régime populaire quand les hommes libres sont souverains, et oligarchie quand ce sont les riches. » [11]

Et plus loin :

« Mais il y aura démocratie quand une majorité de gens libres mais modestes seront les maîtres du pouvoir, et oligarchie quand ce sera les gens riches et mieux nés en petit nombre. » [12]

Auquel des ces deux cas notre régime semble-t-il appartenir ?
Certains voient dans le fait que nous votons aux élections une caractéristique fondamentalement démocratique. Dans un premier temps, il faut rappeler que depuis 150 ans, quel que soit le résultat des élections, la politique menée reste, dans ses grandes lignes, la même : transformation des peuples en main d’œuvre, stabilisation de l’environnement sociologique, juridique, économique et politique pour favoriser les investissements monétaires, marchandisation d’activités non marchandes et, plus généralement, réification du monde vécu.

Comment, dans de telles conditions, continuons-nous à penser que les élections sont un élément de démocratie qui modifie le pouvoir en fonction de la volonté du peuple ? La constance avec laquelle le pouvoir mène son action ne nous fournit-elle pas pourtant un certain nombre d’indices ? Rousseau écrivait :

« La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point : elle est la même, ou elle est autre ; il n’y a point de milieu. Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires ; ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle ; ce n’est point une loi. Le peuple anglais pense être libre ; il se trompe fort, il ne l’est que durant l’élection des membres du parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l’usage qu’il en fait mérite bien qu’il la perde. » [13]

« L’usage qu’il en fait mérite bien qu’il la perde », quel usage avons-nous fait, nous qui nous prenons pour des citoyens, de ce droit de vote que certains chérissent tant ? Regardons la valeur de nos « représentants », députés, présidents et autres gouvernants que nous mettons au pouvoir depuis 150 ans... Continuons avec Aristote sur le droit de vote :

« [...] il est considéré comme démocratique que les magistratures soient attribuées par le sort et comme oligarchique qu’elles soient électives [...] » [14]

Évidemment : la démocratie est une école de confiance où chacun est capable d’être investi d’un pouvoir. Nous sommes bien loin du gouvernement des meilleurs, qu’en référence à La République de Platon, le MEDEF mentionnait par la voix de Denis Kessler pour justifier sa Refondation Sociale et les salaires des dirigeants d’entreprises. La démocratie explique que tout le monde, du clochard au plus riche, peut être dirigeant. Notre régime politique est actuellement loin du compte à ce niveau. Il faut préciser cependant qu’un régime politique purement démocratique ou purement oligarchique n’existe qu’en théorie.

Des éléments démocratiques, rares il faut bien l’avouer, existe dans notre régime. Ainsi, tout le monde, officiellement, peut être élu (en réalité tout le monde sait bien que cela est faux). Mais même ici, des sécurités ont été prévues par la loi de manière à affirmer clairement que notre régime est oligarchique. Ainsi, pour les élections présidentielles, il est nécessaire d’obtenir 500 signatures de maires pour avoir le droit d’être candidat. Voici ce qu’Aristote pense d’une telle pratique :

« Là où certains seulement nomment parmi tous pour certaines magistratures par élection, pour d’autres par tirage au sort, ou par les deux procédés (les unes par tirage au sort, les autres par élection), la situation est oligarchique ; et plus oligarchique encore quand on a recours au deux procédés. »
 [15]

Il faut bien avouer que même nos mentalités sont loin du compte : qui, de nos jours, accepterai de voir un pauvre ou pire, un clochard, diriger une cité, par exemple ? À ceux qui nous contredisent en disant que chacun peut parvenir au statut d’élu local, nous répondrons que même les élections locales sont dominées par les partis et que, de toute manière, l’alliance de la propagande et des élections permet de mettre en place, à de notables exceptions, le contingent le plus conformiste des citoyens. Nous vivons donc dans un régime de type oligarchique et notre mentalité elle-même est façonnée à son image.

Nous sommes fondamentalement antidémocratiques.

