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MEXIQUE  
Publié le 15 avril 2007 | Maj le 13 décembre 2020

Initiation d’un novice en terre zapatiste


Le 1er Janvier 1994, date de l’application de l’ALENA (accord de libre échange entre le Canada, les Etats- Unis et le Mexique), l’EZLN (Ejercito Zapatista Liberacion National-Armée Zapatiste de Libération Nationale), décidait d’apparaître publiquement dans les rues de San Cristobal de Las Casas. Les peuples indigènes du Chiapas sortaient ainsi de l’ombre.

Le Comité de Solidarité avec les Peuples du Chiappas en Lutte (CSPCL) se crée à Paris début 95 : je m’intéresse à ses activités à travers la lettre d’infos Ya Basta ! pendant quelques mois.

En 2002, Echanges Solidaires se charge, en France, d’importer du café rebelle et zapatiste, récolté sur les terres zapatistes : je suis avec intérêt cette solidarité mise en place.
Aussi, quand au début de l’année, j’apprends que 2 membres du Comité, Isabelle et RV, qui n’en sont pas à leur premier voyage, ont décidé d’aller au Chiapas, je me joins à eux.

Depuis plus de 10 ans, j’ai suivi ce qui se passait d’une manière assez dilettante et c’est donc pour moi une initiation aux idées zapatistes sur le terrain.

Mon séjour (il ne va durer que 16 jours sur place, ce qui est très peu) sera divisé en 3 parties.

Notre arrivée à San Cristobal permet, pour les compas du Comité, de reprendre contact avec toutes les personnes impliquées dans le soutien aux zapatistes et ainsi d’avoir une idée de l’atmosphère générale de la situation.
Les animateurs de l’association Promedios nous parlent de la formation qu’ils délivrent auprès des compas dans les communautés zapatistes : ainsi, les zapatistes réalisent eux mêmes leurs propres films dans une perspective d’autonomie audiovisuelle.
Nous rencontrons aussi des Allemandes et un Italien qui, à travers d’autres structures, importent également du café en soutien aux communautés zapatistes.
Mais ce qui occupe aussi les esprits : c’est la reprise de l’Autre Campagne qui a recommencé à la fin mars. Marcos et les zapatistes avaient lancé cette initiative pendant la campagne présidentielle de l’année 2006. Ils avaient décidé de l’interrompre en mai, après la terrible répression d’Attenco (commune rebelle de la banlieue de Mexico) le lendemain d’un meeting tenu par l’Autre Campagne.

Le projet d’Isabelle est d’animer une activité de peinture dans les écoles autonomes et également de projeter des films (gravés sur le disque de son ordi portable), à l’aide d’un vidéoprojecteur de petite taille et d’un écran.
Quant à l’autre mission , c’est d’amener l’argent récolté de différentes solidarités (bénéfice du café, vente de DVD, ....) dans les différents Caracoles.

La zone zapatiste, qui s’étend sur plusieurs milliers de km2, est divisée en 5 Caracoles (Oventic, Moreilia, Roberto Barrios, La Realidad, La Garrucha). Il faut de nombreuses heures, voire 2 jours de voyage, depuis San Cristobal pour en rejoindre certains.
Pour visiter des zapatistes, on passe obligatoirement par le Caracol. C’est une sorte de préfecture où on est reçu par la Junta da Buen Gobierno-Groupe de Bon Gouvernement, après avoir été accueillis par le Comision de Vigilancia qui prend soin d’enregistrer nos identités et nos motifs de visites. La particularité de fonctionnement est que les membres de la Junta (qui comprend quelques dizaines de personnes, suivant les Caracoles) changent régulièrement (toutes les semaines ou tous les mois suivant que l’éloignement des communautés de vie du Caracol). Ce qui veut dire en pratique, que lorsque tu exposes ton projet à une Junta (en général 3 personnes), elle demande souvent un délai de réflexion, le temps de consulter les autres membres non présents ce jour-là. Lorsque tu reviens quelques jours plus tard, tu ne vas probablement pas t’adresser aux mêmes personnes, ce qui peut être déroutant quelquefois, mais c’est dans l’optique de recherche du Bon Gouvernement. Une fois cet accord donné, la Junta te délivre « un laissez passer » te permettant ainsi de mener à bien ton projet ou ta rencontre. Les femmes sont également très impliquées dans l’organisation exactement au même titre que les hommes : les Juntas sont « paritaires ».
Ensuite tu peux aller dans un Municipe Autonome, rattaché à un des 5 Caracoles, (leurs nombres varient suivant les Caracoles) qui fonctionne également avec des responsables « qui tournent ». C’est souvent là que se trouvent une école autonome zapatiste : les élèves y viennent (ils dorment sur place, tant pour l’éloignement que pour vivre ensemble) souvent pour une remise à niveau scolaire. Les programmes sont élaborés par les seuls zapatistes qui éditent leurs propres ouvrages. Les « promoteurs ou promotrices » sont des élèves qui enseignent aux autres élèves. Une « équipe » de mères ou de sœurs s’occupent de la préparation des repas (tortillas, haricots rouges et riz sont cuisinés sur place).
Dans tous ces lieux, les bâtiments (en bois ou en béton) sont recouverts de fresques et de slogans à la gloire de l’autonomie, de la liberté et de l’EZLN.
Lors de notre séjour dans un des Municipes Autonomes, nous avons pu constater l’absence d’eau courante : celle-ci provient essentiellement de la récupération des eaux de pluie dans des tanks et sert à tout (alimentation, toilette, lavage, arrosage...). D’ailleurs presque tous les WC sont des toilettes sèches.
Le projet d’animer les classes en faisant peindre les élèves est super bien accueilli : çà se fera souvent en plein air, ensuite en fin d’après midi pour les plus jeunes et en soirée pour les adultes, des films seront projetés (par ex des films mexicains de B. Traven, Tierra y Libertad de Ken Loach, des films de Buster Keaton, Princesse Monokee ou encore un film sur la réquisition des enfants soldats au Salvador ou enfin un film sur la répression de la Commune Libre d’Oaxaca....).
Ces 7 jours dans ces endroits m’ont permis de rencontrer ces zapatistes ou filles et fils de zapatistes qui mettent en pratique, quotidiennement leurs idées révolutionnaires.

