Depuis la rentrée, c’est une avalanche de peines planchers qui ensevelit les prévenus qui passent en comparutions immédiates. Si les étudiant.es s’en sortent relativement bien lorsqu’ils comparaissent, c’est une autre histoire quand il s’agit des sans-culottes ou précaires des quartiers populaires. Avec les comparutions immédiates, la justice s’est transformée en justice d’abattage, avec les peines plancher, elle se transforme en boucherie.
Voici les cartons du juge de la salle G du tribunal correctionnel, ce 26 novembre :
1 an et demi de prison ferme avec mandat de dépôt [1] pour un jeune majeur de 19 ans entré par effraction dans un hôtel (pour boire des coups avec ses potes). Le procureur, fan de peines planchers, demandait 3 ans ferme.
3 mois de prison ferme avec mandat de dépôt pour un demandeur d’asile qui refuse d’embarquer dans l’avion qui le ramène dans son pays en guerre. Le procureur le traite d’énergumène.
3 mois de prison ferme avec mandat de dépôt pour un jeune demandeur d’asile iranien de 18 ans, fraichement arrivé, qui refuse de se plier à la fouille au corps, croyant qu’il s’agit d’une agression sexuelle. Le procureur ne peut pas s’empêcher de lâcher un « c’est aux étrangers de s’adapter à nos cultures et pas l’inverse », en n’oubliant pas de mentionner que c’est ce qu’il fait quand il part en vacances ! Triste procureur qui ne fait pas la différence entre partir en vacances et fuir son pays. L’avocat démontrera dans cette affaire que les policiers ont menti sur leurs procès verbaux au sujet du prélévement des empreintes digitales (soi-disant refusé par le jeune homme).
3 ans de prison ferme avec mandat de dépôt pour un poivrot de 57 ans, en Cotorep et en traitement pour un cancer, qui a tenté de mettre trois sous et un flacon de parfum dans sa poche, malgré les gesticulations de son avocat pour signaler que la prison n’est pas adaptée pour son client au vu de son état de santé. C’est la peine plancher pour la tire.
4 mois de prison ferme avec mandat de dépôt pour un toxico de 20 ans qui vient chourrer des cachetons à l’Hôtel Dieu ; il rend tout aux vigiles qui l’interpellent. Le procureur prècise « dans l’intérêt du prévenu » alors que c’est une cure de désintoxication qu’il faut au jeune tox.
10 mois de prison ferme avec mandat de dépôt pour un jeune homme qui a tenté de faire passer un téléphone portable à un prisonnier de St Paul. Le proc’ lache un « trop c’est trop » pour justifier ses réquisitions contre le jeune homme dont le seul tort est d’avoir tenté de filer un téléphone à un copain emprisonné.
10 mois de prison ferme avec mandat de dépôt pour un jeune homme au casier judiciaire vierge, qui tente de séparer deux personnes en conflit et pousse l’une d’entre elles, qui se fait mal en tombant. Le procureur demande 1 an ferme.
3 mois de prison avec mandat de dépôt pour un jeune de 20 ans sans papiers qui travaille au noir, et un an d’interdiction du territoire "national". Le procureur demandait 8 mois de prison et une interdiction du territoire pour 3 ans.
La plupart des réquisitions des procureurs des comparutions immédiates sont inhumaines et violentes [2]. Quand un procureur sort du lot, c’est le juge qui le rappelle à l’ordre pour qu’il requière des peines planchers, comme ça s’est passé la semaine d’avant : « si vous n’appliquez pas les peines planchers, le parquet fera appel ! » a hurlé le juge, en coupant le procureur qui témoignait d’un peu d’égalité dans ses réquisitions .
Peu de temps après, à la même audience, c’est l’avocat qui plaide que la loi a prévu pour des cas très rares que la peine plancher ne s’applique pas (c’est le cas de son client) qui est coupé par le hurlement du juge : « C’est la ministre de la justice qui demande aux parquets de faire appel lorsqu’il n’y a pas d’application des peines planchers ! Et vous ne connaissez pas les statistiques sur les appels du parquet ! » L’avocat expliquera dans le calme que si le parquet faisait appel, il plaiderait exactement la même défense en appel.
C’est aux ordres d’un pouvoir libéral violent que les procureurs et les juges se plient, s’abaissent, pour devenir instrument de répression et de violence contre les sans-culottes et les précaires des quartiers populaires.
Compléments d'info à l'article
Proposer un complément d'info