Platon s’est appliqué à décrire ce qu’il nommait « l’homme oligarchique » :

« Si la richesse est honorée dans une cité, et aussi les riches, la vertu y sera moins honorée, de même que les gens de bien »

et plus loin :

« Ils [les hommes oligarchiques] font l’éloge de l’homme riche, ils l’admirent et le portent au pouvoir. Quant au pauvre, ils le méprisent. » [16]

et encore :

« - Telle est bien en tout cas, la transformation de l’homme qui ressemble à cette constitution politique dont provient l’oligarchie.
- Examinons à présent s’il ressemble à celle-ci.
- Oui examinons-le
- Ne lui ressemble-t-il pas d’abord de par cette volonté de produire surtout des richesses ?
- Sans contredit
 » [17]

À partir de là, écoutons les politiciens locaux coller à la mentalité oligarchique de leur époque. L’exemple de la constitution du Pays de l’Ardèche Méridionale est éloquent. L’économie est toujours située au centre du projet de constitution de cette nouvelle strate administrative comme l’a annoncé une élue, présidente du syndicat mixte « Monts et Val d’Ardèche » en expliquant, en introduction de la séance de travail du 29/09/2003, que « l’économie est au cœur du territoire ardéchois. »

Écoutons les hommes et femmes politiques locaux qui détruisent actuellement les territoires de ce que l’on nomme l’Occident (car la catastrophe oligarchique actuelle concerne l’Occident dans son ensemble). Relisons les discours actuels sur « l’entrepreneur » ou encore ceux sur « l’insécurité » et la constitution, par les outils de la propagande officielle, d’une nouvelle classe dangereuse dans l’imaginaire collectif. Il faut également relier de tels propos aux actions que mènent les différents lobbies industriels sur la Commission Européenne ou encore sur les institutions internationales ; observons également dans ce contexte la formation d’institutions telles que l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) qui privatisent les services publics et les mettent dans les mains d’une petite minorité qui acquiert ainsi un pouvoir gigantesque, de la santé à la retraite, de l’école à la vieillesse. Par son obsession chrématistique, cette minorité, à travers les entreprises, se trouve désormais en position d’accumuler du capital sur tous les secteurs de la vie, et de les contrôler.

Certes, le régime oligarchique que nous subissons ne date pas d’hier. Platon écrit :

« Et il n’y a certes rien de bien dans le trait suivant, quand ils se trouvent paralysés au moment de faire la guerre à une autre cité, parce qu’ils seraient forcés de recourir au peuple qu’ils ont armé et qu’ils le craignent plus que les ennemis, [...] » [18]

Comment ici ne pas penser à la vilenie d’un Adolphe Thiers préférant s’allier à son supposé ennemi, Bismark, qui accepta de lui fournir des armes pour qu’il s’oppose à la Commune en 1871 ? Bismark, aux portes de Paris, fournit des armes à son ennemi français pour combattre leur ennemi commun : le peuple. Comme l’histoire est riche d’enseignement sur la nature même de notre régime ! Fascinants écrivains antiques qui, à la manière de la Pythie proférant des oracles, nous offrent, par leur seule lucidité, une lecture du monde incroyablement actuelle. Et l’on n’en finit plus de vouloir les citer tant leur pensée, vieille de presque 2500 ans, semble nous guérir de notre cécité par sa jeunesse et son dynamisme.

Platon, s’il a théorisé une cité guerrière, une oligarchie de type aristocratique qui inquiète et annonce avec deux millénaires d’avance l’expérience totalitaire, a été un observateur remarquable des mœurs de la société de son époque :

« Pourrais-tu trouver meilleur indice d’une éducation médiocre et déshonorante dans une cité que le besoin de médecins et de juges, à qui on fait honneur non seulement chez les gens ordinaires et les travailleurs manuels, mais aussi chez ceux qui se vantent d’avoir été formés dans un esprit libéral ? Ne trouves tu pas que c’est une honte et l’indice sérieux d’un manque d’éducation que de se trouver contraint de recourir à une justice empruntée à d’autres, qu’on regarde comme des maîtres et des arbitres, en raison de l’impossibilité d’en trouver chez soi ? » [19]

Ainsi, pour le théoricien de la République, le régime dans lequel nous vivons est un régime malade, comme le montre le symptôme qu’est la juridiciarisation de notre société. Nul n’est besoin ici d’avoir vraiment recours aux textes anciens pour se rendre compte de cet état de fait. Notre époque, même si elle essaie désespérément de se prouver le contraire, sait bien qu’elle est malade.

