Grève à Montréal, suspension avant reprise

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L’été à Montréal la chaleur parfois étouffante a calmé un peu les choses, même si la nuit il fait un peu plus frais les rues ne se remplissent plus de manifs chaque soir, et les services de Police sont moins occupés que quelques semaines avant. Mais le mouvement continue, le 22 Juillet, comme tout les 22, 80 000 personnes au moins manifestaient dans les rues de Montréal. Le 1er août des manifs de casseroles sont parties de tous les quartiers de la ville vers le centre pour la 100e manif de soir
Le 10 août la CLASSE faisait le 10 août au soir sa soirée de clôture de campagne à travers le Québec.

Montréal, pause estivale, campagne électorale, Meeting de la CLASSE,
attente des suites

D’autres l’on dit il y a quelques semaines,
Finito, il n’y aura plus de négos. Le “punir et laisser pourrir” résume bien le programme de Charest pour l’été. Ce que beaucoup ont pu sentir depuis peu, c’est la baisse d’intensité du mouvement, à la faveur de l’été qui commence et vu que les cours sont suspendus jusqu’en août de toute façon.

La loi spéciale, en plus d’offrir plusieurs outils répressifs, avait suspendu les cours jusqu’à la semaine du 13 août pour les CEGEPS, et fin août pour les deux universités francophones. Ça n’avait pas diminué la grève, des manifs de casseroles avaient pris toutes les rues de la ville. Et de ces manifs ont commencé des assemblées populaires autonomes de quartier qui ont lieu chaque semaine depuis plus d’un mois. Elles rassemblaient 100 à 150 personnes les premières semaines et encore 40 à 60 personnes en juillet, mais plus qu’une quinzaine ces dernières semaines. Y a été surtout discuté l’organisation du soutien à la reprise de la grève, au blocage des CEGEPS le 13 août, y a été organisé des journées de discussions, des pique-nique rouge et la participation à la 100e manif de soir le 1er août.

Pour des infos sur les assemblées

Ces assemblées s’affirment contre la loi spéciale 78 et en faveur de la grève étudiante, et commencent aussi dans chaque quartier à élaborer des revendications spécifiques à chaque contexte (notamment contre la gentrification). Ces 3 dernières semaines se préparent, de plus, dans ces assemblées le soutien à la rentrée des classes. Les CEGEPS et Universités n’ont pas encore tenu d’assemblée générale, nul ne sait encore exactement comment les étudiants vont continuer la grève.

Pour tout le monde, juillet était l’occasion d’une pause, d’un repos avant la reprise des batailles. Mais entre temps, forcément, ça disperse un peu, la vadrouille et les vacances et surtout la réaction, elle, en profite pour s’activer et lancer ses attaques (et la police de la ville réorganise ses forces et ses troupes). Les élections sont officiellement déclenchées depuis le 4 août pour aboutir le 4 septembre, mais pendant tout juillet les journaux ne parlaient plus que de ça, et tout le débat d’opinion accompagnait ça. Ça n’arrête plus.

La réaction plus ou moins directement favorable au parti de l’ordre occupe l’espace public des journaux et paroles publiques pour demander dans un style paternaliste plus ou moins assumé aux étudiants de ne pas continuer la grève, de ne pas bloquer les cours, de ne plus faire d’actions, mais au contraire d’aller voter et de participer au débat électoral. Cet argument s’accompagnant surtout de l’affirmation sûre d’elle-même que faire grève favoriserait quoiqu’il arrive le parti libéral de Jean Charest puisqu’il est pour l’ordre et que faire du désordre c’est aller dans son sens.
"suspendre la grève mais garder le cap"

Il y en a eu deux à trois fois par jours des témoignages et lettres d’opinion dans « le devoir », le journal de gauche très lié au Parti Québécois, pour affirmer cette position et avancer peu à peu l’idée d’une trêve. Idem dans d’autres journaux ou sur les pages facebook. Toute la vieille gauche liée au Parti Québécois (qui avait organisé le référendum sur l’indépendance du Québec en 1995), artistes, profs, anciens politiciens, se sont réveillés pour dire à quel point c’était merveilleux ces jeunes qui s’agitaient mais que là, fallait redevenir sérieux et raisonnable, pas faire gagner Charest en courant vers les urnes plutôt que dans les rues. La canicule en plus, on étouffe par ici si on les entend trop.

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C’est d’autant plus stupide qu’ils parlent tout seuls.. Aussitôt que la chef du Parti Québécois Pauline Marrois a porté le carré rouge dans une vidéo où elle s’essayait sans succès à taper dans une casserole, le Parti libéral a répliqué en diffusant la vidéo pour l’accuser d’être du côté de la rue. Illico, elle a retiré son carré rouge, et ne dit plus un mot ou presque sur le conflit étudiant (un peu comme ses électeurs disent qu’il faut voter pour elle pour pas diviser la gauche, elle veut pas non plus diviser ses patriotes, qu’ils soient pour ou contre la grève). Y a que Québec Solidaire, un parti de gauche plus petit, plus altermondialiste, pour se dire contre la hausse, et garder le carré rouge, mais ils sont justement traités comme outsiders, et quand bien même cela importe peu (on va pas les plaindre) les attaques médiatiques contre eux sont des plus rudes.

Dans tout les cas, ça occupe les esprits et l’espace, quand les manifs faisaient encore la Une des journaux, maintenant c’est des pages et des pages sur les élections. Et ça pèse... ça fait rire quand le porte-parole de la FEUQ, Léo Bureau Blouin, démissionne de son poste pour rejoindre sans surprendre le Parti Québécois, mais ça donne le ton aux votes de grève...

La Convergence des luttes anti-capitalistes a écrit un journal mural contre les élections ici

Cette semaine plusieurs CEGEP ont voté carrément contre la reprise de la grève (celui d’André Laurendeau notamment) ou pour une trêve pendant les élections (et la grève reprendrait après les élections si le nouveau pouvoir ne fait rien contre la hausse, au Cegep de Saint-Jerome notamment). Y a dans chaque AG beaucoup de militants de Québec Solidaire, ou encore plus du Parti Québécois, indépendantistes, qui prennent le micro autant qu’ils peuvent pour évoquer la trêve, dire que là bon soyons raisonnable, soyons stratégiques..