Dans les 2 derniers jours de mon séjour, nous avons rejoint un groupe composé de Mexicains, d’Allemands, d’Espagnols de la CGT-E, d’Américains du Nord. Nous rencontrerons dans 2 municipes autonomes (Vincento Guerrero et Olga Isabel) ses responsables qui nous expliquent les agressions que subissent certaines communautés de la part des para-militaires et de membres de l’OPPDIC. Ceux-ci veulent récupérer des terres, pour la plupart réquisitionnées tous ensemble en 1994, et qu’ils affirment maintenant leur appartenir à eux seuls. Une tension de plus en plus grande se fait sentir sur certaines terres zapatistes.(lire à ce sujet les comptes rendus sur le site Internet du CSPCL).

Je quitte à regret mes compagnons qui rejoignent une nouvelle fois cette « brigade internationale d’observation ».

Dans le Caracol d’Oventic, il existe une école de langues où il est possible d’apprendre l’espagnol avec des zapatistes.

Marius Bouvier
Avril 2007

Contacts du CSPCL : http://cspcl.ouvaton.org ou 33 rue des Vignoles 75020 Paris
Les Éditions de l’Insomniaque et le mensuel CQFD ont réalisé un hors série « La Commune Libre d’Oaxaca ». 3€ à commander auprès de CQFD
Promedios réalise des films : http://www.promediosmexico.org
La brochure n°6 (1,50€) éditée par l’association Culture de Classe (44 rue Burdeau 69001), « Un peu de Zapatisme.... » par Maïlys approfondit l’organisation des bases de soutien zapatistes. (http://www.culturedeclasse.propagan...)
lire également : EZLN 20 et 10 Le Feu et la Parole de Gloria Munoz Raminez, 312 pages, 15€ aux Editions Nautilus

Un exemple de solidarité : le Café Rebelle et Zapatiste

Le café est acheté, après autorisation donnée par les Junta, à une ou plusieurs coopératives de producteurs. En France, il est pré-payé par les futur-e-s consommateurs-trices, cet argent est ensuite versé aux coopératives, puis aux producteurs. Le prix fixé à l’achat est supérieur à ce que leur versent les « coyottes », les acheteurs traditionnels ou même celui que leur paye le « commerce équitable », comme Max Havelard. Le café est ensuite acheminé par cargo vers Le Havre où un torréfacteur le transforme, puis envoyé aux différent-e-s consommateurs-trices. La particularité de cet échange est qu’il est totalement solidaire : la différence (environ 1/3 du prix du café) entre le prix de vente et tous les frais est intégralement reversée à toutes et tous les zapatistes, producteurs ou non de café. L’argent est remis aux 5 Caracols par l’intermédiaire des Juntas, qui décident de son affectation. Il n’y a aucune condition pour que leur soit remis cet argent.
En 2006, environ 12 tonnes de café ont été acheminées en France.
L’arrivage pour 2007 est prévu à la mi-juin.

Contacts cafésolidaire[AT]no-log.org ou auprès des Comités Chiapas ou la CNT de votre ville.


Proposé par elian
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