5. la gouvernance : ultime étape vers un régime nouveau ?

D’aucuns diront que nous nous éloignons de notre sujet. Cependant, ce long détour nous apparaît essentiel pour mieux se saisir de l’expérience vécue par Tournico-Sol. Nous avons d’abord montré qu’il n’existe pas d’espace public dans notre régime politique. Nous avons ensuite expliqué que nous sommes privés d’espace public parce que notre régime est une oligarchie. Nous allons à présent essayer de démontrer comment le professionnalisme finit de vider de sens le terme de démocratie, que notre époque utilise à tord et à travers sans en comprendre le sens, et comment un système de domination politique nouveau, la gouvernance, s’appuie sur ce mode professionnel. Peut être alors comprendrons-nous de manière plus profonde l’absence de certains acteurs lors des conférences-débats de Tournico-Sol.

5.1. le professionnalisme dans la procédure de décision politique : élément de la catastrophe oligarchique

Il est difficile de commencer une telle analyse car les imbrications sont si nombreuses que toute tentative analytique se solde par une simplification en apparence outrancière. Nous avons donc décider d’observer l’actuel système d’aide à la décision sous un certain angle, en partant d’une figure évoquée plus haut : celle du technicien. Nous avons vu que ce poste était une fonction qui préparait la décision politique en séparant pensée et action. Revenons encore aux textes antiques pour retrouver ce que les anciens pensaient de la fonction de technicien dans le domaine politique, ce que les grecs antiques nommaient les « préparateurs ».

Aristote considérait que cette fonction était de nature oligarchique. Il écrit :

« Dans les oligarchies, d’autre part, il y a avantage pour les gens au pouvoir soit à instituer une magistrature, comme celle qui existe dans certaines cités, et qu’on appelle celle des préparateurs et gardiens des lois, et à ne s’occuper que des affaires dont ces magistrats auront délibéré au préalable, car de cette façon le peuple participera à l’instance délibérative et ne pourra rien détruire dans la constitution. Il y a aussi avantage à ce que soit le peuple vote ce qu’on lui propose, soit ne puisse rien décider qui soit contraire à ces propositions, soit que tous donnent leur avis dans la délibération, mais que la décision appartienne aux magistrats. » [20]

Comme il est intéressant de réfléchir à l’actuelle prolifération d’un terme comme « démocratie participative » à la lumière de cet écrit.

Observons le mode de création d’une nouvelle structure administrative, le Pays, qu’instaure la Loi d’Orientation sur l’Aménagement et le Développement Durable des Territoires (LOADDT), dite Loi Voynet du 25/06/1999. La constitution, dans ce cadre, d’une structure comme le Conseil Local de Développement (CLD), a été l’occasion d’un déballage sans précédent du terme de « démocratie participative ».

Cette structure, foncièrement anti-démocratique mais mobilisant un grand nombre d’acteurs institutionnalisés du territoire (y compris les associations qui font cependant l’objet d’une suspicion particulière, comme c’est le cas dans le CLD du Pays de l’Ardèche Méridionale), est l’occasion d’une sorte de grand-messe du territoire dans laquelle les citoyens sont exclus. Seuls sont convoqués ceux qui participent déjà à des actions sur le territoire. Le CLD n’est que consultatif car au final, seul le collège des élus est habilité à prendre des décisions [21] . Les débats au sein de cette structure sont orientés par les études de type « géographie humaine » qui constituent la base des réflexions.

Ce socle d’études, réalisées par des cabinets d’études aux méthodologies plus que douteuses et très chères, est toujours orienté dans la même direction : constitution de pôles urbains en vue d’augmenter les externalités positives de manière à « voler » l’activité à d’autres territoires. De plus, la « géographie humaine » est une matière à fort contenu idéologique qui a la particularité d’être capable d’étudier un territoire sans en aborder les enjeux sociaux et politiques. Elle ne considère que l’immédiateté en évacuant la médiation intrinsèque à tout phénomène humain. L’idéologie dominante, le néo-libéralisme ou plus exactement, le « tout économie », s’impose donc dans les débats sur le mode de la neutralité.

