Vélo à Lyon : trop de bla-bla et de vroum-vroum

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Et si on arrêtait les beaux discours. Si on regardait le monde qui nous entoure, en silence, quelques instants. Si on passait aux actes.

Ces dernières semaines, avec la fête du vélo, le retour du beau temps et l’anniversaire de vélo’v, le vélo a été largement à l’ordre du jour.

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Les pics de pollution à l’ozone apparaissent dans le département, mais on nous explique consciencieusement que cela est dû aux facteurs conjugués de l’ensoleillement et de l’absence de vent. On croit rêver car, si l’air est pollué c’est la faute à l’émission de polluant, pas au soleil !

Le gouvernement se félicite de la baisse du nombre d’accidents de la route, un peu comme si 5 000 morts par an sur les routes en France (plus d’un million dans le monde entier) était un chiffre « honorable ».

Les contresens cyclables

A Lyon, les campagnes de communication de la ville et du Grand Lyon battent leur plein pour démontrer aux électeurs d’hier et de demain que les élus vont dans le bon sens lorsqu’on autorise les cyclistes à aller à contresens. La ville découvre enfin (il était temps) les contresens cyclables. C’est là le résultat de plusieurs années de revendications, de lobbying, d’informations menées par des associations de cyclistes et d’usagers du vélo. Mais à Lyon, l’opération est éphèmère. On nous annonce en effet un test de quelques heures sur la pertinence du contresens cyclable. On fait même une enquête de satisfaction. Mais pourquoi tant d’hésitations ? Lyon serait-elle une bulle, loin du monde ? Partout les villes tentent de développer l’usage du vélo, moyen de transport économique, écologique, simple, rapide et adapté à la taille de ville. Depuis des dizaines d’années, des politiques courageuses dans toute l’Europe (à Copenhague, Strasbourg, Ferrare, etc.) ont permis de faire augmenter la part du vélo dans la ville à plus de 20 % des déplacements. Mais il serait trop simple pour Lyon de regarder les succès des autres et de les mettre en pratique. Le contresens cyclable a déjà fait largement ses preuves. La ville de Lyon, en organisant cet événement dans le cadre de la fête du vélo (une rue à contresens, une journée), ne fait que de la com’. On parle beaucoup, pour si peu.

Les lignes Cristalis

On communique aussi beaucoup sur les trois lignes de bus en site propre : Crystalis (C1, C2, C3). Sachons que ces couloirs de bus en site propre feront juste trois mètres de large et ne seront pas ouverts à la circulation des vélos. Voilà une ville qui se transforme peu à peu et qui, sur des axes importants, décide de ne pas tolérer la circulation des vélos. A Paris, la mise en place des axes de bus en site propre a été accompagnée d’un rétrécissement des voies pour les autos afin de créer un couloir d’une largeur atteignant les 4,50 mètres et bien sûr ouvert aux cyclistes et taxis.

L’aménagement des berges du Rhône

Déjà on communique sur l’aménagement des berges du Rhône présenté comme étant un itinéraire majestueux pour les cyclistes. On oublie de dire que, durant la durée des travaux, on supprime un axe cyclable sur les quais hauts pour les transformer en parking. Avec les berges c’est un bel itinéraire de loisirs que l’on va inaugurer. Mais se pose la question de la cohabitation entre Piétons et cyclistes. Les voies seront étroites. Le slalom va être de rigueur. Il sera Impossible en vélo d’y rouler vite, pour aller travailler, pour se déplacer dans la ville. NON NON NON arrêtons de considérer le vélo uniquement comme un objet de loisir. C’est un VRAI mode de déplacement. Pour développer son usage, il faut offrir aux cyclistes éventuels que nous sommes (presque tous), des axes simples à utiliser. Pourquoi trouverait-on légitime que les voitures aient des avenues, des boulevards alors que l’on n’offre aux vélos que des bandes sur les trottoirs, des axes de « promenade » pour le dimanche ou des pistes ponctuées d’obstacles sous forme de mobiliers urbains ?
Reconquérir les berges, une belle idée.... 15 ans après Toulouse, il était temps. Mais Lyon a deux fleuves et il reste trois « berges à voitures ».

