Indymédia est-il mort ?!

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À lire avec précaution : cet article est une réflexion subjective sur la conférence et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Indymedia.
L’auteur est membre de Horizon Research Institute
.

Aux Tanneries de Dijon, lors de la conférence AMP/PGA portant sur les luttes numériques, l’occasion a été prise d’évaluer le statut du projet Indymedia dans une perspective large.

Au début, Indymedia est parvenu à apporter quelque chose de révolutionnaire à la scène des médias alternatifs avec la possibilité technique d’offrir une tribune libre [NDT : “open-publishing”] et la possibilité sociale d’offrir un réseau mondial plus soudé d’alternatif/ve-s s’occupant des médias, qu’illes soient producteurices, promoteurices, distributeurices ou technicien.nes. En termes de contenus, Indymedia repose sur le concept de la diffusion d’informations par les activistes, pour les activistes et à propos des activistes. Et tout naturellement, Indymedia a remplacé les médias de masse pour la plupart des activistes. Avec le temps, Indymedia est devenu très populaire et a évolué en une marque de fabrique, la plus forte des mouvements radicaux. Aujourd’hui Indymedia fait partie des aventures réussies initiées par la base. Les activistes d’Indymedia en écrivent l’histoire. En réalité, on pourrait dire que c’est de l’histoire ancienne, et que Indymedia continue à exister uniquement sous une forme inanimée, comme tant de projets finissent par le faire dans notre monde post-moderne/post-mortem.

Un blog collaboratif, c’était vraiment innovant et efficace en 1999 ; mais ça a perdu de sa fraîcheur avec la venue de la blogosphère et l’invention d’outils comme le tagging, les sources RSS et les services de réseaux sociaux. Le centrage sur les compte-rendus d’actes de répression et l’annonce d’actions, qui est central à la vision d’Indymedia, est toujours vital pour la communication interne et externe du mouvement, mais est devenue lassante pour beaucoup de lecteurices et de créateurices de médias.

Le concept d’Indymedia existant comme un service pour le mouvement a aussi ses côtés négatifs. D’une part, parfois la spécialisation des activistes d’Indymedia devient problématique lorsqu’illes n’agissent plus que pour documenter une action et disparaissent ensuite de la même façon que les journalistes des médias de masse. Et d’autre part parfois la spécialisation des activistes d’Indymedia est problématique lorsque les contributeurices les traitent comme un service, dans le sens capitaliste du terme, en publiant les articles et en se disant qu’il y a des équipes éditoriales pour s’occuper de la modération des commentaires, de la correction des erreurs typographiques et de l’organisation des informations. Lors de grands événements comme les sommets anti-G8 les activistes d’Indymedia apprécient de travailler avec les organisateurices, souvent dans des conditions périlleuses, pour couvrir l’action. Lors du mouvement anti-CPE ce printemps en France illes ont été ravi.es de perdre le sommeil pour éditer rapidement le flux continu des articles publiés. Mais, pendant les périodes plus calmes, illes en ont parfois un peu marre de “nettoyer derrière les gens”.

Grosso modo, il y a une impression largement partagée que Indymedia n’est plus le projet progressif et intéressant qu’il était auparavant. En même temps, nous ressentons le besoin de soutenir le réseau parce que c’est toujours une infrastructure d’une importance vitale pour le mouvement. Et de nouvelles orientations ont même été suggérées par diverses personnes ou groupes. En général elles pointent vers deux directions qu’il faut explorer :

Premièrement, la nouveauté qui a changé Internet après l’arrivée des blogs a été celle des logiciels de réseaux sociaux, qui ont beaucoup de sens pour les activistes. En fait, ça a même plus de sens dans le cas des activistes : Illes ne veulent pas juste parler, mais aussi s’organiser et agir dans le monde réel. Un outil de réseau social qui prendrait en compte le fait que les activistes s’organisent en collectifs et groupes affinitaires pourrait fortement renforcer le mouvement.

Deuxièmement, alors que la question cruciale de la fin du vingtième siècle portait sur la liberté d’informer - ce que Indymedia a traduit en tribunes libres et en sites web publics -, celle du début du vingt-et-unième siècle porte sur le contrôle et le chiffrage. Avec la vague récente de saisies de serveurs qui est arrivée pile avec la vague de répression sur les squats, les activistes radicaux commencent à apprécier les moyens de protéger leurs données et leur anonymat. Rassembler la liste des espaces autonomes m’a personnellement appris qu’il y a beaucoup d’informations que les organisateurices anarchistes aimeraient pouvoir obtenir mais n’aimeraient pas savoir publiées. Sous cet éclairage, une infrastructure informationnelle qui diffuserait des contenus uniquement à des personnes de confiance fait manifestement sens. Les lois évoluent rapidement, en particulier en Europe, et le fait de proposer des canaux chiffrés de communication devient peu à peu illégal. De ce fait, le besoin se fait sentir d’outils plus sophistiqués pour contourner les techniques de surveillance des autorités et lois sur la rétention des données des gouvernements. Finalement, il se pourrait même que nous en venions à l’idée d’abandonner le concept de serveurs pour nous mettre à utiliser des plateformes basées sur le peer-to-peer.

Que peuvent faire les activistes d’Indymedia pour échapper à l’état de zombification de leurs projets et à nouveau apporter des services innovants au mouvement ? D’une part, il est certain que Indymedia ne devrait pas se réduire à une série de sites web, mais être plutôt une plate-forme électronique permettant aux personnes de créer des structures complètes d’information avec des sites web, des listes de diffusion ainsi que des canaux de discussion plutôt que simplement des articles. D’autre part, tout en restant simple d’utilisation, cette plate-forme devrait proposer un moyen de communication exptionnellement sûr, si possible en dehors du World Wide Web mais toujours dans le cadre d’Internet. Ce ne sera alors plus un réseau de médias alternatif. Ce sera le darknet d’une nouvelle sous-culture.

Mais alors que faire des Indymedia existants ? Tout bien réfléchi, la partie la plus importante du projet semble être le réseau social qui est derrière. Ces personnes peuvent à nouveau écrire une page d’histoire en se formant les un.es les autres aux révolutionnaires outils technologiques de prochaine génération et en agissant comme les arbitres de cette connaissance. Nous pouvons maintenant vendre les noms de domaine pour financer le prochain réseau social d’information rebelle.

  • Le 12 septembre 2006 à 12:10, par ferker

    Bien d’accord avec toi : il y a des formes de féminisation aberrantes, certanes faisant même très « précieuses ridicules » ou renversant le sexisme (ex. le E majuscule que j’ai vu placé dans noEs, voEs, leurEs !). Il y a pourtant sur le web des milliers de pages sur le langage épicène comme par exemple celle de l’Organisation Internationale de la Francophonie.

  • Le 12 septembre 2006 à 09:01

    C’est interressanteurice mais pas toujours surper(e) clairereurice à lire.

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