Dans ce cadre, les techniciens préparent les débats, font les comptes-rendus, rédigent les conclusions qui seront, par la suite, adoptées ou non par les élus (la plupart du temps, elles le sont car les élus comprennent mal un vocabulaire technique avec lequel ils ne sont pas familier). Nous sommes donc clairement ici dans un environnement où pensée et action sont irrémédiablement séparés de manière à éviter que toute pensée subversive ne fasse la moindre apparition dans l’espace politique ainsi créé, comme le précise Aristote. Quand la « technique » s’impose de la sorte dans la politique, le débat en tant que tel perd toute valeur, il ne porte que sur des aspects mineurs sans jamais pouvoir aborder les problèmes de fonds. Il n’y a plus d’opinion, il ne reste que des avis techniques.

Pris dans ce système où l’aide à la décision induit les réponses qui vont mener à la décision, les élus eux-mêmes sont, en quelques sortes, professionnalisés. [22]

Acceptant d’être situés à une place précise du processus de décision, les élus sont dépossédés de la plupart des tâches qui le constituent pour ne s’atteler qu’à la plus importante : la tâche finale de décision. Étant éloignés des tâches de production de savoirs, ils ne se trouvent le plus souvent qu’en position d’entériner les postulats énoncés, au travers des bureaux d’études, par la géographie humaine ; matière qui, nous l’avons déjà écrit, sous l’apparence de la neutralité, n’aborde le territoire que sous l’angle de l’utilité et de l’efficacité, dissimulant mal son obsession chrématistique et son adhésion à la cause de l’élite.

Les élus ne vont désormais avoir d’autres choix que de placer toute leur réflexion dans le champ des catégories de fin et de moyen. Étant des acteurs-clé du territoire, cette posture va entraîner l’adoption d’attitudes utilitaristes par les autres acteurs soumis aux décisions de ces mêmes élus. Dans le cadre du CLD, les diagnostics partagés de territoire n’étant pas issus d’une création collective de savoir mais n’étant que des synthèses des études géographiques réalisées par des cabinets (ce qui signifie que le nom de « diagnostic partagé » est usurpé), le rôle des différents acteurs du territoire convoqués va se limiter à essayer de montrer que le travail fournit par chacun d’eux est utile et correctement réalisé mais aussi qu’il faut davantage de ce même travail. Par là, les salaires de chacun sont assurés. Du fait de la segmentation de la procédure de décision, les intérêts particuliers peuvent s’exprimer en toute légitimité au détriment de l’intérêt général : les acteurs du territoire deviennent des utilisateurs du territoire.

5.2. le professionnalisme comme élément déstabilisateur du sens commun : une exigence pour l’actuel régime politique

Le professionnalisme, en tant que posture de mobilisation des catégories de fin et de moyen, s’avère finalement incapable de fonder un système de valeurs, en même temps qu’il sape celui qui lui préexiste. Issu d’une idéologie du fonctionnement, le professionnalisme dégrade les rapports humains dans le sens où les enjeux de catégories et de positions professionnelles l’emportent sur tous les autres, et ce au point de rendre plausible la méthode d’analyse stratégique d’un Michel Crozier. Dans le professionnalisme, les êtres humains se prennent pour leur fonction. La procédure d’aide à la décision politique se noie alors dans des postures de soumission et de domination dans lesquelles le prestige électoral et les perspectives de carrières jouent des rôles plus importants que le bien être collectif.

En ce sens, l’actuel discours de ceux qui constatent la perte des repères et des valeurs dans notre société et qui veulent restaurer les valeurs du travail et de l’ordre est un non-sens. [23]

Comment l’introduction d’un individu dans le procès de production pourrait-il fonder les valeurs du bien et du mal alors que le monde de la production est organisé selon les catégories de fin et de moyen ? Notre ignorance moderne croit en cette utopie platonicienne d’un monde juste et pacifié par l’hétéronomie. Quel principe d’action, pour reprendre Montesquieu [24], dirige notre société ? L’apologie du mouvement pour lui-même n’est il pas la seule justification de la perpétuelle promotion du « développement » que nous subissons actuellement et qui est contenu dans la fameuse expression : « qui n’avance pas recule » ?

