C’est toujours avec une grande délectation qu’on constate d’une part les ravages du copier-coller dans la presse marchande et d’autre part les fantasmes de destruction qui hantent les journalistes.
Mieux vaut en rire qu’en pleurer, et si la fac de Lyon 2 est fermée administrativement aujourd’hui empêchant toute mobilisation politique comme avant les vacances de la Toussaint, revenons sur la campagne médiatique orchestrée par la présidence.
Le président Tiran a vraisemblablement perdu le contrôle de sa com’, dépassé dans son outrance par toute la presse, à la recherche en permanence de dérapages, de violences, qui lui permettent de pisser de la copie pour pas cher, et qui fait toujours plus vendre qu’un article de fond sur la mobilisation qui continue (malgré son enterrement qu’ils ont pu annoncer mille fois en 15 jours).
Pour savoir ce qu’il s’est effectivement passé mardi soir à Lyon 2, pas forcément glorieux non plus pour le mouvement, on pourra lire le témoignage d’un étudiant présent ce soir-là sur le campus.
Un autre, dans le forum de ce témoignage, établit le bilan précis de « la casse » constatée sur place :
environ 10 tables cassées
environ 10 chaises cassées
3 extincteurs vidés (dont un pour éteindre un feu)
1 machine à soda cassée (au frais de l’entreprise qui se fait plein de ronds sur le dos des étudiants en faisait payer le cl de boisson 3 fois son prix)
1 vitre de porte cassée
Quand aux quelques vieux dossiers effectivements brûlés, ils n’ont apparemment pas été dérobés dans les coffres-forts de l’université, mais pourraient faire partie des archives régulièrement jetées par l’administration et qui peuvent être trouvées dans les couloirs de la fac.
On en pense ce qu’on veut, que c’est potache, pas malin, mais on est déjà très très loin des délires de la présidence :
La présidence dépose plainte ce jour contre les auteurs de ces dégradations gratuites, très onéreuses pour l’Université, soit plusieurs milliers d’euros en une seule nuit. L’Université Lumière Lyon 2 mettra tout en œuvre afin que les constatations scientifiques opérées par la police permettent d’identifier dans les heures qui viennent les individus coupables de ces agissements.
Il s’agit d’actes de délinquance pure et simple. Surtout, le fait de mettre le feu aux archives d’une composante de l’université dans l’enceinte même d’un campus de type « Pailleron » relève de la mise en danger de la vie d’autrui et le cas échéant, d’une procédure criminelle.
Apparemment, y’a déjà grosse divergence sur les dégâts réels : pour la présidence, il s’agit de plusieurs milliers d’euros. Ca lui suffit quand même à lancer aux trousses des étudiants la police scientifique et demander l’ouverture d’une enquête criminelle.
La presse ne se pose pas de questions, reprend les 4 pauvres photos du communiqué de presse de la présidence, et commence à grossir les faits. Forcément, 3 dossiers brûlés et des tables empilées, ça fait pas lourd. Alors le tableau de la barbarie des occupants va se noircir au cours de la journée. Barbarie forcément incompréhensible, puisqu’elle n’est pas réelle, c’est le même procédé qu’avec « les casseurs » : on invente des personnages fictifs qui échappent de fait à toute compréhension. Ca tombe bien, ils sont juste là pour servir de repoussoir et faire vendre. Pour la présidence de Lyon 2, c’est tout bénef : elle se fait plaindre bichette, elle réussit à discréditer la partie du mouvement la plus radicale, en profite pour refuser les demandes de l’AG [1] et fermer la fac pour rendre hostile l’ensemble de la communauté universitaire.
Pour les Dernières Nouvelles d’Alsace par exemple : Le campus de Lyon-2 a été le théâtre des plus grosses dégradations. Malgré un arrêté de fermeture des locaux pris pour la nuit de mardi à mercredi, une trentaine d’individus se sont introduits dans les bâtiments et ont tagué les murs, bloqué les accès, brisé des vitres et brûlé des archives de dossiers d’étudiants. Il s’agit en fait de personnes de la fac, présentes parce que l’occupation avait été décidée en AG, phénomène qui n’avait pas jusqu’à présent fait l’objet de poursuites judiciaires ou d’enquêtes de la police criminelle.
Prudent, Le Parisien se contente de paraphraser le communiqué de la présidence. C’est que le boulot a déjà été fait par l’AFP, qui a ressucé le communiqué quasi texto de la présidence, comme on peut le voir sur Le Monde.
Mais quand Le Progrès reprend l’info dans son édition papier du jeudi 4 novembre, les dégâts ont subitement été multipliés par 100 et ils titrent « Plusieurs centaines de milliers d’euros de dégâts au campus de Bron ». S’apercevant de leur empressement un peu trop délirant, l’article a été modifié sur internet. En voici la capture avant rectification :
La version papier sera plus difficile à corriger.
Vingt-quatre heures après le communiqué de la présidence, et sa reprise par l’AFP donc par quasiment TOUS les journaux de France, il n’y a eu aucune enquête [2] sur la véracité des faits et leur présentation criminelle par la présidence. Le mal est fait, les journalistes ont fait leur taf d’auxiliaires de la répression, involontairement ou pas. Les communiqués de l’AG ou des syndicats tentant d’éclaircir ce qu’il s’est passé peuvent se multiplier, rien n’y fera, les journaleux sont passés au prochain buzz.
Ils pourront toujours vendre dans quelques jours du papier expliquant QUI sont VRAIMENT ces délinquant-e-s étudiant-e-s , ces barbares, qu’ils ont eux-mêmes créés.
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