Pierre Olivier, conseiller municipal de droite du 2e arrondissement,qui semble s’être pris de passion pour les vidéos courtes publiées sur Instagram et Tiktok, accompagné d’un homme dégarni en costume qui marchent face caméra dans un semblant de discussion qui se tient à l’hôtel de région. C’est la scène que publie sur Tiktok hier jeudi 23 octobre 2025, Pierre Olivier qui, de son meilleur jeu d’acteur-studio demande à son accompagnateur ce que fait la région pour lutter contre le « narcotrafic ». L’homme qui l’accompagne n’est autre que Renaud Pfeffer (élu Les Républicains, Divers-Droite et 8e vice-président de la région), co-auteur d’un rapport visant à mettre en place des brigades cynophiles (des chiens renifleurs) dans les lycées de la région. Cette petite opération de communication est bien calculée de la part du conseiller municipal du 2e, qui cherche tant bien que mal à trouver des points d’accroche à la région pour venir supporter ses critiques sécuritaires de la municipalité écolo (qui pourtant est une élève modèle de l’embauche de flics municipaux, cela va sans dire). Pierre Olivier avait par ailleurs rejoint début septembre la campagne d’Aulas, avec le plein soutien de Laurent Wauquiez.
La petite opération de propagande de l’élu se fonde sur le vote du rapport lors de l’assemblée plénière de la région le 16 octobre dernier, où Renaud Pfeffer a pu présenter fièrement son travail tout frais à l’ensemble des élu-es de la région.
« Garantir à nos lycéens un environnement d’apprentissage serein, loin des dealers et des drogues »
L’expérimentation proposée par Pfeffer et ses sbires est une continuation de la politique de « sécurisation des lycées » par la région, selon ses propres mots. 102 000 000 d’euros dépensés depuis 2016 à l’installation de caméras, de portiques et enfin l’expérimentation de scanners de métaux à l’entrée d’un bahut de Lyon le 1er septembre 2025 plutôt que dans la rénovation énergétique des bâtiments, dans des projets culturels, dans des transports gratuits ou tout autre chose finalement bien plus utiles à des lycéen-nes.
Le ton est grave, solennel « Le trafic de stupéfiant n’épargne plus nos lycées. Nos établissements subissent chaque jour les effets de l’augmentation vertigineuse du trafic et de la consommation de drogue. On parle de tsunami blanc [1] qui se diffuse partout. » Alors si, ici, on ne voit pas bien de quoi parle le vice-président, lui en a l’air très assuré. Derrière lui, son diaporama montre des statistiques à peine sourcées de la « sécurité intérieure ». On y voit de jolies courbes jaunes, vertes, bleues, pour chaque métropole (Lyon, Grenoble la championne et Clermont) qui montent, qui montent en représentant visiblement le nombre de mises en cause pour infraction à la loi des stup pour 1000 habitant-es. Ici encore, on est pas spécialistes de statistiques, mais tout cela semble plus que fumeux, à tel point que même certain-es élu-es de la gauche et du centre s’en étonnent, provoquant l’ire du président de région, qui se voit obliger de donner malgré lui un cours de statistiques assez hasardeux.
« Prévention et dissuasion »
Si l’on revient au plan que suit le rapport, l’idée est de mettre en place « très rapidement » des « passages inopinés passages inopinés dans les espaces communs, cours, couloirs, sanitaires pour dissuader détecter et sécuriser. » Comprendre que demain, en sortant des toilettes du lycée à la pause, vous pourriez croiser un dogue allemand venir renifler votre sac ou votre sweat un peu usé. L’expérimentation doit prendre place dans cinq lycées de Lyon, Clermont et Grenoble (les lycéen-nes stéphanois-es ne fument visiblement pas assez de shit à leur goût). Si aucun lycée n’a été nommé précisément, on se doute bien que la présidence de région souhaite garder un joli effet de surprise pour sa propagande personnelle au retour des vacances scolaires.
Le rapport, nous dit-on, est basé sur la triste réalité de la drogue et de ses addictions, et des vies qu’elle brise, selon les élu-es de droite. Catherine Staron (élue divers droite et co-autrice du rapport) peint le tableau d’une jeunesse perdue dans la drogue et notamment dans les nouvelles substances dont la fameuse « pète ton crâne » qui aurait créé des malaises auprès de trois jeunes de la Loire qui ont été interpellés par la police à la rentrée. Un discours qui n’est pas sans rappeler les très nombreuses paniques morales qui égrènent les médias nationaux sur les usager-es du crack depuis sa diffusion dans l’Hexagone ou sur les autres terribles « drogues de synthèses » venues directement des États-Unis. Staron souligne également que cette expérimentation vise à s’insérer dans une « stratégie globale contre le narcotrafic » en lien avec des « partenaires » que sont les académies, les préfectures ainsi que les parquets judiciaires.
