Montréal, pause estivale, campagne électorale, Meeting de la CLASSE,
attente des suites
D’autres l’on dit il y a quelques semaines,
Finito, il n’y aura plus de négos. Le “punir et laisser pourrir” résume bien le programme de Charest pour l’été. Ce que beaucoup ont pu sentir depuis peu, c’est la baisse d’intensité du mouvement, à la faveur de l’été qui commence et vu que les cours sont suspendus jusqu’en août de toute façon.
La loi spéciale, en plus d’offrir plusieurs outils répressifs, avait suspendu les cours jusqu’à la semaine du 13 août pour les CEGEPS, et fin août pour les deux universités francophones. Ça n’avait pas diminué la grève, des manifs de casseroles avaient pris toutes les rues de la ville. Et de ces manifs ont commencé des assemblées populaires autonomes de quartier qui ont lieu chaque semaine depuis plus d’un mois. Elles rassemblaient 100 à 150 personnes les premières semaines et encore 40 à 60 personnes en juillet, mais plus qu’une quinzaine ces dernières semaines. Y a été surtout discuté l’organisation du soutien à la reprise de la grève, au blocage des CEGEPS le 13 août, y a été organisé des journées de discussions, des pique-nique rouge et la participation à la 100e manif de soir le 1er août.
Pour des infos sur les assemblées
Ces assemblées s’affirment contre la loi spéciale 78 et en faveur de la grève étudiante, et commencent aussi dans chaque quartier à élaborer des revendications spécifiques à chaque contexte (notamment contre la gentrification). Ces 3 dernières semaines se préparent, de plus, dans ces assemblées le soutien à la rentrée des classes. Les CEGEPS et Universités n’ont pas encore tenu d’assemblée générale, nul ne sait encore exactement comment les étudiants vont continuer la grève.
Pour tout le monde, juillet était l’occasion d’une pause, d’un repos avant la reprise des batailles. Mais entre temps, forcément, ça disperse un peu, la vadrouille et les vacances et surtout la réaction, elle, en profite pour s’activer et lancer ses attaques (et la police de la ville réorganise ses forces et ses troupes). Les élections sont officiellement déclenchées depuis le 4 août pour aboutir le 4 septembre, mais pendant tout juillet les journaux ne parlaient plus que de ça, et tout le débat d’opinion accompagnait ça. Ça n’arrête plus.
La réaction plus ou moins directement favorable au parti de l’ordre occupe l’espace public des journaux et paroles publiques pour demander dans un style paternaliste plus ou moins assumé aux étudiants de ne pas continuer la grève, de ne pas bloquer les cours, de ne plus faire d’actions, mais au contraire d’aller voter et de participer au débat électoral. Cet argument s’accompagnant surtout de l’affirmation sûre d’elle-même que faire grève favoriserait quoiqu’il arrive le parti libéral de Jean Charest puisqu’il est pour l’ordre et que faire du désordre c’est aller dans son sens.
"suspendre la grève mais garder le cap"
Il y en a eu deux à trois fois par jours des témoignages et lettres d’opinion dans « le devoir », le journal de gauche très lié au Parti Québécois, pour affirmer cette position et avancer peu à peu l’idée d’une trêve. Idem dans d’autres journaux ou sur les pages facebook. Toute la vieille gauche liée au Parti Québécois (qui avait organisé le référendum sur l’indépendance du Québec en 1995), artistes, profs, anciens politiciens, se sont réveillés pour dire à quel point c’était merveilleux ces jeunes qui s’agitaient mais que là, fallait redevenir sérieux et raisonnable, pas faire gagner Charest en courant vers les urnes plutôt que dans les rues. La canicule en plus, on étouffe par ici si on les entend trop.