La trêve c’est la grande idée, comme pendant les élections il n’y aurait plus d’interlocuteurs possible, il faut attendre, et voir ensuite selon les résultats... Le gouvernement pourtant est encore en place, et l’on pourrait de toutes façons souhaiter maintenir la pression, les marquer au fer rouge, ou s’assurer qu’ils en parlent, qu’ils se positionnent sur tout les enjeux de la grève, du refus de la hausse des frais à la répression massive (quand donc que le parti québécois assure l’amnistie de tout les arrêtés ?).. Mais non, pour la position de « gauche » et l’idée de trêve, faire grève assurerait un maintien de Charest parce qu’il ferait campagne sur la loi et l’ordre, qu’il parlerait pas des vraies affaires, et qu’on lui tendrait le bâton pour se faire battre.. Y a un drôle de retournement, effroyable, où les injonctions des juges contre la grève et la loi 78 deviennent des arguments pour ne pas reprendre la grève parce que ça ferait mauvais genre et mauvaise presse, on en perdrait l’opinion.. Se faire matraquer en tenant piquet de grève, ça discréditerait devant l’opinion et on en perdrait les gains du mouvement.

On y sent surtout une dissociation par avance, une manière d’annoncer que si la loi 78 devenue loi 12 est appliquée (elle ne l’a pas encore été) contre les assos étudiantes (en leur prenant tout leurs moyens financiers) ou contre les grévistes, l’opinion de « gauche » dira bien en chœur « on vous l’avait bien dit, c’était beau le mouvement mais là ça va faire »... Le ton général est à l’enterrement, on parle sans cesse du « printemps dernier », de la nostalgie des casseroles, comme si il s’agissait déjà d’un lointain passé..

Pourtant, le mouvement continue, le 22 Juillet, comme tout les 22, 80 000 personnes au moins manifestaient dans les rues de Montréal. Le 1er août des manifs de casseroles sont parties de tous les quartiers de la ville vers le centre pour la 100e manif de soir, 20 000 personnes ont marché des heures, du centre-ville au quartier des spectacles.

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On sentait une forte tension dès le départ. Arrivé près du carré des spectacles, 10 anti-émeutes sont là, au milieu de la place en bordure de manif, mauvais mouv’ de leur part. Ils sont vite encerclés par une bonne centaine de personne « bouge ! Bouge ! Bouge ! », c’est un jeu pour leur faire peur. 7 ou 8 reculent, admettant sans doute qu’ils sont très mal placés. Bêtement, y en a 4 qui semblent ne pas avoir entendu les ordres et qui restent au milieu comme pris d’un soudain orgueil... Ils gazent un peu, mais c’est que le début de la manif, tout le monde s’en va plutôt que s’attarder. La manif marche des heures, hurlant partout, joyeuse de recommencer à reprendre la rue (pour beaucoup ça faisait long sans manif). Elle passe près du bureau de Jean Charest, relativement protégé par une quinzaine d’anti-émeutes. Elle passe ensuite à travers le festival de la mode et du design, pendant un défilé de mode sous grosse musique techno, y a du gaz lacrymo dans l’air mais les mannequins continuent, imperturbables ou presque. Le public est furieux, mais pour autant, la soirée mode n’est pas complètement perturbée.

Depuis la manif, la CLASSE a organisé plusieurs actions :
http://www.ledevoir.com/societe/education/356346/ce-n-est-pas-des-elections-qui-vont-les-faire-plier

et elle faisait le 10 août au soir sa soirée de clôture de campagne à travers le Québec. Campagne ?

Ils se veulent « apartisans mais pas apolitques », et en Juillet un manifeste « nous sommes avenir » est paru, écrit pour donner discours à la CLASSE et au mouvement. S’y affirme que l’éducation n’est pas une marchandise, et que ce que nous possédons en commun, autant le payer en commun. S’y énonce une position contre le devenir capital humain des étudiants, et la disparition des institutions publiques, en essayant de donner un cadre plus large à la lutte contre la hausse, en ne la limitant pas qu’à des affaires comptables.

« Notre vision, c’est celle d’une démocratie directe sollicitée à chaque instant. C’est celle d’un Nous qui s’exprime dans les assemblées : à l’école, au travail et dans les quartiers. Notre vision, c’est celle d’une prise en charge permanente de la politique par la population, à la base, comme premier lieu de la légitimité politique. C’est une possibilité pour ceux et celles que l’on n’entend jamais prendre la parole. Une occasion pour les femmes de parler à titre d’égales, de soulever des enjeux qui, trop souvent, sont négligés ou simplement oubliés. Notre démocratie ne fait pas de promesses : elle agit. Notre démocratie ne nourrit pas le cynisme, elle le détruit. Notre démocratie rassemble, et nous l’avons démontré à maintes reprises. Lorsque nous prenons la rue et érigeons des piquets de grève, c’est cette démocratie qui respire. C’est une démocratie d’ensemble. (extrait du manifeste de la CLASSE) »

Du coup, il y a eut une campagne de discussions à travers tout le Québec dans l’idée de rencontrer la population et de partager la bataille. Ça s’est terminé le 10 août à Montréal dans une soirée aux allures de meeting... Ce meeting mérite un récit, il est sans doute unique dans sa forme, son lieu, son déroulé à d’autres mouvements étudiants, spécifiques aux moyens et coutumes ici. Il montre aussi que depuis 2005, dernière grande étudiante, la CLASSE a beaucoup changé...

Un vrai « meeting ».

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Par ici, du fait de la formule RAND, chaque étudiant inscrit l’est forcément aussi à son asso étudiante facultaire, et participe de 10 dollars à son financement. Chaque asso facultaire vote la grève, et peut se rassembler au sein de la CLASSE ou de la FEUQ. Ça fait qu’ils ont beaucoup de moyens financiers, comme dans très peu d’autres pays. La dernière soirée de la tournée c’est à l’Olympia, une grande salle de concert louée pour l’occasion (comme ça arrive pour des AG aussi).
Donc, à 18h, ouverture des portes, y a une longue file d’attente devant la salle comme pour un grand concert de rock, d’ailleurs avant d’entrer faut passer la sécu de la salle (qui vérifie les sacs pour y trouver bières ou je sais pas quoi). La salle est grande, tout le parterre est rempli par des rangées de chaises sur lesquelles tout un chacun peut s’asseoir en attendant le début du show, à 19h00. Y a pas que des étudiants dans la salle, plein de curieux, de plus vieux, et de médias évidemment. En attendant le début, un film est diffusé, montage d’images d’actions pendant la grève : grandes manifs, manif de droit, « marions nous contre la hausse », tour de l’île en rouge, flash mob, vidéos de CUTV, de l’anti-émeute...

