Audience de la cour d’appel de Lyon du 20 avril 2006

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Délibéré le 1er juin ; mais sans s’avancer beaucoup on peut être certain que l’affaire est dans le sac... pour le gendarme qui a tué Aurélien Joux.

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Voir aussi un deuxième compte rendu du procès

Affaires en début d’audience

En théorie c’était à 13h30. En pratique il a fallu attendre la fin de l’audience soit 16h30-17h. On progresse : à Montbrison l’attente avait été jusqu’à plus de 20h. Ici ont donc été jugés, avant, quelques petits voleurs, ensuite pause vers 15h. Reprise vers 15h45 avec l’audience, serviettes parmi les torchons, d’un type (51 ans) qu’on appelle à la barre (il était au fond à côté de moi) et dont on apprend que c’est un spécialiste de l’outrage aux bonnes mœurs (exhibitionniste) et rôdeur autour des écoles : il aborde les gamines (14-15 ans) sous le prétexte d’un renseignement, ce qui lui permet de leur toucher les seins. Multirécidiviste, très connu des services apparemment, que la cour entend avec beaucoup d’attention avant de se retirer pour délibérer (« on ne va peut-être pas vous faire attendre M. X ») et s’en revient pour décider de nommer un nouvel expert (tout le monde était déjà d’accord pour cette nomination, qu’avait donc besoin la cour de délibérer d’avantage, sinon pour faire un peu plus traîner en longueur ?).

Le décor se présente à peu près comme suit : vu du fond imaginons qu’on rentre dans l’église on voit l’autel. Concélébration de 3 personnes avec au centre le juge (Finidori, je suppose) entouré par deux assesseurs. De chaque côté à la même hauteur (l’autel est surélevé comme tous les autels...) à gauche l’avocat général (ou procureur) à droite une autre nana sans doute la greffière. Au pied de l’autel, mais à la hauteur du public (et des avocats) une autre nana huissier. Le public, lui est sur deux rangées, une de chaque côté de l’allée centrale.

On est assis. La cour arrive. Faut se lever. Puis se rasseoir. Sans arrêt le même protocole dès que ces messieurs reviennent, ils nous feront le coup 3 fois, c’est la messe. La cour est masculine (le juge et les deux assesseurs). Démarrage. Première affaire. C’est un gamin (18 ans peut-être) d’origine cambodgienne agressé illico par le juge au motif qu’il n’articule pas assez bien lorsqu’il est sommé de donner son identité et adresse : « il faut s’y prendre 3 fois ! J’imagine quand vous vous présentez à un entretien d’embauche... » Pas une seconde il ne saurait y avoir de doute : et si c’était vous, votre honneur qui étiez un peu sourd ? (parce que toutes les fois il a la même grimace et difficulté à entendre). Il s’agit d’un vol de matériel informatique. Ce voleur de pommes, prendra 15 mois ferme. Le suivant, même genre. Mais lui, en plus, n’hésite pas apparemment, à user de la menace. Il est encore plus jeune. A été condamné à des sursis dans d’autres affaires par le juge pour enfants. Ca fera les choux blancs du président : « 7 fois condamné déjà ! ». Sombre histoire de chèques, et de menaces sur la famille de son ex-copine, qui veut rompre avec lui. Tout ça c’est la version lue par le juge. Aucun témoin. Personne à charge ou à décharge. Pas d’avocat. On lui fait l’aumône : en désirez vous un ? Oui bon, tenez y’en a un là. Allez zou défendez le vous... Auparavant c’est l’avocat général qui va se charger d’en rajouter une couche. Les accusés (qui arrivent menottés) sont accablés un maximum par cette espèce de comédienne quasi hystérique dans l’enflure, qui a l’air de se croire à la télé tant elle en fait des tonnes, à grand renfort de roucoulades : pour le second accusé, qui a pris 2 mois ferme en première instance, elle réclame 2 ans !!! Ce qui sera accordé...

De la soit-disante plaidoirie du commis d’office, je retiens juste ceci : « il a travaillé, c’est le principal... » faut dire qu’ici ce paramètre a l’air d’avoir une importance extrême... Et le « vous travaillez actuellement ? Vous faites quoi ? Et vos enfants, ils travaillent ? Ils font quoi ? » est systématique. Gare aux chômeurs et qui oseraient l’avouer...