C’est d’autant plus stupide qu’ils parlent tout seuls.. Aussitôt que la chef du Parti Québécois Pauline Marrois a porté le carré rouge dans une vidéo où elle s’essayait sans succès à taper dans une casserole, le Parti libéral a répliqué en diffusant la vidéo pour l’accuser d’être du côté de la rue. Illico, elle a retiré son carré rouge, et ne dit plus un mot ou presque sur le conflit étudiant (un peu comme ses électeurs disent qu’il faut voter pour elle pour pas diviser la gauche, elle veut pas non plus diviser ses patriotes, qu’ils soient pour ou contre la grève). Y a que Québec Solidaire, un parti de gauche plus petit, plus altermondialiste, pour se dire contre la hausse, et garder le carré rouge, mais ils sont justement traités comme outsiders, et quand bien même cela importe peu (on va pas les plaindre) les attaques médiatiques contre eux sont des plus rudes.
Dans tout les cas, ça occupe les esprits et l’espace, quand les manifs faisaient encore la Une des journaux, maintenant c’est des pages et des pages sur les élections. Et ça pèse... ça fait rire quand le porte-parole de la FEUQ, Léo Bureau Blouin, démissionne de son poste pour rejoindre sans surprendre le Parti Québécois, mais ça donne le ton aux votes de grève...
La Convergence des luttes anti-capitalistes a écrit un journal mural contre les élections ici
Cette semaine plusieurs CEGEP ont voté carrément contre la reprise de la grève (celui d’André Laurendeau notamment) ou pour une trêve pendant les élections (et la grève reprendrait après les élections si le nouveau pouvoir ne fait rien contre la hausse, au Cegep de Saint-Jerome notamment). Y a dans chaque AG beaucoup de militants de Québec Solidaire, ou encore plus du Parti Québécois, indépendantistes, qui prennent le micro autant qu’ils peuvent pour évoquer la trêve, dire que là bon soyons raisonnable, soyons stratégiques..
La trêve c’est la grande idée, comme pendant les élections il n’y aurait plus d’interlocuteurs possible, il faut attendre, et voir ensuite selon les résultats... Le gouvernement pourtant est encore en place, et l’on pourrait de toutes façons souhaiter maintenir la pression, les marquer au fer rouge, ou s’assurer qu’ils en parlent, qu’ils se positionnent sur tout les enjeux de la grève, du refus de la hausse des frais à la répression massive (quand donc que le parti québécois assure l’amnistie de tout les arrêtés ?).. Mais non, pour la position de « gauche » et l’idée de trêve, faire grève assurerait un maintien de Charest parce qu’il ferait campagne sur la loi et l’ordre, qu’il parlerait pas des vraies affaires, et qu’on lui tendrait le bâton pour se faire battre.. Y a un drôle de retournement, effroyable, où les injonctions des juges contre la grève et la loi 78 deviennent des arguments pour ne pas reprendre la grève parce que ça ferait mauvais genre et mauvaise presse, on en perdrait l’opinion.. Se faire matraquer en tenant piquet de grève, ça discréditerait devant l’opinion et on en perdrait les gains du mouvement.
On y sent surtout une dissociation par avance, une manière d’annoncer que si la loi 78 devenue loi 12 est appliquée (elle ne l’a pas encore été) contre les assos étudiantes (en leur prenant tout leurs moyens financiers) ou contre les grévistes, l’opinion de « gauche » dira bien en chœur « on vous l’avait bien dit, c’était beau le mouvement mais là ça va faire »... Le ton général est à l’enterrement, on parle sans cesse du « printemps dernier », de la nostalgie des casseroles, comme si il s’agissait déjà d’un lointain passé..
Pourtant, le mouvement continue, le 22 Juillet, comme tout les 22, 80 000 personnes au moins manifestaient dans les rues de Montréal. Le 1er août des manifs de casseroles sont parties de tous les quartiers de la ville vers le centre pour la 100e manif de soir, 20 000 personnes ont marché des heures, du centre-ville au quartier des spectacles.