Le vidéo est là : http://nousautres.org/le-printemps-quebecois.html

Sur le site d’un journal à venir, qui s’appelle Nous Autres, comme une autre revue d’ailleurs en France...
S’y ajoute la vidéo sur fond de post-rock des manifs de casserole (elle a beaucoup tourné sur internet) : http://www.petitpetitgamin.com/2012/05/25/la-plus-belle-video-sur-les-casseroles-de-montreal/
Et le texte d’un prof en sciences-politiques sur fond de post-rock encore :
http://profscontrelahausse.org/medias/video/un-grand-tonnerre-video/

Ce texte là donne le ton d’autres paroles qui suivront dans la soirée, Christian Nadeau parle au vous en faisant dans l’éloge, vous êtes fantastiques etc. et nous maintenant on va vous entendre, on va faire quelque chose. Comme beaucoup d’autres, il ne dit rien sur une possible grève des profs, sur une participation qui déplacerait un peu le rapport de papa qui regarde les jeunes en se disant qu’il aurait aimé avoir 20 ans tout en assurant par là que le mouvement reste considéré comme un printemps par les jeunes pour l’opinion publique.

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Ça enchaine ensuite, lumière noire dans la salle et spotlights sur la scène par la lecture du manifeste de la CLASSE puis par le spectacle d’un groupe de comiques locaux, les zapartistes, qui donnent ce soir dans le carnaval « bonsoir les radiaux, mesdames messieurs, panda, bananes et agents infiltrateurs bonsoir ». Ils font 10mn de blagues, d’imitation des médias et de Jean Charest (chevelu pour l’occasion). Ça fait un étrange effet, la mise en dérision comme ça, et le final de leur show sur un appel au vote...
Ensuite, c’est Jeann Reynolds, une des porte-parole de la CLASSE qui fait un discours sur la situation, une autre des porte-parole ensuite, Camille Robert vient parler de féminisme « femmes en grève vous êtes avenir ». Elle explique l’idée que les femmes seront les premières touchées par la hausse des frais, si l’accès aux études est difficile, c’est l’accès à l’autonomie et à la sortie des tâches domestiques et des emplois strictement féminins qui est rendu beaucoup plus difficile. Le manifeste de la CLASSE en parlait déjà quelque peu, avec tout un paragraphe aussi sur l’exclusion et le traitement différencié réservé aux femmes dans l’échelle des salaires comme dans la parole en réunion.
Après, Dominique Champagne, un acteur connu québécois vient donner dans le vous êtes génial, et là encore l’éloge, qui de nouveau ne dépasse jamais l’éloge à distance. « vous êtes des géants » dit-il, en précisant que Gabriel Nadeau-Dubois un des porte-parole de la CLASSE (le plus médiatisé) est un « géant parmi les géants ». L’acteur a sa pièce bien écrite, il appelle à défaire les libéraux en portant le « geste raisonnablement et pacifiquement ».

Heureusement, son discours est suivi d’un autre plus situé et qui précise que les élections ne changeront rien à bien des problèmes. C’est Maxence (ça prolonge l’ambiance show spectacle, noir dans la salle et surprise quand aux invités qui suivent), un étudiant au CEGEP de Saint-Laurent, qui a perdu l’usage d’un œil suite à une blessure par flashball lors de la manif de Victoriaville le 4 mai. Toute la salle se lève à son entrée sur scène pour une longue ovation, ça reviendra plusieurs fois ensuite. Il est très en forme et ne manque pas de faire des blagues dans son texte de colère, il parle de la brutalité policière à Montréal les années passées et pendant tout le mouvement.

Après, nouveau basculement dans les invités, c’est Yann Perrot, un chanteur qui enchaine à capella sur une chanson québécoise pour le Québec : « qu’avez-vous fait de mon pays, qui n’existe pas »...Il est vite rejoint par Malajube et plusieurs autres chanteurs connus, qui chantent deux chansons : « c’est mon affaire la terre et moi », « ça ne pourra pas toujours ne pas arriver, nous rentrons là où nous sommes déjà/ ça ne pourra pas qu’arriver, non pas question, nous ne laisserons pas tomber notre espérance ». Au final, en mots d’adieux après une thune « goodbye Charest », c’est encore l’appel aux urnes pour (précisions cette fois) retrouver la paix sociale...Appel qui reçoit bien moins d’ovations que celui de Maxence à continuer la lutte...

On remarque qu’ici comme ailleurs (en France avec Hollande, aux USA avec Obama, etc.) la « gauche » colle à son habitude et son discours, elle ne propose sans cesse que le changement de régime, l’appel aux urnes, sur un fond qui ne dit rien d’autre que sortons les libéraux sans se risquer à rien d’autre. Et tout un pan d’artistes, profs, et intellectuels, sont toujours là pour les accompagner et rejouer continuellement le bel espoir que ça va tout changer, que là c’est bon on tient tout. Pour ce soir là, c’est d’autant plus effroyable que c’est une des soirées du mouvement, qu’ils en font tous l’éloge pour s’en faire les croque-morts en enchainant par l’appel à la raison, au geste raisonnable, et aux fait que si « vous êtes fantastiques » c’est pour que « nous la gauche » on puisse gagner aux urnes...
C’est puant, même si la salle est grande et bien climatisée, ça déprime par avance, et la douzaine de gardes de sécurité qui entourent les rangées de chaises s’accommodent bien au discours de gauche, en rang vers les urnes et faîtes semblant d’y croire, la « gauche » qui n’a rien fait pendant le mouvement, qui n’était là qu’aux dernières manifs est venu pour « vous » le dire..
Comme dans un vrai show il y a un entracte, de 15mn, l’occasion de sortir hurler un peu dans la rue, et contre les quelques flics à vélo présents alentour, qui resteront d’ailleurs pas bien longtemps. Ensuite, retour dans la salle noire pour la deuxième partie (un verre de bière en main pour ceux qui cèdent et payent, parce qu’elle crissement chère la bière, salle de concert officielle oblige). Les intervenants de la deuxième partie sont un peu plus malins pour ne pas trop appeler aux urnes, ou le faire plus finement.

