Universités - Libéralisation des esprits

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La LRU enfonce le clou sur l’idée que le gouvernement se fait de l’organisation de l’université, de sa gestion, et de son rôle. Présenté comme un salut économique, l’université est livrée en pâture aux grands groupes industriels. Ce phénomène, loin d’être nouveau, s’accompagne d’un façonnement des consciences au sein même des facultés. Spéciale dédicace à l’université Lyon1.

Thésard chapeauté par un industriel à l’université de Lyon1, témoin direct des conséquences dramatiques que les concepts idéologiques du libéralisme ont sur l’organisation de la recherche et de l’enseignement, j’écris ces quelques lignes sur ce qui me semble être une libéralisation des esprits universitaires.

La LRU enfonce le clou sur l’idée que le gouvernement se fait de l’organisation de l’université, de sa gestion, et de son rôle. Présentée comme un salut économique, l’université y est livrée en pâture aux grands groupes industriels.
Ce phénomène, loin d’être nouveau, s’accompagne d’un façonnement des consciences au sein même des facultés.
Dans le domaine des sciences industrialisables (physique, chimie, bio, etc..) la gangrène progresse à tous les niveaux !

Ce qui suit est spécialement dédicacé à l’université Lyon 1, qui fait preuve de bon élève aux yeux du MEDEF dans sa politique « d’ouverture » sur les entreprises.

Libéralisation de l’enseignement

Les formations de type professionnelles (IUP, DUT ou DESS) se multiplient de plus en plus, et quasiment toutes les filières fondamentales possèdent un, voire plusieurs équivalents orientés insertion en entreprise.
La création de ses formations répond le plus souvent à une attente du marché de l’emploi. Beaucoup d’étudiants se laissent séduire en espérant se préserver d’un avenir marqué par le chômage et la précarité.
Ce phénomène n’est évidemment pas un hasard et découle des choix politiques des gouvernements successifs [1].

Ainsi il est devenu très courant d’avoir certains enseignements dispensés par des ingénieurs ou des patrons qui, bien évidemment, proposent des stages, et promettent des CDD ou CDI. Ces pratiques sont présentées comme des "ouvertures" sur l’entreprise afin que les étudiants comprennent mieux les attentes des industriels.
C’est ainsi que les émissaires du patronat sont autorisés à venir déverser leur propagande de bonne conduite libérale pour s’assurer de la docilité de leur future main d’oeuvre.
On dresse les étudiants à accepter l’organisation de l’entreprise telle qu’elle existe. Rien d’étonnant là-dedans, quand on sait que le système scolaire véhicule des valeurs de dominations qui structurent la société tout entière.

À titre d’exemple, on peut lire sur le site de Lyon 1, pour la présentation du master professionnel Physique et Technologie (M2) - Caractérisation et Gestion de l’Atmosphère, dans la rubrique « partenariat et moyen pédagogiques » : “Cette formation [...] a été élaborée en partenariat étroit avec : (en première position) les industries de production (chimie fine R.P, pétrochimie Total, énergétique nucléaire EDF, COGEMA, AREVA), le pôle de compétitivité AXELERA, etc...”
La plaquette annonce même que certains cours seront donnés par des industriels. On voit ici que cette collaboration “étroite” est présentée comme un atout, et cet argument est très bien reçu par les étudiants.

Dans ce type de formation (très à la mode) les objectifs et les partenaires sont clairement affichés, pas besoin de détours. Les programmes sont définis selon les besoins du marché, et certains se font grassement payer pour venir prêcher la bonne parole.
Comment et qui choisit ces « intervenants » ? On imagine aisément qu’il n’y a aucun contrôle officiel et qu’il suffit d’appartenir à une entreprise « innovante » pour avoir ses entrées dans les salles de cours.

Le phénomène n’épargne pas les formations doctorales : on impose aux thésards de suivre des "modules d’insertion". Ces modules sont obligatoires et rentrent en compte dans l’obtention du titre de docteur. Les thèmes abordés vont de « savoir rédiger un cv », à « comprendre la logique de l’espionnage industriel », en passant par « comment valoriser sa thèse pour mieux se vendre aux entreprises ».
Il se met en place tout un arsenal de propagande visant non seulement à attirer les doctorants dans les milieux industriels, mais également à convaincre l’entreprise de venir investir dans l’université.

