Face à un système pénitentiaire français en crise, l’Etat a choisi de répondre par une stratégie dite de "béton" en lançant un projet de prison de haute sécurité à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane française. Cette décision soulève de nombreuses interrogations, tant par son coût que par sa pertinence dans un territoire marqué par des défis sociaux, économiques et sanitaires majeurs. Elle ravive également un passé douloureux, en faisant écho à l’histoire du bagne colonial qui a longtemps marqué cette région.
La future structure, conçue pour accueillir des détenus jugés dangereux ou à haut risque, semble déconnectée des besoins prioritaires du territoire. En Guyane, les urgences relèvent avant tout du développement humain : accès à la santé, à l’éducation, à l’eau potable, à la sécurité alimentaire et à la justice sociale.
Dans ce contexte, la situation des peuples autochtones -notamment les indiens Wayanas, citoyens français vivant principalement dans le sud de la Guyane - révèle un déséquilibre préoccupant. Ces populations font face à un isolement géographique extrême, à une exposition élevée au mercure liée à l’orpaillage illégal, à un accès très limité aux soins médicaux et à l’éducation, ainsi qu’à une marginalisation persistante dans les politiques publiques. Le taux alarmant de suicide chez les jeunes Wayanas témoigne d’un profond mal-être, nourri par l’abandon institutionnel et la perte de repères culturels.
Pendant que des centaines de millions d’euros sont engagés pour construire et faire fonctionner un établissement pénitentiaire ultra-sécurisé, les infrastructures essentielles dans les villages autochtones restent sous-développées, voire inexistantes : écoles en mauvais état, postes de santé sous-dotés, réseaux de transport et de communication embryonnaires.
Cette juxtaposition brutale entre un équipement sécuritaire de pointe et le manque de services de base dans les territoires autochtones ne traduit pas seulement des choix budgétaires. Elle questionne la manière dont l’Etat considère ses territoires ultramarins et leurs habitants, en particulier les populations minoritaires, souvent oubliées des grands plans nationaux.
Enfin, cette situation met en lumière l’incohérence entre les ambitions affichées d’un développement équilibré de la Guyane et la persistance d’un modèle pénitentiaire en crise. Elle pose la question : quel avenir souhaite-t-on réellement construire dans ces territoires ?
Photo logo “Pause pour boire”, Watau, 1963
Butt Colson, Audrey (photographe) / WATAU
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