Notre société dispose-t-elle d’une autre source de sens que cette auto-justification permanente du mouvement ? Il est vrai que même l’exploitation contenue dans l’expérience quotidienne du travail n’a désormais plus de consistance, vidée qu’elle est de son sens par l’industrie culturelle et les médias. Le professionnalisme est la posture naturelle de l’individu dans un système qui devient fou, de par le fait qu’il n’a plus de sens. Le professionnalisme tord les corps dans le sens de la procédure, discipline les esprits dans l’enchaînement insignifiant des fins et des moyens. Les termes de « développement », y compris durable, ou de « rentabilité » ne signifient pas un souci de bien-être.

C’est en effet sous l’égide du développement durable que les territoires sont urbanisés, la diversité biologique détruite et la poésie ruinée. Les termes comme « développement » ou « rentabilité » ne font référence qu’à des satisfactions reportées à plus tard. La « rentabilité » est une promesse qui ne tient qu’à l’idée qu’un processus complexe et mystérieux, l’économie, en a besoin.

Dans ce schème, la logique remplace la pensée. Le fonctionnement fait office de valeur. Qui n’a jamais entendu cette phrase à propos des professionnels du « marketing » ou tout simplement des escrocs qui réussissent à vendre des produits totalement inutiles : « ils ont raison puisque ça marche. »

Le fonctionnement est, désormais, une raison suffisante pour le jugement. Les déductions logiques qu’énoncent les médias, les économistes ou les géographes ne prennent l’apparence de la vérité que parce qu’elles sont facilement compréhensibles et qu’elles font système. L’exemple des liens dialectiques que ce type de discours crée entre croissance, taux d’imposition du capital, investissement, emploi, consommation et, au final, croissance est exhaustif. Le seul fait de comprendre ce type de raisonnement le rend vrai pour une grande partie de la population. Il suffit de partir d’une prémisse, quelle qu’elle soit, pour que s’enchaîne la logique dialectique.

« La logique dialectique, avec son cheminement de la thèse à l’antithèse puis à la synthèse, laquelle devient à son tour la thèse du prochain mouvement dialectique, n’est pas différente dans le principe, une fois qu’une idéologie a jeté sur elle son dévolu ; la première thèse devient la prémisse et l’avantage de ce procédé dialectique pour l’explication idéologique est qu’il permet de rendre compte des contradictions entre les faits comme de moments d’un mouvement unique, identique et cohérent. » [25]

Ce mouvement mériterait d’être décrit plus en détail au cours de l’étude d’un document produit par un bureau d’étude ou d’un des autres vecteurs de cette idéologie. Ce qu’il est important de saisir ici, c’est que ce mode logique s’affranchit de toute expérience. Les débats que l’auteur de ces lignes a suivit lors des « chantiers » (ici encore, les mots sont importants) de préparation de la charte du Pays de l’Ardèche Méridionale (c’est-à-dire les espaces de débats créés dans le cadre du CLD) ont été particulièrement explicitent. Ainsi le chantier « énergie-eau-déchets », qui s’est tenu au lycée agricole Olivier de Serre d’Aubenas le 23/09/2004, a-t-il été l’occasion d’une présentation de l’état de l’eau dans le département par le président du syndicat Ardèche Claire, également président de la Commission Locale sur l’Eau.

Cette présentation faite, donc, sous l’égide d’une parole professionnelle, a été l’occasion d’affirmer que le syndicat mixte faisait bien son travail, que, par conséquent, l’eau de la rivière Ardèche était propre et qu’il était nécessaire de poursuivre dans cette voie. Ceci était évidemment un mensonge mais les débats qui ont suivi se sont organisés à partir de cette affirmation : l’eau de l’Ardèche est propre. Peu de participants auraient pourtant acceptés de se baigner dans l’Ardèche mais le fait est que tous ont agréé ce postulat comme base de discussion : l’expérience est annulée au profit du discours de protection de l’espace professionnel.