Ainsi l’Association Bernard Grégory [2], dans le hors série de décembre 2007 de son magazine "Docteur & Co" , donne libre parole à Laurence Parisot pour promouvoir les relations entreprises - docteurs. On peut y lire notamment ceci : “35%. C’est la proportion de docteurs qui se dirigent vers l’entreprise après leur thèse. Ce pourcentage révèle à la fois l’attrait de l’entreprise pour les docteurs et la marge de progression encore envisageable.
Ça a le mérite d’être clair, pour le MEDEF 35% ce n’est pas suffisant. Peut-être leur faudrait-il 100% ? À ce rythme là, les connaissances ne seront plus publiques, mais dans les mains des grands groupes financiers.

Autre exemple de propagande : la JED (Journée Entreprises Doctorants) qui aura lieu le 7 février 2008. Chapeautée par la Fédération Syntec, organisme patronal et relais de propagande du MEDEF, cette journée "a pour objectif de rapprocher le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche avec celui de l’entreprise". Tout un programme.

Etre compétitif, savoir se vendre, répondre aux attentes techniques des industries, avoir la « culture d’entreprise », etc... Voila ce que l’université nous apprend de plus en plus.
Cette logique progresse très rapidement et contribue non seulement à l’affaiblissement des filières fondamentales, malheureusement de plus en plus soumises elles aussi aux règles du marché, mais également à faire accepter et intégrer complètement cette logique libérale du travail.

Libéralisation de la recherche

Les premiers touchés par cette vague libérale sont les thésards, acteurs essentiels (et exploités) dans le monde de la recherche.
Avec la prolifération des bourses CIFRE (Conventions Industrielles de Formation par la REcherche), l’État favorise de plus en plus les subventions aux entreprises au détriment des bourses ministérielles. La logique est assez simple : en échange de la subvention de l’État (équivalente à une bourse normale), l’entreprise fait signer un contrat de travail au thésard et signe un contrat de collaboration avec le laboratoire d’accueil.
Les bourses CIFRE apportent aux laboratoires non seulement un étudiant, comme dans le cas de bourses ministérielles, mais aussi des sommes d’argent importantes, qui constituent bien souvent des apports financiers très loin d’être négligeables !
Pour les industries, l’opération est extrêmement intéressante car, pour un investissement très minime, ces contrats leur donne accès non seulement aux compétences, savoirs et équipements des équipes de recherche, mais également à la propriété intellectuelle des travaux effectués.

Cette prostitution du savoir coûte très cher à la liberté des recherches. Poussée par le besoin de financement, l’université se transforme en véritable entreprise de prestations et cela a des répercussions dans l’organisation du travail.
Certaines personnes se spécialisent dans la chasse au contrat. Les recherches, études ou analyses doivent être effectuées dans un délai imposé par l’industriel.
Pour des petits laboratoires universitaires non CNRS, l’activité de recherche tourne quasi-exclusivement autour des contrats industriels. Les structures plus importantes arrivent tant bien que mal à dégager du temps et de l’argent pour des programmes de recherche moins liés aux demandes du marché.

L’ « industrialisation » de l’université semble aussi avoir déteint sur la recherche fondamentale. Sous prétexte de mieux cibler les financements, il est très courant de devoir justifier la mise en place d’un projet avec une application concrète à court, moyen ou long terme. Autrement dit, on raisonne en termes de productivité - le concret du projet - et d’efficacité - l’échéancier de sa réalisation.
On peut fortement douter de la pertinence de telles valeurs pour évaluer la qualité d’un travail, surtout dans le domaine de la recherche. Valeurs directement héritées du productivisme. Et on imagine assez bien que ces critères sont un moyen de contrôle efficace sur les activités scientifiques.

Dans le même registre, il existe le système de publication scientifique sur lequel des indicateurs sont calculés selon des critères établis par le « marché du savoir dominant ».