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Ça continue avec Eric Pineault, un prof de l’UQAM (pas un mot il ne prononce sur une possible grève des profs, mais il soutient, il est solidaire et il aurait aimé avoir 20 ans). Il fait une présentation pour dire que le mouvement a brisé le voile du néo-libéralisme en demandant la gratuité scolaire et pas seulement une bataille de chiffres. Le mouvement aurait montré que tout n’est pas marchandise, que les institutions ne sont pas à vendre, etc. Il est suivi d’un autre prof, Christian Nadeau, qui cite René Char « l’éclair me dure » quand au mouvement, et n’appelle pas aux urnes parce qu’il admet que les institutions et la sphère politique a quelque chose de rance et vide, qu’il y a beaucoup d’obstacles à la démocratie et aux suites du mouvement, même si il dit encore « vous », pour dire « nous avons besoin d’aide », il faut que le mouvement apprenne à la gauche, montre à la politique ce qu’elle doit devenir. Il finit par citer Baudelaire « Vos ailes de géants ne vous on jamais empêché de marcher »...
Ça continue pour clôturer, trio de profs par Eric Martin, ancien gréviste en 2005, devenu prof depuis et très actif à travers l’IRIS (un groupe de recherche en économie) qui donne de la pensée à moudre à la CLASSE par des exposés contre la hausse. Eric Martin prolonge le travail de Michel Freytag et de tout un courant de sociologie à l’UQAM qui lutte sans arrêt contre la post-modernité parce que le néo-libéralisme et les instances économiques internationales auraient ruiné le projet moderne d’autonomie. L’éducation et l’université visent à constituer des sujets autonomes capables de jugement et par là, par extension, des institutions publiques et collectives capables de se réfléchir et de décider. Son discours très long décrit ce processus là, et y ajoute la nécessité de sortir de la croissance pour ne pas courir à la perte, et revient plusieurs fois sur le lien social, la discussion et l’usage de la raison pour lutter contre la vente aux enchères des institutions, des écoles et des universités qui veulent faire des étudiants du capital humain. Il finit par un appel à l’éducation, non à la soumission mais à la résistance au capitalisme.

Ensuite, Dan Bigras, un autre chanteur connu qui a beaucoup tweeté pendant le mouvement vient chanter quelques song au piano. Après, sous une grande ovation c’est l’anarchopanda sans son costume qui vient parler en tant que prof contre la hausse, « profs contre la hausse, c’est pas mal comme ce que vous faîtes mais en beaucoup moins hot et avec des profs », il attaque le capitalisme et défend les méthodes du mouvement, toutes les pratiques de démocratie directe, raille la police aidé par la loi spéciale qui veut légale une manif dont le trajet est déclaré, mais une telle situation « ça prend des gens qui décident et des gens qui suivent, et ça on fait pas ». Il est assez honnête pour dire « votre lutte » en l’explicitant par le fait que justement, les profs ne sont pas partis en grève. C’est un peu en train de changer récemment, les profs contre la hausse ont (enfin) publié un texte disant qu’ils désobéiraient à la loi spéciale :

Panda quitte la scène en annonçant Gabriel Nadeau-Dubois pour son dernier discours public puisqu’il a démissionné le jour même http://www.ledevoir.com/politique/quebec/356415/gabriel-nadeau-dubois-demissionne:->->http://www.ledevoir.com/politique/quebec/356415/gabriel-nadeau-dubois-demissionne:
Panda l’annonce en disant « c’est juste un porte-parole » mais ça ne marche pas, et GND est accueilli quand même par une longe ovation... Il prononce son discours, en parlant corruption d’abord pour dire qu’elle ne se résoue pas par un changement de personnel ou l’expulsion de quelques corrompus parmi les honnêtes. Non, c’est toute une structure, une réalité, des pratiques, qui les font exister et persister : le capitalisme. GND est du coup interrompu par une vague de slogans anti-capitalistes : "a a anticapitaliste... le capital nous fait la guerre, guerre au capital !". Et il enchaine ensuite sur la nécessité de défendre la chose publique, et sur le fait que malgré ce que disent les chroniqueurs qui prennent leurs rêves pour des réalités « le mouvement ne faiblit pas », « il est passé du fleuve au delta et s’élargissant les remous et les torrents sont un peu plus diffus ». GND dit qu’il ne démissionne pas pour fuir ou arrêter mais pour changer de rôle et parce que les attaques des médias et de Charest l’ont un peu épuisé, reste que citant Gaston Miron « nous sommes arrivés à ce qui commence ».
GND est suivi de Marc-André Cyr, un bloggeur beaucoup lu pendant le mouvement
http://voir.ca/marc-andre-cyr/, qui commence par une attaque contre les 1%, le petit nombre de ceux qui possèdent la plupart des richesses du monde et exploite sans honte, et dire qu’ensuite « on ose encore pleurnicher contre quelques vitrines brisées », il évoque aussi les « sphincters de la marchandise », le devenir marchandise de toute chose, et l’huissier qui frappe aux portes de l’occident, comment on l’accueille « avec des briques ».

Les intervenants d’après l’entracte sont moins ennuyeux dans leurs discours que les premiers, et ont beaucoup moins de conseils électoraux ou d’appels à la paix sociale à partager. La CLASSE leur a laissé un peu de place, mais aucun des porte-parole ne se prononce sur les élections, ni pour ni contre, et ils affirment des positions contre la capitalisme, l’économie, le Plan Nord, etc... ça pourrait rendre un peu plus compliqué certaines critiques anarchistes qui attaquent les positions de GND dans ses discours, mais si il se dit anti-capitaliste, il faut approfondir un peu plus la critique, et voir comment elle se joue dans sa forme et ses lieux, plus que dans l’attachement à un simple mot prononcé ou pas. L’anarchisme n’est pas qu’une pensée qui fonctionne aux mots-clés (à lire certains textes on en doute souvent quand même).
Le show, qui dure déjà depuis longtemps, n’en finit plus. Jeanne Reynolds revient sur scène pour un discours contre la délégation de pouvoir, contre la politique aux spécialistes, « nous sommes nous-mêmes moteur de changement », ça reposera jamais dans les mains des partis et des bureaucrates. Après elle, y a le Slammer Ivy qui chante quelques chansons, mais tout le monde s’impatiente pour le groupe de fin avec bruits :
mise en demeure ou on casse tout, mise en demeure ou on casse tout
mise en demeure et on casse tout, mise en demeure et on casse tout

mise en demeure, pour ceux et celles qui connaissent pas, c’est un groupe de Montréal, présent dans toutes les luttes étudiantes depuis 2005 qui jouent à toutes les occasions, en reprenant des blagues et situations du mouvement ou d’autres blagues ("si j’avais une machine à remonter le temps, j’irai casser la gueule à Jesus"). Et là, après tout ces discours et le calme, ils sont très attendus (même si une partie de la salle est partie). Ils arrivent, et chantent les chansons contre Charest, contre la police, contre les arrestations, celle contre les pacifistes à laquelle s’ajoute le panda déguisé mais cette fois c’est Maxence sous le masque qui chante avec Mise en Demeure.
Sous des allures de show, c’est en partie la soirée intellectuels organiques du mouvement, avec tout les intellos influences de la CLASSE, et Mise en Demeure qui sont souvent chantés en manifs, qui collent au réel du mouvement, font des blagues contre les élections, avaient écrit une chanson moquant Gabriel Nadeau-Dubois, en ont écrit tant contre Jean Charest qu’ils ont subi en juin une perquisition et dénonciation dans les journaux, Charest disant dans un de ses discours que si ils s’en prenaient à lui il faudrait « épargner sa famille ». Mise en demeure réplique dans son show « charest tu fumes du crack ça va finir par te tuer, on oubliera pas que t’as une famille ». Pendant le show, les chaises sont poussées et les menaces de tout casser réitérées, la sécurité de la salle s’inquiète beaucoup c’est assez drôle, même si finalement tout reste calme...
Une fois dehors, une tentative de manif de soir est lancée à nouveau, mais arrivée quelques rues plus loin, les flics sont là, déjà nombreux, et la manif par contre n’est pas bien grande... échec pour ce soir.