Quand nous avons prit la parole pour dire que l’eau de l’Ardèche était polluée, il nous a été rétorqué que les analyses de la DDASS [26] étaient généralement sans appel et prouvaient que l’eau n’était pas polluée : une réalité plus vraie infirmait l’expérience autonome. Le discours professionnel augmente la cohérence du monde tel qu’il est décrit par l’idéologie dominante. Dans ce cas précis, il est impossible que le « développement » ait pollué l’Ardèche car une action professionnelle prévient ses effets néfastes. Nous voyons donc que le monde, tel qu’il est organisé par l’utilitarisme (c’est-à-dire par les catégories de fin et de moyen), peut être soigné par une posture, le professionnalisme, qui n’est rien d’autre, nous l’avons vu plus haut, que la mise en place de procédures : il s’agit donc d’éteindre l’incendie avec le feu.

La gouvernance n’est pas une nouvelle forme de régime politique, elle est un nouveau mode de gestion du pouvoir. Elle a en partage avec les modes précédents la volonté de masquer la réalité en renouvelant la mythologie d’une démocratie qui serait l’actuel régime politique. Dans ce cadre, la déception de ceux qui organisent des espaces de débats lors de l’absence des décideurs et des techniciens n’est due qu’au décalage entre la mythologie démocratique que le système met en place de manière à empêcher une prise de conscience collective et la réalité d’un régime politique dur qui relègue le monde des idées au statut de bavardages.

Si les élus ardéchois ne sont pas venus au cycle de conférence des Amis de Tournico-Sol, c’est parce qu’ils avaient mieux à faire. Le fonctionnement de la procédure de décision politique rend inutile la réflexion des élus et des techniciens parce que la réflexion, dans cette procédure, se produit en amont de la décision. En aucun cas le savoir n’est produit collectivement. Comme l’a expliqué René Caillet, directeur de l’hôpital de Lens, en prenant l’exemple de la réforme « hôpital 2007 » lors de la conférence Tournico-Sol du 17/04/2004 : « nous ne savons pas où se prennent les décisions. » Comprenons : la procédure dilue l’action politique au point de rendre invisible les diverses responsabilités, au point qu’il n’est plus possible d’en identifier clairement les acteurs. L’éclatement du moment de la prise de décision en procédures préfigure en fait le destin de la vie dans l’Occident moderne, une vie brisée en de multiples facettes qui tombe dans l’insignifiance car l’éclatement en procédure que subit toute action fait perdre de vue les enjeux de fond de notre époque.

6. conclusion

Chacun l’aura compris, le thème de départ de ce texte, l’absence de certains acteurs aux conférences-débats des Amis de Tournico-Sol, était une bonne excuse. Il s’agissait malgré tout d’un événement suffisamment emblématique de notre époque pour provoquer une réflexion de fond.

Les trois temps de ce travail ont successivement démontrés qu’il n’y a pas d’espaces publics dans notre régime politique parce que, à l’inverse de ce que nous croyons, nous ne sommes pas en démocratie.

Le troisième temps de ce texte s’est employé à montrer comment la gouvernance tente un nouveau coup de force en mettant à profit l’acceptation généralisée de la notion de professionnalisme.
La professionnalisation généralisée des activités à laquelle nous assistons représente une tendance fondamentale du système vers la prise de contrôle de chaque individu dans ce qu’il accomplit et ce de manière à éviter toute réalisation autonome. Les propos de ceux qui mettent en place cette professionnalisation sont parfois d’une étonnante franchise.

Reprenons, par exemple, les termes d’un texte interne d’une fédération nationale d’associations sur l’articulation entre la professionnalisation et la volonté de mettre en place une réelle gestion des ressources humaines au sein de cette fédération :

« Le concept de professionnalisation définit les processus et dispositifs complexes visant à garantir pour les associations et les individus, l’élaboration des compétences nécessaires. On considère que la professionnalisation est cette dynamique visant à assurer une transformation continue des individus en accompagnement d’une transformation continue des contextes. »

Nous pourrions nous amuser de la novlangue pseudo-intellectuelle de ce passage [27] si le projet qui transparaissait derrière ces lignes n’était pas des plus inquiétants.

