Des 5 de Roanne au verdict de Créteil : compte rendu de rassemblements contre l’injustice

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Lundi 15 octobre après midi, se déroulait le procès en appel des 5 de Roanne, inculpés durant le mouvement contre la réforme des retraites. Un rassemblement-meeting était appelé en soutien. Mais ce même après-midi, dans toute la France, les féministes se rassemblaient également devant les tribunaux, suite au verdict de Créteil...chroniques de l’impunité versus la criminalisation.

Lundi 15 octobre dernier, ce sont environ un millier de personnes qui ont répondu à l’appel lancé par la CGT pour soutenir les cinq inculpés de Roanne appelés à comparaître en appel au tribunal "historique" de Saint Jean, à Lyon.
Pour avoir griffonné sur les murs roannais, durant le mouvement des retraites, des inscriptions telles le célèbre "casse toi pov’con", ils avaient été condamnés, en première instance, à de lourdes amendes ainsi qu’à l’inscription de leur peine au B2 de leur casier judiciaire, ce dernier point emportant leur révocation de la fonction publique dont ils sont tous cinq employés.

Une assemblée largement monochrome syndicalement : drapeaux CGT de badoit, de l’UL de Moulins, de Roanne, ... beaucoup de présents avaient fait le voyage en cars affretés pour l’occasion, venant y compris de zones situées au-delà de Rhône-Alpes. Forte représentation régionale, également, en particulier des alentours de Roanne, mais pas que. Puis, un peu comme lors de la récente manifestation contre l’austérité et les pertes d’emploi industriels, également largement monochrome, Lyon était, en comparaison, sous représenté. La CGT Vinatier, mais aussi Bluestar silicone et quelques autres connu.e.s en octobre 2010 sur les pavés lyonnais, étaient ainsi parmi les présents.
Au milieu de cette monochromie, un unique drapeau de SUD, porté par un militant de SUD Roanne...

Le meeting, avant l’audience, qui avait bien la pêche, réclamant l’amnistie de tou.te.s les syndicalistes inculpé.e.s avant les dernières élections, a vu intervenir le président du comité de soutien, la confédération CGT, la ligue des droits de l’homme, la Maire de Roanne, le parti de gauche, le secrétaire National du parti Communiste, ainsi que le secrétaire CGT de l’UL de Roanne.

Puis, rendu en sortie d’audience : le procureur a requis la peine attribuée en première instance, c’est à dire, de facto, la révocation de la fonction publique pour les cinq inculpés. Le président du tribunal a mis le délibéré au 19 novembre prochain, date dont plus d’un.e a alors remarqué qu’il s’agissait (hasard ?) de la veille d’un sinistre anniversaire : celui du procès de première instance. On apprend également que Pierre Coquan lui-même, secrétaire de l’UD CGT Rhône, est convoqué très prochainement au commissariat pour n’avoir pas déclaré dans les formes un rassemblement...

Ce n’est pas sans une pensée pour tous ceux, et toutes celles qui, oublié.e.s d’octobre 2010, ont été jugé.e.s par ce même tribunal lyonnais, que je suis allée à ce rassemblement. Coupables d’être violents alors qu’ils ont été violentés. Coupables d’avoir été des casseurs alors qu’ils.elles étaient des lutteurs.euses. Stigmatisé.e.s, méprisé.e.s...par une justice qui se dévoie en rendant des verdicts aussi injustes et iniques.
Non syndiqué.e.s pour la plupart, quelle amnistie sera demandée pour eux.elles, et par qui, aujourd’hui ? C’est une question qui devrait être posée à chaque organisation de cette ville.

Heureusement, d’anonymes petites mains se sont chargées de copier, format A3, puis de scotcher tout au long de la barrière du tribunal, des exemplaires des compte rendus des audiences d’octobre 2010, des audiences d’appel de début 2011 concernant les inculpé.e.s lyonnais.es du mouvement des retraites, ainsi que l’appel à soutien aux cinq de Roanne, tels que parus sur rebellyon, et l’affiche concernant l’anniversaire du 21 octobre 2010.
Lectures et discussions furent alors de la partie, montrant à tou.te.s que ce qui arrive là aux 5 de Roanne, n’est que la partie émergée de l’iceberg de l’utilisation scélérate de la justice pour réprimer ce mouvement social de 2010.

