Idées : protéger contre les violences policières en manif

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Ayant vu les violences de la répression aveugle lors de la manif COP21 de décembre, je me suis demandé s’il ne serait pas possible de trouver des moyens de lutter contre ces violences sans user nous-mêmes de violence. Réflexions appelant la réflexion, article participatif…

Premier article que je fais ici, donc je ne savais pas trop comment me lancer. Allons-y...

Étant adepte des jeux de rôle Grandeur Nature, j’ai notamment eu l’occasion de me retrouver à utiliser des techniques de « combat de ligne » avec un bouclier et une épée en mousses aux cotés d’autres personnes armées de même.

Après la manif de la Cop21 et sa répression, j’ai remarqué que face aux CRS qui matraquent au sol et tentent d’arracher des personnes au groupe, je me suis demandé si certaines de leurs propres techniques ne pourraient pas servir nos actions.


Le Bouclier de protection

J’ai imaginé un bouclier-pancarte, bâti sur les bases des boucliers de GN, à savoir quasiment entièrement en mousse, prévus pour être le moins dangereux possible pour les autres (en cas de malencontreux coup donné avec)

  • _ Le bouclier serait constitué d’une âme en plexiglas (les autres matériaux sont trop fragiles ou trop « solides »), un rectangle arrondi de 40x70-90cm, à travers lequel pourront être passées des sangles pour le maintien.
  • _ Sur chaque face, encollées à la néoprène, seraient collées des plaques de mousse type evazote, plastazote ou même EVA (cette dernière est chère et sans doute trop rigide), de 60-70cmx90-120cm pour au moins 20mm d’épaisseur (préférez 30mm), à travers la face intérieure desquelles il faudra faire passer aussi les sangles pour pouvoir tenir le bouclier.
  • _ un revêtement peinture suffit à créer une surface d’expression pour permettre d’écrire slogans et revendications, et donc de passer « inaperçu » au sein de la manif jusqu’au moment de l’usage.

Son Usage

Pour ce qui est de l’usage, il faut savoir que je n’ai pas imaginé ce système pouvoir servir à lui seul en usage unique. Il est prévu pour permettre à plusieurs personnes équipées de s’interposer SANS VIOLENCE entre des CRS violents et des manifestants pacifiques.

  • _ converger vers l’endroit en groupe, de préférence avec tous (porteurs de boucliers) au moins un binôme voire un trinôme (non-équipés de boucliers) pour éviter de se faire à son tour attraper, et qui pourront, au moment de l’interposition, aider à évacuer les manifestants visés à l’origine.
  • _ interposer les boucliers entre les CRS et les manifestants, et pousser sans violence si nécessaire, de manière a former un mur à notre tour.
  • _ une fois les manifestants relevés et en retrait, former un ligne nette et reculer tranquillement, un pas après l’autre, jusqu’à avoir assez reculé.

Ce système met les porteurs et leur bi/trinôme en danger d’être attrapés, mais pour protéger les autres, ce qui constituerait une simple intervention pour protéger autrui, un acte d’altruisme qu’aucun tribunal ne saurait (normalement) considérer comme un crime.

Mais pour cela, il faut que cela se passe avec une relative non-violence, la tête froide et les gestes aussi précis que possible.
Ces boucliers seraient safe (ne peuvent pas blesser), et donc leur usage seul ou en groupe (SANS AUTRE USTENSILE DE TYPE MATRAQUE, MÊME EN MOUSSE) ne saurait être constitutif d’une attaque délibérée des forces de l’ordre, ni de l’usage avéré d’une arme contre eux.

Les Limites et les dangers

En revanche, à l’instar des sacs, ceintures, foulards, vêtements trop amples, etc. ils constituent une accroche pour les CRS pour tirer les porteurs à eux, et les interpeller. N’ayant jamais été utilisés, on ne sais pas comment ce genre de défense, pensée pour être non-violente, sera considérée par les force de l’ordre et les tribunaux.