La gangrène libérale progresse, et malheureusement beaucoup d’enseignants-chercheurs restent complétement démobilisés.
Le personnel de l’université est fortement divisé, que se soit entre laboratoires ou entre catégories professionnelles.
La LRU va amplifier encore plus la situation en précarisant les salariés.
La technique est bien rodée, la libéralisation avance...

Universitaires, ne courbez plus l’échine devant le patronat, car vous finirez par ramper à leurs pieds !

Notes

[1Bernard Convert l’explique très bien dans son livre « Impasses de la démocratisation scolaire » édition Raison d’Agir.

[2Il
s’agit d’une association pour les thésards et jeunes docteurs dont le
mots d’ordre est « de la thèse à l’emploi ». On peut y trouver des thèses,
post-doc, boulots, etc.. étalage de précarité et vitrine pour les
entreprises, on comprend mieux pourquoi ils donnent parole libre au medef.

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  • Le 10 février 2008 à 10:41

    Il s’agit du dernier message validé dans ce forum car à un moment il faut savoir arrêter un débat virtuel...libre à vous de vous échanger vos mails pour continuer ... ou de vous voir en vrai !

    Pour Rebellyon, pilouz, cocoP.

  • Le 10 février 2008 à 06:13, par SiiL’

    « En l’occurence, le combat mené consiste à introduire la recherche dans l’entreprise »

    Non.

    En l’occurence, le combat mené consiste à introduire l’entreprise dans la recherche.

  • Le 10 février 2008 à 06:10, par SiiL’

    « libérer l’entreprise des considérations uniquement financières »

    Euuhhhhh....

    Non, je crois que tu fais fausse route.

    La dominante actuelle est bel et bien de rameuter les chercheurs du public vers des filières du privé. Je ne sais pas si tu as lu l’article du Monde Diplo en référence, mais c’est bien ce qui est en cause . La question n’est pas de savoir ce qui serait bon pour l’entreprise, ou pas (se libérer des considérations uniquement financières, là je crois que tu planes : mais sûrement, oui, serait-ce bon pour l’entreprise... et ceux qui y travaillent.) La question est de savoir si la recherche publique va être encore capable, même à court terme, de fabriquer de la connaissance POUR de la connaissance, et pas pour autre chose (des considérations financières, par exemple.) Ca n’en prend pas le chemin, et ça fait un bout de temps que le chemin a bifurqué. Ta phrase implique donc que les « produits » de la recherche ont vocation à être « intégrés » par les entreprises. Mais la Recherche ne fabrique PAS des « produits », échangeables contre espèces sonnantes... Si ? Ou alors, il faut le dire clairement. La connaissance devrait appartenir à tout le monde, et le seul système des brevets a déjà fait preuve de tout le cynisme (et de toute la dérive monétariste) dont il était capable.

    « permettre à nous techniciens d’exercer des métiers qui nous plaisent, et de nous affranchir des jobs standardisés pour travailler sur des problèmes techniques intéressants »..

    Intéressants ? Et alors ?

    Pourquoi serait-ce une raison pour invoquer l’entreprise ? Tu ne peux pas t’intéresser à « un problème technique intéressant » en-dehors de toute notion de rentabilité ? Pourquoi le public ne pourrait-il pas t’offrir cette opportunité ? Pourquoi Chercheur ne pourrait-il pas être un métier au moins aussi plaisant que Technicien ?

    Et puis pourquoi célébrer l’entreprise au prétexte qu’elle peut « t’affranchir des jobs standardisés » quand tant de gens travaillant en entreprise ONT des jobs standardisés ?

    Je suis totalement d’accord avec l’auteur de cet article. Encore une fois, le Privé est en train d’accaparer un domaine où il n’a strictement rien à faire, à part du mauvais (à long terme, pour tout le monde), ou du profit (à court terme, et pour certains). En bref, que de la merde.

    Toujours pareil. On bosse pour les mêmes enflures souriantes et grasses, sauf que là, on va s’y mettre un peu plus tôt.

