Corbas, témoignage sur la prétendue prison modèle

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En septembre dernier, les détenus de Lyon-Corbas signaient deux pétitions pour dénoncer leurs conditions d’incarcération : manque d’activité, cantines insuffisantes et onéreuses, suppressions de parloirs trop fréquentes, isolement des primos arrivants et silence de l’administration pénitentiaire face aux détresses de certains détenus qui se terminent parfois par un suicide, comme celui d’une femme samedi. 6 mois après, témoignage de Louisa, concubine d’un des signataires.

Pour rappel, la maison d’arrêt de Lyon-Corbas a ouvert ses portes en 2009 pour remplacer les anciennes prisons St Paul et St Joseph du centre ville. Symbole de la politique carcérale de l’ère Sarkozy, ces prisons éloignés des villes, sont construite par des sociétés privés qui les exploitent et les louent à l’Etat. Vantées comme propres, sûres et modernes par rapport aux locaux vétustes des anciennes taules, elles devaient améliorer les conditions de détention [1]. Il n’en est rien.

Les nombreuses portes à franchir pour aller d’un endroit à l’autre isolent les détenus des autres mais aussi empêchent les déplacements vers les zones de regroupements, d’activités et de travail. Le beau stade construit au milieu de la maison d’arrêt est la plupart du temps vide. Résultat, aujourd’hui la prison lyonnaise atteint des sommets en terme de nombre de morts en détention. Durant l’année 2011, l’administration pénitentiaire reconnaît 7 suicides à Corbas mais d’autres sources parlent de 12 morts. En gros en 2011, près de 10% des morts en détention en France ont eu lieu à Corbas alors la prison ne représente qu’1% de la population carcérale ! Un détenu dénonce l’insouciance des matons face aux suicides, allant même jusqu’à affirmer avoir vu des surveillants plaisanter en enlevant des corps de suicidés des cellules.

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Qu’a fait l’Administration Pénitentiaire après les pétitions ?

« Rien répond Louisa, dont le concubin a été l’un des premiers signataires, ah si ! ils ont supprimé les colis ! ». Les colis permettaient aux familles d’apporter des denrées aux détenus sans qu’ils aient à les payer plus cher (à l’intérieur, les produits sont majorés d’environ 30 %) [2]. « Et puis ils ont transféré les deux personnes qui avaient initié les pétitions ».

Aujourd’hui, des familles nous rapportent que les détenus restent en cellule 21 heures sur 24, qu’ils chopent la galle à chaque passage au mitard [3] qui n’est jamais nettoyée. Elles déplorent des attentes de 3 à 4 mois pour une un suivi psychologique. Le mari de Louisa a attendu 6 mois pour voir un dentiste : « il se contentent de leur donner des dolipranes ». Quand il est arrivé à Corbas, il sortait d’une double fracture au tibias, suite à une blessure au stade dans une autre maison d’arrêt. Après l’opération, il avait des séances de kiné mais à Corbas, les soins ont été supprimés durant toute la durée de sa détention avant de reprendre après son transfert vers une autre taule. Une autre femme de détenu confirme, son mari n’a eu aucun soin lors de son passage à Corbas alors qu’il avait une grave blessure à la main.

Au-delà des conditions de détention, ce sont les rapports avec les matons qui sont pointés le plus souvent par les familles de détenus, particulièrement ceux chargés de la surveillance des parloirs « qui sont toujours les mêmes ». Il y a les classiques comme les petits retards :

« Je finissais ma cigarette à une dizaine de mètres de l’entrée, ma fille m’a appelé pour me dire qu’on rentrait pour les parloirs, le temps que j’arrive, la petite s’est fait claquer la porte au nez ».

Des histoires d’humiliations au parloir, Louisa en a des dizaines :

« Une fois, avec mes enfants on a demandé gentiment si on pouvait avoir deux chaises supplémentaires pour qu’on puisse tous s’asseoir, un surveillant nous les amenées mais en râlant, il a claqué la porte en disant des insanités, des gros mots, ça a marqué la petite (13 ans)... ».

Louisa nous montre le certificat médical dressé par son médecin à la suite de cette altercation : « les enfants présentent un choc psychologique avec un trouble anxieux, vomissements, douleurs abdominales, sensation de ne plus respirer, ces symptômes sont apparus après qu’un surveillant ait parlé de façon violente à ces enfants ». « Déjà [les parloirs] les trouble, continue Louisa, ils me disent maman j’ai peur, maman j’ai mal au ventre ». Depuis que le détenu a été transféré, ces troubles ont disparu, « ça venait de la Maison d’arrêt de Lyon Corbas, cette prison a traumatisé mes enfants. Je préfère faire 700 km que 30 pour aller voir mon concubin mais du coup je le vois deux fois moins souvent ».
Ils ont fait une demande de rapprochement qui a été pour l’instant refusée par l’Administration pénitentiaire.

Elle se souvient encore :

« une fois, j’ai sonné au portique, (détection des métaux), je n’avais rien à me reprocher, j’ai insisté pour qu’on amène le détecteur de métal manuel, ils m’ont mis dehors, tout ceci en présence des petits, et suite à ça, j’ai été supprimée de parloir pendant 4 mois. J’ai eu un rendez vous avec le directeur qui a maintenu ma suspension de parloir. J’ai été au tribunal qui m’a donné raison, le juge a rétabli mon droit de visite et j’ai eu 800 euros de dommages et intérêt. J’ai été au bout parce qu’il était pas convenable que ma fille ne voit pas son père pendant 4 mois et j’incite les familles à toujours aller au bout des affaires, et à aller voir les associations, il ne faut pas baisser les bras, il faut se battre ».

Louisa a su faire respecter ses droits parce qu’elle était entourée [4] et elle déplore que « les familles n’osent pas faire des démarches parce qu’elles ont peur des représailles ». Il en va de même pour les détenus. Une autre femme raconte :

« Mon mari a été témoin d’un scène : suite à une altercation entre un détenu et un surveillant, ce dernier a dit « tu vas voir je vais revenir », ils sont revenus à 4 matons et ils l’ont tabassé ». Le jeune n’a pas osé porter plainte par peur de représailles, ils ont peur de se voir refuser toutes les demandes par la suite ».

Enfin Louisa recommande aux autres familles de se méfier de l’association San Marco. Cette association soi-disant indépendante chargée de l’accueil des familles avant leurs entrées dans la prison (l’association a un local sur le parking de la maison d’arrêt), serait très proche de la direction de la prison.

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La prison est une machine à détruire, Corbas est à la pointe.
Détruisons les prison ! Solidarité avec touTEs les détenuEs et leur proche !

Notes

[2Le 1er avril 2012, l’Administration Pénitentiaire a annoncé qu’elle figeait les prix pour 200 produits d’usage fréquents, quelle générosité !

[3Le mitard : cellule d’isolement disciplinaire, « la 2e vitesse pour casser du déténu » raconte un prisonnier.

[4Elle cite « les associations comme l’OIP ».

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  • Le 13 avril 2012 à 09:36, par christine

    Pour faire trembler les murs de toutes les prisons , gros concert de rap, rediffusé sur radio dio, radio canut et plein d’autres radios libres, le 5 mai de 21h à minuit.
    Plus d’info sur myspace.com/dusoncontrelesprisons

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