Et que tant que les réactions seront monochromes, que la couleur s’appelle "SUD", "CGT", "CNT" ou tout autre, on se défendra mal contre cette répression de masse, et, surtout, on oubliera celles et ceux qui sont "pas de chez nous", alors que ce sont, eux.elles aussi, nos camarades de lutte et d’action.

L’après midi aurait pu se finir ainsi, à 15h passées. Mais à 18h30, était appelé, devant le tribunal de grande instance situé rue Servient, à Lyon, un autre rassemblement, pour une autre cause : refuser, après le verdict de Créteil, l’impunité des auteurs de viols. Quelques syndicalistes lyonnais.es du précédent rassemblement s’y sont rendu.e.s, mais ici, point de syndicats en tant que tels. La monochromie est un peu moins forte, le rassemblement, d’un peu moins de cent personnes, regroupant plusieurs organisations féministes, ainsi que des sommités municipales lyonnaises, telles Thérèse Rabatel, adjointe chargée de l’égalité hommes - femmes pour la mairie de Lyon.
De fait, se tenant timidement loin de l’entrée du batiment (par peur des "lascars" ? Tout de même pas ?) le rassemblement a peu interagi avec les passant.e.s du lieu. Il a également péché par son silence : aucun slogan, aucun bruit. Des affiches, certes, mais pourquoi une telle timidité vocale devant le TGI ?
C’est une question. De même : pourquoi cette peur d’interagir avec les visiteurs.euses du lieu, ces fameux.euses "lascar.de.s" ?
Ce rassemblement a eu le mérite d’exister, d’être là pour dénoncer l’impunité d’auteurs de crimes, cependant que le premier (CGT) a eu le mérite d’être là pour dénoncer la criminalisation des luttes sociales contemporaines, même si ce n’était que pour une petite partie des inculpé.e.s du mouvement d’octobre 2010 hélas : ceux adhérent à l’organisation.

A travers cet après midi judiciaire, on peut faire émerger finalement plusieurs constats :

- La justice, certes bourgeoise et patriarcale à l’image de la société, devient une caricature grimaçante, proprement délirante, en oeuvrant aujourd’hui à faire révoquer de la fonction publique des personnes coupables d’avoir écrit "casse toi pov’con" sur un mur, cependant qu’elle relaxe les auteurs d’un viol en réunion réitéré, après avoir, l’an dernier, classé sans suite la plainte de Tristane Banon contre DSK. Ces affaires connues sur la place publique étant tout à fait représentatives des affaires plus "banales", restées dans l’obscurité des salles d’audience ordinaires, le plus souvent quasi-vides.

- Face à cette caricature qui, à ce stade, ne mérite probablement plus le nom de "Justice", mais celui d’"Injustice", les réactions sont, comme je l’ai décrit, "monochromes" : chacun.e défend ses proches, au coup par coup, et ne vient pas lorsqu’il s’agit de membres d’un autre groupe syndical que le sien (ou de membres d’aucun groupe syndical).
Ce, alors que nous subissons tou.te.s le même double mouvement de criminalisation des luttes pour un monde égalitaire ou moins inégalitaire, et d’impunité croissante pour les puissants, du violeur de Cité au violeur de Sofitel, en passant par les assassins de Wissam.

Dékarchériser les Parquets, cela peut-il se faire sans réactions plus collectives ?
Je ne suis pas sûre.

Zora la Rousse, racaille 2 France et folle alliée

La jus­tice est « le res­pect, spon­ta­né­ment éprouvé et réci­pro­que­ment garanti, de la dignité humaine, en quel­que per­sonne et dans quel­que cir­cons­tance qu’elle se trouve com­pro­mise, et à quel­que risque que nous expose sa défense. »
« Le droit est pour chacun la faculté d’exiger des autres, le res­pect de la dignité humaine dans sa per­sonne ; le devoir, l’obli­ga­tion pour chacun de res­pec­ter cette dignité en autrui »
(Pierre-Joseph Proudhon, in « De la Justice dans la Révolution et dans l’Eglise »).

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