    D’ailleurs les « stages » en entreprise sont monnaie courante à partir de la troisième, je te le rappelle. Nestlé et Coca-Cola sont d’ores et déjà « partenaires » de la rédaction de certains manuels (d’Histoire-Géo en particulier, mais aussi de Physique, de Biologie...). Ce n’est que le début. Si tu penses que je vais trop loin, je n’ai rien d’autre à te dire que « attends voir »... Monsanto au programme de 2de, je le verrai de mon vivant si rien ne pète avant. Si on y réfléchit bien jusqu’au bout, ces satanés fonctionnaires de l’Education Nationale payés avec nos impôts fabriquent en fait de futurs diplômés embauchés par les entreprises capitalistes... Un transfert colossal de la dépense publique vers le profit individuel. Donc rien que de très normal si Nestlé, Coca ou Monsanto participent, en somme... Tu vois, c’est le même tour de passe-passe qui permet à un Sarkophage de plaider pour le financement de la télé publique par les profits publicitaires des chaînes privées.

    Arrêtons de se voiler la face. Les entreprises, pas plus que les flics ou les vigiles, n’ont quoi que ce soit à faire à l’intérieur d’une fac.

    Ah oui. T’as vu, t’as pas été censuré. Tes « fortes craintes » étaient infondées. Mais c’est encore un autre sujet.
    C’est pas TF1 (ou n’importe quelle autre chaîne de télé vie de con d’ailleurs) ici :))

    Cordialement,

    SiiL’

  • Le 7 février 2008 à 18:04, par bubu

    Effectivement, j’utilise le terme propagande et ce n’est pas un hasard ! La propagande vise à propager une opinion et contribue à l’intégration de concepts dominant dans la doxa.
    Par exemple, plus personne ne s’étonne de la prolifération des filières pro, alors que la vocation de l’université est de produire des connaissances et de les transmettre, pas de préparer à un métier précis !

    Pour moi cette journée est une pierre de plus à l’édifice libérale car elle contribue à la professionnalisation des formations doctorales, incitant les étudiants à choisir préférentiellement des sujets offrant plus de perspectives dans l’industrie ou ayant un caractère applicatif très fort.
    Quand on sait que les thésards sont vitaux pour l’activité d’un laboratoire, on peut fortement douter de l’indépendance des activités de recherche. Je ne parle même pas du regard critique sur l’activité du « partenaire financier » si il s’agit d’un contrat cifre.

    Concernant la finalité "professionnelle" de l’université, je suis contre lui donner un rôle qu’elle ne peut assumer sans perdre son indépendance et sa liberté. D’ailleurs historiquement elle n’a jamais eu vocation à former les étudiants pour des professions précises.
    L’idée qu’elle doit permettre de trouver un boulot (en dehors des professions universitaires) découle des (mauvais choix) politiques de scolarisation de l’enseignement supérieur.
    L’université a dû assumer (et assume) la très forte augmentation des titulaires du baccalauréat, car si la population universitaire augmente, ce n’est pas parce que les étudiants sont tous attirés par les études, mais c’est parce qu’il y a très peu d’alternatives au niveau des études supérieures.
    Les étudiants ayant accès à l’université, attendent donc une concrétisation de leur savoir sur le marché de l’emploi, ce qui est tout à fait compréhensible. Pour répondre à cette « attente » (fortement conditionné par une précarisation et un chômage grandissant), l’université a donc développé des filières « pro ». En termes de savoir techniques, ces filières ne sont pas fondamentalement différentes des filières classiques. La différence ce fait surtout sur les moyens mis en œuvre pour séduire les entreprises. Et pour que ces filières soient attirantes, il faut faire du pied à ceux qui embauchent. Se pose alors le problème de l’indépendance de l’enseignement vis-à-vis du marché. Par exemple, en formant les gens à mettre en place les nouvelles normes environnementales, on les incite indirectement à accepter ces normes comme étant des mesures agissant pour le bien de l’environnement (on appel ça « développement durable »). Mais au final c’est une manière de ne pas remettre en cause toutes les industries qui utilisent ces normes comme un « droit de polluer ».Surtout quand certaines peuvent devenir des partenaires financiers.
    Les étudiants sortant de filières classiques sont tout aussi capable, techniquement, de travailler en entreprise. Par contre ce qu’on leur reproche souvent c’est de ne pas être adapter au monde du travail. Plusieurs qualificatifs existent : immatures, peu efficaces, déconnectés des réalités, etc..
    Et oui certains ne comprennent rien à la « réalité » de l’entreprise, et c’est tant mieux !
    Seulement il faut bien gagner sa croute, donc on se plie aux exigences du marché et on fait une filière pro pour augmenter ses chances de bosser.
    Il ne s’agit donc pas vraiment d’un problème de compétences, mais plutôt d’un chantage sur le chômage (tiens donc). Et ce qui est très inquiétant c’est que l’université joue le jeu.