Les arrêtés seront rendus « en cours d’audience ». Ah oui : un moment c’est le premier assesseur qui s’y colle. Lui, il joue la carte humour, sarcasme : « Ah, ah on a trouvé du haschich. » Lui et le président se relayent pour jouer avec l’accusé comme avec une souris. En revanche la cabotine avocat général ne se lasse pas de son rôle, qu’elle tient avec enthousiasme, contente d’elle, grands effets de manche, caricaturale, dans les gestes et dans la parole, grande carrière de comédienne...

J’oubliais : tout ça se déroule dans une ambiance flicarde à souhait. Y’en a 4 ou 5, armés jusqu’aux dents. L’un déambule, agressif, dans l’allée centrale. Après (je suis au fond) j’en ai deux postés en embuscade juste derrière moi... De plus, je m’aperçois qu’une rangée devant, d’un côté, ils sont plusieurs avec des légions d’honneur, peut-être qu’il y a même le directeur régional de la sécurité publique, et de l’autre côté, cet autre déguisé en flic, assis, en grande tenue et qui tripote son képi, c’est le tueur...

Enfin, enfin, une fois les deux gamins réexpédiés en taule et l’exhibitionniste parti incognito comme il était venu, il est 16h30/17h, enfin c’est le tour du tueur.

Affaire du gendarme tueur d’Aurélien

On l’appelle à la barre [1]. Identité, adresse. Puis on appelle la partie civile. Et le président redevient sourd et incompréhensif : ce qui avait demandé 30 secondes pour le flingueur va prendre plus de 5 minutes. C’est que c’est pas simple : l’adresse n’est pas la même pour les parents, pour les enfants (enfin, ce qu’il en reste...) pour l’oncle... C’est le bordel quoi... Alors que pour le gendarme, c’était mieux rangé... Quand ce petit cirque est terminé l’avocat (de la famille) demande s’il faut que la famille reste ici, à la barre, dans ce voisinage... Réponse du président (pas un instant il ne se soucie de la violence que constitue, pour la famille, cette promiscuité répugnante où on la contraint) : « S’il « faut » ? bah, c’est l’usage, l’habitude, mais est-ce qu’il « faut » ? non, comme vous voulez »...

En revanche il est soudain plus compréhensif quand il interroge l’accusé : feignant l’ignorance il lui demande : « Vous avez des enfants ? » et, comme l’autre lui dit : 3, il embraye aussitôt, ému et avec un soupçon de fierté « Trois garçons, hein ? »...
Un peu plus tard il se met même à conseiller le tueur avec ces mots : « Vous voulez vous lever, mon adjudant » !!!

Très rapide compte-rendu du jugement de Montbrison (les 18 mois avec sursis sans inscription au casier judiciaire et pouvant continuer à œuvrer dans la gendarmerie) mais s’appesantit sur l’accessoire : ces dédommagements, comment faire ? Il veut croire, il fait semblant de croire, que c’est cela qui motive l’appel. Ainsi, quand il dit à Marie-Noëlle Fréry, l’avocate de la famille « ..l’avis (de Montbrison) il est alambiqué, c’est pour ça ? »

De son interrogatoire il ressort : Pourquoi prendre un fusil à pompe lors du retour sur lieux ? Un des gendarmes (d’un autre peloton) qui vient aussi sur les lieux en a un également ! Quel déploiement alors que le gardé à vue est coopératif, qu’on connaît son identité, qu’il reconnaît les faits, qu’il a donné le nom de son « complice » en fuite. Succession d’« erreurs » selon le président... En effet : pourquoi avoir armé, chargé, ôté la sécurité même ! Selon lui, le président Finidori, c’est parce que « je crois que vous avez un peu peur des chiens » (à ce stade on se demande s’il est bien le président seul ou s’il est également le défenseur de l’accusé...) Il relève qu’il existe 2 versions, concernant ce fusil à pompe : celle du tueur et celle de son supérieur hiérarchique, capitaine Nicolas. Il semble que l’initiative de le prendre soit reconnue comme émanant du seul tueur. Pareil pour une hypothétique perquisition au domicile de la victime : à la brigade il semble qu’on se dispute pour savoir si on l’effectuera. On se dit, mais ce serait sans doute trop simple, qu’il n’y a qu’à confronter les points de vue des protagonistes, du capitaine Nicolas, mais on préfèrera rester dans ce flou artistique.
De même lors du drame : les témoins (les 3 ou 4 autres gendarmes) ne sont même pas entendus ni même convoqués. Une confrontation ne semble pas d’avantage devoir être organisée.