Des parkings, aspirateurs à voitures

En parallèle du réaménagement des berges, on construit plusieurs parkings. Voilà l’incohérence de la politique de transport du Grand Lyon qui consiste à inaugurer 5 400 places de stationnement souterrain en trois ans. On souhaite développer l’usage du vélo, mais on ne veut surtout pas retoucher l’espace occupé par la voiture (80 % de la voierie, 20 % de la surface de la ville). Chacun est conscient des problèmes liés à l’usage de l’automobile : accidents, pollution sonore, visuelle, atmosphérique, étalement urbain. Les citoyens comme les élus reconnaissent qu’il existe des problèmes de santé publique, de réchauffement climatique, de dommages au patrimoine architectural liés à la présence de la pollution atmosphérique.

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Alors, agir serait responsable. Mais à Lyon, on préfère communiquer.

Des médias, le nez dans le guidon

Ce semblant d’image de « Ville Cyclable » Lyon la tient grâce, entre autres, à la teneur des différents articles de la presse relatant régulièrement de l’actualité "vélo" à Lyon avec aucune mise en perspective ou analyse (ou si peu). Parfois on y voit un semblant de copier/coller des communiqués de presse du Grand Lyon.
Le dernier article du Progrès et de Lyon Plus du mercredi 14 juin est sur ce point un cas d’école. Alors que le conseil du Grand Lyon a décidé la veille la réalisation d’une liaison cyclable sur la presqu’île, les titres ont une teneur jubilatoire. En réalité, après le vote d’un budget de 1,8 millions d’euros pour la réalisation de cet axe, ce même conseil d’agglomération a voté 13 millions d’euros pour un nouvel échangeur autoroutier et 13,5 millions d’euros pour une nouvelle liaison 2X2 voies.
Deux poids, deux mesures ? Pire, quand on remarque que cet aménagement cyclable n’est en aucun cas une revendication prioritaire des cyclistes lyonnais qui considèrent d’autres axes comme bien plus urgents à aménager. De plus, la mise en place sur la presqu’île d’une vraie zone 30, la généralisation des contresens cyclables et la réduction du nombre d’axes de transit auraient largement suffit à améliorer la mobilité des cyclistes. Aussi, on aurait pu imaginer la concrétisation d’un axe Terreaux-Perache sur les différents quais plutôt qu’offrir aux cyclistes détours et chicanes. Mais la presqu’île est une façade sur laquelle il est facile de communiquer... surtout quand les médias ne font pas leur travail d’analyse.

Augmentation de l’usage du vélo

Ces dernières semaines, la presse nous a fait part d’une bonne nouvelle concernant la hausse de l’utilisation du vélo à Lyon soit + 37 % de cyclistes en un an ce qui représente 2 % à 3 % des déplacements.
Rapidement, trop rapidement le lien est fait avec Velo’v. Il est certain que la mise sur la voierie de 2 000 vélos contribue réellement à l’augmentation de ce mode de déplacement. Sans doute que plus de vélos créés un effet d’entrainement en incitant d’anciens ou nouveaux pédaleurs urbains à sortir leur deux roues de leur cave.
On regrettera que ces beaux discours d’autosatisfaction ne s’accompagnent pas d’une analyse plus « globale » de ce chiffre qui s’avère finalement pas si vertigineux que ça.

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Pourquoi l’usage du vélo augmente à Lyon ?
Tout d’abord, il n’augmente pas qu’à Lyon. Dans toutes les villes de France, l’usage du vélo augmente. C’est vrai à Paris et à Lyon qui ont respectivement innové dans les aménagements et le service, mais c’est également vrai, par exemple, à Marseille où rien a été fait. Les raisons de ce phénomène sont multiples et conjoncturelles :