De plus, leur usage ne pourra pas se faire « instinctivement », mais nécessitera un léger entrainement. Il faut, comme je l’ai dit plus haut, garder son sang-froid lors des actions et la clé de l’usage de tels boucliers se trouve dans une totale collaboration de leurs porteurs et de leur seconds-de-lignes. J’ai souvent vu des lignes de bouclier en GN lâcher par manque de coordination.

Il faut voir aussi l’aspect sécurité, pour que le bouclier anti-CRS ne devienne pas dangereux pour ceux qu’on tente de sauver. il faut être vigilant à ne pas donner de coups de boucliers aux manifestants tout en évitant les coups de matraque, les tractions des seconds-de-ligne d’en face, etc.

L’usage de ce genre de dispositif devra peut-être s’adjoindre de masques respiratoires, ou au moins de masque de protection pour les yeux (en cas de réponse à la bombe au poivre ou de lacrymo), mais pour cela, je préfère ne pas m’avancer, n’ayant pas moi-même été confronté à ces dispositifs précis.

Enfin, garder à l’esprit qu’il s’agit d’une réflexion sur des moyens non-violents de lutter ensemble contre le pouvoir illégitime en place et leurs chiens de garde, qui nous insultent, nous frappent, nous brisent et ne voient en nous que des délinquants.

Je ne suis pas certain qu’un jour, nous ne devrons pas nous battre réellement, à armes égales, contre eux, et même si j’espère qu’on en arrivera jamais là, chaque manifestation réprimée violemment, chaque policier qui entre dans une AG pour sortir tout le monde et interpeller les meneurs des mouvements, chaque citation dans les médias de nos mouvements comme « contestation juvénile », « fauteurs de troubles », « assaillants des forces de l’ordre » ... chacune de ces actions pousse de plus en plus vers la nécessité d’une vraie révolte qui risque chaque fois de devenir plus violente en réponse à leur violence aveugle.

En attendant ce jour fatidique, ce genre d’idées pourrait être le point de départ de la formation d’une réponse adéquate et mesurée à leurs moyens violents. Une réponse constituée de groupes de soigneurs, de groupes de protecteurs, de groupes de communication, permettant, spontanément peut-être, de se protéger les uns les autres et de prouver qu’on reste unis vers un même objectif : le Monde ou Rien.

Kaht

P.-S.

Ce post est destiné à être une base de réflexion sur des moyens pacifiques et collaboratifs de contrebalancer le pouvoir violent des polices anti-émeutes. Je lance mon idée et espère qu’elle fera des émules pour permettre de vraiment contrebalancer cette violence à laquelle nous sommes confrontés en manifs spontanées face au pouvoir oligarchique en place qui voit dans la contestation une négation de sa légitimité alors qu’ils n’en ont de toute manière aucune.

Il ne s’agit pas d’un appel à la réponse violente.
Il s’agit d’un post libre et collaboratif, je n’en réclame aucune reconnaissance, pas même de nécessité de citation. J’espère juste apporter ma pierre à l’édifice d’une juste et profonde contestation pour mener à une vraie victoire et à la reconnaissance de droits humains libres, égaux, fraternels et inaliénables.

Merci d’avoir lu, merci par avance de vos réactions.

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  • Le 26 mars 2016 à 13:32, par bernard

    y a pas de débat entre violence et non-violence, c’est les mots du pouvoir pour diviser ceux qui luttent contre. la violence c’est rien d’autre que s’exprimer en cherchant à se faire entendre et à faire entendre ses sentiments. la vraie différence elle se fait dans l’usage : est-ce qu’on est violent pour contraindre quelqu’un à faire ce qu’on veut ou lui interdire de faire quelque chose, ou est-ce qu’on est violent pour résister à quelqu’un qui tente de nous diriger ?
    étant donné qu’on est la classe exploitée et que les institutions sont ce qui permettent à cette domination qu’on subit de perdurer et que c’est une agression quotidienne parfois très mal vécue, chacun de nos coups contre elles ou ses représentations / représentants est forcément une réponse : de la légitime défense (en tout cas de la défense contre un modèle social illégitime). Tant que notre violence se dirige contre le capitalisme elle est légitime pour moi et toute condamnation morale de celle-ci est réactionnaire.

