Les opposants à ce projet se sont réunis dès le matin au Col du Fau, au pied du Vercors, à un rond-point stratégique sur la départementale 1075 (route principale qui relie Grenoble à Sisteron) et qui comprend l’entrée sur le tronçon actuel de l’A51 [1].

Une organisation "en béton"

Des banderoles, un stand d’accueil, un point atelier mécanique vélo, des bidons d’eau, de la déco pour T-shirt, des tracts pour les automobilistes… Rien n’a été négligé par le collectif organisateur, jusqu’à l’acheminement des vélos par camions depuis Grenoble pour les gens qui pouvaient ainsi arriver de loin par le train. Environ 500 personnes se sont réunies pour partager un pique-nique géant sur herbe, dans une ambiance joyeuse, musicale et estivale. Un petit spectacle parodique a présenté le concours du plus Grand Projet Nuisible, Coûteux et Imposé, en attendant le départ pour une action d’ampleur : prendre l’autoroute à vélo et descendre à Grenoble !

Le rapport de force s’installe

A 14h, le départ de la manifestation est lancé. Les centaines de cyclistes envahissent le rond-point. L’accès à l’autoroute est bloqué à toute circulation par les forces de l’ordre (une cinquantaine de gendarmes a été déployée pour l’occasion). La départementale est bloquée à son tour par la présence des vélorutionnaires. S’engage alors un rapport de force non-violent ; les manifestants expriment leur détermination à rester sur le rond-point jusqu’à ce que l’accès à l’autoroute leur soit accordé, avec leurs véhicules-escortes pour assurer la sécurité en tête et en queue de cortège. « Si on passe pas, on reste là ! » est repris en cœur et scandé par la foule. Les policiers, quant à eux, sont en contact téléphonique régulier avec le Préfet isérois, qui maintient son refus d’autoriser la manifestation. Rapidement ils sont contraints de mettre en place une déviation en amont du rond-point, pour tenter de désengorger le trafic.

Un vote démocratique improvisé

Au bout de 2 heures de blocage statique, les manifestants sont tout autant déterminés, mais l’impatience se fait sentir. Une assemblée générale s’improvise, avec toutes les personnes présentes (toujours plusieurs centaines et au milieu du rond-point !) afin de décider collectivement de la conduite à tenir. Quelques prises de paroles au mégaphone se soldent par des propositions concrètes soumises au vote à main levée. Le consensus n’est pas trouvé, mais une large majorité penche pour la descente à vélo par la départementale jusqu’à Grenoble ; et pour prolonger le blocage, il est aussi voté la confection d’un barrage (terre, branches…) qui obstruera l’entrée de l’autoroute pendant 2 heures supplémentaires après le départ des vélos !

Descente en roue libre

Vers 17h, le cortège se met donc en marche pour Grenoble par la départementale, escorté de leurs propres véhicules et encadré par des gendarmes ; une quarantaine de kilomètres de descente effectuée par plus de 400 vélorutionnaires, heureux d’être enfin en mouvement. Le groupe traverse joyeusement Grenoble, observé et parfois salué par les habitants aux fenêtres.

Une conclusion festive en musique

Les centaines de cyclistes sont arrivées en fin de journée sur le campus, à l’atelier « un p’tit vélo dans la tête » [2] où les attendaient une restauration bio préparée par une association du Trièves et des concerts qui ont duré tard dans la nuit. L’ambiance était très conviviale et tout le monde satisfait de cette journée. Car même si l’objectif de descendre l’autoroute n’a pas été atteint, l’opération a été un succès : les routes bloquées pendant des heures ont permis de faire entendre auprès des autorités politiques, des automobilistes et des médias locaux, la détermination des manifestants à repenser nos choix politiques pour l’avenir. Tout cela sans confrontation violente, avec la mise en valeur des modes de déplacement doux, et... la bonne humeur !

Sophie Dodelin et Myriam Battarel

Pour plus d’infos : http://stopautoroutea51.wordpress.com/

Quelques arguments contre l’A51 :

 L’A51, pour les territoires qu’elle traverserait (Trièves, Büech ou Champsaur…) signifie la destruction de paysages exceptionnels, de forêts et de terres agricoles nécessaires à l’activité économique locale.
 Pour Grenoble et sa périphérie, elle représenterait l’ajout de milliers de voitures, alors que la qualité de l’air y est déjà dégradée plus de 120 jours par an, sans parler des embouteillages quotidiens ingérables.
 L’A51 nécessiterait des travaux pharaoniques en raison du relief et de l’instabilité des terrains ; elle est estimée aujourd’hui à 2,5 milliards d’euros, soit 17 millions du km ! Le gain de temps pour les usagers entre Grenoble et Sisteron serait de 11 mⁿ…

Note :
La commission « Mobilité 21 », chargée par le gouvernement de classer par ordre de priorité les projets inscrits dans le Schéma National des Infrastructures de Transports (SNIT), devait rendre son rapport en juin. Le jour prévu de la manifestation, la presse locale indiquait que la commission aurait repoussé la réalisation de l’A51 après 2050.
Le rapport officiel n’est pas paru au moment du bouclage de cet article.