On sentait une forte tension dès le départ. Arrivé près du carré des spectacles, 10 anti-émeutes sont là, au milieu de la place en bordure de manif, mauvais mouv’ de leur part. Ils sont vite encerclés par une bonne centaine de personne « bouge ! Bouge ! Bouge ! », c’est un jeu pour leur faire peur. 7 ou 8 reculent, admettant sans doute qu’ils sont très mal placés. Bêtement, y en a 4 qui semblent ne pas avoir entendu les ordres et qui restent au milieu comme pris d’un soudain orgueil... Ils gazent un peu, mais c’est que le début de la manif, tout le monde s’en va plutôt que s’attarder. La manif marche des heures, hurlant partout, joyeuse de recommencer à reprendre la rue (pour beaucoup ça faisait long sans manif). Elle passe près du bureau de Jean Charest, relativement protégé par une quinzaine d’anti-émeutes. Elle passe ensuite à travers le festival de la mode et du design, pendant un défilé de mode sous grosse musique techno, y a du gaz lacrymo dans l’air mais les mannequins continuent, imperturbables ou presque. Le public est furieux, mais pour autant, la soirée mode n’est pas complètement perturbée.
Depuis la manif, la CLASSE a organisé plusieurs actions :
http://www.ledevoir.com/societe/education/356346/ce-n-est-pas-des-elections-qui-vont-les-faire-plier
et elle faisait le 10 août au soir sa soirée de clôture de campagne à travers le Québec. Campagne ?
Ils se veulent « apartisans mais pas apolitques », et en Juillet un manifeste « nous sommes avenir » est paru, écrit pour donner discours à la CLASSE et au mouvement. S’y affirme que l’éducation n’est pas une marchandise, et que ce que nous possédons en commun, autant le payer en commun. S’y énonce une position contre le devenir capital humain des étudiants, et la disparition des institutions publiques, en essayant de donner un cadre plus large à la lutte contre la hausse, en ne la limitant pas qu’à des affaires comptables.
« Notre vision, c’est celle d’une démocratie directe sollicitée à chaque instant. C’est celle d’un Nous qui s’exprime dans les assemblées : à l’école, au travail et dans les quartiers. Notre vision, c’est celle d’une prise en charge permanente de la politique par la population, à la base, comme premier lieu de la légitimité politique. C’est une possibilité pour ceux et celles que l’on n’entend jamais prendre la parole. Une occasion pour les femmes de parler à titre d’égales, de soulever des enjeux qui, trop souvent, sont négligés ou simplement oubliés. Notre démocratie ne fait pas de promesses : elle agit. Notre démocratie ne nourrit pas le cynisme, elle le détruit. Notre démocratie rassemble, et nous l’avons démontré à maintes reprises. Lorsque nous prenons la rue et érigeons des piquets de grève, c’est cette démocratie qui respire. C’est une démocratie d’ensemble. (extrait du manifeste de la CLASSE) »
Du coup, il y a eut une campagne de discussions à travers tout le Québec dans l’idée de rencontrer la population et de partager la bataille. Ça s’est terminé le 10 août à Montréal dans une soirée aux allures de meeting... Ce meeting mérite un récit, il est sans doute unique dans sa forme, son lieu, son déroulé à d’autres mouvements étudiants, spécifiques aux moyens et coutumes ici. Il montre aussi que depuis 2005, dernière grande étudiante, la CLASSE a beaucoup changé...
Un vrai « meeting ».
Par ici, du fait de la formule RAND, chaque étudiant inscrit l’est forcément aussi à son asso étudiante facultaire, et participe de 10 dollars à son financement. Chaque asso facultaire vote la grève, et peut se rassembler au sein de la CLASSE ou de la FEUQ. Ça fait qu’ils ont beaucoup de moyens financiers, comme dans très peu d’autres pays. La dernière soirée de la tournée c’est à l’Olympia, une grande salle de concert louée pour l’occasion (comme ça arrive pour des AG aussi).
