Lettres de Laurent Orsini depuis le quartier d’isolement de Corbas

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Des nouvelles de Laurent Orsini, incarcéré à la Maison d’arrêt de Varces, transféré au quartier d’isolement à Corbas suite à un acte de rébellion, et maintenant interné à l’Unité pour Malades Difficiles de l’hopital de Montfavet (Avignon).

Au mois de mai dernier, le Dauphiné Libéré parle d’une « prise d’otage » à la prison de Varces. Ils disent :

« Vers 17h, un détenu a en effet profité d’une visite programmée à l’Unité de Consultation et de Soins Ambulatoires pour menacer le personnel médical à l’aide d’une arme blanche. Une arme artisanale fabriquée avec une lame de rasoir. Le détenu, un homme suivi pour des problèmes psychiatriques a alors réclamé qu’on lui donne des médicaments. Le personnel médical a néanmoins réussi à quitter l’UCSA où le détenu s’est retrouvé seul avec un surveillant qu’il a pris en otage. Retranché dans une salle, le forcené aurait alors ingurgité une importante quantité de médicaments. Le surveillant aurait alors ensuite réussi à lui échapper, et à quitter la pièce. Plusieurs surveillants sont alors intervenus, et sont parvenus à maitriser le détenu, visiblement sous l’effet des médicaments qu’il venait d’avaler. La prise d’otage aura donc finalement duré une demi heure environ. Le forcené a ensuite été pris en charge par une équipe du samu, appelé sur place, en transporté au CHU michallon de la tronche. Aucun élément concernant son état de santé n’était connu hier soir. Selon nos informations, il s’agirait de Laurent Orsini, un homme de 40 ans mis en examen et placé sous mandat de dépôt (...) dans le cadre d’une affaire datant de juin 2010. Deux jours apres son incarcération, Laurent Orsini avait tenté de mettre le feu à sa cellule ».

Le journal présente les faits de manière racoleuse : le prisonnier est présenté comme un forcené, comme si son acte de révolte était pathologique, et pas celui de n’importe quelle personne enfermée qui pose un acte de rebellion contre l’autorité, avec les moyens possibles dans ce contexte. Laurent Orsini a écrit pour expliquer ce qui s’est passé, et quelle est sa situation maintenant. Il souhaite que ces faits soient rendus publics, et diffusés au maximum. Voici donc des extraits de ses lettres datant du mois de juin et juillet, relayés par l’émission anticarcérale « les murs ont des oreilles », diffusée le 3e mercredi de chaque mois à 19h sur Radio Kaléidoscope, à Grenoble sur 97FM.

« Je partage avec vous ce qui s’est passé à la maison d’arrêt de Varces. En fait il s’agit d’une tentative de suicide encore ratée, je dis encore car ce n’est pas ma première TS. J’ai perdu mon épouse en 2003. Je l’aimais beaucoup au point de vouloir la rejoindre (…). Ce qui s’est passé à Varces maintenant, c’est pour la même raison.

Je suis incarcéré pour avoir tué un pauvre type qui a fait le voyou avec moi, et j’ai perdu la raison. Par la suite du meurtre, j’ai fait une nouvelle TS ratée encore une fois. Je sortais de 41 mois d’incarcération aux Baumettes à Marseille. Ils m’ont laissé sortir sans aucun projet, et j’ai pas tenu 15 jours avant le meurtre. Donc je pars de nouveau pour une très très longue incarcération, et ça je ne pourrai le supporter...

C’est comme ça que mon idée de nouvelle TS a commencé à Varces. J’ai fait un stockage de 160 comprimés de 100 mg de tercian, afin de passer à l’acte. Mais le jour où je décide que j’en avais assez, du tercian, pour partir, j’étais décidé à partir ce soir là... mais un gars de mon étage m’a balancé. Ils m’ont fait une fouille, et ont trouvé rapidement ma cachette. Ils m’ont pris mon dernier espoir de rejoindre mon épouse, et j’ai pété les plombs...