    Si on prend l’exemple des filières littéraires, je pense qu’elles mettent à jours ce décalage énorme entre cette nouvelle conception de l’université et ce qu’elle peut et dois effectivement apporter. La littérature, l’histoire, etc.. . sont des disciplines qui sont très représentatives d’un savoir qui n’offre que très peut de perspective en entreprise, mais qui sont primordiales pour la richesse culturelle et l’esprit critique. L’importance de l’existence de ces facs de lettres est indépendante de leur capacité à intégrer des étudiants dans l’entreprise.
    Il en est de même (ou devrait en être) pour les facs de sciences, seulement à cause d’une possibilité très forte de concrétisation des savoirs, on a tendance à accorder de plus en plus d’importance à son rôle « d’intégration professionnnelle ».

    Est-ce que le problème vient de l’université si les entreprises ne veulent pas embaucher les étudiants « immatures » ?

  • Le 1er février 2008 à 19:02, par pierrot69

    Bonjour à tous,

    en espérant ne pas être censuré, ce que je crains fort. Ca me permettra de voir si vous souhaitez continuer le débat ;-)

    Un préambule : nous sommes tous d’accord sur la nécessité de maintenir une recherche fondamentale de haut niveau. Elle est absolument indispensable, tant pour la compréhension du monde qui nous entoure que pour les recherches plus appliquées.

    Un deuxième préambule : vous craignez que l’université soit vendue aux entreprises. Je peux vous garantir que ceux qui souhaitent la dissolution de l’université dans des structures ultra-privatisés ne sont pas présents sur la journée que nous organisons.

    Vous parlez de la journée entreprises-doctorants du 7 février (JED’2008). J’en suis le chef de projet - je suis thésard en informatique. Et je peux vous garantir qu’il ne s’agit pas de vendre l’université aux entreprises, loin de la. L’enjeu est de savoir si le savoir créé par la recherche dans les domaines technologiques est destiné à rester au placard, ou s’il peut être utile. En l’occurence, le combat mené consiste à introduire la recherche dans l’entreprise.

    C’est ce qui permet :

    1) de libérer l’entreprise des considérations uniquement financières en lui donnant l’occasion d’intégrer les produits de la recherche (qui elle, est bien faite en toute liberté dans les labos)

    2) de permettre à nous techniciens d’exercer des métiers qui nous plaisent, et de nous affranchir des jobs standardisés pour travailler sur des problèmes techniques intéressants.

    Un dernier mot. Vous parlez de propagande. En ce qui concerne la JED’2008, il ne s’agit pas de propagande, mais d’un évènement organisé par les thésards eux-même. Notre objectif est de préparer notre après-thèse pour les 70% d’entre nous qui ne seront pas maîtres de conférences (dans mon école doctorale d’informatique c’est 50% - donc bien plus que les 35% dont vous parlez). Et l’idée n’est sans doute pas si mauvaise que ça, puisque nous avons été contactés par des personnes d’Amiens qui souhaitent organiser une journée semblable, ainsi que par une école doctorale de Bio de Lyon.

    Je suis preneur de vos retours et remarques, si vous êtes ouvert au débat.

    à très bientôt,

    Pierre

  • Le 25 janvier 2008 à 15:42

    Bon, ayant été monitrice à Lyon 1(=thésarde avec une charge d’enseignement en plus), je vais apporter un peu mon grain de sel...