Au lendemain dans les journaux, ils en parlent à peine de la soirée de la CLASSE mais à nouveau des pages et des pages sur les élections.. Peu importe, en partie, mais on peut y voir quand même une forte décision ne plus parler que de ça et d’ignorer autant que possible le mouvement étudiant..

La grève continue ?!

Avant le 13 août, la CLASSE a tenu congrès samedi et dimanche. Ces congrès rassemblent des délégations de chaque CEGEPS et universités participant à la CLASSE (pas forcément tous en grève présentement), qui ont décidé d’appeler à la La CLASSE appelle à la poursuite de la grève et de la mobilisation populaire, de lancer un appel clair à la poursuite de la grève. Au même moment Samedi, l’assemblée du CEGEP de Saint-Laurent décidait à 20 voix d’écart de poursuivre la grève. Ce CEGEP doit rentrer en CLASSE vendredi 17, et la grève reprendra si d’ici là 20 000 étudiants sont en grève (la reconduction de la grève est à condition d’un plancher de 20 000).

Lundi 13 août, les CEGEP de Maisonneuve, de Marie-Victorin et du Vieux-Montréal ont tenu une assemblée générale pour décider de reprendre ou non la grève. Les administrations, craintives des affrontements avec la police ou de potentielles occupations des locaux, avaient suspendu les cours pour la journée, pas de nécessité de lever de cours ou de piquetage pendant l’assemblée.
Tout ceux qui ont pris part activement à la grève s’accordent à continuer, après 6 mois de batailles un mois de plus cela paraît bien peu, d’autant plus que pour l’instant rien n’a été gagné... Mais les clairons de la rentrée ont aussi fait revenir en assemblée beaucoup d’indécis et de décidés contre la grève (qui notamment portent un carré vert, contre la hausse mais contre la grève).
Et lundi, les assemblées de Marie-Victorin puis de Maisonneuve ont voté contre la reprise de la grève, contre tout simplement, sans même évoquer la trève. C’était une très mauvaise nouvelle, personne ne s’y attendait trop. En avril, mai, Juin, les différentes assemblées avaient évacué les votes de reconduction de grève en votant d’emblée un mandat de grève jusqu’à des négociations, jusqu’à la gratuité scolaire, ou jusqu’à ce que le nombre d’étudiants en grève descendent en-dessous de la barre des 100 000 (plancher de vote). Cela enlevait une forte pression à chaque moment d’assemblée puisque arrêter ou continuer la grève n’était pas du tout mis en question.

Après la pause estivale, et le déclenchement des élections, la nouvelle situation amène de nouveaux votes..
Et malheureusement, les élections décident beaucoup d’indécis à arrêter la grève. On ne fait pas facilement disparaître la toute puissance de la "confiance" ou du "crédit" porté aux institutions démocratiques. Surtout, rappelons-le, quand toute la gauche officielle promeut depuis des mois la trève ou l’arrêt. En mai-juin, le mouvement était consacré "printemps érable", événement historique, pour que ceux-là mêmes qui faisait cette éloge décide ensuite de conseiller sa fin dans le calme électoral... Pendant l’AG à Maisonneuve, beaucoup de grévistes ont pris la parole, mais dans la salle, la majorité des gens n’écoutaient pas, attendant juste le moment du vote, leur décision déjà prise...

Que ces deux CEGEPS ne poursuivent pas la grève a déprimé tout le monde, mais heureusement, dans la soirée, le CEGEP du vieux Montréal a décidé de poursuivre la grève ! Sans ça, la grève était terminée pour de bon ! La rentrée au Vieux Montréal est prévue pour vendredi matin ! Le blocage et piquetage s’organise d"ici là...idem pour Saint Laurent..

Et entre temps, ’beaucoup d’autres CEGEP votent pour ou contre la reconduction de la grève :
Calendrier de la rentrée des grèvistes – Assemblées et plan d’action

La suite de la grève dépend de ces votes là.

Beaucoup dès aujourd’hui mais surtout demain ont prévu de soutenir les blocages et piquetages, essentiellement à partir des assemblées populaires autonomes de quartier. La semaine qui vient va être déterminante, avant la reprise des universités fin août théoriquement toujours en grève. Les événements ces dernières semaines se sont beaucoup joués dans les journaux, et l’opinion, espérons qu’ils se jouent à nouveau dans la rue et les manifs de soirs, sans que l’idée de trève impose trop vite un retour au calme...

Cette fin de semaine, congrès de la classe, et lundi le CEGEP de Maisonneuve doit ouvrir de nouveau ses portes et tenir une assemblée de grève. Beaucoup vont s’y rassembler, soutiens et casseroles. D’autres CEGEPs par contre ne sont pas en grève. La semaine qui vient va être déterminante, avant la reprise des universités fin août théoriquement toujours en grève. Les événements ces dernières semaines se sont beaucoup joués dans les journaux, et l’opinion, espérons qu’ils se jouent à nouveau dans la rue et les manifs de soirs, sans que l’idée de trêve impose trop vite un retour au calme...

Il y a un appel à tenir les piquets de grève, à venir de partout pour le faire, mais on verra lundi 13 août !

à lire aussi :
- On est en grève pis c’est pas des crisses de farces !
- Montréal, les votes de grève tués par l’électoral

P.-S.

Toutes et tous à Montréal !
Grande Convergence à Montréal pour Bloquer la Rentrée (dès le 13 août)
Étudiantes, étudiants,
Voisines, Voisins,
Société québécoise et camarades venus d’ailleurs,

L’été est fini et c’est tant mieux car il est grand temps de reprendre les rues. Voilà plus de sept mois déjà que les étudiant-es se sont soulevé-es en criant « basta » à cette nouvelle hausse des frais de scolarité et « basta » aux gestionnaires corrompus. Dans leur révolte, ils ont entraîné toute une société grisée par un espoir nouveau, allant même jusqu’à remettre en cause les racines du capitalisme et du pouvoir politique. Dans cette lutte, les médias, les politiciens et les policiers ont fait montre d’une violence inouïe. La violence physique nous a scandalisés, mais la violence psychologique, ce monstre hideux, n’a pas encore montré toutes ses séquelles. Dans ce contexte, il est compréhensible que certain-es se soit découragé-es. Sous le coup de la loi matraque, certaines associations étudiantes ont même mis fin à leur grève. Mais pour plusieurs autres qui tendent encore bien haut le bras, le combat ne fait que commencer et NOUS DEVONS LEUR VENIR EN AIDE.

