Je voudrais une année de rareté.
Je veux dire une année où l’accumulation des marchandises absurdes, l’empilement des idées trop simples, l’épandage rampant et gluant des interdits mystico-policiers, l’abattage des faibles et des isolés, se raréfie chaque jour un peu plus.
Une année où la vidéosurveillance de notre intimité s’évanouisse dans le néant qui habite ses adorateurs.
Une année où on cesse de battre monnaie sur nos corps et sur le souffle des mourants.
Je voudrais une année de chômage pour la télévision, cette implacable police de la pensée.
Je veux dire que je voudrais une année où les humains parlent aux humains. Je veux vous parler sans savoir auparavant d’où vous venez. Je veux que vous me l’appreniez vous-même. Vous et moi, nous ne sommes pas des parts de marché, mais des esprits et des corps tremblants de vie.
Que tous le sachent.
Je voudrais une année de feu et de lumière, où il fasse chaud vivre le même monde que vous, et que cette chaleur fasse fondre ces cours gelés, et que cette lumière venue de la rencontre des humains éclaire l’obscurité jusqu’à l’horizon. Je voudrais une année où la peur de l’autre et la haine de l’étranger, ces deux faces du même monstre, se racornissent, se calcinent à notre flamme.
Je voudrais une année dont notre mémoire puisse avoir soif tranquille.
Cette année encore, je vous parle. Parlons-nous, dépouillés des oripeaux du pouvoir et de la méfiance, heureux, dans la nudité des sentiments.
/ source : « La Gazette » n°10 de la librairie A PLUS D’UN TITRE
4, quai de la Pêcherie Lyon 1er
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