“Ce n’est que basse polémique politicienne que
d’accuser le gouvernement AKP [Parti de la justice et du développement,
islamiste, au pouvoir] d’être responsable des incidents qui se déroulent
actuellement, uniquement parce qu’il a lancé une politique d’ouverture
vis-à-vis des Kurdes”, affirme Taha Akyol dans Milliyet. L’éditorialiste du quotidien turc réagit aux
nombreux affrontements ethniques qui ont opposé ces derniers jours les
populations kurde et turque dans la province de Hatay (sud du pays) et à Inegöl,
dans le nord du pays, dans la région de Bursa. Quatre policiers avaient été
tués lundi 26 juillet dans la ville de Dörtyol, lors d’un attentat perpétré par
l’organisation séparatiste kurde PKK.

“Les critiques de l’opposition ne sont pas plus crédibles que le discours
du gouvernement. Selon ce dernier, ces graves incidents n’ont d’autre but que
de saboter le processus menant au référendum [sur la révision
constitutionnelle, prévu pour le 12 septembre prochain. Il vise notamment à
limiter le rôle politique de l’armée.] En effet, de graves affrontements de
masse s’étaient déjà produits avant que le gouvernement ne lance son ‘ouverture
kurde’ et ne décide d’organiser un référendum”, continue Taha Akyol dans Milliyet. “Au cours des années 1980 et 1990, la question
kurde restait cantonnée à un problème de terrorisme. Il n’y avait pas
d’affrontements impliquant les populations civiles. Plus récemment, la question
kurde s’est fortement politisée et a acquis une nouvelle dimension en pénétrant
toutes les couches de la société. La tension inhérente à ce problème s’est
étendue aux masses. Le problème des ‘enfants jetant des pierres sur les forces
de l’ordre’, inimaginable il y a dix ans, est l’une des
manifestations de ce processus. Ce sont des signaux d’alarme annonciateurs
d’une effroyable catastrophe.”

Dans le journal Taraf, Rasim O.
Kütahyalı privilégie quant à lui la piste du complot visant à déstabiliser le
gouvernement et à maintenir un statu quo favorable à un establishment menacé
par les diverses procédures judiciaires en cours dans le cadre du procès
Ergenekon [nom de l’organisation clandestine composée de civils et de
militaires de l’Etat ayant pour but de renverser l’AKP]. “Ils essaient
tout pour que le ‘non’ l’emporte lors du référendum du 12 septembre”,
écrit-il à ce propos. “La population n’a pas cru au danger du
fondamentalisme musulman qui serait incarné par l’AKP. Le seul atout qui reste
alors dans les mains du réseau Ergenekon, c’est de mener des opérations créant
les conditions favorables à une guerre civile, en particulier dans les petites
et les grandes villes de l’ouest de la Turquie. Le nationalisme turc, à l’œuvre
dans les régions côtières occidentales, a une dimension laïciste et
souverainiste selon laquelle tout lien spirituel avec les Kurdes est
impossible. Le discours : ‘Les Kurdes sont un fardeau’, ‘Pourquoi vivrions-nous
encore avec eux ?’, s’entend surtout dans ces régions. Les affrontements
d’Inegöl illustrent à nouveau le fait que le terreau de cette région est
favorable à une guerre civile à caractère ethnique. Les événements qui ont eu
lieu dans cette petite ville, s’ils ont l’air spontanés, sont donc le résultat
de provocations orchestrées.”

Dans Vatan, Rusen Çakir veut, quant à lui, dépasser la controverse :
“Plutôt que de polémiquer sur le lien éventuel de ces événements avec le
processus d’ouverture et de référendum du gouvernement, constatons qu’il s’agit là
d’une nouvelle manifestation de la question kurde, la ‘mère de tous les
problèmes de la Turquie’. Toujours non résolue, cette question pose en réalité
à ce stade celle de notre capacité à vivre ensemble en paix. Si nous ne voulons
pas être tous perdants, nous avons alors intérêt à mettre tous la main à la
pâte pour tenter de la résoudre. Dans ces conditions, toute personne qui en a
la possibilité doit apporter sa contribution pour que le PKK dépose les armes
sans aucune condition.”