Lundi prochain les libéraux de Jean Charest tenteront d’imposer une rentrée forcée bafouant du même coup la grève et la démocratie étudiante. Ne laissons pas nos camarades défier la loi matraque seul-es. Du 13 au 17 août, soyons des centaines de milliers à converger vers Montréal pour leur venir en aide. Que nous soyons étudiant-es, travailleu-ses ou chômeur-ses, que nous soyons francos, anglos, abénakis ou autre, la grève résonne dans nos têtes comme un cri de casserole hargneux. Nous ne plierons plus jamais l’échine. Cette société est la nôtre et cet avenir est le nôtre. Il est grand temps de reprendre contrôle de nos vies. La grève sera longue.

Du 13 au 17 août soyons des milliers à converger vers Montréal

Pour des informations sur les activités de la semaine et des mises à jour consultez www.bloquonslarentree.com (ou aussi www.bloquonslahausse.com) . Pour de l’hébergement consultez www.backtostrikemtl.com .

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  • Le 29 août 2012 à 00:51, par anabraxas

    Faut pas se laisser leurrer par la rhétorique pompeuse de la CLASSE... ce mouvement de grève a toujours plus ou moins été corrompu et manipulé par l’influence politique autoritaire et les processus démocratiques aliénants. Faut pas trop se surprendre que le cirque électoral ait entraîné une grande partie des étudiants grévistes à baisser les armes et renntrer à l’école (et dans la société). Faut pas s’étonner, non plus, quand déjà au plus gros de la grève je voyais des tonnes de manifestants recevoir des directives par Twitter et Facebook de leur « chef » Gabriel Nadeau-Dubois, qui aurait probablement pu les faire se jeter du haut du Pont Jacques-Cartier s’il aurait voulu... lol

    Juste que j’aurais (on aurait ?) aimé que ça aille quelque part ailleurs que dans de stupides bureaux de scrutin. Qu’on continue de bâtir le pouvoir de la rue plutôt que tout lâcher pour s’asujettir à l’État. Si cette grève est perdue, c’est à cause de l’État qui sévissait discrètement tout ce temps, dans lesprit des gens. Aussi peut-être à cause du manque d’aggressivité des anarchistes à briser ce fantôme dans la tête des gens plus politisés.

    Fallait attaquer TOUTES les figures du pouvoir, y compris le notoire Comité médias de la CLASSE. Pas juste attaquer les médias de masse les plus évidemment réacs, mais TOUS, car ils servent tous, à leur façon, le Pouvoir.

    Cette débandade électorale m’a rappellé comment nous avions tout le pouvoir qu’on aurait pu rêver durant ces gosses mégas-manifs, pour prendre le centre-ville, l’occupper, en faire une grosse commune révolutionnaire. Mais l’État est une pieuvre. Sese tentacules doivent être subverties et abattues dans l’esprit des gens, avant tout.

    Pitoyables, comme de bons chrétiens...

    « Cons comme le Christ » comme avait écrit Bukowski.

  • Le 18 août 2012 à 18:38, par leutsas

    End game

    Il y a de grandes chances qu’à Montréal la grève soit finie. Fin, en tout cas pour la grève.

    Dans la semaine du 13 au 17 août à Montréal, les CEGEPS devaient rentrer en classe, retour forcé après la pause forcée par la loi 78 devenue loi 12. Dès lundi, plusieurs votes de grève tenu en assemblée devaient décider des suites de la grève... Les universités ne sont supposées rentrer en cours qu’au 27 août, et d’ici là tout reposait sur les CEGEPS... Dès lundi, ça commençait mal, avec à Maisonneuve et Marie Victorin les présents aux ags qui décidaient du retour en classe, sans rien dire d’autre, sans même évoquer la trève, sans plus même évoquer la suite. Non, rien, juste le retour en classe. Le lundi soir, le Cegep du Vieux-Montréal (un des bastions traditionnels) avaient ouvert de nouveau l’espoir en votant pour la reconduction de la grève, à 880 pour contre 800 contre à peu près, quelque chose comme ça. On pouvait encore espérer, surtout qu’un autre Cegep, celui de Saint-Laurent avait voté pour la grève à sa rentrée le 17 août. Ça promettait une journée de blocage pour la rentrée du vendredi ! Ça faisait oublier l’horreur du retour en classe à maisonneuve comme si de rien... ça faisait oublier les centaines de pancartes électorales photo portrait des candidats qui ont envahi les rues, elles sont partout, sur tout les poteaux, à tout les lampadaires.

    Mais. Tout les « contre » n’en peuvent plus. Et ils sentent aussi sans doute que l’opinion est avec eux. Après tout, toute la gauche officielle l’a dit, faut pas continuer y a les élections. Après tout, beaucoup dans le mouvement l’ont évoqué, la trève, faut pas continuer, y a les élections. Ça permet d’aller contre la grève poru finir sa session de cours sans dire pour autant qu’on est en faveur de la hausse. Ils ont opté alors pour une autre stratégie, une autre qu’en avril quand certains étudiants contre la grève faisait appel à des injonctions ordonnés par des juges pour avoir le droit inattaquable d’assister à leur cours. À ce moment-là, dans tout les journaux, la légitimité des assemblées générales et des votes de grève était attaquée tout les jours, des juges en vérifiaient les procès verbaux et les spécialistes n’en finissaient plus de se demander si la grève était légale ou non. En tout cas, toute la réaction s’accordait pour nier les décisions prises en assemblée. Déjà avant ça, mais encore plus ensuite, le mouvement de grève a affirmé sa légimité à partir des assemblées, et des principes de démocratie directe. C’était comme une arme contre les attaques faîtes sans relâche au simple fait qu’il existait, ce mouvement. Celui-ci une fois reconnu, rejoint par les casseroles, affiché dans tout les médias du monde, sur-puissant, nul n’osait plus alors critiquait les assemblées... pas même la réaction.

