Les banlieues en feu, le spectacle au milieu

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Partant du rejet de la discrimination, de la répression policière, des expulsions, de l’ensemble de la vie qui leur est faite, ceux qui tournent en rond dans la nuit, dévorés par la rage, ont esquissé la disparition de cette société [...] Toute une génération vient de découvrir que ce monde est à la merci d’une allumette. Elle ne l’oubliera pas...

« [...] Nous ne sommes rien soyons tout : c’est l’État qui est ouvertement remis en cause par cette fraction la plus pauvre du prolétariat, lorsque ses symboles qui l’évoquent de près ou de loin sont attaqués et consumés. Partant du rejet de la discrimination, de la répression policière, des expulsions, de l’ensemble de la vie qui leur est faite, ceux qui tournent en rond dans la nuit, dévorés par la rage, ont esquissé la disparition de cette société, gageant qu’elle ne soit bientôt plus qu’un lointain souvenir : mairies, McDo, entrepôts, les cahiers au feu l’école au milieu. Ils ont amorcé objectivement, à travers la consumation de tout ce décor en toc de la société spectaculaire marchande, la critique en actes de son urbanisme, de sa survie précarisée, de ses médias (on n’oubliera pas de sitôt ces journalistes qui rasaient les murs, accompagnés le plus souvent de gardes du corps), de ses vitrines, de ses banques et de sa voiture, cette marchandise vedette de la société de consommation.

[...] La fausse conscience politicienne pourra trouver mille défauts à cette jeunesse perdue, qui sont grosso modo ceux dont on a affublé historiquement les pauvres à diverses époques du passé. Mais pour la critique radicale il ne s’agit pas de moraliser sur les révoltés ou de les juger, en se plaignant d’une violence contradictoire, ou en la condamnant dans l’abstrait (à ceux qui n’ont pas compris le rôle de la violence dans l’histoire, nous n’avons rien à dire) ; il s’agit d’exprimer ce qui a déjà été fait, comme ce qui pourrait se faire plus efficacement lorsque toutes les limites qui sont encore dans les têtes auront été dépassées, lorsque la jonction se fera avec tous les pauvres, avec l’ensemble du salariat. C’est ce système qui engendre la révolte. “Il ne s’agit pas de ce que tel ou tel prolétaire ou même le prolétariat entier se représente à un moment comme le but. Il s’agit de ce qu’est le prolétariat et de ce que, conformément à son être, il sera historiquement contraint de faire.” (Marx.)

[...] L’État n’a eu qu’une seule hantise, l’extension à d’autres secteurs de la société, la jonction avec d’autres luttes sociales. [...] Mais lorsque ceux qui n’ont aucun pouvoir sur l’emploi de leur vie en sont à ce stade de conscience pratique, on peut imaginer que les diverses mesures (le couvre feu et l’état d’urgence, le service civil volontaire ou la punition du travail à quatorze ans, ou encore les moyens financiers débloqués, les tentatives de réforme et autres palliatifs) seront de peu d’effet ou d’un effet limité. Tôt ou tard il y aura de nouveaux départs de feu (c’est un risque structurel, affirment désormais les assureurs) ; car les causes de ces incendies et de ces révoltes sont impossibles à éliminer dans le système socio-économique présent, elles en sont même la base. Ce que la fausse conscience dominante ne peut admettre, c’est que les divisions entre riches et pauvres, comme l’ensemble des aliénations qui rongent notre vie, ne disparaîtront qu’avec la liquidation sociale généralisée. Sur cette voie les insurgés de novembre sont bien le négatif à l’œuvre, “le mauvais côté qui produit le mouvement qui fait l’histoire en constituant la lutte” (Misère de la philosophie).

[...] Toute une génération vient de découvrir que ce monde est à la merci d’une allumette. Elle ne l’oubliera pas. [...] »

Le fin mot de l’Histoire, novembre 2005.

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