L’individu doit être en perpétuelle transformation de manière à suivre la déstabilisation organisée des structures de la société. Ce projet s’apparente typiquement au projet de création d’un « homme nouveau » des communistes aux heures les plus noires du totalitarisme.

Certains affirmeront que nous pratiquons un raccourci par trop évident pour être crédible en affirmant l’essence totalitaire du régime actuel. Cela est juste en un sens : nous ne vivons plus, à notre époque, l’expérience de la domination totale à l’image des camps de concentration nazis ou des goulags soviétiques. Cependant si cela est vrai sous nos tropiques (encore que nous ne connaissons pas vraiment les conditions de travail de certains esclaves modernes dans les ateliers clandestins de l’Occident, par exemple), nous sommes sous informés en ce qui concerne le reste du monde.

Nous savons cependant que le système que nous sommes en train de répandre à travers le monde, avec nos entreprises, notre personnel humanitaire, nos armées et le tourisme, est en train d’accoucher de montagnes de douleurs, qu’elles soient humaines ou animales. Cela n’est certes pas du totalitarisme mais signifie l’avènement d’un monde nouveau.

Il est intéressant de mettre en comparaison la phrase que nous avons citée plus haut, en particulier sur la « transformation continue des contextes » avec cette phrase d’Hannah Arendt :

« Dans l’interprétation totalitaire, toutes les lois sont devenues des lois de mouvement. Que les nazis parlent de la loi de la Nature ou que les Bolcheviks parlent de celle de l’Histoire, ni la Nature ni l’Histoire ne sont plus la source d’autorité qui donne stabilité aux actions des mortels ; elles sont en elles-mêmes des mouvements. » [28]

La promotion perpétuelle du mouvement à laquelle participe le professionnalisme est, en elle-même, le signe que quelque chose d’anormal est en train de se produire dans la société. Le fait que le professionnalisme soit désormais accepté par la majorité de la population ne doit pas nous rendre aveugle du mouvement fondamental qu’il constitue. La critique du professionnalisme ne doit pas être ressentie par tout un chacun comme une remise en cause de sa propre biographie. Elle doit, au contraire, constituer un élément émancipateur.

Acceptons l’idée que nous ne sommes peut-être pas autant éduqués que nous nous le faisons croire et que nous sommes soumis à un contrôle social très strict qui nous fait acquiescer à l’inacceptable en une œuvre de servitude volontaire peut-être sans équivalent dans l’histoire. Alors se posera à nouveau l’obsédante question de la nature de notre régime politique et de notre société toute entière.

Si nous avons démontré plus haut que nos structures politiques sont foncièrement oligarchiques, il nous semble cependant que nous n’avons pas tout dit, que nous n’atteignons pas la spécificité, la caractéristique unique, qui constitue notre époque. Certes, nous ne vivons pas dans le totalitarisme car nous ne faisons pas quotidiennement l’expérience de la domination totale. Mais pourtant, c’est bien ce régime politique qui est en train de détruire la planète de manière irréversible. Nous ne sommes pas dans la domination totale et pourtant nous assistons à la mise en œuvre de la destruction totale de la Nature [29] , au point que nous entrevoyons désormais la possibilité d’un monde où la survie naturelle de l’homme deviendrait impossible.

Hannah Arendt écrivait :

« Il se peut même que les véritables difficultés de notre époque ne revêtent leur forme authentique - sinon nécessairement la plus cruelle - qu’une fois le totalitarisme devenu chose du passé. » [30]

S’il est bien difficile de déterminer l’essence de notre régime et de notre époque, un effort de lucidité s’avère nécessaire pour chacun d’entre nous. Si nous n’avons jamais été citoyens, nous devons cependant poursuivre une lutte, entamée voilà bien longtemps, vers l’émancipation.

Christophe Hamelin - Août 2004

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éléments de réflexion sur notre régime politique

Notes

[1Nous décrivons la fonction de technicien telle qu’elle est officiellement explicitée. La réalité est toute autre, en particulier dans le cadre de la gouvernance, puisque les décisions sont généralement prises avant toute consultation. En réalité, la fonction de technicien est là pour faire croire que différents avis sont consultés, c’est-à-dire pour enduire d’un vernis « démocratique » un mode de décision qui est, nous le verrons plus loin, de type oligarchique.