  • Le 25 mars 2016 à 22:00, par Interesse

    Bonsoir Kaht,
    Je trouve ton idée très intéressante car ça fait depuis longtemps que je pense à la mise en place de ce type d’organisation/matériel lors de manifestations. Je serais content de pouvoir t’apporter mon soutien technique, logistique ou juste humain à la réalisation de cette idée. Tu peux me contacter via cette adresse temporaire : ef1458938639uqx@mail-temporaire.fr

    Vis-à-vis du débat sur l’utilisation de la force (je pense que le terme violence est différent) lors d’une manifestation je pense également qu’il faut savoir prendre du recul avant de s’en servir et que simplement taper sur des boucliers peut plus facilement nuire que servir la cause. En revanche je suis également convaincu que la non-violence comme principe inébranlable est une idée perverse qu’il faut combattre.
    Où placer le curseur est un choix assez difficile qui, je pense, explique les avis souvent très tranchés entre les `violent⋅es` et les `non-violent⋅es`. Je n’ai pas de réponse toute faite à cette question mais je pense qu’il faut garder en tête la stratégie globale de notre action qui parfois nécessite le recours à la force mais qui dans certains cas gagne à être défendue plus pacifiquement.
    C’est la coordination de ces deux types d’actions qui je l’espère pourra nous permettre d’obtenir un changement réel et durable de notre société.

  • Le 24 mars 2016 à 21:49, par Kaht

    Comme l’a souligné « un autre casseur » : je n’ai en aucun cas cherché à « donné des leçons » à qui que ce soit, ni demandé par la présente à ceux qui ont décidé que la violence était leur moyen d’action d’y renoncer.
    Quand moi je manifeste, personnellement je suis près à me battre si nécessaire, mais je préfère garder cette alternative comme un dernier recours. C’est ma philosophie, et je ne pense pas que quiconque puisse me cracher dessus pour ce qui est de ces convictions, autant que je ne crache pas sur « les casseurs », même si je désapprouve le recours systématique à la violence comme moyen de lutte.

    Mon article est simplement un appel à la réflexion pour des moyens de lutte communs, visant à protéger les autres et nous-mêmes des violences policières. Il s’agit d’un principe d’entraide et de protection mutuelle, et il me semble que cet aspect ne peut être critiqué. Si des manifestants désirent ne pas recourir à la violence, j’aime à penser qu’il est de l’ordre du droit, voir du devoir civique et humain, de ceux qui « savent » se servir de moyens de défense organisés comme ce que je décrit, d’en user si ils le peuvent pour protéger ces manifestants pacifiques.
    Le principe de mon article est de proposer l’entraide, la protection, sans rétribution ni conditions.

    Je ne suis ni un donneur de leçons (je n’ai pas la science infuse et ne prétends pas détenir la vérité), ni un professionnel (mais un amateur conscient et entrainé au maniement de certaines armes/armures), et je ne cherche à empecher personne de vivre selon ses convictions, tant que celles-ci ne s’opposent ni à la liberté d’autrui, ni ne cherchent à imposer un comportement contraire à ses convictions.