    Déjà en ce qui concerne l’indépendance de la recherche vis-à-vis des industriels... pour moi c’est primordial. Comment peut-on accepter que la recherche publique en France disparaisse ? La recherche publique, c’est la garantie de résultats scientifiques de qualité. On sait très bien que non seulement les industriels ne s’intéressent qu’aux sujets qui peuvent engendrer du profit, mais aussi qu’ils ne s’engagent jamais à long terme. Vous pouvez donc rayer tous les sujets du genre physique fondamentale, les sujets intéressants qui répondent aux questions comme « d’où venons-nous ? » « quelles étaient les lois de la physique à l’instant t=0 », bref ce qui est du domaine de la culture (et qui souvent mène à des applications alors qu’on était à 1000 lieues de l’imaginer), mais vous éliminez aussi les sujets plus appliqués mais qui nécessitent du temps. Et le plus grave, c’est que les résultats négatifs sur des sujets qui touchent à la santé publique sont purement et simplement cachés pour pouvoir lancer un produit dangereux mais qui génèrera du profit. Exemples concrets : le cas des téléphones portables, des OGM (cf cas de Christian Vélot sur ce dernier point).

    A partir de là je pense que oui, il faut s’inquiéter de voir l’industrie s’immiscer de plus en plus dans les universités. Et ne pas croire qu’on aura le choix... Le choix sera toujours fait du côté de là où il y a l’argent, là où on a les moyens de faire des expériences.
    C’est déjà chiant actuellement d’avoir à justifier d’un sujet de par son intérêt en terme d’application. Et l’intérêt juste de faire avancer le savoir, on s’en fout ?

    Ensuite j’aimerais revenir sur l’assos Bernard Gregory... y a aussi quelque chose qui n’a pas été dit, c’est le coup de leur promo du « nouveau chapitre de la thèse » qui est clairement destiné aux industriels (cf le lien que j’ai mis en bas). On nous apprend à soi-disant « valoriser nos compétences », en réalité il s’agit d’apprendre à rentrer dans le bon moule pour mieux nous faire voir des industriels. Parce que, je cite un mec de l’assos Bernard Gregory qui était venu nous faire un discours lors d’une réunion destinée aux moniteurs, nous sommes vus par les industriels comme des « pauvres étudiants assistés, qui ne sont pas encore sortis des jupes de leur mère ». Et d’après lui en tant que moniteurs c’était « encore pire, car en plus vous faites de l’enseignement ! ».
    Quand on sait qu’un moniteur a droit à cette bourse justement parce qu’il a fait partie des meilleurs élèves pendant le DEA, qu’une charge supplémentaire d’enseignement amène à devoir particulièrement bien s’organiser, et qu’être thésard tout court ça nécessite une sacré dose d’autonomie, ça fait bien rire !

    Mince, les industriels pensent qu’on est cons, rentrons vite dans leur moule ! En plus l’enseignement ça craint, ça fait attardé !

  • Le 25 janvier 2008 à 12:09

    Je rajoute une petite chose sur la mixité sociale je cite : « Malheureusement, les docteurs, le plus souvent formés à l’Université, sont moins attractif que les ingénieurs, issue des grandes écoles ce qui induit bien peu de mixité sociale dans les postes à responsabilité. Voilà l’enjeu ! »

    Remplacé un ingé par un docteur ? Ou est la mixité sociale ? Etre kalif à la place du kalif ? C’est ça l’enjeu pour les docteurs ?

    Je ne vois aucun intérêt social à remplacer des ingé par des docteurs. Cette mixité n’existe déjà pas à l’école, alors dire que mélanger docteur et ingénieur c’est de la mixité sociale…

  • Le 25 janvier 2008 à 11:08

    Merci pour ces remarques, je vais pouvoir préciser mes propos !