Donc, à 18h, ouverture des portes, y a une longue file d’attente devant la salle comme pour un grand concert de rock, d’ailleurs avant d’entrer faut passer la sécu de la salle (qui vérifie les sacs pour y trouver bières ou je sais pas quoi). La salle est grande, tout le parterre est rempli par des rangées de chaises sur lesquelles tout un chacun peut s’asseoir en attendant le début du show, à 19h00. Y a pas que des étudiants dans la salle, plein de curieux, de plus vieux, et de médias évidemment. En attendant le début, un film est diffusé, montage d’images d’actions pendant la grève : grandes manifs, manif de droit, « marions nous contre la hausse », tour de l’île en rouge, flash mob, vidéos de CUTV, de l’anti-émeute...
Le vidéo est là : http://nousautres.org/le-printemps-quebecois.html
Sur le site d’un journal à venir, qui s’appelle Nous Autres, comme une autre revue d’ailleurs en France...
S’y ajoute la vidéo sur fond de post-rock des manifs de casserole (elle a beaucoup tourné sur internet) : http://www.petitpetitgamin.com/2012/05/25/la-plus-belle-video-sur-les-casseroles-de-montreal/
Et le texte d’un prof en sciences-politiques sur fond de post-rock encore :
http://profscontrelahausse.org/medias/video/un-grand-tonnerre-video/
Ce texte là donne le ton d’autres paroles qui suivront dans la soirée, Christian Nadeau parle au vous en faisant dans l’éloge, vous êtes fantastiques etc. et nous maintenant on va vous entendre, on va faire quelque chose. Comme beaucoup d’autres, il ne dit rien sur une possible grève des profs, sur une participation qui déplacerait un peu le rapport de papa qui regarde les jeunes en se disant qu’il aurait aimé avoir 20 ans tout en assurant par là que le mouvement reste considéré comme un printemps par les jeunes pour l’opinion publique.
Ça enchaine ensuite, lumière noire dans la salle et spotlights sur la scène par la lecture du manifeste de la CLASSE puis par le spectacle d’un groupe de comiques locaux, les zapartistes, qui donnent ce soir dans le carnaval « bonsoir les radiaux, mesdames messieurs, panda, bananes et agents infiltrateurs bonsoir ». Ils font 10mn de blagues, d’imitation des médias et de Jean Charest (chevelu pour l’occasion). Ça fait un étrange effet, la mise en dérision comme ça, et le final de leur show sur un appel au vote...
Ensuite, c’est Jeann Reynolds, une des porte-parole de la CLASSE qui fait un discours sur la situation, une autre des porte-parole ensuite, Camille Robert vient parler de féminisme « femmes en grève vous êtes avenir ». Elle explique l’idée que les femmes seront les premières touchées par la hausse des frais, si l’accès aux études est difficile, c’est l’accès à l’autonomie et à la sortie des tâches domestiques et des emplois strictement féminins qui est rendu beaucoup plus difficile. Le manifeste de la CLASSE en parlait déjà quelque peu, avec tout un paragraphe aussi sur l’exclusion et le traitement différencié réservé aux femmes dans l’échelle des salaires comme dans la parole en réunion.
Après, Dominique Champagne, un acteur connu québécois vient donner dans le vous êtes génial, et là encore l’éloge, qui de nouveau ne dépasse jamais l’éloge à distance. « vous êtes des géants » dit-il, en précisant que Gabriel Nadeau-Dubois un des porte-parole de la CLASSE (le plus médiatisé) est un « géant parmi les géants ». L’acteur a sa pièce bien écrite, il appelle à défaire les libéraux en portant le « geste raisonnablement et pacifiquement ».
Heureusement, son discours est suivi d’un autre plus situé et qui précise que les élections ne changeront rien à bien des problèmes. C’est Maxence (ça prolonge l’ambiance show spectacle, noir dans la salle et surprise quand aux invités qui suivent), un étudiant au CEGEP de Saint-Laurent, qui a perdu l’usage d’un œil suite à une blessure par flashball lors de la manif de Victoriaville le 4 mai. Toute la salle se lève à son entrée sur scène pour une longue ovation, ça reviendra plusieurs fois ensuite. Il est très en forme et ne manque pas de faire des blagues dans son texte de colère, il parle de la brutalité policière à Montréal les années passées et pendant tout le mouvement.