Voilà comment ça a commencé. J’ai donc tout fait pour me retrouver à l’infirmerie, bien décidé à reprendre mes médicaments afin d’en finir avec la vie. Donc là j’ai essayé d’attraper quelqu’un derrière le bureau de l’infirmerie. Ce surveillant s’est mis en travers de mon chemin... je l’ai saisi, je l’ai retourné devant moi, et je lui ai mis une lame que j’avais fabriquée sur la carotide, en essayant de ne pas le blesser. Je voulais juste reprendre mes médicaments. Je lui ai même parlé pour le rassurer, je lui ai dit qu’il ne lui arriverait rien, qu’il fallait juste qu’il m’aide à mourir. Je lui ai donc demandé, pendant que je le tenais en respect avec ma lame de me faire gober tous les médicaments que j’ai trouvés à l’infirmerie, afin de me donner la mort.. je lui ai dit de faire juste ce que je lui demandais, et que tout se passerait bien, qu’il toucherait une pension pour ça, qu’il n’y aurait pas de problème s’il faisait ce que je lui demandais. Qu’apres il n’avait pas à s’inquiéter pour sa famille, qu’il allait les revoir ce soir sans problème. Alors il s’est exécuté, ça a peut être duré une demi-heure pour qu’il me fasse gober le maximum de médicaments. Au bout d’un moment, j’ai décidé que c’était bon, que j’aurais mon compte avec ce que je venais d’ingurgiter. Je l’ai alors relâché, je l’ai laissé rejoindre ses camarades, puis apres c’es le trou noir.

Je me suis réveillé attaché à un lit d’hôpital trois jours plus tard. Je ne sais pas pourquoi ils m’ont envoyé aussi loin, au point de me faire quitter la région. Je me rends compte que c’est grave ce que j’ai fait, mais de là à m’envoyer dans un trou.... Là ils m’ont placé pour un durée indeterminée dans un quartier d’isolement, où vous ne voyez personne. A Lyon Corbas, je suis en train de péter les plombs. Il y a d’autres prisons en Isère que Varces, pourquoi m’envoyer au bout du monde ? Moi je suis du sud, ici je suis paumé. Ca m’enlève pas les idées noires, ça les empire, et ils ont l’air partis pour me laisser dans ce trou. Pourquoi ? »

« Je suis toujours au QI et je ne suis pas prêt d’en sortir d’après ce qu’on me dit ici à Corbas, (...) je suis bien seul mis à part la correspondance par courrier de quelques amis de Varces qui me soutiennent, je ne vois personne. Je ne vois personne dans la prison, je ne me déplace pas dans la prison, je suis consigné au QI, ça fait que je n’ai de contact avec personne de la prison, personne, les docteurs se déplacent et on se voit dans une salle du QI ! Ni en promenade où tu es seul dans un petit carré avec un grillage sur la tête pendant deux heures. Je ne sors jamais c’est trop triste tout seul ! Je fais du sport tous les jours, je n’ai plus que ça à me rattacher ici !! C’est dur, très dur moralement ! De voir et de parler à personne c’est de la torture. »

« Je vais mieux, je suis juste fatigué d’être enfermé dans ces conditions. En plus c’est dimanche, il fait un temps de chien, il pleut. (…) je ne vois personne, ils m’ont mis DPS, j’ai le droit de rencontrer personne, je suis trop dangereux pour eux ! Ca fait que je ne vois personne, je suis seul 24h sur 24. C’est très pénible pour moi(...). Le psychiatre (…) fait tout pour me faire partir dans un hopital psychiatrique (…) à Avignon. Il cherchent à se débarrasser de moi, en tous cas je le ressens comme ça. Quand il vient me voir, il y a trois surveillants devant la porte. »

Laurent Orsini, ne supportant pas ce qu’il vivait à la prison de Varces, a voulu se suicider. Sa détermination l’a conduit à s’opposer à un maton, pour mener au bout ce qu’il avait décidé. Il paye maintenant chèrement les conséquences de sa confrontation avec les autorités pénitentiaires : il a été transféré au quartier d’isolement de Lyon Corbas, et classé Détenu Particulièrement Signalé, ce qui correspond à une surveillance et un contrôle renforcé.

Au mois de juin, il tente à nouveau de se suicider. Il est maintenant interné à l’Unité pour Malades Difficiles de Montfavet (Avignon) / 2 avenue de la Pinède / 84140 Montfavet / 04 90 03 92 57. Le responsable de cette unité est le docteur Reynaud.

