Une peine de prison ferme multipliée par 12 ! Compte-rendu n°9 des audiences de la Cour d’Appel de Lyon

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Comptes-rendus de justice

Une peine de prison ferme multipliée par douze !

Le prévenu, aujourd’hui, est accusé d’avoir lancé une canette vide en direction des forces de l’ordre place Bellecour le jeudi 21 octobre ; il a pris pour cela 3 mois avec sursis en comparution immédiate. Le parquet, qui avait demandé 3 mois ferme, a fait appel.

Il est titulaire d’un CAP installateur thermique et est employé dans un collège comme plongeur, ce qui froisse le juge et ses conseillers : La conseillère Wyon demande plusieurs fois « Pourquoi vous ne travaillez pas dans ce secteur ? Vous êtes allé au pôle emploi ? » Le président de la quatrième chambre, Burkel, grand Monsieur-je-sais-tout, continue : « C’est recherché ce genre de métier, si vous vous baladez devant les agences d’intérim vous verrez les panonceaux, on recherche des pombiers ». Sans prendre en compte du tout le fait qu’il est très souvent exigé plusieurs années d’expérience pour trouver du travail. Et quand le prévenu dit qu’il n’a pas de permis pour travailler, ce qui est indispensable pour travailler dans ce secteur, la Cour n’y prête aucune attention.

Étonnamment, la Cour porte à son crédit le fait qu’il n’a pas voulu prévenir ses parents quand il était en garde-à-vue : preuve qu’il regrette, qu’il a honte, qu’il n’est pas fier... Wyon attaque rapidement, excluant sans la moindre gêne toute personne qui a commis un délit de la « République » : « Vous êtes passé de l’autre côté de la barrière qui sépare les citoyens des délinquants ». C’est étonnant qu’on ne dise jamais cela à nos politiques qui détournent des millions, ou qui tiennent des propos racistes... Burkel arrive, dans un grand effort de mauvaise foi, à transformer l’absence de casier judiciaire en circonstance aggravante : « Vous n’avez jamais eu affaire à la police, donc vous n’avez pas de raison d’avoir du ressentiment ! » Wyon, cette fois-ci, épargne au prévenu sa leçon de morale habituelle : « Votre père vous a dit pire que moi ». (Ainsi, pour une fois, la mère n’est pas évoquée par la cour, elle est simplement disqualifiée par le père...)

Le procureur Ponsard sort son couplet sur « la démocratie est un régime fragile » mais, cette fois, l’agrémente d’une peur complètement aberrante au vu de la situation d’octobre en évoquant une « tentative totalitaire » et en rappelant que « le fascisme ça existe, qu’il soit rouge, noir ou brun ». Il réclame 6 mois dont 3 avec sursis.

Face à ces réquisitions aberrantes, l’avocate du prévenu, Houppe, n’a pas tort de rappeler que « la justice doit garder la tête froide ». En revanche, elle conserve la catégorie « casseur » en demandant à la cour de « ne pas faire de lui l’emblème de ces casseurs auxquels il n’appartient pas ». Elle rappelle qu’il est parfaitement intégré, qu’il a un diplôme qualifiant, qu’il est dans une famille très solide avec de bonnes bases éducatives, son père travaille au ministère de la défense.

Finalement cette défense paie et le prévenu ne prend "que" 4 mois avec sursis et 500 euros d’amende.

Suit un procès surréaliste au cours duquel le président Burkel reproche à un prévenu d’avoir un opinel : « Pourquoi vous vous baladez à Lyon avec ça, y’a pas d’pissenlits ici ». Le même juge continue en estimant qu’« en entrant en Maison d’Arrêt il faut entamer une formation et pas se comporter en assisté à attendre la sortie »... Comme si les formations étaient faciles à obtenir dans les maisons d’arrêt surpeuplées, comme si quand on est à 3 dans 9 mètres carrés on a envie d’étudier, comme si on devait se sentir redevable d’une société quand elle nous enferme !! Il reproche au prévenu de s’être fait exclure d’un foyer, alors que ce dernier explique qu’il a été viré pour 4 minutes de retard car il finissait le travail trop tard pour rentrer avant la fermeture.

Aujourd’hui les juges révisent leurs tables de multiplication : une personne racialisée rrom est accusée de tentative de vol à la tire dans le métro. Condamnée à 2 mois ferme en comparution immédiate, en cour d’appel elle en prend pour 2 ans ! La peine est multipliée par 12, rien que ça. Le président l’annonce sans sourciller, alors que des cris de stupeur, de colère et d’effroi parcourent toute la salle, pendant que les proches se retirent en pleurant.

Un accusé se présente à la barre : arrêté le 19 octobre pour un jet de fumigène place Bellecour. Les flics de l’hélicoptère ont filmé toute la scène, mais pas de chance, il y a eu un problème avec la carte mémoire qui est détruite. Comme d’habitude, aucun film n’est utilisable. (Rappelons ici qu’aucune image vidéo montrant les faits reprochés aux multiples accusés n’a jamais été produite par les flics). En comparution immédiate il a pris 3 mois avec sursis alors que le procureur avait demandé une peine ferme d’un mois... ce qui a amené le parquet à faire appel.

Peut-être est-ce le ridicule de cette situation qui amène tout le monde à l’indifférence face à ce procès, à part peut-être le président Burkel. Il demande au prévenu pourquoi il prend la fuite quand les flics arrivent... alors qu’aux autres il leur reproche d’être restés... quoi qu’on fasse, il faut savoir que devant cette cour, c’est une circonstance aggravante !

Le procureur Ferron dresse un portrait du prévenu : c’est quelqu’un qui ne sait pas ce qu’il fait sans motivation ni politique ni sociale. Ce n’est pas un héros comme ceux de la 2e guerre mondiale, il est sans courage, il ne sait pas quoi faire de ce fumigène qu’il a ramassé par terre. Pour cela, il demande 4 mois de prison ferme.

L’avocat du prévenu, très peu expérimenté, demande la relaxe sans motif aucun, au terme d’une plaidoirie vide de contenu, à part avoir dit que « c’est pas une pierre de 1 kg », ce qui est surréaliste quand on sait que le prévenu suivant est précisément accusé d’avoir lancé cette pierre de 1 kg ! D’ailleurs, en privé, l’avocat s’excusera d’avoir ainsi plombé le suivant, invoquant qu’il ne savait pas qu’il passerait juste après...

Le prévenu suivant est accusé d’avoir jeté la fameuse pierre de 1 kg le 19 octobre. En comparution immédiate, il a été condamné à 6 mois dont 3 avec sursis, alors que le procureur en avait demandé 6 ferme. Il doit aussi payer 700 euros à la victime.

L’avocat qui défend le flic Fabrice Olie, blessé à la cheville, demande 1800 euros en cumulant les dommages et intérêts et les honoraires de la défense.

Quand le procureur Ferron fait sa plaidoirie, le juge Sermanson le regard d’un air admiratif, tout sourire. Les réquisitions sont de 12 mois dont 6 de prison ferme.

L’avocate du prévenu, Cipriani, estime que « la foule c’est quelque chose de terrible » et veut requalifier le délit en violence involontaire en invoquant le ricochet de la pierre, ce qui apparaît complètement désespéré. De fait, le président Burkel la coupe en invoquant une jurisprudence de Nîmes en 2001.

Finalement la cour suit le parquet et prononce 12 mois dont 6 avec sursis, c’est-à-dire 6 mois de prison ferme, plus 1600 euros à payer à la partie civile.

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Cour d’appel = sens interdit à Lyon

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