Après, nouveau basculement dans les invités, c’est Yann Perrot, un chanteur qui enchaine à capella sur une chanson québécoise pour le Québec : « qu’avez-vous fait de mon pays, qui n’existe pas »...Il est vite rejoint par Malajube et plusieurs autres chanteurs connus, qui chantent deux chansons : « c’est mon affaire la terre et moi », « ça ne pourra pas toujours ne pas arriver, nous rentrons là où nous sommes déjà/ ça ne pourra pas qu’arriver, non pas question, nous ne laisserons pas tomber notre espérance ». Au final, en mots d’adieux après une thune « goodbye Charest », c’est encore l’appel aux urnes pour (précisions cette fois) retrouver la paix sociale...Appel qui reçoit bien moins d’ovations que celui de Maxence à continuer la lutte...
On remarque qu’ici comme ailleurs (en France avec Hollande, aux USA avec Obama, etc.) la « gauche » colle à son habitude et son discours, elle ne propose sans cesse que le changement de régime, l’appel aux urnes, sur un fond qui ne dit rien d’autre que sortons les libéraux sans se risquer à rien d’autre. Et tout un pan d’artistes, profs, et intellectuels, sont toujours là pour les accompagner et rejouer continuellement le bel espoir que ça va tout changer, que là c’est bon on tient tout. Pour ce soir là, c’est d’autant plus effroyable que c’est une des soirées du mouvement, qu’ils en font tous l’éloge pour s’en faire les croque-morts en enchainant par l’appel à la raison, au geste raisonnable, et aux fait que si « vous êtes fantastiques » c’est pour que « nous la gauche » on puisse gagner aux urnes...
C’est puant, même si la salle est grande et bien climatisée, ça déprime par avance, et la douzaine de gardes de sécurité qui entourent les rangées de chaises s’accommodent bien au discours de gauche, en rang vers les urnes et faîtes semblant d’y croire, la « gauche » qui n’a rien fait pendant le mouvement, qui n’était là qu’aux dernières manifs est venu pour « vous » le dire..
Comme dans un vrai show il y a un entracte, de 15mn, l’occasion de sortir hurler un peu dans la rue, et contre les quelques flics à vélo présents alentour, qui resteront d’ailleurs pas bien longtemps. Ensuite, retour dans la salle noire pour la deuxième partie (un verre de bière en main pour ceux qui cèdent et payent, parce qu’elle crissement chère la bière, salle de concert officielle oblige). Les intervenants de la deuxième partie sont un peu plus malins pour ne pas trop appeler aux urnes, ou le faire plus finement.
Ça continue avec Eric Pineault, un prof de l’UQAM (pas un mot il ne prononce sur une possible grève des profs, mais il soutient, il est solidaire et il aurait aimé avoir 20 ans). Il fait une présentation pour dire que le mouvement a brisé le voile du néo-libéralisme en demandant la gratuité scolaire et pas seulement une bataille de chiffres. Le mouvement aurait montré que tout n’est pas marchandise, que les institutions ne sont pas à vendre, etc. Il est suivi d’un autre prof, Christian Nadeau, qui cite René Char « l’éclair me dure » quand au mouvement, et n’appelle pas aux urnes parce qu’il admet que les institutions et la sphère politique a quelque chose de rance et vide, qu’il y a beaucoup d’obstacles à la démocratie et aux suites du mouvement, même si il dit encore « vous », pour dire « nous avons besoin d’aide », il faut que le mouvement apprenne à la gauche, montre à la politique ce qu’elle doit devenir. Il finit par citer Baudelaire « Vos ailes de géants ne vous on jamais empêché de marcher »...