Voici les dernières nouvelles que Laurent donne, en date du 5 aout :

« Ce qui devait arriver arriva ! Ils m’ont transféré à l’hôpital de Montfavet et sans ménagement ! Le 25 juillet j’étais entrain de jouer à ma x box à 10h30 du matin, ils m’ont envoyé les Eris pour me déloger. J’ai été surpris par les forces d’interpellation dont j’ai eu droit. Ils sont entrés dans ma cellule à 5 agents des Eris par surprise, m’ont chargé, menotté puis traîné dans un autre bâtiment que le QI, ils m’ont foutu à poil les mains attachées dans le dos et m’ont fait 2 piqûres dans les fesses pour me transporter dans cet hôpital.

Tout ça parce que j’ai essayé de me suicider au mois de juin ! maintenant je suis interné, j’ai eu droit à mon arrivée à une semaine d’isolement dans une pièce vide, juste un lit au milieu de la pièce, sans drap sur un matelas en plastique, pas de lecture, rien ! Pire qu’un chien ! Maintenant je suis en séquentielle, je sors de ma pièce 2h le matin et 2h l’après midi, le reste du temps c’est dans la pièce. La première semaine j’avais juste droit à 4 cigarettes par jour ! Un traitement inhumain ici, c’est très dur pour moi, j’ai commencé un recours auprès du juge des libertés et de la prison et pris un avocat pour contester cet enfermement que je trouve abusif. Laurent ».

Il existe 5 « Unités pour les Malades Difficiles » en France, ce sont des unités psychiatriques dans les hopitaux, qui fonctionnent comme des prisons, et où sont incarcéré-es certain-es détenu-es considéré-es comme dangereux par l’administration pénitentiaire (c’est à dire principalement les personnes qui s’ataquent à ceux qui les enferment et / ou tentent de s’évader) .

C’est à dire que les UMD font partie, au même titre que les quartiers d’isolement, du système de punition de l’Etat pour obtenir la soumission des individus par la menace et la contrainte. Sous couvert de « soins », les personnes y sont contraintes à suivre des traitements qui peuvent modifier leur comportement, ont des conséquences lourdes et parfois à long terme sur leur personnalité. C’est ce qu’on appelle la camisole chimique...

On peut avoir des infos sur les UMD en lisant le n°23 du journal l’Envolée (disponible sur internet ici), qui revient sur le procès de Philippe El Shennawy, qui s’était évadé de l’UMD de Montfavet en 2004.

Il explique comment le quotidien dans ces établissements conduit à une mort lente, à la destruction de l’individu par le biais des médicaments.

Nous connaissons trop d’histoires de personnes détruites par les traitements des médecins psychiatres, ou oubliées dans ces institutions d’où rien ne filtre.

Nous sommes inquiets pour Laurent Orsini, comme pour toutes les personnes enfermées dans ces institutions. Nous voulons qu’il sorte de l’UMD, du quartier d’isolement, et de la prison, comme tous ceux qui y sont. Ces institutions visent à les détruire ; et à maintenir la peur chez tous ceux qui ne veulent pas plier, dedans comme dehors.

Nous sommes solidaires des gestes de révolte de Laurent Orsini ; car nous voulons la destruction des prisons, des hopitaux psychiatriques, et de tout ce qui enferme. L’administration de l’UMD ne laisse filtrer aucune information, mais il est possible d’écrire à Laurent, et d’appeler le personnel, d’exprimer sa solidarité et sa colère de différents moyens.

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  • Le 4 octobre 2011 à 12:01, par armando84

    Nous avons essayé d’entrer en contact et d’avoir des nouvelles de Laurent Orsini transféré à Montfavet Vaucluse. Nous avons appris qu’il avait quitté Montfavet depuis le 16/18 septembre et qu’il devait être de nouveau à Lyon-Corbas.
    Qui pourrait nous communiquer son adresse actuelle ?

  • Le 5 septembre 2011 à 20:59, par M.

    Pour lui écrire, c’est à quelle adresse ?

    Laurent Orsini
    Malades Difficiles de Montfavet (Avignon) / 2 avenue de la Pinède / 84140 Montfavet

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