Depuis la rentrée, les élèves postulant pour le concours de l’l’IEP Grenoble étudient comme œuvre unique d’histoire le livre de Daniel Lefeuvre, Pour en finir avec la repentance coloniale, Flammarion, 2006. Cet ouvrage polémique s’inscrit dans le cadre du débat public lancé par l’article 4 de la loi du 23 février 2005 [1]. A l’époque, Catherine Coquery-Vidrovitch avait proposé un compte-rendu critique de cet ouvrage qui adopte une position partisane sur le fait colonial et ses usages publics. S’il n’est pas inintéressant de sensibiliser des étudiants à l’intelligibilité de questions mémorielles, il convient, pour cela, de préciser au minimum la nature spécifique de l’ouvrage à étudier. L’interpellation de notre collègue ci-dessous nous semble donc très opportune afin de clarifier les attentes de l’IEP Grenoble quant à l’étude de cet ouvrage.
L’auteur vise dans cet ouvrage à « démonter […] à l’aide des bons vieux outils de l’historien –les sources, les chiffres, le contexte- […] les contrevérités, billevesées et bricolage [qui composent] le réquisitoire des repentants » (extrait de la quatrième de couverture). Le ton est donné ; Daniel Lefeuvre compte rétablir des « vérités » contre les discours de tous ceux (politistes, historiens, journalistes, politiciens..., les « repentants ») qui « mènent combat pour dénoncer le péché capital que nous devons tous expier : notre passé colonial, à nous Français » (ibid.).
L’ouvrage proposé cette année au concours d’entrée de l’IEP doit-il être considéré par les candidats et les préparateurs comme un livre d’histoire sur la colonisation, comme un document historique sur les conflits actuels autour de la mémoire coloniale, ou bien encore comme un essai partisan ? Sans doute est-il l’œuvre d’un historien ; mais il s’agit en réalité d’un pamphlet politique, qui vise la controverse, et qui cherche bien davantage à condamner ce que l’auteur perçoit être « une propagande repentante » (p. 157), qu’à offrir une histoire de la colonisation. La « propagande repentante » comprend aussi bien, pour l’auteur, les travaux de nombreux professeurs d’histoire, spécialistes de la colonisation, que les discours de Tarik Ramadan.
Dans ces conditions, il semble donc nécessaire que l’IEP précise clairement le statut de l’ouvrage au programme qui est conféré pour ce concours – et d’autant plus qu’il s’agit d’une année électorale, qui provoquera des débats où les questions dont traite l’ouvrage ne seront sans doute pas absentes.
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