Ça continue pour clôturer, trio de profs par Eric Martin, ancien gréviste en 2005, devenu prof depuis et très actif à travers l’IRIS (un groupe de recherche en économie) qui donne de la pensée à moudre à la CLASSE par des exposés contre la hausse. Eric Martin prolonge le travail de Michel Freytag et de tout un courant de sociologie à l’UQAM qui lutte sans arrêt contre la post-modernité parce que le néo-libéralisme et les instances économiques internationales auraient ruiné le projet moderne d’autonomie. L’éducation et l’université visent à constituer des sujets autonomes capables de jugement et par là, par extension, des institutions publiques et collectives capables de se réfléchir et de décider. Son discours très long décrit ce processus là, et y ajoute la nécessité de sortir de la croissance pour ne pas courir à la perte, et revient plusieurs fois sur le lien social, la discussion et l’usage de la raison pour lutter contre la vente aux enchères des institutions, des écoles et des universités qui veulent faire des étudiants du capital humain. Il finit par un appel à l’éducation, non à la soumission mais à la résistance au capitalisme.
Ensuite, Dan Bigras, un autre chanteur connu qui a beaucoup tweeté pendant le mouvement vient chanter quelques song au piano. Après, sous une grande ovation c’est l’anarchopanda sans son costume qui vient parler en tant que prof contre la hausse, « profs contre la hausse, c’est pas mal comme ce que vous faîtes mais en beaucoup moins hot et avec des profs », il attaque le capitalisme et défend les méthodes du mouvement, toutes les pratiques de démocratie directe, raille la police aidé par la loi spéciale qui veut légale une manif dont le trajet est déclaré, mais une telle situation « ça prend des gens qui décident et des gens qui suivent, et ça on fait pas ». Il est assez honnête pour dire « votre lutte » en l’explicitant par le fait que justement, les profs ne sont pas partis en grève. C’est un peu en train de changer récemment, les profs contre la hausse ont (enfin) publié un texte disant qu’ils désobéiraient à la loi spéciale :
Panda quitte la scène en annonçant Gabriel Nadeau-Dubois pour son dernier discours public puisqu’il a démissionné le jour même http://www.ledevoir.com/politique/quebec/356415/gabriel-nadeau-dubois-demissionne:->->http://www.ledevoir.com/politique/quebec/356415/gabriel-nadeau-dubois-demissionne:
Panda l’annonce en disant « c’est juste un porte-parole » mais ça ne marche pas, et GND est accueilli quand même par une longe ovation... Il prononce son discours, en parlant corruption d’abord pour dire qu’elle ne se résoue pas par un changement de personnel ou l’expulsion de quelques corrompus parmi les honnêtes. Non, c’est toute une structure, une réalité, des pratiques, qui les font exister et persister : le capitalisme. GND est du coup interrompu par une vague de slogans anti-capitalistes : "a a anticapitaliste... le capital nous fait la guerre, guerre au capital !". Et il enchaine ensuite sur la nécessité de défendre la chose publique, et sur le fait que malgré ce que disent les chroniqueurs qui prennent leurs rêves pour des réalités « le mouvement ne faiblit pas », « il est passé du fleuve au delta et s’élargissant les remous et les torrents sont un peu plus diffus ». GND dit qu’il ne démissionne pas pour fuir ou arrêter mais pour changer de rôle et parce que les attaques des médias et de Charest l’ont un peu épuisé, reste que citant Gaston Miron « nous sommes arrivés à ce qui commence ».
GND est suivi de Marc-André Cyr, un bloggeur beaucoup lu pendant le mouvement
http://voir.ca/marc-andre-cyr/, qui commence par une attaque contre les 1%, le petit nombre de ceux qui possèdent la plupart des richesses du monde et exploite sans honte, et dire qu’ensuite « on ose encore pleurnicher contre quelques vitrines brisées », il évoque aussi les « sphincters de la marchandise », le devenir marchandise de toute chose, et l’huissier qui frappe aux portes de l’occident, comment on l’accueille « avec des briques ».