L’idée est de venir parachever le dispositif de surveillance des lycées en complément des dispositifs de vidéo-surveillance, de contrôle d’accès et de filtrages déjà déployés par la région. La volonté n’est bien sûr pas de surveiller les lycéen-nes et leurs comportements, mais de « prendre le rôle de parents de protection de la jeunesse », toujours selon les mots de Catherine Staron, face à une prévention qui ne marcherait pas.
A l’issue de la présentation du rapport, on demande son avis à la commission éducation : lycées, enseignement supérieur, recherche et innovation. L’avis de Stéphanie Cartoux, en charge de la commission, est favorable. Ni plus, ni moins, la commission ne semble pas se poser beaucoup de questions.
Le président Fabrice Pannekoucke vs. La presse
S’ensuit un tunnel de parole extrêmement long de quinze minutes de notre cher président Fabrice Pannekoucke qui tient à apporter tout son soutien à un rapport qui ne remporte pas franchement l’enthousiasme de l’assemblée (excepté les fafs du RN, les zemmouriens de Haute-Savoie et quelques souverainistes). Après être venu rappeler à quel point il était important pour la sécurité de la région de faire renifler des lycén-nes par des chiens et des flics, le président de région s’en est violemment pris à la presse indépendante et ici au journal Médiacités qui avait publié à la rentrée 2025 un papier défavorable sur la lubie précédente de la région de mettre des portiques à métaux à l’entrée du lycée Mérieux à Lyon.
« Je vous remercie d’avoir posé cette question du torchon de médiacités auquel je n’ai pas pris la peine de répondre, je vous le concède bien volontiers, tout simplement parce que si je devais passer mon énergie à répondre à tous les torchons qui sont commis tout au long de l’année, c’est autant d’énergie que je ne mettrai pas au service des habitants de notre belle région. »
« Il faut que nos établissements puissent être des sanctuaires »
Son tunnel étant décidément très, très long, et les comptes à régler nombreux, il enchaîne en réitérant la nécessité de la poursuite d’une telle politique de sécurisation des bahuts de la région qui avait été critiquée par Médiacités comme étant illégale, et par la gauche comme « pas pratique ». Selon lui, le test au 1er septembre 2025 des portiques à métaux était voué à faire une démonstration de la fluidité du dispositif, permettant tout à la fois de faire rentrer toustes les lycéen-nes à l’heure en passant leurs affaires au scanner : « C’était légal, et concerté avec le rectorat. […] C’est tellement légal qu’on a reproduit l’expérience à l’occasion de la remise des bourses au mérite. »
Derrière les longues tirades véhémentes du président de région, il y a quand même quelques petits éléments à garder sur le futur de la sur-sécurisation des lycées, et sur lequel il faudra avoir une vigilance accrue. En premier lieu, la volonté de généraliser dans un avenir proche les scanners à métaux à l’entrée des lycées : « En revanche vous avez raison, lorsque nous installerons et investirons je l’espère avec le soutien de l’État pour que des scanners soient installé [visiblement dans tous] soient à ondes millimétriques, c’est à dire ni plus ni moins que ce qu’il y a dans les aéroports c’est d’ailleurs pour ça que j’ai repris cette image qu’il doit être aussi sécure de rentrer dans un avion que dans un établissement, et inversement. » La région et son président n’ont pas dit leur dernier mot sur cette histoire de scanners à métaux.
Alors qu’à l’assemblée de la région le débat portait initialement le 16 octobre sur l’entrée de brigades cynophiles dans les lycées, on voit bien la manière dont la présidence de région entend compléter un arc répressif sur l’ensemble de la jeunesse locale. Après les portiques de Wauquiez, les fouilles filtrantes, la vidéosurveillance viennent maintenant les chiens et les scanners à métaux. La manière dont la nouvelle du vote de l’expérimentation est accueillie à droite (typiquement sur les réseaux sociaux des élu-es locaux comme Pierre Olivier) donne assez bien à voir la suite des choses telle qu’envisagée par la région. Aux lycéen-nes, profs et autres personnels des lycées de rester vigilant-es et de lutter contre la mise en place de ces techniques sécuritaires.

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