- Amélioration de l’image du vélo : le vélo est de moins en moins considéré comme le moyen de déplacement du prolétaire ou de l’étudiant. Aussi, d’une image de « loisir », la pratique du vélo entre dans l’ère du « déplacement ».
- Mise sur le marché par les constructeurs et commerçants de vélos d’importation à bas prix (bien que de mauvaise qualité) et adaptation des gammes proposées à une pratique urbaine pour tout type d’usage, de portefeuille... et de standing. Tout cela a conduit à une hausse importante des ventes et donc des vélos...
- Développement des actions de promotion du vélo par les associations d’usagers et/ou par les pouvoirs publics.
- Prise de conscience des problèmes écologiques et sanitaires : après la catastrophe sanitaire liée à la canicule de l’été 2003, les citoyens ont fait le lien entre la destruction de la qualité de l’air et les conséquences sur l’environnement et l’être humain. Réchauffement climatique, effet de serre, protocole de Kyoto sont maintenant des concepts connus de tous.
- Hausse du prix de l’essence : avec un baril toujours à la hausse, il devient plus cher de faire le plein d’essence, alors on laisse un peu la voiture au garage et pour ses déplacements en ville on opte parfois pour le vélo.
- Transports publics peu performants et chers : des réseaux de transport en commun qui n’arrivent pas à offrir un maillage performant de la ville. Des lignes dessinées en étoile, absence de couloir de bus, métro bondé, tramway trop lent et abonnement toujours plus cher conduisent les usagers à repenser leur mobilité dans la ville.
- Précarisation grandissante des étudiants, des jeunes et de l’ensemble de la société : des salaires trop justes, un nombre de chômeurs et bénéficiaires du RMI en augmentation, des étudiants sans ressources, des logements de plus en plus chers. Par conséquent bon nombre de personnes n’ont plus les moyens de payer un abonnement de transports en commun ou d’avoir recours à la voiture.

Méfions-nous de l’autosatisfaction des communiqués de presse et relativisons les chiffres par l’analyse. En refusant de reconsidérer la place de la voiture dans la ville, en repoussant éternellement les aménagements cyclables, en tentant la cohéxistence impossible Auto/Vélo, Lyon n’atteindra jamais les chiffres d’Amsterdam, Copenhague, Ferrare ou Strasbourg.

On est confronté à des élus qui sous-estiment l’adhésion des Français à des politiques limitant la circulation automobile en ville. Les raisons ? Certains mettent en avant l’influence des commerçants, des milieux d’affaires et plus largement des leaders d’opinion qui sont, en général très favorables à l’usage de la voiture en ville. Il faut aussi remarquer que les décideurs, et notamment les élus et leurs techniciens, sont de grands utilisateurs de la voiture. Ils ont dès lors tendance à croire que la majorité de leurs concitoyens font de même. Bref, les représentations des décideurs sont façonnées par leurs pratiques modales.

Pour relancer vraiment la pratique de la bicyclette, on sait aujourd’hui qu’il faut nécessairement modérer la circulation automobile et pas seulement réaliser quelques aménagements cyclables.
Toutes les enquêtes d’opinions concordent pour affirmer que les Français sont favorables à une limitation de la voiture en ville au profit des transports en commun et des cyclistes.
Dans un sondage de 1996, quand on demande aux Français s’il faut limiter l’usage de la voiture afin d’améliorer la circulation en ville, 72 % seraient favorables, opinion confortée à 68 % par les maires, bien que ces derniers ne croient guère que leurs administrés y soient favorables (27 %) [1].

