20 novembre 1976 : création du Collectif Utilitaire Lyonnais

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C’est le 20 novembre 1976 que le C.U.L. ouvrait au 44, rue Burdeau dans les pentes de la Croix-Rousse, un lieu collectif, ouvert et politique. Plus de 40 ans plus tard ce lieu, s’il a depuis un peu changé, existe toujours. En 1985 une interview dans la journal IRL présentait le projet initial.

Cette interview est extraite du numéro 61 (Mai-Juin 1985) d’IRL, Informations et réflexions libertaires.

Comment est né le Collectif utilitaire lyonnais ?

Le CUL est issu de la destruction par explosifs, en septembre 1976, d’un restaurant anarchiste : Le Goût de canon, qui se trouvait rue Burdeau, tout près de notre local actuel [1]. Après cet attentat, à quelques-uns, on a décidé de louer un local pour faire, non un resto, mais un lieu de rencontre branché sur les différents domaines de la vie quotidienne, tels que la bouffe ou le logement. Dans ce local qui était au préalable dèjà un lieu communautaire, on a démarré par un petit collectif bouffe, où celui qui avait une occase de pinard, de saucisson ou d’autre chose l’achetait en gros et le ramenait au CUL, où c’était redistribué. On avait aussi envie de mettre en commun des outils, dans un atelier...

Les choses ont un peu traîné, de 1976 à 1978 : le local était complètement pourri, il fallait le retaper. Des tas de gens passaient. En 1978, des lycéens sont arrivés, et puis d’autres militants avec la fin d’un Comité Populaire que des "maos" animaient à la Croix-Rousse. L’atelier de sérigraphie et le collectif bouffe ont alors été montés. Et le CUL a commencé à s’investir plus régulièrement sur le quartier, en s’occupant du logement et en tissant tout un réseau de relations...

Au départ, on voulait reprendre l’action du Comité Populaire par rapport aux expulsions de la Grande Côte. On a commencé à bosser sur la rénovation du quartier, mais ça s’est cassé la gueule, parce que les gens n’étaient pas tellement motivés pour faire des trucs par rapport à l’habitat, en fait : ceux qui étaient expulsés de leur appart partaient sans se bagarrer. Alors, on a arrêté.

Il y avait des activités à l’intérieur du CUL, et d’autres qui se développaient à l’extérieur, à partir du CUL ?

Oui. On a un peu cafouillé au départ, parce qu’on essayait de faire une sorte de centre social sur le quartier, avec cours de guitare, d’espagnol et d’italien. Cela demandait vachement d’énergie et les gens du quartier ne venaient pas tellement. À cette époque, le CUL était complètement en dehors du milieu anar : il y avait des anars au CUL, bien sûr, mais ils étaient en dehors de ce qu’on appelle « le mouvement ». Le CUL est devenu une composante du mouvement seulement avec "les Journées libertaires" que nous avons décidé de co-organiser à Lyon en 1981.

Quelles sont les activités qui existent actuellement ?

On organise une braderie régulièrement...

Pour l’auto-financement du local ?

Pas seulement : des centaines de gens passent à la braderie, des punks anglais aux Mauritaniens. Ils demandent ce qu’on fait, discutent avec nous. La vente de fringues est donc un bon moyen de rencontrer les gens. On connaît tout le monde dans le quartier, immigrés ou Français. De plus, la braderie ne demande pas beaucoup d’investissement et elle nous rapporte un peu de fric. On installe une table de presse militante gratos à l’entrée.

Il y a aussi le collectif bouffe, qui regroupe une trentaine de personnes du quartier. Des proches, et d’autres qui ne savent même pas ce que c’est que le CUL, enfin tout au moins qui ne s’y investissent pas. Tous cotisent pour payer le local : ils assument une partie fixe, à peu près le quart des frais. Avec les jeunes surtout, on a des relations plus poussées : ils savent ce que sont les anars, ils viennent quand on fait des trucs, pas seulement aux permanences du collectif bouffe.

Le collectif bouffe prend une bonne tournure : il va tenir un stand dans plusieurs fêtes, animées par les antimilitaristes ou les libertaires. Il a fait des émissions radio sur Radio-Léon ... et il fait partie d’une coordination des collectifs bouffe qui existe depuis deux ans sur la région lyonnaise, et regroupe pas mal de gens sur Lyon et Villefranche. C’est typiquement le truc alternatif, qui vise à établir des relations, un circuit direct du producteur au consommateur, pour essayer de dépasser le niveau bouffe-approvisionnement, et de faire autre chose, après, par rapport au Tiers Monde ou aux luttes dans les campagnes, par exemple.

