Cultiver un jardin en ville : les enjeux

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Les deux tiers de l’humanité seront bientôt urbains. Cultiver son potager en ville, de plus en plus s’y mettent ou l’envisagent sérieusement. Quels sont les avantages et les problèmes ?

L’Organisation Mondiale de la Santé a signalé en 2014 que plus de la moitié de la population totale de la planète vivait en zone urbaine. Bien que la proportion de la population vivant dans les villes au niveau des pays en développement et des pays développés diffère, l’organisation avait annoncé qu’en 2017, ce constat serait effectif même dans les moins développés. Selon le PNUD, en 2050, les deux tiers de l’humanité seront urbains. Or ces contrées sont traditionnellement connues pour avoir une population rurale majoritaire.

Dans un tel contexte, la pression ne fera que s’accroître sur les terres arables des zones rurales. En outre, il deviendra de plus en plus difficile de nourrir toutes ces personnes en partant uniquement sur la base de méthodes traditionnelles de production alimentaire. En d’autres termes, cultiver et récolter de la nourriture dans les zones rurales et les transporter vers les zones urbaines ne suffira plus.

Une alternative de production durable

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Cultiver sur place une partie de la nourriture destinée aux villes est un moyen de réduire la pression exercée sur les terres arables rurales. Bien sûr, cette approche en elle-même présente un certain nombre de défis dont notamment le manque d’espace et de lumière solaire en quantité suffisante entre les immeubles. Mais avec des solutions innovantes et un dévouement communautaire, ainsi qu’une certaine volonté politique, cultiver fruits et légumes, élever des animaux et dans une certaine mesure, entretenir des ruches en zone urbaine est une entreprise tout à fait réalisable.

En fait, il s’agit même d’une mutation qui est déjà bien avancée. En 2011, la ville de San Francisco a adopté une loi de zonage municipal autorisant les activités agricoles dans toutes les zones de la ville. Les autorités ont même redéfini un ensemble de paramètres permettant aux producteurs de vendre leurs produits, faisant ainsi prospérer l’économie locale des petits producteurs. Il ne s’agit là que d’un des très nombreux avantages de l’agriculture en milieu urbain.
La France n’est pas en reste puisque l’objectif 1er du Plan Biodiversité dévoilé en 2018 « vise à freiner l’artificialisation des espaces naturels et agricoles et à reconquérir des espaces de biodiversité partout où cela est possible, en ville comme dans les espaces ruraux ». Notons tout de même que de nombreuses voix se sont élevées contre le Plan Biodiversité, jugeant que le compte n’y est pas. Les mesures n’ont rien de révolutionnaires, elles sont plus incitatives que contraignante et un certain nombre d’entre elles ne sont pas financées. En outre, ce n’est pas le Plan Biodiversité mais bien l’engagement des citoyens qui a récemment permis de contrer l’artificialisation des terres (ZAD de Notre-Dame-des-Landes, EuropaCity, Forêt de Romainville, etc.).

Vecteur de cohésion sociale et d’éducation des plus jeunes

L’agriculture urbaine peut permettre de renforcer la cohésion au sein d’une communauté. En effet, un nombre important des approches de production actuellement disponibles sont axées sur un modèle communautaire et les produits sont partagés entre les familles locales. Il donne aux communautés une activité et un objectif communs permettant de fédérer les efforts et les individualités, avec comme récompense des aliments prêts à la consommation. Les jardins communautaires et les fermes peuvent devenir la pièce maîtresse de l’harmonie dans les quartiers. Le jardinage urbain peut également stimuler les économies locales, les consommateurs achetant des produits de petits producteurs et l’argent restant dans la région plutôt que d’être siphonnés par des multinationales.

L’emplacement des sites de jardin urbain peut également offrir des possibilités d’éducation aux enfants. Organiser une sortie scolaire dans une ferme rurale peut s’avérer excessivement coûteux, mais avec les fermes urbaines situées dans leur quartier, les écoles peuvent initier les enfants à la production alimentaire et les aider à se faire une idée de la provenance des aliments. Les écoles elles-mêmes peuvent aussi essayer ce type d’installation. L’agriculture urbaine peut également offrir des activités bénéfiques à d’autres groupes de la société parfois marginalisés, comme donner aux anciens délinquants la possibilité d’acquérir des compétences et donner aux personnes malades ou handicapées le moyen de s’impliquer dans la vie communautaire grâce à ce que l’on nomme les jardins thérapeutiques.