Après le drame môssieur l’assassin, ne se sentant pas bien est conduit à l’hôpital. Va-t-on procéder à une quelconque prise de sang pour une recherche d’alcoolémie ? Que nenni, voyons ! On se contentera d’un vague avis de médecin disant que R.A.S .... Allons-nous entendre ce médecin ? L’interroger ? Pas d’avantage...

Concernant le drame : il appert, hélas, que les experts contredisent l’adjudant. Comment l’expliquez-vous, ça, « mon adjudant » ? Il ne sait pas.. Aviez-vous le doigt sur la détente ? Dans un premier temps c’est oui, après on ne sait plus, on ne se souvient pas... Et cette laisse ? Vous aviez donc le fusil et la laisse, cette laisse passant sur le fût du canon (à ces mots le président les répète, songeur, un instant on jurerait qu’il va nous raconter le sketch de Fernand Raynaud...) vous étiez donc avec d’une part une laisse, un bout de laisse, mélangée avec un fusil à pompe approvisionné, armé, sécurité ôtée, canon dirigé vers l’habitacle à 50 cm du pare-brise, quelle situation à risque ! Le tueur est embarrassé, en grande difficulté même... Surtout qu’ensuite il dit que c’est le chien qui, en tirant sur la laisse, a fait que le coup est parti. Or il est prouvé que, dans ce cas, la trajectoire n’aurait pas été ce qu’elle fut... La confusion, la gêne... Son avocat voulant dissiper cette impression calamiteuse ne fait que l’aggraver en intervenant ainsi : « c’est que... depuis trois ans mon client est une victime aussi... » [2]

Marie-Noëlle Fréry [3] insiste : la version de l’adjudant et des experts est totalement incompatible. Elle dit, implicitement, qu’il n’est pas possible de douter que ce gendarme ment effrontément... De plus il a eu au moins deux versions : tantôt c’est le chien, tantôt c’est le coup qui est parti tout seul... Quelle est donc la version aujourd’hui ? Réponse : « pas de souvenir précis » (il vient de dire que c’est la faute du chien !) L’avocate générale tente de lui jeter une perche : la peur ? Et, plus tard : un réflexe ? Le président, lui, après avoir relevé que l’accusé a été armurier, connaît parfaitement le maniement des armes, ajoute, pour qu’on ne croie pas que son client... euh, pardon...l’accusé soit un maniaque dangereux des armes à feu, que connaissance professionnelle, c’est tout...

L’avocate demande : Mais enfin qu’auriez-vous fait des chiens de toute façon, si ça c’était bien passé ? L’adjudant ne sait encore pas...
Il semble bien, en outre, qu’il fallait une dérogation pour sortir ce fusil à pompe. De toute manière quelle était la nécessité de s’en munir puisque lors de cette équipée le chien d’Aurélien a finalement été abattu par un révolver de service ?

Elle rappelle que le PV de garde-à-vue n’a pas été signé. Pas d’avantage n’ont été signifiés au gardé à vue ses droits (de voir un médecin, de contacter sa famille, un avocat...etc) comme la loi l’exige. Mieux : on a procédé, dans l’illégalité la plus totale, à une « extraction de garde-à-vue » alors que celle-ci est du ressort du seul procureur général. Afin de mieux passer outre, on se garde de le contacter...

Dans un premier temps, sur les lieux, il y a jusqu’à 15 personnes en comptant le propriétaire du local où a eu lieu l’infraction présumée, celui-ci tenant en joue, en attendant qu’arrive la maréchaussée qu’il a prévenue, le présumé coupable et future victime.
Toute cette équipe repartira avec Aurélien laissant à l’abandon le fourgon avec les 2 chiens à l’intérieur, les clefs de contact, les phares allumés.

Dans un second temps lorsqu’on s’avise de revenir ils sont encore 4 ou 5 gendarmes et 2 fusils à pompe. Aurélien, menotté, sort les chiens du camion (ceux-ci nullement agressifs), chiens dont on ne sait pourquoi il faut à tout prix les sortir puisque rien n’est prévu pour eux... Ici, quelque chose est obscur : il semble qu’il y avait sur place, aussi, un garagiste censé s’occuper de ramener le fourgon dans son garage ? Dans ce cas ce serait la raison pour laquelle on veuille sortir les chiens ? Mais alors ce serait un témoin supplémentaire et qu’on n’aura pas jugé utile d’entendre non plus ?