[2Pour retracer l’historique du mépris dans lequel le travail a été tenu à travers les âges, cf. Robert CASTEL, Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard, 1995.

[3Notons qu’il serait très intéressant de se poser la question actuellement à l’heure où, par exemple, l’école ne fait qu’enseigner une version officielle de l’histoire, celle des « grands hommes », et ne permet pas aux enfants de se souvenir des luttes sociales locales passées. Par là, l’école déstructure toute tentative de fonder un sentiment local d’appartenance en créant une appartenance à une communauté nationale fondée sur des mensonges et des oublis historiques.

[4Hannah ARENDT, Condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Levy, Agora, 1983, p. 248.

[5Max HORKHEIMER - Theodor Wiesengrund ADORNO, La dialectique de la raison, Paris, Gallimard, Tell, 1974, p 31.

[6Aristote, Les Politiques, I, 4, 1253-b7.

[7Ainsi la France est-elle une république. Les mots sont très importants car le régime républicain, tel que décrit par Platon, est un régime qui a pour projet de fonctionner par les lois de la nature. Ce projet est le même que les projets de société national-socialiste (dans lequel la société s’organise autour du concept de race) ou communiste (dans lequel la société s’organise autour du concept d’histoire). Dans tous ces cas, ordre social et ordre naturel se confondent.

[8Nous aurions souhaiter utiliser ici le terme de « classe sociale » mais existe-t-il encore des classes sociales à part une classe moyenne obésifiée qui est devenue un vrai fourre-tout suite à la mise en pièce du système de classe à laquelle nous assistons depuis maintenant plusieurs décennies ?

[9Hannah ARENDT, op. cit., p. 287.

[10Platon, La République, VII, 550d.

[11Aristote, op. cit., IV, 4, 1290, b.

[12Ibid., IV, 4, 1290-b15.

[13Jean Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, Union Générale d’Édition, collection 10/18, 1973, p. 166.

[14Aristote, op. cit., IV, 9, 1294-b6.

[15Ibid., IV, 15, 1300-a40

[16Platon, op. cit., VIII, 551a

[17Ibid., VIII, 554a

[18Ibid., VIII, 551e

[19Ibid., III, 405-b

[20Aristote, op. cit., IV, 14, 1298-b26

[21il est intéressant de se reporter à la dernière phrase de la citation d’Aristote sur les préparateurs. Certes le CLD n’est pas le peuple, il n’est en effet composé que des acteurs déjà dominants sur le territoire et n’a donc aucune légitimité en tant que tel.

[22Cette professionnalisation dépasse d’ailleurs le seul mode de prise de décision et touche d’autres segments de la vie des élus. Ainsi les partis politiques participent-ils à ce mouvement en offrant des formations à leurs élus, pour être des élus « efficaces » (le terme d’efficacité est ici tout à fait à propos car il se situe clairement dans les catégories de fin et de moyen) et ce, de manière à créer des « poulains » qui pourront contrer les candidats d’autres partis localement. Les partis entraînent les « petits » élus à briguer d’autres postes plus importants.

[23Il est important de noter que nous rangeons également dans cette catégorie les professionnels de l’insertion ou de l’éducation spécialisée.

[24cité in ARENDT Hannah, Les origines du totalitarisme, Paris, Gallimard, Quarto, 2002, p. 822.

[25Ibid., p. 826.

[26Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales

[27Il serait, par exemple, tout à fait amusant de demander aux auteurs de ces lignes ce qu’ils entendent par « processus et dispositifs complexes » dans le cadre de la professionnalisation. Tout aussi intéressante serait la question de savoir comment ils comprennent le concept de « complexité ».

[28Hannah ARENDT, Les origines du totalitarisme, op. cit., p 817.

[29Par Nature nous comprenons non seulement la nature telle que la faune et la flore mais également la nature de l’être humain (sa spontanéité, son rire, sa colère, etc.).

[30Hannah ARENDT, Les origines du totalitarisme, op. cit., p 813.

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