    Alors, ils ont changé de tactique et plutôt que de contrer ils ont investi, et ont retourné l’ag contre ceux qui voulaient continuer la grève. Dès mercredi 15, par pétition, par une idée de pétition trouvéen épluchant la charte des associations étudiantes et le code morin, code de procédure qui régit les ags, ceux qui portent un carré vert (contre la hausse mais contre la grève) avaient imposé qu’une nouvelle assemblée se tienne vendredi pour revoter ou pas la grève. Tout les journaux mainstream avaient alors relayé l’info et vendredi, à saint laurent comme au vieux-montréal il a fallut revoter. Revoter dans une ag bien pleine et investie, mais moins par les grévistes que par tout ceux qui voulait retourner en classe.. Certains, grévistes, avaient changé d’avis, face aux élections sans doute, mais beaucoup n’étaient jamais venu, ne s’étaient pas pointé pendant 6 mois, et voilà qu’ils revenaient, longtemps après, puisque c’est leur droit, peu importe, peu leur importe qu’ils aient pris part au mouvement, ou vécu quoique ce soit des manifs et des actions, et peu leur importe encore toutes les arrestations et la loi spéciale.

    Ça a été long à commencer. Une longue file dès 9h attendait pour rentrer dans le gymnase du vieux-montréal prêt pour l’occasion. Attendre parce qu’avant d’entrer chacun doit montrer sa carte étudiante et obtenir un carton de vote. À l’entrée, quelques gardas évidemment, les flics pas très loin, et tout près mais un peu autre avec des carrés verts qui tractent un papier jaune redonnant ce que l’administration du cegep avait envoyé plusieurs fois par mail à tout les étudiants : si vous reconduisez la grève, vous allez perdre votre session, avoir echec. Vous allez perdre des mois de salaires pour ceux qui attendent un travail à la sortie. Vous allez tout perdre, on vous voudra plus. A l’entrée, plusieurs banderoles d’assemblées populaires de quartier venues en soutien, beaucoup de gens parfois avec des pancartes « étudiante en rien soutien la grève », quelques uns venus de loin « étudiants d’Ontario en soutien à la grève ».

    L’assemblée à commencé à 11h dans un grand gymnase très rempli. L’ambiance est d’emblée tendue. Chaque décision prend un temps fou, celle de voter la tribune et celles qui suivent. D’emblée, il faut débattre d’un huis clos pour que les observateurs (non membres du CEGEP) n’aient pas le droit d’être dans la salle mais seulement dans les gradins au fond. C’est parce que soi disant lundi il y aurait eu trop d’intimidation. L’assemblée lundi s’était tenue le soir, et la manif de nuit était passée en soutien. Beaucoup, carrés vert affiché ou non, évoquent plusieurs fois l’intimidation, on les entend paranoïaque, mais ils insistent à chaque fois leur discours bien rodé sur la nécessité d’avoir une belle ag bien tenue pour avoir une décision des plus « démocratique ». à la tribune, le presidium est tenu par Patrick V. habituée de cette tâche, une version améliorée du code de procédure porte son nom. Il étudie en droit. C’est Le Spécialiste. Il parle comme une machine, il en a la voix, il y croit aux procédures qui doivent permettre au mieux la démocratie. Sa voisine tape sur un ordi (dont l’écran est projeté) l’ordre du jour, les propositions, les amendements. Son voisin est gardien du « senti », il s’assure que tout va bien, en termes d’ambiances, pas de procédures.

    Ça va pas, pour l’ambiance. C’est tendu. Ça crie souvent. Pas tant non plus, mais régulièrement, constamment, un bruit de fond. Pendant toute l’ag. Comme pendant toute l’ag ça sera une guerre à l’épuisement. Les deux camps usent des procédures soit pour repousser le moment du vote sur la reconduction de la grève, soit pour contrer toutes les vélléités d’avoir d’autres jours de grèves ou une ag de grève au plus vite. La première heure c’est pour discuter huis clos des médias et gardas et surtout de la légitimité de tenir cette assemblée. Les carrés verts argumentent à partir du code de procédure sur la possibilité de faire une pétition qui autorise la tenue d’un ag spéciale. Puis, une fois cela fait, une fois déjà plusieurs moments de cris enthousiastes ou contre, il faut battre le vote de lundi dernier qui relançait la grève. Après seulement, il est possible de faire une proposition de fin de grève avec retour en classe. Cette partie là sera très longue,elle pourra jouer sur l’épuisement puisque les grévistes ajouteront à la proposition simple de retour en classe des amendements tels que : un jour de grève tous les 22 du mois pour une manif, un jour de grève (qui au départ est une lévée de cours mais devient ensuite grève, après longues discussions), une ag 3 jours après les élections en septembre.

    C’est une bataille procédurale. Tout est joué pourtant, et toutes les propositions trop en faveur de la grève sont systématiquement battues par la majorité écrasante de ceux et celles qui ne sont venus que pour ça : abattre la grève. Eux, ils et elles sont contre, contre tout. Systématiquement, et ce sera fait d’ailleurs 17 fois pendant l’ag, ils utilisent la « question préalable », au bout de 5 interventions sur un amendement ou une proposition, demander cette question c’est demander le passage au vote immédiatement. Chaque fois, il y en a un qui craque et qui la demande avant les 5 interventions, même en ayant lu les procédures ça rentre pas dans leur tête, ils ne veulent pas s’y résoudre. Par contre, ils réussissent à bloquer toute proposition de plénière, c’est à dire de moment de discussion sur la situation, sur la grève. Rien. Il n’y aura que 2,3 interventions sur la proposition principale de retour en classe qui arriveront à évoquer un peu les mois passés, à dire la situation, à évoquer la répression. Il n’y aura que ces moments là, très brefs, pour dire que les profs contre la hausse ont voté pour une grève illégale (ça arrive tellement trop tard..), que beaucoup de gens se sont organisés pour aider les lignes de piquetages, qu’il faut maintenir la pression contre les partis politiques même pendant les élections, que les universités ont reconduit leur vote de grève. Non, à peine quelques minutes pour dire un peu de tout ça. 1200 personnes qui sont à l’ag pour ne rien entendre ni discuter mais simplement pour voter contre et mettre fin au plus grand mouvement de grève depuis très très longtemps au Québec sans même une discussion, rien d’autre que l’usage tactique par les deux camps du code de procédure de la « démocratie directe ».

    On se demande à quoi elle tient cette démocratie... En avril, le mouvement était attaqué par injonctions et critiques de sa légitimité, il a fallu battre ça. La légitimité c’est appuyée sur les ags, sur les votes de grève en ag tout en assurant qu’ils n’aient pas lieu à chaque ag en votant dès la première fois un mandat de grève jusqu’à la gratuité scolaire, ou jusqu’à une offre du gouvernement. Là, les procédures avaient été utilisé pour écarter les possibilités de mettre fin à la grève à chaque assemblée. Et puis, période trouble du mouvement, gauche officielle qui fait sa propagande pour le retour au calme, voilà que 1200 personnes viennent à la charge et font tout pour le retour en classe. 1200 que pour la plupart on a jamais vu en Ag avant, qui reviennent parce qu’ils sont inscrits au Cegeps et qui par là peuvent mettre fin à tout. La démocratie directe recoupe ici la démocratie parlementaire, celle qui fait discuter des gens qui n’ont rien en commun, qui sont supposés discuter rationnellement des décisions comme si ils étaient hors de tout contexte, de toute situation, de tout parti pris dans les conflits, comme si il fallait s’accorder parce que c’est possible, parce que le conflit est soluble dans l’accord raisonnable . Comme si ce que nous avons nommé notre « démocratie directe » était compatible avec le principe du UN MEMBRE = UNE VOIX.