    Concernant les filières professionnelles, tu entends quoi avec « pas nouveau » ? Ce n’est pas parce que des pratiques existent depuis longtemps que ça les rends normales ou acceptables.
    Ensuite je n’ai jamais dit que c’était récent, mais j’aurais dû être plus précis. Le phénomène existe depuis les années 60 et a pris beaucoup d’ampleur depuis la fin des années 80 encouragé par le ministère Jospin. Pour cette raison j’ai mis de « plus en plus ».
    Plus que le caractère professionnel, c’est la manière dont se développent ces formations qui est fortement critiquable.
    Ces filières très attractives (à niveau égal avec les filières fondamentales, les débouchés sont meilleurs et les salaires beaucoup plus élevés) contribuent à une intrusion d’industriels et d’intérêts privés, dans l’enseignement supérieur. L’université devrait plutôt dispenser un savoir conçu comme universel, ouvert sur la recherche et critique.
    Tu ne semble pas trouver aberrant que des « praticiens » viennent dispenser des cours, mais que penser d’une université qui laisse Microsoft s’immiscer dans les programmes d’enseignements et de recherches.
    Personnellement, je refuse que l’université serve de support pédagogique aux industriels.

    Libre aux étudiants de choisir ? Peut-on parler de choix quand d’un coté on a des filières pro très attractives, et de l’autre des filières fondamentales qui sont un véritable royaume de précarité. D’ailleur, sur ce point je te rejoins. Ces émissaires de la précarité sont ceux la même qui prostituent leur savoir. Car pour honorer des contrats industriels quoi de mieux qu’un stagiaire ou qu’un contrat bidon. Précarité qui montre un peu plus que l’université applique à la lettre les préceptes libéraux de ses chers partenaires.

    Ce très fort déséquilibre entre fondamentale et pro, risque de couter cher « aux savoirs universitaires ». D’ailleurs, un rapport d’information sur l’enseignement des disciplines scientifiques de 2006 fait remarquer : « En Allemagne, les effectifs d’étudiants en chimie se sont tellement amenuisés que dans l’une des chaires de chimie organique les plus prestigieuses, à l’université de Karlsruhe, le dernier titulaire de la chaire ne sera pas remplacé. Dans ce pays, entre 1990 et 1995, le nombre d’étudiants en physique a été divisé par trois, passant dans plusieurs universités sous la barre des dix étudiants »
    Sans commentaire...

    Ta remarque sur le sophisme « industrialisation – patronat » est elle-même un sophisme.
    L’industrialisation est une production modernisée (machines, etc...) et une organisation du travail complètement hiérarchisée avec des rapports de domination économiques (de type capitaliste), et donc l’existence « d’un patron » ! L’industrialisation ce n’est pas seulement produire quelque chose, c’est aussi la manière dont on le fait.
    Pour moi tu fais un sophisme en associant industrialisation avec production sans préciser de quel type de production il s’agit. Ce qui t’amène ensuite à associer des types d’organisations coopératives avec l’industrialisation, alors que les coops rejètent intégralement ou en partie les valeurs véhiculées par l’industrialisation.
    Un cheval bon marché est rare, ce qui est rare est cher, donc un cheval bon marché est cher ! Bon le parallèle est un peu vite fait, mais tout ça pour dire que industrialisation - patronat n’est pas un sophisme !

    Libre au doctorant de choisir ? On n’est pas libre de choisir ! Je rappel qu’en sciences, ces modules sont OBLIGATOIRES ! A titre personnel, l’école doctorale de physique a refusé que je suive des enseignements d’anthropologie à la place de ces satanés modules. Le directeur ne s’est d’ailleurs pas privé pour nous préciser que sans ces modules, la soutenance n’était pas envisageable.
    Il n’y a rien de normal là dedans ! Ne plus être libre du choix de sa formation je trouve ça très grave, même au nom d’une « ouverture sur l’entreprise » !

    Je cite : « Valoriser sa thèse pour mieux vendre sa recherche est nécessaire sans quoi les résultats ne sont pas diffuser. »

    Si c’est valoriser sa thèse auprès du public, je suis d’accord, et c’est une des missions importantes des chercheurs : rendre accessible à tout le monde les fruits de la recherche.
    Si c’est valoriser auprès des industries, je ne suis pas d’accord. Ce serais leurs attribuer l’exclusivité de certaines connaissances !