On se dit, quand c’est le tour de Zébulon (paraît que c’est le surnom de cette avocate générale ou procureure générale) que ça va être du nanan pour elle, elle va pouvoir finir d’enterrer sans problème, avec force envolées, notre tueur/menteur. D’abord on y croit : pour elle c’est clair il y a une série, non d’erreurs comme il a été dit à tort, mais de « fautes » (aïe aïe aïe elle a oublié que c’est le président lui-même qui a employé ce terme qu’elle décrit comme fautif... gare à son avancement) mais aussitôt c’est pour, au contraire, comprendre la situation : ces deux chiens, c’est loin d’être une situation banale. Première embardée puis elle repart dans l’autre sens incontinent : il aurait fallu requérir un maître-chien, mais pour cela encore eût-il fallu passer par le procureur général, or notre adjudant a « oublié »... Et d’exonérer aussitôt son client, pardon, l’accusé : oui, je sais d’expérience : vous n’avez pas voulu, pas osé le déranger...(en disant cela elle n’a pas l’air de se rendre compte que, dans ce cas, il s’agit d’un mensonge (de plus) de l’amnésique « mon adjudant »).

Concernant le capitaine Nicolas : présence inutile, selon elle, cette affaire est de la seule « responsabilité » de l’adjudant, dont elle décrit ainsi la conduite dans cette affaire : « aucune logique...pas très cohérent...stratégie pas très lisible... ». De plus, l’arme approvisionnée, chargée, cran enlevé « ça non ! c’est la dernière sécurité que vous faites sauter ! » En résumé : il n’a « pas su adapter son comportement », c’est ennuyeux, « c’est dramatique pour tout le monde » et c’est la raison pour laquelle... (suspense) la sanction de 18 mois avec sursis est admirablement adaptée car, voyez-vous, il est suffisamment puni comme cela, avez-vous remarqué la quasi-honte avec laquelle il nous a dit tout à l’heure qu’il était désormais au standard, n’employant pas ce terme, trop humiliant sans doute en regard de ses anciennes activités... Donc, non, pas d’autre sanction, je m’en remets à la Cour, mais ce n’est pas la peine, quant à l’interdiction du port d’arme inutile de la requérir : l’accusé, de lui-même, est bien trop traumatisé pour vouloir en porter une...
Et notre volaille cabotine de se rasseoir, satisfaite, et dans une volée de plumes...

Je passe sur le soit-disant plaidoyer de l’avocat de l’accusé : vraiment trop mauvais. Ensuite brève déclaration de je ne sais quel représentant de l’Etat concernant les dédommagements, comme les deux précédents tout ce joli monde s’ « en remet à la Cour ». Et voici que le Président, surprenant même l’avocat de l’accusé... lui redonne la parole ! Qui se fend en bredouillant d’un tout autant inintelligible regret aux familles tout ça...

Délibéré le 1er juin ; mais sans s’avancer beaucoup on peut être certain que l’affaire est dans le sac...

En partant je vais saluer les frères d’Aurélien. Grande détresse. Après l’immonde « procès » de Montbrison ils se demandent si, là, ça n’est pas encore pire parce que plus hypocrite : on feint l’honnêteté mais pour finir il s’agit juste d’habiller d’un semblant de voile légal l’ignominie qu’on va couvrir. L’un d’eux me dit : Ce qui reste c’est le dégoût, l’écœurement. La seule chose que je voudrais entendre, que je voudrais qu’on dise c’est : ce type, cette saloperie, n’a définitivement rien à faire dans la gendarmerie, il faut l’en ôter, comme on enlève une pomme pourrie d’un panier pour ne pas qu’elle gâte son contenu. Au lieu de ça on l’y laisse et on le plaint en plus...

Notes

[1Le tueur était en tenue alors que pas en service : si on jugeait un clown est-ce que celui-ci aurait eu le droit de paraître dans sa tenue de clown ? Et une infirmière dans sa blouse blanche ? Un médecin avec son stéthoscope ?

[2Un moment pathétique : il est fait appel au présumé « honneur » de l’homme, du gendarme, pour qu’il dise enfin ce qui s’est réellement passé au lieu de se cantonner dans son oubli, son ignorance. Bien entendu l’appel fut vain.

[3A noter que l’avocate de la famille pensait parler en dernier au lieu d’en premier comme on l’y invite mais le président, avec un plaisir non dissimulé, lui apprend que c’était comme cela avant mais que la loi a changé et que désormais c’est comme au tribunal.

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