Des dangers pour notre santé

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Mais au-delà de tous les avantages, il y a de sérieux problèmes concernant la qualité du produit final. La pollution des sols en milieu urbain étant un véritable fléau. Tout comme l’est la pollution de l’air – d’ailleurs cause de nombreux problèmes sanitaires dont l’hypertension artérielle (HTA).
Certaines plantes comestibles absorbent et accumulent plus ou moins facilement des contaminants. L’absorption de contaminants par une plante dépend de nombreux facteurs, notamment le type de plante, le pH et la teneur en matière organique du sol.
En général, les plantes qui produisent des fruits (par exemple, les tomates, les courges, les pommiers et les poiriers et les baies) sont les plus appropriées pour la culture dans des sols potentiellement contaminés. Les cultures de racines et de tubercules (les carottes, les pommes de terre et les oignons) sont souvent les plantes les moins appropriées pour pousser dans un sol potentiellement contaminé, car les parties comestibles des cultures sont en contact direct avec le sol. Les légumes à grandes feuilles extérieures (par exemple, le chou, la laitue et le chou vert) sont facilement contaminés par la poussière, les contaminants dans l’air et les éclaboussures au niveau du sol.

Cependant, les recherches montrent qu’il existe des moyens de minimiser les risques liés à la contamination des sols. Pour réduire les risques d’exposition liés à la consommation de plantes, lavez soigneusement les produits avant de les consommer afin d’éliminer toute contamination potentielle du sol. Les légumes-racines ont un potentiel plus élevé d’accumulation de contaminants. Dans certains cas, il faut être prudent afin d’éviter de cultiver ce type de plantes comestibles dans des sols à forte concentration de contaminants.

Prendre le mal à la racine

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Nous évoluons dans un modèle capitaliste selon lequel le consommateur doit toujours dépenser son argent, les réformes qui permettraient de véritablement promouvoir une réduction des pollutions et une alimentation différente, font grincer des dents. Or c’est bien de la santé et de l’avenir de millions de gens qu’il est question.

Les jardins urbains ne constituent qu’un élément d’une approche écologique plus vaste pour un développement technologique et urbain plus sûr et durable. Notre monde n’est pas un bien que nous léguons aux générations futures, mais plutôt une terre que nous leur empruntons. Il nous appartient donc de prendre les mesures nécessaires pour assurer la survie des plus jeunes.

Et cela passe par une véritable volonté politique permettant par exemple de s’affranchir du quasi-monopole des lobbies de l’industrie du pétrole et de l’automobile. La Norvège est un témoignage palpable de la réelle portée de l’engagement politique dans le virage écologique et économique qui s’impose en ce 21e siècle. On parle entre autres d’une réduction de l’émission de gaz à effet de serre de l’ordre de 185.000 tonnes sur une base annuelle. Londres vient également d’annoncer qu’une rue fréquentée de la capitale deviendra prochainement interdite aux voitures diesel et essence. De nombreuses villes imposent déjà des restrictions en termes d’utilisation de la voiture lors de pics de pollution ou bannissent les voitures polluantes. Mais pourquoi ne pas étendre ce bannissement à toutes les voitures et toute l’année ?

Ou bien peut-être pourrions-nous revoir totalement l’architecture des villes. On peut citer en exemple les forêts verticales de la cité milanaise en Italie. Un exemple de paysage urbain qui devrait être étendu à l’ensemble des villes de la planète. De nombreuses études scientifiques ont en effet démontré à maintes reprises le rôle important que joue la végétation dans la régulation des niveaux de CO2 dans l’atmosphère. En partant du constat que les espaces urbains font partie des plus pollués de la planète, les villes vertes constituent désormais un impératif de survie. Cependant, plutôt que de le laisser le choix aux promoteurs immobiliers, ne pourrait-on pas rendre ces constructions ‘vertes’ obligatoires ? Le Japon qui a saisi l’enjeu de l’écologie à cette ère impose désormais des jardins verts sur les toits des bâtiments d’une certaine taille dans les métropoles.

L’exode rural est également l’une des raisons majeures des pollutions dans les grandes villes. Soyons réaliste, il serait quasi impossible pour chacun d’assurer par sa propre production l’intégralité de ses besoins alimentaires dans un environnement urbain. Ne pourrait-on alors pas envisager de limiter le nombre d’habitants ces villes ? Repenser l’organisation économique du pays permettrait de lutter contre la pollution mais également contre la désertification de nos campagnes.

Certains changements ne prônent pas un abandon total du style de vie connu de tous jusqu’ici. Nombre des solutions proposées par les écologistes et défenseurs de la nature ainsi que du bien-être de l’homme sont en réalité tout à fait compatibles avec notre mode de vie, pour peu que l’on soit prêt à quelques petites modifications. Mais il est également judicieux de se s’interroger sur des solutions plus radicales encore. Quoi qu’il en soit presque tous les problèmes de développement durable qui se posent aujourd’hui disposent de solutions écologiques que seule une véritable volonté politique permettrait de mettre en place rapidement.

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