Une des premières idées, réalisées par le CUL, était d’avoir des machines à laver dans un lieu collectif plutôt que d’acheter chacun sa machine. Au départ, on voulait faire comme un Lavomatic où les gens pourraient venir faire leur lessive, ce qui leur permettrait de se rencontrer pour faire autre chose ensuite. Ça n’a jamais vraiment bien marché avec les gens du quartier, en fait : seuls les gens qu’on connaît bien viennent, sans doute parce que c’est ouvert seulement quelques heures dans la semaine, et que les machines ne rendent pas autant de services que celles d’un Lavomatic.

L’atelier mécanique fonctionne à plein rendement. La réparation des bécanes draine pas mal de gens, et ça fout drôlement la pêche quand des mecs de l’extérieur viennent ...
Il y a également un atelier de sérigraphie-reprographie : on a commencé à tirer (à 4000 exemplaires) un journal de quartier qui s’appelle L’Echo des pentes, qu’on diffuse gratuitement dans les boites aux lettres, et dont le premier numéro est sorti en décembre. Dans ce journal, on traite les problèmes spécifiques du quartier. Le dernier numéro a parlé de la circulation, du stationnement.

On possède aussi du matériel en commun, entre autres des planches à voile et des paires de ski. On essaie d’aménager nos loisirs, et comme souvent on les passe ensemble, on s’est dit que ce serait bien d’avoir des trucs en commun, pour nous, mais des trucs qu’on prête aussi.

On organise aussi des débats (le dernier, sur les Kanaks, a rassemblé une quarantaine de personnes) et des expositions (sur le Nicaragua, l’objection de conscience, les Minguettes). On colle des affiches dans le quartier, on les vend aux puces le dimanche matin, on diffuse les tracts et la presse libertaire sur le marché...

On fait des fêtes sur le quartier, de temps en temps. On a un projet qu’on voudrait réaliser avec une dizaine d’associations, une sorte de kermesse-bal, parce qu’il n’y a pas eu de fêtes depuis une éternité sur les pentes ...

- On a pris contact avec une autre association qui bosse sur la circulation. L’Echo des pentes ne se veut pas spécialement anar : c’est avant tout un journal de quartier, fait par un collectif d’habitants du quartier, même si, c’est vrai, la plupart de ceux qui s’en occupent sont anars.

Comment fonctionne le CUL ?

C’est un lieu de relation, un lieu où les gens passent. On y trouve la presse et les affiches libertaires. Le CUL fonctionne par cotisations : 9 personnes à la base cotisent, qui assurent tout le temps les permanences, animent et prennent en charge le collectif. Du 12 au 26 janvier, on a organisé une exposition (ouverte tous les jours) d’affiches antimilitaristes faites depuis 1969 à Lyon, par exemple. On peut mettre en place ce genre d’activités parce que pas mal de gens s’y investissent. Les affiches ont été recueillies pour la plupart par le Centre doc anarchiste de Lyon et des individus qui, à un moment donne, ont milité au groupe Insoumission, au GARM ou comme OP 20.

Au départ, on a pris plus ou moins comme exemple les Athénées libertaires de Barcelone, avec le désir de fonctionner comme ça, en s’ouvrant sur le quartier...

Il faut dire aussi que la Croix-Rousse, c’est un peu spécial comme quartier à Lyon. Il y existe des tas d’associations : dans les années 70, tout ce qui était marginal, alternatif, s’y est installé. On a déjà bossé avec certaines de ces associations, pour organiser une contre-campagne contre l’insécurité.

Une union des commerçants du coin, chapeautée par le RPR, avait enfourché le cheval de bataille de l’insécurité : ils voulaient carrément des îlotiers, des CRS, des commissariats partout. 15 000 trucs. Alors qu’en fait sur la Croix-Rousse, de l’avis même des flics, c’est calme, par rapport à ce qui peut se passer ailleurs. On a pondu des tracts et une affiche, disant qu’on ne voulait pas de couvre-feu à la Croix-Rousse, que tout ce qu’ils affirmaient était faux... Et on a essayé de faire passer d’autres trucs, de dire que l’insécurité ne se réglait pas par la répression.

On n’en a plus entendu parler. L’union des commerçants avait tenu deux réunions, auxquelles on était allés pour voir ce qu’ils racontaient : vraiment du délire ! On a donc fait notre contre-campagne : une dizaine d’associations et de commerces (parmi lesquels un resto bio, un potier, un luthier...) ont signé au bas de notre affiche. Eh bien, ils ont laissé tomber : grande victoire du prolétariat !

P.-S.

Le local qu’occupait le C.U.L. est devenu depuis quelques années le local de l’UD CNT 69, toujours au 44, rue Burdeau.

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  • Le 7 juillet 2014 à 09:11, par nguyen

    Le local a ete rehabilite recemment par une bande de branquignols mais le resultat est tres pro. Il est ouvert le jeudi soir pour discuter et boire un verre.

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