Fukushima, on n’oublie pas !

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Il y a trois ans, le 11 mars 2011, avait lieu à Fukushima au Japon l’une des plus graves catastrophes nucléaires de l’Histoire (l’autre étant la catastrophe de Tchernobyl, survenue le 26 avril 1986). Trois réacteurs de la centrale, dont au moins un rempli de combustible MOX(1), ont fondu en partie et ont subi des explosions qui les ont fortement détériorés. Si aujourd’hui l’Etat et l’industrie nucléaire veulent nous faire croire que tout est plus ou moins « terminé », aidés en cela par un silence complaisant des média, il est clair que l’ampleur de la catastrophe n’a pas fini de se révéler. Et, au Japon comme ailleurs, les dégâts continuent...

Les populations locales, parfois laissées sur place dans des conditions très précaires, et d’autres fois évacuées pour être relogées aux alentours dans de simples baraquements, continuent de vivre au contact d’une forte radioactivité ambiante. Aux actions de décontamination dérisoires s’ajoutent des mesures plutôt illusoires de radioprotection. Et de toute façon, que pourrait signifier le fait de « décontaminer » quand tout est imprégné de radioactivité ? L’abondance et la dispersion des radioéléments sont telles que les radiations ne peuvent pas être « enlevées » comme on essuierait une tache sur un vêtement. Par ailleurs, les mesures de radioprotection mises en place semblent relever bien plus d’une volonté de contrôle social que d’une hypothétique préservation de la santé humaine.

Un grand nombre d’interdits et de restrictions visent à empêcher les gens, et surtout les enfants, d’aller dans les endroits considérés comme les plus radioactifs. Par exemple, il faut : marcher sur le sentier en béton et non pas dans l’herbe qui est à côté ; ne pas sortir dehors ; aller jouer dans telle cours de récréation « décontaminée » ; mettre des bouteilles d’eau aux bords des fenêtres (visiblement pour stopper les rayons gamma). Semblant parfois relever du bon sens, ces mesures servent surtout à donner l’illusion qu’en respectant certaines règles on vivra en bonne santé. Or, même s’il vaut mieux s’exposer quotidiennement à une dose de radiations la plus faible possible, on se demande bien au vu de la situation actuelle quelle différence cela fera au final. Ainsi, dans la mesure où la contamination ambiante est forte, respirer l’air du dedans ou celui du dehors ne changera sans doute plus grand chose. Et que dire des bouteilles d’eau mises aux fenêtres, ou entourant des aires de jeux ? Certes l’eau stoppe efficacement les rayons gamma, et c’est pour cela qu’un réacteur à l’arrêt est « noyé » sous dix mètres d’eau pour la maintenance, mais quelle peut être l’utilité réelle une bouteille pleine d’eau d’à peine dix centimètres de diamètre ?

Et il en est de même des mesures de radioactivité effectuées sur les aliments par diverses associations. Vouloir manger sans s’empoisonner est bien naturel, mais dans le cas présent il ne s’agit pas vraiment de cela. Comme la nourriture de la région est toute plus ou moins contaminée, on finira toujours par s’empoisonner en mangeant « local ». De fait, les mesures n’ont pour objectif final que de déterminer si les doses de radioactivité sont ou ne sont pas dans les normes officielles. Or ces normes, mises en place par les Etats ou les associations mondiales du nucléaire, n’ont jamais été faites pour garantir l’absence d’effets néfastes sur les êtres vivants (cancers, malformations, etc)(2).

On se rappellera au passage que les normes de radioactivité admissible pour les habitants de la province de Fukushima ont été fortement augmentées depuis la catastrophe (multipliées par vingt !), afin que la majorité des populations puisse rester sur place. Cela montre bien que ces normes ont pour but réel l’acceptabilité sociale du nucléaire. En situation « normale » (c’est à dire quand il n’y a pas d’accident), les normes sont une réponse aux inquiétudes et aux refus auxquels fait face l’industrie nucléaire en délimitant ce qui est « dangereux » de ce qui est « sans danger ». En limitant plus ou moins les pollutions radioactives, les pouvoirs publics veulent montrer qu’ils se préoccupent de la santé des populations, tout en garantissant évidemment la bonne marche des installations nucléaires. Mais à Fukushima le masque est tombé, et il est devenu clair la norme autorise, en la légalisant, ce qui est déjà existant plutôt que de chercher à préserver la santé des humains.