    Pour ce qui est de convaincre le monde socio-économique d’absorber les doctorants, je pense qu’avant de dire aux entreprises « venez vous servir », il serait urgent de convaincre l’état de créer des postes de chercheurs, d’enseignants, etc.. Il ne me semble pas qu’on soit en sur-effectif.
    Plutôt que de nous imposer leur modules à la con et de faire des courbettes pour avoir des contrats juteux, ils devraient se bouger le cul et se battre pour avoir plus d’effectifs, plus de budget, plus de liberté de recherche, etc…

    Pour en rajouter une couche, dans mon labo, 2 personnes à la manif du 24/01/08 dont moi-même. J’hallucine…et ce n’est pas faute d’en avoir parlé.

    En gros, ce que dis l’article, c’est que ces pratiques libérales, initiés par l’université, entretenue par les universitaires, encouragées par le MEDEF, compromettent l’indépendance et la qualité des connaissances.

  • Le 24 janvier 2008 à 17:05, par SiiL’

    Eh oui.
    Un article paru en Mai 2006, donc bien avant qu’une quelconque LRU soit mise en chantier :

    http://www.monde-diplomatique.fr/2006/05/DE_MONTLIBERT/13436

    Allez.
    Courage !

  • Le 24 janvier 2008 à 12:40, par dial

    Je me permet d’exprimer mon désaccord sur un certain nombre de point de cet article.

    Il existe à l’Université un certains nombre de filières profesionnelle et d’autres qui le sont moins. So what ? C’est pas nouveau. Libre aux étudiants de choisir d’apprendre des techniques pour les mettre en oeuvre rapidement ou de préférer acquérir une culture générale qui ne sera sans rapport avec son éventuel activité professionnelle. Plutôt que diaboliser ces filières, essayons de permettre un réel choix (cf le film « Universités, le Grand soir »).

    À partir du moment où l’on admet que ses filières pro existent, il n’apparait pas aberrant, qu’en leur sein, certains enseignements soient dispensés par des practiciens, que des stages soient proposés et que ceux-ci découlent sur des emplois. Certains précautions doivent être prises. S’assurer de la pertinence de ces enseignements, de l’intérêt des stages et que ceux-ci ne soient pas des CDD non rénumérés. Ce qui me parait le plus scandaleux, c’est la multiplication des stages non-rénumérés dans les filières plus théoriques où les commanditaires sont le plus souvent publics. Pour paraphraser cette article : « C’est ainsi que les émissaires du fonctionnariat sont autorisés à venir déverser leur propagande de sacrifice pour la recherche publique pour s’assurer de la docilité de leur future main d’oeuvre. On dresse les étudiants à accepter l’organisation de l’Université telle qu’elle existe. Rien d’étonnant là-dedans, quand on sait que le système scolaire véhicule des valeurs de dominations qui structurent la société tout entière. » (- :

    La première partie de l’article s’appuie sur le sophisme qui consiste « industrialisation » avec « patronat ». Il existe d’autres type d’organisation plus coopérative qui ont pour but la production d’un objet/service industriel.

    Sur le doctorat

    Si on impose aux thésards de suivre des « modules d’insertion », libre à eux de faire l’école doctorale buissonière et proposer leur propre formation d’ouverture vers le monde socio-économique.

    Valoriser sa thèse pour mieux vendre sa recherche est nécessaire sans quoi les résultats ne sont pas diffuser.

    En ce qui concerne les relations doctorant (ou jeune docteur)-entreprise, le problème n’est pas tant d’attirer les doctorants dans les milieux industriels ni convaincre l’entreprise de venir investir dans l’université, mais convaincre le monde socio-économique d’absorder plus de doctorants. 10 000 nouveaux docteurs sont formés chaque année et environ 2500 sont embauchés dans la recherche public. Embaucher les autres dans la R&D, à des postes à responsabilités, dans la haute fonction publique, dans des entreprises, des collectivités locales, des associations ne me parait pas etre une mauvaise idée. Malheureusement, les docteurs, le plus souvent formés à l’Université, sont moins attractif que les ingénieurs, issue des grandes écoles ce qui induit bien peu de mixité sociale dans les postes à responsabilité. Voilà l’enjeu !

    Libéralisation de la recherche

    À noter que les allocations CIFRE peuvent être commandités par des associations 1901.

    Dans l’espoir d’avoir été utile.

    Sinon sur la LRU on est d’accord.

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