Les intervenants d’après l’entracte sont moins ennuyeux dans leurs discours que les premiers, et ont beaucoup moins de conseils électoraux ou d’appels à la paix sociale à partager. La CLASSE leur a laissé un peu de place, mais aucun des porte-parole ne se prononce sur les élections, ni pour ni contre, et ils affirment des positions contre la capitalisme, l’économie, le Plan Nord, etc... ça pourrait rendre un peu plus compliqué certaines critiques anarchistes qui attaquent les positions de GND dans ses discours, mais si il se dit anti-capitaliste, il faut approfondir un peu plus la critique, et voir comment elle se joue dans sa forme et ses lieux, plus que dans l’attachement à un simple mot prononcé ou pas. L’anarchisme n’est pas qu’une pensée qui fonctionne aux mots-clés (à lire certains textes on en doute souvent quand même).
Le show, qui dure déjà depuis longtemps, n’en finit plus. Jeanne Reynolds revient sur scène pour un discours contre la délégation de pouvoir, contre la politique aux spécialistes, « nous sommes nous-mêmes moteur de changement », ça reposera jamais dans les mains des partis et des bureaucrates. Après elle, y a le Slammer Ivy qui chante quelques chansons, mais tout le monde s’impatiente pour le groupe de fin avec bruits :
mise en demeure ou on casse tout, mise en demeure ou on casse tout
mise en demeure et on casse tout, mise en demeure et on casse tout
mise en demeure, pour ceux et celles qui connaissent pas, c’est un groupe de Montréal, présent dans toutes les luttes étudiantes depuis 2005 qui jouent à toutes les occasions, en reprenant des blagues et situations du mouvement ou d’autres blagues ("si j’avais une machine à remonter le temps, j’irai casser la gueule à Jesus"). Et là, après tout ces discours et le calme, ils sont très attendus (même si une partie de la salle est partie). Ils arrivent, et chantent les chansons contre Charest, contre la police, contre les arrestations, celle contre les pacifistes à laquelle s’ajoute le panda déguisé mais cette fois c’est Maxence sous le masque qui chante avec Mise en Demeure.
Sous des allures de show, c’est en partie la soirée intellectuels organiques du mouvement, avec tout les intellos influences de la CLASSE, et Mise en Demeure qui sont souvent chantés en manifs, qui collent au réel du mouvement, font des blagues contre les élections, avaient écrit une chanson moquant Gabriel Nadeau-Dubois, en ont écrit tant contre Jean Charest qu’ils ont subi en juin une perquisition et dénonciation dans les journaux, Charest disant dans un de ses discours que si ils s’en prenaient à lui il faudrait « épargner sa famille ». Mise en demeure réplique dans son show « charest tu fumes du crack ça va finir par te tuer, on oubliera pas que t’as une famille ». Pendant le show, les chaises sont poussées et les menaces de tout casser réitérées, la sécurité de la salle s’inquiète beaucoup c’est assez drôle, même si finalement tout reste calme...
Une fois dehors, une tentative de manif de soir est lancée à nouveau, mais arrivée quelques rues plus loin, les flics sont là, déjà nombreux, et la manif par contre n’est pas bien grande... échec pour ce soir.
Au lendemain dans les journaux, ils en parlent à peine de la soirée de la CLASSE mais à nouveau des pages et des pages sur les élections.. Peu importe, en partie, mais on peut y voir quand même une forte décision ne plus parler que de ça et d’ignorer autant que possible le mouvement étudiant..
La grève continue ?!
Avant le 13 août, la CLASSE a tenu congrès samedi et dimanche. Ces congrès rassemblent des délégations de chaque CEGEPS et universités participant à la CLASSE (pas forcément tous en grève présentement), qui ont décidé d’appeler à la La CLASSE appelle à la poursuite de la grève et de la mobilisation populaire, de lancer un appel clair à la poursuite de la grève. Au même moment Samedi, l’assemblée du CEGEP de Saint-Laurent décidait à 20 voix d’écart de poursuivre la grève. Ce CEGEP doit rentrer en CLASSE vendredi 17, et la grève reprendra si d’ici là 20 000 étudiants sont en grève (la reconduction de la grève est à condition d’un plancher de 20 000).