Quelques kilomètres et beaucoup de mots

Alors que Paris, Bordeaux, Nantes ou Lille travaillent à la réduction des nuisances causées par la voiture, Lyon parle, parle et parle encore. Après sept ans de mandat, le bilan sera maigre. A peine une dizaine de kilomètres de piste réelle. Les bandes cyclables ne comptent pas. Ce ne sont que des traits de couleur sur la voierie, offrant une deuxième rangée de « stationnement rapide » aux automobilistes. Ne comptent pas non plus dans les chiffres, les aménagements le long de la ligne LEA (ligne T3). Ils sont bien réels, mais existent grâce à l’application de la Loi sur l’air [2] qui les a rendus obligatoire.
On peut se féliciter que le Grand Lyon respecte cette loi, bafouée lors des l’aménagements des tramway T1, T2, de la ZAC Thiers, etc. Mais à l’inauguration du T3-Lea, la piste ne sera pas complète... Le schéma directeur « vélo » prévoit quelques aménagements d’ici... 2010. Il est urgent d’attendre. Gérard Collomb annonce (repris tel quel dans Le Progrès du samedi 3 juin) 113 km d’aménagement pour les quatre prochaines années. On a déjà entendu cela en 2001, 2002, 2003, 2004, 2005... Notons que si on enlève les kilomètres d’aménagements rendus obligatoire par la Loi sur l’air (Ligne T3, T4) et les aménagements de loisir (anneau bleu au parc de Miribel et berges du Rhône) il ne reste pas beaucoup de concrétisation d’une volonté politique. Et puis, dans une ville responsable, ce n’est pas des pistes qu’il faut construire. Il faut rendre l’ensemble de la ville cyclable pour tous (réduction de la vitesse, de la circulation automobile, fermeture des parkings, en termniner avec les axes de transit, etc..) et laisser quelques pistes bagnolables...

La galère du stationnement

Alors que l’on inaugure des parkings à bagnoles, de leur côté, les cyclistes doivent se contenter d’un nombre dérisoire d’espace de stationnement ou carrément de leur absence devant un nombre honteux d’équipements publics, de stations de métro ou de tramway. Les priorités sont ailleurs. Le chiffre dérisoire de 500 nouveaux arceaux de stationnement mis en place chaque année depuis 2004, annoncé par le Grand Lyon, ne cache pas que leur nombre actuel n’est que de 2 700 sur l’ensemble de l’agglomération lyonnaise. Sans parler des arceaux supprimés pour la mise en place de stations vélo’v.

Le vélo n’est pas une priorité au Grand Lyon.

En analysant la politique de transports du Grand-Lyon, on constate que derrière les beaux discours n’existe pas une réelle orientation afin de répondre aux problèmes sanitaires, urbanistiques, écologiques et économiques de notre ville.

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Une solution, la vélorution !

C’est ainsi qu’au sein de la population, une exaspération conduit certains cyclistes à s’organiser pour revendiquer un changement rapide de nos habitudes de déplacement. En souhaitant interpeller les automobilistes et les élus de l’agglomération, des Vélorutionnaires, qui roulent quotidiennement à vélo ont décidé, depuis le mois d’avril 2006, de manifester une fois par mois dans les rues de Lyon afin de se réapproprier l’espace public et de recycler les terres empoisonnées par la voiture. Il s’agit pour les Vélorutionnaires [3] de montrer que, si nous apprécions la signature par la France du protocole de Kyoto, comme la production par diverses collectivités territoriales de textes volontaristes, nous sommes surtout sensibles à la matérialisation effective de ces bonnes paroles... Effet de serre, c’est maintenant ! Agir, c’est urgent

Des vélomanes vélorutionnaires, cycloSpecActeurs de leur ville.

Notes

[1Voir aussi : www.sytral.fr/reseau/pdu/images/enquete.pdf 261 ko, Enquête d’opinion auprès de la population de l’Agglomération Lyonnaise sur les déplacements - Sytral : Février 2003

[2L’article 20 de la Loi sur l’air précise : « à compter du 1er janvier 1998, à l’occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l’exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d’aménagements sous forme de pistes, marquages au sol ou couloirs indépendants, en fonction des besoins et contraintes de la circulation. L’aménagement de ces itinéraires cyclables doit tenir compte des orientations du plan de déplacement urbain lorsqu’il existe ».

[3Vélorution Lyon : http://velorutionlyon.free.fr.

  • Le 2 février 2008 à 11:46, par EMILE

    Tout le monde est pour le velo, même les automobilistes.
    Par contre certains contresens relèvent plus du suicide que de du ...bon sens.
    Exemple : rue JACQUARD à LYON 4e, et plus particulièrement à l’angle de la rue VILLENEUVE, face aux locaux de la ...police municipale : La rue est trop étroite, et le carrefour très très dangereux.
    C’est du n’importe quoi !!!

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