    C’est pourtant les grévistes qui organisent toute l’ag, qui installent le décor, en assurent le bon déroulé. Mais le vote est absolu si le non gagne, il n’ y a plus rien de possible pour les 49% autres. La majorité silencieuse l’est précisément parce que son geste démocratique consiste à fermer la gueule de ceux et celles qui se sont démenés pour leur donner l’espace d’expression de le faire. C’est la démocratie de l’équivalence généralisée, qui n’a rien en commun avec une démocratie de lutte, où la concertation et les décisions sont prises par des sujets activement engagés dans un combat commun. La démocratie du mouvement était sa plus grande force et voilà qu’elle est son pire ennemi. Ce ne seront finalement ni les coups des flics ni la loi spéciale qui nous auront battu, mais des masses de dividus armés de leur simple « opinion ». Et ils s’y accrochent à leur opinion, on les voit s’aligner derrière le micro pour prendre toutes les interventions, faire taire absolument toute parole de grève, tout bloquer leur décision prise de toutes façons qu’il faut en finir.
    Ça rigole pour ne pas pleurer. Que si ils mettent fin à la grève il faut leur en faire baver, alors tant qu’à ça même si tout est perdu faisons trainer l’ag pendant des heures... ils disent que la grève leur fait perdre du temps, des mois de salaires ensuite, un manque à gagner dans la course pour rembourser, ok, go alors, faisons leur payer, épuisons les. Il y a des perspectives marxistes dans quelques textes pour dire que de toutes façons c’était comme ça et pas autrement, que c’est pas si intéressant puisque le mouvement reste réformiste et que les prolétaires du Québec n’ont pas rejoint la game, seulement les casseroles citoyennes. Fuck you. Il faut croire que vous n’avez parlé à personne pour imaginer que ceux qui prirent part à tout ça n’avait en tête que les chiffres de hausse, ou la petite réforme. Et non, on vous l’accorde, les prolétaires que vous aimez tant ce sont pas levés en masse, mais voyez vous seulement ceux qui se lèvent ou attendez-vous toujours auprès d’autres, de mystérieux autres qu’on ne reconnaît qu’à leur non apparition, qu’à leur invisibiolité la plus totale puisque tout ce qui surgit et semble commencer à recomposer quelque chose comme une guerre de classes, à tout cela, vous renvoyez votre mépris par l’emploi de la bonne catégorie vieille comme votre inaction : le réformisme. Fuck you.

    Ça a commencé à 11h mais le vote de retour en classe n’a lieu qu’à 17h30, longtemps après, quand ils en peuvent tellement plus que chaque moment est tendu, que ça hurle un peu, que l’animation à la tribune est sur le point de craquer. Le presidium est à l’image du rapport à la démocratie directe dans le mouvement, ce sur quoi on ne peut pas revenir, qu’il faut garder envers et contre tout. L’animateur explique à chaque fois ce que les carrés verts peuvent faire, il leur explique toutes les procédures par souci d’égalité, même si l’on pourrait préférer leur mettre des bâtons dans les roues,non, il se montre neutre même si ça tue la grève. Le gardien du senti à la fin il dit silence en étant lui-même en colère, au bord de la crise nerfs, on y croit plus à son ménagement des affects. Ça a de toutes façons bien souvent un côté trop infantilisant, où tout repose sur les procédures, le calme, où l’animation est là pour rappeler que l’ag on en fait ce qu’on veut, que ça ne tient qu’à nous, qu’il faut faire ceci ou cela, que c’est comme ça, mais bon tant pis sinon, à vous de voir, et soi-disant tout le code est là pour « faciliter ». Il rappelle à l’ordre et à la confiance, on se retrouve à attendre de lui le bon respect des procédures et à le remercier de lui garder son calme et de nous aider à se parler, à faire bonne parole bonne ambiance.

    À 18h00, c’est fait, ils ont gagné, ils ont levé l’assemblée, criait de joie et sont tous partis. Il y en avait un pour dire qu’il fallait que ça finisse parce qu’il devait aller à une course de char.. ça dit un peu leur ambiance, beaucoup sont en technique informatique ou en génie électrique, travaillent à l’infrastructure technique qui bousille la planète et en passant ils bousillent la grève. Ils sont sous une pression plus grande quand aux salaires, plus en concurrence entre eux, faut que dès leur diplôme en poche ils décrochent un boulot, ils frappent à la porte des entreprises. Pas de temps à perdre. Pas d’autre chose à faire.
    Ceux qui étaient pour la grève s’attendaient à tout ça, beaucoup ne sont même pas venus, le vote contre est écrasant, 1200 contre 300, quelque chose comme ça. Alors que lundi les pour étaient 850.. ils sont où ? Ils ont pas osé venir voter en ayant changé d’avis ? Ils se sont dit que cela ne vallait plus la peine... il n’y a que 250 personnes qui restent un peu dans le gymnase, après la défaite, au milieu des poubelles pleines et des papiers par terre, dans la grande salle vide, fini. Fini. Ça paraît pas possible, y aura encore des choses... Mais pour l’instant fin.

    À voir avec les universités, après les élections, mais d’ici là plus rien. Les membres de l’asso du vieux ont bien tenu l’assemblée quand même, ils ont réussi à imposer une grève tous les 22, une ag après les élections, c’est déjà ça. Au cegep de maison-neuve, rien n’était passé, seulement retour en classe. Là, on verra ce qu’il adviendra de cette tradition du 22..
    C’est inimaginable de se dire que c’est fini, que c’est peut-être fini pour un temps très long, que le parti au pouvoir ensuite va détruire les assos étudiantes, va empêcher que cela arrive encore par tout les moyens nécessaires... 6 mois de mouvement. Nul ne sait ce qui viendra ensuite, mais ce qui s’est joué là ne se répétera pas. Les processus par assemblée, ils seront trop préparés pour les contrer ensuite, nos ennemis.
    Il y aura encore des tentatives, des manifs, notamment dimanche soir, pendant le débat télévisuel des partis politiques en campagne, mais il se pourrait que l’ampleur soit perdue, que quelque chose ait bel et bien pris fin.

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