Lundi 13 août, les CEGEP de Maisonneuve, de Marie-Victorin et du Vieux-Montréal ont tenu une assemblée générale pour décider de reprendre ou non la grève. Les administrations, craintives des affrontements avec la police ou de potentielles occupations des locaux, avaient suspendu les cours pour la journée, pas de nécessité de lever de cours ou de piquetage pendant l’assemblée.
Tout ceux qui ont pris part activement à la grève s’accordent à continuer, après 6 mois de batailles un mois de plus cela paraît bien peu, d’autant plus que pour l’instant rien n’a été gagné... Mais les clairons de la rentrée ont aussi fait revenir en assemblée beaucoup d’indécis et de décidés contre la grève (qui notamment portent un carré vert, contre la hausse mais contre la grève).
Et lundi, les assemblées de Marie-Victorin puis de Maisonneuve ont voté contre la reprise de la grève, contre tout simplement, sans même évoquer la trève. C’était une très mauvaise nouvelle, personne ne s’y attendait trop. En avril, mai, Juin, les différentes assemblées avaient évacué les votes de reconduction de grève en votant d’emblée un mandat de grève jusqu’à des négociations, jusqu’à la gratuité scolaire, ou jusqu’à ce que le nombre d’étudiants en grève descendent en-dessous de la barre des 100 000 (plancher de vote). Cela enlevait une forte pression à chaque moment d’assemblée puisque arrêter ou continuer la grève n’était pas du tout mis en question.
Après la pause estivale, et le déclenchement des élections, la nouvelle situation amène de nouveaux votes..
Et malheureusement, les élections décident beaucoup d’indécis à arrêter la grève. On ne fait pas facilement disparaître la toute puissance de la "confiance" ou du "crédit" porté aux institutions démocratiques. Surtout, rappelons-le, quand toute la gauche officielle promeut depuis des mois la trève ou l’arrêt. En mai-juin, le mouvement était consacré "printemps érable", événement historique, pour que ceux-là mêmes qui faisait cette éloge décide ensuite de conseiller sa fin dans le calme électoral... Pendant l’AG à Maisonneuve, beaucoup de grévistes ont pris la parole, mais dans la salle, la majorité des gens n’écoutaient pas, attendant juste le moment du vote, leur décision déjà prise...
Que ces deux CEGEPS ne poursuivent pas la grève a déprimé tout le monde, mais heureusement, dans la soirée, le CEGEP du vieux Montréal a décidé de poursuivre la grève ! Sans ça, la grève était terminée pour de bon ! La rentrée au Vieux Montréal est prévue pour vendredi matin ! Le blocage et piquetage s’organise d"ici là...idem pour Saint Laurent..
Et entre temps, ’beaucoup d’autres CEGEP votent pour ou contre la reconduction de la grève :
Calendrier de la rentrée des grèvistes – Assemblées et plan d’action
La suite de la grève dépend de ces votes là.
Beaucoup dès aujourd’hui mais surtout demain ont prévu de soutenir les blocages et piquetages, essentiellement à partir des assemblées populaires autonomes de quartier. La semaine qui vient va être déterminante, avant la reprise des universités fin août théoriquement toujours en grève. Les événements ces dernières semaines se sont beaucoup joués dans les journaux, et l’opinion, espérons qu’ils se jouent à nouveau dans la rue et les manifs de soirs, sans que l’idée de trève impose trop vite un retour au calme...
Cette fin de semaine, congrès de la classe, et lundi le CEGEP de Maisonneuve doit ouvrir de nouveau ses portes et tenir une assemblée de grève. Beaucoup vont s’y rassembler, soutiens et casseroles. D’autres CEGEPs par contre ne sont pas en grève. La semaine qui vient va être déterminante, avant la reprise des universités fin août théoriquement toujours en grève. Les événements ces dernières semaines se sont beaucoup joués dans les journaux, et l’opinion, espérons qu’ils se jouent à nouveau dans la rue et les manifs de soirs, sans que l’idée de trêve impose trop vite un retour au calme...
Il y a un appel à tenir les piquets de grève, à venir de partout pour le faire, mais on verra lundi 13 août !
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