On perçoit bien également les limites que porte une opposition au nucléaire qui se cantonne à des mesures de radioactivité : on sait si on va être irradié, et à quel point -et souvent l’Etat le cache ou le minimise-, mais cela ne nous donne qu’une information, et pas de moyen d’action effectif. De toute façon, le caractère « admissible » ou non des doses est fixé par les institutions, et vouloir débattre sur ce point demande une expertise poussée qui exclut de fait une grande partie des populations. On notera d’ailleurs, avec une certaine ironie, que l’aide apportée par la CRIIRAD aux associations japonaises de mesure de contamination a été en grande partie subventionnée par la région Rhône-Alpes, région la plus nucléarisée d’Europe ! La largesse des subventions de cette région est donc en lien direct avec l’industrie nucléaire qui contribue fortement à sa richesse économique... Enfin, le caractère cynique de la gestion de cette catastrophe est bien illustré par tout ces enfants que l’on fait vivre avec un dosimètre accroché au cou en permanence (sauf pour dormir). Ce dosimètre n’apporte évidement aucune protection -il en serait bien incapable !-, mais offre la fausse garantie, par la connaissance théorique de l’irradiation globale reçue par son porteur, de préserver sa santé.

Tout ceci nous remet en mémoire une autre ignominie : les programmes mis en place en Ukraine et Biélorussie par les nucléocrates du monde entier, et le CEA en tête, dans le but « d’aider » la survie des populations vivant en territoire contaminés suite à la catastrophe de Tchernobyl. En fait d’aide, il s’agissait surtout de faire des études sur la vie dans ces territoires et d’expérimenter des méthodes de gestion sociale pour faire « accepter » aux populations une situation accidentelle. Et ceci, à la fois dans le cadre de la gestion de la catastrophe de Tchernobyl, mais aussi dans le cas où une autre centrale exploserait quelque part dans le monde. En montrant que l’on peut « vivre » en territoire contaminé, les experts du nucléaire relativisent (ou nient carrément) l’horreur de la pollution radioactive. Ce qui permet déjà de tranquilliser les gens vivant autour des installations nucléaires. Ils préparent aussi les populations exposées dans le futur à un accident nucléaire, à croire que celui-ci est surmontable si on veut bien s’en remettre aux spécialistes qui connaissent les solutions à adopter.

Mais la radioactivité se joue de ces mesurettes dérisoires, et déjà les effets de la catastrophe se font sentir. Depuis quelques années les maladies de la thyroïde ne sont plus répertoriées dans la région de Fukushima (visiblement les enfants qui veulent se faire soigner doivent aller dans d’autres régions). Les statistiques sur les naissances ignorent aussi cette région, et pour cause : le nombre d’enfants déclarés « mort-né » est en forte augmentation, et, phénomène curieux, on ne permet pas aux mères de voir leur enfant décédé en le soustrayant à leur regard à la fin de l’accouchement. Contrairement à l’intense battage médiatique qui a suivi l’accident, il semble qu’il n’y aura pas ou peu d’images des horreurs générées par la catastrophe nucléaire ; mais la réalité n’en est pas moins dramatique...

Nous ne pensons pas que le lobbying auprès des institutions où l’activisme médiatico-citoyen auront une influence décisive sur la question nucléaire. En France, c’est l’Etat qui est nucléaire. Il en tire sa puissance politique, militaire (la bombe atomique) et économique : l’industrie nucléaire et l’abondance électrique qu’elle permet son indispensables au capitalisme français d’aujourd’hui. Seule une remise en cause radicale des bases de la société capitaliste permettra d’en finir avec le nucléaire !

Arrêt immédiat du nucléaire, civil et militaire !

Organisation Communiste Libertaire – Lyon

1. - Mélange d’OXydes, c’est à dire d’uranium et de plutonium. Il y a toujours du plutonium dans un réacteur en marche, mais quand on en rajoute au début, il y en a bien plus dans le réacteur et s’il explose la contamination est bien pire.

2. - De toute façon il faudrait, pour être absolument sûr de n’avoir aucun effet, qu’il n’y ait aucune pollution radioactive !

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OCL - Lyon

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