    Merci « Un autre casseur » d’avoir bien saisi mon intention. Merci PinPin d’avoir su voir « quelque chose à creuser » même si, de mon point de vue, l’idée de répondre à la violence par la violence ne peut résoudre le problème (mais j’ai précisé dans la fin de mon article que j’étais conscient, à mon regret, que le jour arrivera où je devrais laisser tomber mes réserves et lutter à armes égales et force égale, comme tous, pour reprendre nos libertés).
    Par contre, « une casseuse », navré d’avoir froissé ta sensibilité. Ta réaction semble me montrer que les divergences d’opinion sur la manière de lutter, même quand on est du même coté de la barrière sociale, l’emportent sur l’entraide. C’est dommage. « Ras-du-front » me semble en revanche antonymique, puisque justement, la réponse uniquement violente est ce qui correspond à la définition de « bas du front ». Si les modérateurs ont validé mon article après discussion, c’était peut-être parce qu’il y a de bonnes raisons, mais peut-être aussi me suis-je trompé d’endroit pour poster mes reflexions.
    Peut-être que, finalement, malgré nos convictions de devoir lutter contre un même ennemis, cela ne fait pas de nous des camarades. Auquel cas, navré d’avoir cru pouvoir partager entre égaux. Si selon toi la violence l’emporte sur tout, en effet, nous ne pourront pas nous entendre. Même alors que je n’ai pas prétendu donner des leçons à ceux qui pensent ainsi.

  • Le 24 mars 2016 à 13:40, par PinPin

    Je pense que ça peut surtout servir en défense, de ceux qui attaquent ! Ca a été fait à Nantes il y a pas si longtemps lors d’une manif contre l’Etat d’urgence : 7-8 personnes avaient des boucliers, se mettant devant les flics qui commençaient à charger pendant que les autres pétaient banques et autres saloperies. Les flics ne savaient pas comment réagir et ça a plutôt bien marché j’ai l’impression (après je crois qu’ils se sont fait choppés leur boucliers à la fin, mais je ne sais pas s’il y a eu des interpellations). Après ils étaient plutôt pas mal mobiles, et il faut s’attendre à ce que les flics s’adaptent rapidement, mais c’est une idée à creuser en tout cas.

    Utilisé dans une technique « pacifique » par contre me semble faire perdre son potentiel, mais bon chacun sa technique (même si le pacifisme j’y crois plus, les flics ne méritent pas tant d’égards) tant que les pacifistes respectent également la violence et viennent pas faire des leçons de morales...

  • Le 23 mars 2016 à 20:41, par un autre casseur

    Article fort intéressant dans des stratégie de luttes à employer lors de manifestation.

    Pour répondre au commentaire précédent : c’est le choix de la personne qui a écrit l’article d’utiliser une stratégie de défense plutôt que d’attaque, attention à ne pas rentrer également lorsque l’on est partisan d’une stratégie offensive en opposition aux autres moyens d’action.

    C’est en effet ce que l’on demande et souhaite dans les deux sens car comme toi j’ose imaginer, j’ai reçu des injonctions à enlever ce qui me sert à cacher mon visage ou à arrêter de rendre aux flics ce qu’ils méritent. Or dans ce texte je ne vois pas d’appel à arrêter l’offensive seulement des méthodes parallèles qui pourraient d’ailleurs bien nous être utile.

    J’espère en tout cas ne pas me tromper sur les intentions de l’auteur.

  • Le 23 mars 2016 à 15:51, par une casseuse

    Et vu que nous quand on prend des boucliers, improvisés ou préparés, avec des panneaux de travaux, des couvercles de poubelle ou autre, c’est pour nous affronter à la police, t’as prévu quoi vis-à-vis de nous ?
    Tu comptes nous empêcher de nous affronter avec les flics parce que t’es encore bloqué dans l’idéologie stérile de la non-violence ?
    Ça risque d’être plutôt drôle… Mais ça me fait plus trop rire en fait.

    Si tu veux faire des boucliers, et apprendre aux gens à s’en servir, c’est trop bien. Vraiment. Mais commence pas à donner des leçons sur comment c’est bien de s’en servir, parce qu’on va pas réussir à s’entendre.

    La non-violence et le « pacifisme » protègent l’État et le système contre un débordement qui les mettraient vraiment en danger. C’est vraiment lourdingue de lire des trucs aussi ras du front sur rebellyon. Je sais que c’est le mouvement, mais ça justifie peut-être pas de passer n’importe quoi…

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